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Inventer une "société de la connaissance". Le Japon en comparaison Alain-Marc Rieu, Professeur, Université Jean Moulin Institut d’Asie Orientale (CNRS), Knowledge Society Network
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Le Japon est sorti de sa crise économique et sociale en opérant une immense transition. Cette transition donne un style de développement social et économique, relativement spécifique. Dans la nouvelle répartition de l’économie mondiale, le Japon a une place majeure à jouer qui lui permettra de développer une socio-économie, une autonomie, une indépendance qui lui assureront un taux de croissance beaucoup plus faible qu’auparavant, mais suffisant pour créer, non pas une harmonie sociale, mais un style de développement social et économique qui lui sera propre. Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, le diploweb.com est heureux de vous présenter un extrait des minutes du Point de Veille organisé par International Focus « Chine – Corée – Japon : enjeux technologiques, enjeux stratégiques ». Après l'article du Professeur Alain-Marc Rieu, vous pourrez lire sa discussion avec le général Daniel Schaeffer et leurs réponses à la salle. |
Biographie de l'auteur en bas de page. Mots clés - Key words: alain-marc rieu, professeur à l'université jean moulin, institut d'asie orientale, cnrs, inventer une société de la connaissance, le japon en comparaison, point de veille organisé par international focus le 20 décembre 2006, chine - corée - japon: enjeux technologique, enjeux stratégiques, valérie fert. *
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Je vais me concentrer sur le Japon, partir du Japon pour développer une argumentation sur la situation actuelle. On se trouve aujourd’hui dans une situation hautement spécifique. En effet l’UE a lancé le 7ème PCRD en décembre 2006. Les Japonais, en mars 2006, ont lancé leur 3ème Basic Plan pour la science et la technologie. Donc deux politiques de recherche majeures, d’une échelle mondiale, ont été lancées à quelques mois d’intervalle. Quand on réfléchit à la Chine, à tout ce qui en a été dit depuis ce matin, qu’en ressort-il? La réalité sociale, économique et politique d’un pays façonne de manière extrêmement profonde sa politique de recherche, les objectifs qu’il peut se fixer en la matière. Par ailleurs, comme l’a montré Dominique Foray, il est vrai que d’un point de vue économique il existe des effets d’agglomération dont l’impact est mondial. Il n’en reste pas moins qu’une politique de recherche est d’abord une expression d’un organisation socio-économique donnée. Donc, on peut se demander si la politique de recherche chinoise – au-delà des brevets, des créations d’entreprises et éventuellement de nouveaux produits – est, et restera, contrainte par son cadre socio-économique pendant une durée encore relativement longue.
Politiques de recherche En gros, si l’on parle de la conception et de la réalisation de politiques de recherche ayant un impact mondial, il est trop tôt pour parler de l’impact mondial de politiques de recherche chinoises. Du point de vue de la recherche, la Chine est un sous-traitant et surtout se développe dans un cadre techno-scientifique dont elle ne maîtrise pas les termes. Mais je pense que les chercheurs chinois et les cadres politiques, qui sont souvent de formation scientifique, l’ont compris. Quel est le but aujourd’hui d’une politique de recherche ? C’est essayer, à travers un processus complexe engageant l’éducation, la recherche, l’industrie, l’Etat, de préserver à moyen et long terme l’avantage compétitif des sociétés industrielles, ou de rester dans le groupe des sociétés engagées dans ce processus. Par conséquent, je ne crois pas, personnellement, que la Chine appartienne déjà à cette classe de nations. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que l’Union européenne, par la manière dont elle conçoit sa recherche, soit elle-même parvenue à concevoir sa politique en la matière comme une alternative crédible aux deux politiques de recherche qui dominent aujourd’hui, qui façonnent les échanges économiques et déterminent les relations internationales. Un autre point que j’aimerais évoquer : j’ai vécu à Tokyo de la fin 1992 au début 1996. Je me souviens très bien d’une grande euphorie en 1993 lorsque l’on a appris dans la presse que, le commerce régional en Asie de l’Est était devenu supérieur au commerce de l’Asie de l’Est avec le reste du monde. L’Asie de l’Est avait la preuve qu’elle constituait une dynamique de développement économique endogène. C’est à ce moment qu’en Asie de l’Est, les gens ont pris conscience qu’ils étaient solidaires d’une dynamique historique qui devenait tout à fait essentielle et qu’ils devaient se positionner les uns avec les autres à travers cette dynamique historique. Je rappelle qu’à cette époque-là le Japon était entré en crise. Aujourd’hui, le Japon est dans une situation paradoxale. Officiellement, il n’est plus en crise depuis le printemps 2006. La croissance est repartie, mais son économie reste fragile. Jour après jour, des problèmes émergent à nouveau : les taux d’intérêt, le taux de change du Yen, etc. Ils sont difficiles à régler. Les Japonais savent combien il est nécessaire de soutenir cette reprise fragile. En même temps, il y a une espèce d’euphorie incroyable à Tokyo. Pourquoi ? Parce que le Japon a su, au travers de cette crise, opérer une transition vers une nouvelle socio-économie. C’est une chose assez remarquable, assez unique peut-être. C’est de cela dont je voudrais parler.
Différenciation Les effets d’agglomération aux Etats-Unis sont tels que lorsque l’on vit dans la baie de San Francisco, c’est comme si l’on était dans un autre pays quand on sort de la Silicon Valley vers le sud. Au Sud de Gilroy, c’est comme si un autre pays commençait. Il n’existe qu’au maximum 10 régions (13 dit-on officiellement) de haute technologie aux Etats-Unis. Le problème désormais, c’est ce qui se passe entre ces régions. Les effets d’agglomération ont des contrecoups extrêmement forts. Cette régionalisation intense est actuellement compensée par un nationalisme intense. Pour lutter contre ces effets, le slogan est « declustering society ». C’est une trajectoire, un piège, que les Japonais ont toujours refusé. La politique de recherche japonaise qui s’exprime dans le 3ème plan met en évidence une stratégie de long terme. Il faut revenir sur le moment décisif, la crise de l’énergie en 1973, 1978, 1979. Le Japon n’a pas de matières premières : dans ces années-là, les Japonais comprennent que leur dépendance vis-à-vis des sources d’approvisionnement en énergie est dramatique pour leur développement de long terme. Les Etats-Unis, à la même époque, font une analyse de la situation en fonction de leur socio-économie et s’engagent dans une sécurisation à tout prix de leurs ressources énergétiques. Les Japonais, eux, comprennent que la façon de réagir à la crise énergétique est d’investir massivement dans les technologies qui permettront une restructuration complète de leur économie. Donc, les Japonais vont investir dans la dernière vague technologique de l’époque, c’est-à-dire les technologies de l’information. Ils vont en quelques années restructurer entièrement leur économie sur ces technologies de l’information. Cela va commencer par la robotique, qui s’étendra à toutes les industries, en particulier dans l’automobile. C’est le moment Fanuk (entreprise japonaise « culte » de production de robots industriels par des systèmes eux-mêmes robotisés). Les Etats-Unis vont réagir par une politique très offensive et diversifiée, par des séries de négociation consistant à forcer les Japonais à réduire leurs excédents commerciaux vis-à-vis des Etats-Unis. Les Etats-Unis vont prendre unilatéralement un certain nombre de mesures fortes pour essayer de réduire les bases de l’avance technologique que les Japonais avaient développée, d’autant plus intolérable pour les Etats-Unis que les technologies de l’information sont nées aux Etats-Unis. Les Etats-Unis vont actionner deux leviers qui auront un impact considérable, le premier dépassera largement ce que les Américains avaient pu prévoir. Tout d’abord, la transformation de la législation sur la propriété intellectuelle en 1980 aux conséquences de long terme massives. La deuxième mesure attaquait directement le déficit commercial, d’où les accords de l’Hôtel Plaza à New York en septembre 1985 pour une variation concertée des taux de change, pour négocier une hausse du Yen. En 1987, commencent les effets de la hausse du Yen : tout le système industriel et commercial japonais d’après-guerre est entré en crise. Un dommage collatéral de long terme d’une politique incapable de maîtriser ses effets de long terme fut la crise des économies asiatiques en 1997 qui a eu des conséquences graves en Russie, en Amérique latine, qui faillit provoquer une crise monétaire mondiale.
Que pensent les Japonais? Vous êtes japonais, que faites-vous ? Qu’est-ce que vous pensez ? Vous avez surfé sur la dernière vague technologique. Vous considérez la socio-économie que vous avez su développer. Vous voyez votre grande vague technologique directement menacée par la réaction des Etats-Unis lorsqu’il manipule les taux de change afin de réduire ou maîtriser la compétitivité de leurs partenaires. Cela se passe en 1985. Les Japonais se sont dits alors qu’il leur fallait réduire leur dépendance par rapport aux Etats-Unis (et aux autres), donc qu’il leur fallait s’engager dans la production de la prochaine vague technologique. C’est alors que les élites japonaises proposèrent de créer des « large-scale research politics », des politiques de recherche de grande échelle, d’une ampleur qui n’avait jamais encore existé au Japon. L’objectif était de produire la prochaine vague technologique ou de participer activement à sa formation. Par conséquent, ils investirent massivement dans des programmes, sur tous les grands champs technologiques. D’ailleurs, lorsque furent présentées aujourd’hui d’autres politiques de recherche en Asie de l’Est, y compris en Chine, je me suis aperçu qu’il y avait une coordination surprenante avec les grands plans de recherche japonais. Identification, d’un modèle, son adoption-adaptation est le processus de base de développement d’Asie de l’Est. Donc, les Japonais lancèrent de grandes politiques de recherche année après année avec des investissements colossaux. Lorsque survint la « rupture », l’éclatement de la bulle, dès les années 1992-1993, les Japonais vont restructurer entièrement leur politique de recherche en la ramenant à deux grands axes : Une politique que l’on pourrait comparer à de la recherche fondamentale, même si il n’y a pas de recherche fondamentale au Japon, que des recherches développées en fonction de leurs applications génériques. Une politique de transfert et application de ces technologies à travers l’industrie. Cette politique de restructuration des différents plans de recherche japonais développés après la guerre, intensifiée dans les années 1980, va conduire, en 1996, au premier champ de recherche de base. Il y en aura un autre en 2000, puis un en 2006.
Une liste standardisée Évidemment, il faudrait parler des milliards de Yen investis et des faibles résultats obtenus. Ce n’est interprété de la même façon aux Etats-Unis et au Japon. L’essentiel réside dans ce que découvrent les Japonais à travers leur politique de recherche. Ils comprennent que, en fin de compte, si on prend la liste des priorités, la liste des champs de recherche, elle est standardisée dans le monde entier, copie conforme partout dans tous les pays. Ce qui fait la différence, la clé véritable d’une politique de recherche, ce ne sont pas les technologies elles-mêmes mais l’environnement institutionnel derrière ces technologies. Les Japonais commencent à engager d’immenses réformes institutionnelles, compliquées et laborieuses, afin d’établir un écosystème favorable à la transmission, à la diffusion des résultats produits par leur politique de recherche. Du même coup, ils comprennent qu’ils sont en train d’entrer dans une nouvelle configuration sociale, économique et politique, qui n’est plus seulement l’entrée dans une économie de la connaissance, mais autre chose. C’est une adaptation globale de la société aux résultats futurs de ces grandes politiques de recherche tout azimut. On entre véritablement dans tout à fait autre chose. Il faut donner quelques exemples pour montrer que le Japon est la société actuellement la plus innovante. Par société, il faut entendre les comportements individuels et les attitudes collectives constituant les tendances construisant la demande sociale et donc le « marché ». L’Oréal observe en permanence la société japonaise, les différents segments de sa population, ses comportements. Un très gros marché s’est révélé être la teinture pour les cheveux. Tous les Asiatiques qui se modernisent seront un jour ou l’autre, pour une durée indéterminée, blonds. Mais le marché le plus innovant et imprévu pour les teintures de cheveux au Japon n’est pas à trouver chez les femmes, mais chez les hommes. Cela peut paraître secondaire, c’est essentiel. L’avenir d’une technologie, ce sont les usages qui s’y expriment, qui ouvrent des marchés. Innover à partir de l’environnement institutionnel est essentiel pour le Japon qui sait bien que la Chine deviendra un géant technologique dont la société est pour le moment muselée et qui trouve ses modèles non pas aux Etats-Unis mais au Japon.
Faire un produit commercialisable On dit toujours que la recherche japonaise produit peu de résultats. C’est vrai : peu de prix Nobel et surtout le Japon n’a pas inventé Internet. Si le Walkman a été inventé par Sony, le Ipod vient de Californie. Les recherches japonaises sont devenues moins innovantes, créatrices. L’idée japonaise de base reste : peu importe où se fait l’invention, l’important c’est où elle devient un produit commercialisable. Donc, la recherche fondamentale peut se faire ailleurs à partir du moment où au Japon se trouvent des groupes capables de traduire de la façon la plus rapide possible ces découvertes en nouveaux produits. La clef est là : pour cela, il faut une société innovante. Le constat est que l’environnement institutionnel, ce qu’on nomme la bureaucratie aussi bien dans le public que dans le privé, pèse de façon négative sur le pays, que sa réforme est longue, qu’elle entrave le potentiel créatif du Japon. Les Etats-Unis sont dans une grande phase conservatrice. Je viens de passer quatre ans en Californie, dans la Baie de San Francisco et la Silicon Valley. Hormis la permissivité sexuelle, la création et la gestion d’entreprises high tech, la réactivité des universités (c’est déjà beaucoup, il faut en convenir), l’innovation collective est faible. La société, les modes de vie et de consommation, sont conservateurs. Le génie vient de Porsche par exemple qui invente la Cayenne pour que les mamans de la Silicon Valley emmènent le matin leur bambins à l’école en toute sécurité à 50 miles à l’heure. A part quelques îlots (San Francisco, New York, etc, leurs centres villes !) le niveau d’innovation sociale et culturelle est très faible par rapport à Tokyo. On pourrait multiplier les exemples. Un exemple suffira pour expliquer le propos. Les Japonais sont obsédés par la propriété. Il fallait absolument acheter son appartement, on s’endettait pour longtemps, etc. Une tout autre tendance est en train de se développer. Pourquoi ? Les Japonais vivaient dans un environnement où le coût de l’immobilier était exorbitant. Dans les années 1990, la valeur des terrains, de l’immobilier, s’est effondrée. Résultat : les Japonais en ont profité pour acquérir plus d’espace et habiter différemment. Je ne parle que des groupes privilégiés, de ceux qui disposent à la fois des moyens et des valeurs leur permettant de remettre en cause les habitudes et les standards sociaux. Les autres suivent, en fonction de leurs moyens, de proche en proche. La taille moyenne d’un appartement à Tokyo a rattrapée et dépassé la taille moyenne d’un appartement à Paris. Les ségrégations sociales sont bien sûr très fortes et la « cassure sociale » est un problème politique grave, sans solution réelle pour le moment. Ce n’est pas seulement la taille qui importe, qu’il faut retenir, mais l’aménagement de l’espace privé. Les Japonais ont compris que posséder n’est pas une bonne solution : en fonction des différents moments de la vie, on n’a pas du tout besoin de la même organisation de l’espace ni de la même quantité d’espace. Lorsqu’on est célibataire ou jeune mariés, il est plus agréable d’habiter en centre ville, près des lieux de loisir, de travail, etc. Lorsqu’on a des enfants en bas âge, il vaut mieux habiter en banlieue pour disposer d’espaces verts, à proximité des écoles et de grands équipements sportifs. A chaque étape de la vie, le besoin d’espace et de lieu d’habitation est différent ? Quand les enfants sont partis, pourquoi rester dans la même maison, dans le même appartement ? S’amorce souvent un retour vers les centres ville. L’espace privé change en fonction des âges de la vie, des besoins, des valeurs et des désirs. Lorsque les gens deviennent âgés, ils ont tendance aussi à re-déménager pour aller en fait à nouveau en banlieue, à proximité du lieu où ils peuvent profiter de services adaptés en cours de conception et de réalisation. Le 3ème âge est un marché non seulement considérable au Japon mais très créatif. Les Japonais sont en train de comprendre qu’acheter, posséder, n’est pas la meilleure solution. Il est préférable de louer à différents moments de l’existence des espaces organisés en fonction du besoin, des désirs que l’on peut avoir, du mode de vie à un moment donné adapté à ses conditions d’existence et à ses revenus. Evidemment, seule une société d’une très grande richesse, très inégalement répartie, peut développer un tel raisonnement. Comment ne pas voir les interrogations fructueuses qu’il suscite, les marchés et les emplois ainsi ouverts. Le Japon en est au stade de l’innovation sociale.
L’immigration L’innovation peut être aussi une sorte de mauvaise foi et d’hypocrisie qui partagées peuvent acquérir une puissance sociale considérable. Les Japonais ont une immigration faible. Beaucoup n’hésitent à assimiler les restrictions à l’immigration à leur critique du néo-libéralisme américain. C’est un détournement idéologique subtil : l’immigration est un traitement néolibéral des problèmes de main-d’œuvre revenant finalement à provoquer une compétition à la baisse des salaires. Donc il faut être contre l’immigration, ne laisser entrer que les émigrés dont on a un besoin effectif et pour une durée limitée par le besoin qu’on en a, corrigé par la nécessaire compassion dans le traitement des problèmes humains. L’objectif est d’éviter le dumping social et les politiques néolibérales de la main d’œuvre de type européen engendrant des problèmes d’immigration sans solution. La solution : faire travailler les femmes, valoriser le travail féminin, permettre la promotion des femmes. L’émancipation des femmes est devenu une politique majeure dont les effets sont imprévisibles, sinon que la société japonaise sera profondément transformée. C’est dans cette perspective qu’il faut se demander si le Japon est ou se sent marginalisé par la Chine ? Les Japonais ont le sentiment d’avoir inventé un modèle socio-économique qui, avec une croissance limitée, peut lui assurer une autonomie et un développement de long terme. Ils le reconnaissent eux-mêmes : avant d’arriver aux problèmes graves, ils ont le temps de jouir de leur immense richesse accumulée. « Enjoy till you drop » est le slogan implicites des quartiers « trendy » de Tokyo. Tant que c’est le rêve et le but des mêmes groupes à Shanghai ou Seoul, les Japonais se sentent en sécurité. On se plaint dans le monde entier des mannequins anorexiques ! Un mannequin anorexique, c’est la taille d’une Office Lady japonaise : « shop till you drop ». Il y a bien des critiques à faire, évidemment. Au Japon, on parle en permanence « des nouvelles inégalités ». C’est vrai, il y a de nouvelles inégalités. Mais ces nouvelles inégalités sont une hypocrisie complète parce qu’elles ont toujours existé. Simplement, le « peuple » et la nation unie du nationalisme japonais d’avant-guerre s’est transformé après guerre en une autre idéologie, celle d’une grande classe moyenne homogène. Les inégalités aux Japon qui sont, soi-disant, en train d’exploser marquent principalement l’effacement de l’idéologie de la classe moyenne. Au Japon comme en France, les inégalités deviennent visibles : les ségrégations sociales et culturelles s’intensifient. Est-ce qu’elles sont véritablement plus fortes que ce qu’elles étaient auparavant, c’est très difficile à dire. C’est aussi une tendance dans laquelle le Japon est très avancée, sinon en avance : le potentiel et le capital de compassion du monde techno-industriel ont beaucoup diminués.
Conclusion Le Japon est sorti de sa crise économique et sociale en opérant une immense transition. Cette transition donne un style de développement social et économique, relativement spécifique. C’est vrai que le Japon vit à l’ombre du monstre chinois. C’est comme cela que se voient les Japonais. Mais ils savent aussi que la Chine est d’abord en concurrence avec les Etats-Unis. La Chine est en concurrence multiple, profonde, avec le Japon. Mais, contre les Etats-Unis, la Chine est dans une situation de rivalité mimétique avec le Japon et le Japon a le sentiment que, dans ce jeu mimétique, il a une position forte parce que le gouvernement chinois n’entend pas transformer l’environnement institutionnel qui assure son pouvoir. Le développement de la Chine est bloqué, entravé. Donc, dans cette nouvelle répartition de l’économie mondiale, le Japon a une place majeure à jouer qui lui permettra de développer une socio-économie, une autonomie, une indépendance qui lui assureront un taux de croissance beaucoup plus faible qu’auparavant, mais suffisant pour créer, non pas une harmonie sociale, mais un style de développement social et économique qui lui sera propre. Les Japonais n’ont jamais fait autre chose que chercher cela. Alain-Marc Rieu, Professeur, Université Jean Moulin NDLR: Cet article et la table ronde ci-après sont extraits des minutes du Point de Veille organisé par International Focus le 20 décembre 2006, « Chine – Corée – Japon : enjeux technologiques, enjeux stratégiques ». Vous pouvez obtenir le sommaire détaillé de ces minutes en écrivant à : valerie.fert@inter-focus.com. Copyright 20 décembre 2006-Rieu / International focus |
Date de la mise en ligne: mai 2007 |
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Table ronde Claudia Mininni, Alain-Marc Rieu et général Daniel Schaeffer. Discussion et réponses aux questions de la salle |
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Claudia Mininni : Est-ce que vous croyez, que la situation démographique du Japon, c'est-à-dire le fait que l’on parle d’une pyramide démographique avec une population active moins importante que la population retraitée, est ce que cela ne va pas avoir des conséquences sur le long terme la capacité d’innovation du Japon ? Alain-Marc Rieu : Cela pose d’énormes problèmes. Des problèmes démographiques, en particulier au niveau des universités. Il est clair que pour les Japonais c’est une très grande inquiétude. Il y a de moins en moins de compétition pour entrer dans les universités. Par exemple, l’un de mes amis, l’an dernier, me disait que sa fille, bien gentille, pensait que si elle arrivait à entrer à l’université de Tokyo cela serait pas mal. Il la voyait intégrer le département de littérature, elle a réussi à entrer dans la Faculté de Droit. Il sait très bien, lui, professeur à l’Université de Tokyo, que c’est un effet démographique. Le problème difficile, c’est que la qualité de l’enseignement universitaire, la formation donc des élites, est compromise, leur niveau est mis en cause par le fait que le critère de qualité supposé, de sélection admis, ne peut plus exister dans la situation démographique actuelle. C’est renforcé par le fait que les Japonais ont longtemps pensé contre le modèle américain qu’une nation devait former ces cerveaux et ne pas les importer. Ils ont tenté d’importer les cerveaux mais les pays asiatiques ont tous passé des mesures contrôlant très rigoureusement l’immigration des diplômés. Donc les Japonais ne peuvent pas espérer s’approvisionner en cerveaux sur le marché mondial et en particulier en Asie de l’Est. Les Japonais sont bien condamnés à former en partie leurs propres chercheurs. Question : Pensez-vous que cela va peser sur leur compétitivité au niveau mondial ? Alain-Marc Rieu : C’est un problème puisqu’une des sorties de la crise pour les Japonais consiste à aménager une socio-économie de l’innovation. Certaines universités se consacrent à l’étude de ces problèmes. Mais l’innovation a un sens plus vaste : elle est autant technologique qu’institutionnelle. Général Daniel Schaeffer : Lorsque vous parlez de société innovante, en fait vous vous rapprochez de ce que nous disait Monsieur Le Fessant ce matin sur les retournements inattendus des technologies nouvelles qui apparaissent sur les marchés ? Alain-Marc Rieu : Oui, très exactement. C’est pourquoi toutes les grandes marques qui vivent en exprimant des tendances et en générant des modes se trouvent à Tokyo non pas seulement pour vendre mais pour innover, concevoir et tester de nouveaux produits. Harajuku pour le vêtement (Nike, Adidas, Puma surtout et beaucoup de marques japonaises), Shinjuku (plus qu’Akihabara aujourd’hui) pour l’électronique grand public. Vendre à Tokyo, c’est innover et tester. Les entreprises japonaises passent leur temps à étudier le public, la réactivité du public, la façon dont l’évolution des comportements peut être traduite en nouveaux produits. Intervention salle : C’est un peu ce que fait Sony. Alain-Marc Rieu : Sony a poussé le bouchon très loin, au seuil du risque ingérable. Je me souviens d’une mission de l’Union européenne chez Sony en 1998. À un moment donné, une entreprise européenne célèbre de téléphonie a expliqué qu’elle travaillait sur 15 à 20 nouveaux produits par an. Le représentant de chez Sony a répondu qu’ils faisaient la même chose, mais par mois. Cette volonté de Sony de toujours vouloir être à la pointe, de toujours vouloir anticiper le marché d’un coup ou deux, est devenue ingérable chez Sony. Néanmoins, Sony continue. Par exemple, pour le nouveau Nintendo, Wee, fait évidemment beaucoup de bruit, Sony développe des jeux en qualité quasiment cinéma haute définition. Si Sony s’est trompé, vous imaginez ce que cela implique au niveau de ses services de recherche, de ses services marketing. Ce sont des remises en cause extrêmement profondes qui seront entreprises. Monsieur Le Fessant connaît manifestement extrêmement bien le Japon ! Pour en revenir à la Chine, du point de vue japonais, la Chine c’est très bien, mais cela correspond à l’ère Meiji aujourd’hui, une puissance industrielle qui monte, qui s’équipe, qui s’arme, etc. Pour les Japonais, la Chine représente peut-être l’avenir, en attendant elle a des allures de « Préhistoire ». Etant donné leur passé, on comprend qu’ils soient inquiets. Question : Vous n’avez pas d’explications simples sur cet état, une explication culturelle par exemple ? Alain-Marc Rieu : Il est difficile de donner des explications culturelles du Japon à cause des Japonais qui en donnent tant et trop. Parce que le culturalisme a représenté, au Japon, une idéologie très forte qui consistait à dire qu’ils avaient des caractéristiques culturelles qui leur permettaient d’être constamment en avance par rapport aux autres. Je pense que la société japonaise a évolué tout simplement, qu’elle a été conduite, à travers la crise, à trouver de nouveau des comportements individuels à des questions qui devenaient très difficiles. Je crois que ceci a permis à la société japonaise simplement d’exploiter un niveau de différenciation extrême des modes de vie. C’est cela qui les a rendus innovants. Le reste, ce sont des idéologies japonaises. Cela consiste à dire, par exemple, qu’étant donné leur niveau culturel – c’est leur propension spontanée à se voir au-dessus des autres - ils seront indéfiniment ceux qui se tourneront vers les derniers produits innovants. On entend cela constamment au Japon. Cet hyper snobisme japonais n’explique pas les évolutions actuelles. Les Japonais sont comme tout le monde. Le marché de la voiture d’occasion est supérieur à celui des voitures neuves. Le Japon n’est pas plus différent des Etats-Unis que la France de la Suède. Question : D’après ce que vous dîtes, peut-on considérer que la Californie ne fait peut-être pas vraiment partie des Etats-Unis aujourd’hui ? Alain-Marc Rieu : C’est un lieu de créativité au niveau de la recherche, au niveau de ses applications industrielles et autres. Mais, encore une fois, vous n’y avez pas cette créativité sociale que vous trouvez à Tokyo. Intervention salle : Pour moi, la Californie c’est aussi la société qui invente les services : regardez E-Bay, Google… La société de l’information, pour moi, c’est aussi cela et c’est un domaine où les Japonais ont totalement échoué. Alain-Marc Rieu : On s’est mal compris… Ce que je voulais dire, c’est qu’aujourd’hui, les Japonais ont réussi, dans cette espèce de géoéconomie qui leur est extrêmement défavorable, à opérer un certain nombre de mutations, d’évolutions, qui leur donnent la possibilité de maintenir une autonomie, je dirais socio-économique. Il s’agissait là d’un enjeu extraordinairement difficile : savoir comment faire face à la monté de la Chine, à la pression américaine, etc., et ils ont inventé une voie. Ce qui est important pour nous, c’est qu’au niveau socio-économique il y a la possibilité de trouver une voie par l’innovation aussi institutionnelle, sociale qu’économique et technologique. En Europe, ce que l’on cherche au fond, c’est aussi trouver une voie, c’est également trouver un équilibre de la société et de l’économique qui donne une espèce de plage, de possibilité économique de développement sans être obligé de s’aligner face à l’économie américaine par les types de recherche qu’elle impose. C’est cela que je voulais dire. Le Japon est probablement le pays qui a été le plus loin dans la capacité à trouver un type d’organisation sociale et économique qui lui assurerait une autonomie de développement. Intervention salle : C’est ce qui fait sans doute que nous avons beaucoup de mal à les percevoir. Alain-Marc Rieu : On a beaucoup de mal à voir la divergence fondamentale entre l’évolution sociale et économique japonaise et les modèles occidentaux, y compris dans le domaine de la recherche. Mais l’exemple japonais est très intéressant à étudier pour les Européens. En effet, il peut nous enseigner comment on peut chercher et trouver une alternative au modèle américain. Il nous faut, pour cela, regarder les Japonais en perspective, comprendre où ils veulent se situer par rapport à l’Europe comme par rapport aux Etats-Unis. Si vous voulez, de ce point de vue, pour moi, le développement économique chinois est extraordinaire et tout ce que l’on veut, mais la politique de recherche chinoise, jusqu’à présent et peut-être encore pour longtemps, devra d’abord coordonner, créer les bases technologiques à un développement économique qui lui permette de jouer son rôle dans le monde, de financer et de sécuriser son développement interne. Donc, je ne crois pas que les Chinois vont introduire dans le monde une conception de la recherche qui sera véritablement une alternative. Il y aura des conséquences économiques pour nous majeures, mais cela ne sera pas un modèle de développement de la recherche qui nous apportera, je dirais, une véritable nouveauté par rapport à notre façon de faire. Général Daniel Schaeffer : Je suis d’accord avec vous. Le seul aspect fondamental où il y aurait un aspect hégémonique vient de ce vieux fond culturel chinois datant de l’époque où la Chine était l’empire du milieu - et c’est ce qu’à démontré Claudia Mininni ce matin - où elle dominait le reste du monde. Et, consciemment ou inconsciemment, les Chinois se sentent supérieurs ou se sentent le besoin de dominer. Donc, c’est une des raisons pour lesquelles, en particulier comme la voie leur est ouverte, on entre dans la guerre des normes, non pas spécialement pour dominer intellectuellement, mais d’abord économiquement, car ils savent que cela peut les entraîner stratégiquement sur des tas de terrains qu’ils occuperaient de façon favorable face aux Etats-Unis, à l’Europe voire à la Russie. L’autre aspect, toujours conscient ou inconscient, c’est celui de l’influence, voire la domination, culturelle. Je voudrais revenir sur la crise de 1997 qui a provoqué une intervention américaine contre le Yuan. Les Chinois ont refusé de modifier la valeur du Yuan et sont intervenus dans les pays d’Asie du Sud Est pour prêter de l’argent à la Thaïlande. Sous couvert d’entraide, c’est une manifestation de domination. Alain-Marc Rieu : Oui, et comment les Japonais ont réagi à cela ? En développant toutes les côtes chinoises. Bon, si vous voulez, l’analyse économique est, bien entendu, tout à fait majeure. Mais si on ne va pas derrière l’analyse économique pour percevoir cette espèce de dynamique qui associe la politique, la recherche et l’économie, à mon avis on ne voit pas ce qu’est la réalité de la dynamique de l’Asie de l’Est. Général Daniel Schaeffer : Absolument ! Et alors là, c’est l’un des drames de notre esprit d’analyse. On met les choses les unes à côté des autres, et on oublie parfois de mettre tous les éléments nécessaires ensemble. Alain-Marc Rieu : Absolument c’est pourquoi au niveau de la recherche, l’étude de l’Asie de l’Est est absolument fondamentale, car cela nous force nous, Européens, à comprendre, à renégocier comment on se divise le monde en petites cases disciplinaires qui sont directement issues de notre histoire intellectuelle. Intervention salle : Malheureusement, peu d’entreprises voient dans ce travail de réflexion pluridisciplinaire un moyen d’améliorer leur compréhension du monde qui les entoure. Je vais faire un parallèle, et je suis complètement d’accord avec vous. Connaissez-vous Pierre Fayard, professeur à l’Université de Poitiers, à l’Institut de la Communication et des Nouvelles Technologies, spécialiste des stratégies comparées, du Knowledge Management, l’un des promoteurs de la théorie du BA de Nonaka en France ? Il a notamment écrit les livres : « L’art de l’interaction », « Comprendre et appliquer Sun Tzu » et, dernièrement, « Le réveil du Samouraï, culture et stratégie japonaises dans l’économie de la connaissance ». Dans son livre, vous retrouverez très bien cette évolution japonaise que vous décrivez, cette évolution socioculturelle en refonte complète qui adresse l’économie de la connaissance en cherchant à s’organiser autrement. Effectivement, comme vous nous l’avez très bien présenté les Japonais cherchent à répondre d’un point de vue organisationnel aux enjeux de l’évolution économique et culturelle qui les entoure. Alors, évidemment, et là je reviens à votre déception de ne voir finalement que peu d’entreprises s’inscrire à de telles rencontres, je pense que nous, Européens, et surtout ceux de culture latine, nous sommes comme figés dans un corporatisme d’un autre âge, dans une vision et une culture éducative où l’on définit le monde comme un monde fini, dans lequel une seule réponse est possible, dont la réponse ne peut venir que d’une seule personne, donc une vision individuelle et qui vient du haut, de la hiérarchie, du tout-puissant. Or, nous sommes dans un monde infini, ouvert, dans lequel les réponses sont multiples, dont les réponses ne peuvent venir d’une personne mais de plusieurs, donc une approche par équipe. Une approche radicalement différente nous est aujourd’hui nécessaire et nous ne sommes pas capables de le faire aujourd’hui. De plus, notre système éducatif, par un système élitiste, inculque que ceux qui sortent de ces formations ont toutes les connaissances à eux seuls pour répondre aux attentes, donc ils ne peuvent pas travailler en équipe puisqu’ils savent déjà tout. Pourquoi donc aller demander à quelqu’un d’autre ? Conclusion, on reste cloisonné dans nos métiers. On ne travaille pas en équipe, en transverse, et donc on n’est pas capable de répondre aux enjeux complexes qui demandent une réflexion pluridisciplinaire. Général Daniel Schaeffer : Il y a une chose à laquelle je m’applique dans mes interventions sur la Chine, c’est rétablir l’équilibre, cet espèce d’enjolivement que l’on peut avoir dès que l’on parle de ce pays. Alors, il ne faut pas tomber dans la « sinophobie », mais il ne faut pas tomber non plus dans la « sinolatrie » comme le disait un représentant du CNRS à Pékin. Il y a un juste milieu à trouver, qui est dur à trouver. Mais on est condamné à le trouver si on veut réussir dans ce pays. Une négociation avec les Chinois, cela se prépare. On négocie pour défendre les intérêts de sa société et non pour faire plaisir aux Chinois. Il ne faut pas sortir les couteaux, car c’est contre-productif, mais il ne faut pas s’imaginer, quand on va négocier avec les Chinois, que tout le monde est beau et gentil. Bien au contraire ! Intervention salle : Oui, tout à fait, et vous pouvez ajouter à cela que, lorsqu’un Occidental rencontre un problème face aux Chinois, il cache bien souvent son incompétence derrière le fait de ne pas faire perdre la face à la partie adverse. Mais que l’on me présente une seule culture qui accepte de perdre la face ! Il n’y en a aucune, bien évidemment. Alors, certes, les Chinois sont peut-être plus susceptibles, mais se cacher derrière ce phénomène culturel est une erreur fondamentale que nombre d’Occidentaux font. Général Daniel Schaeffer : Oui, vous avez raison et les Chinois savent très bien en jouer. Mais la négociation commerciale avec les Chinois est complexe. Il est nécessaire de se former afin d’acquérir un certain nombre de clés pour éviter autant que possible les erreurs grossières qui seraient fatales à une bonne négociation.
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Biographie de Alain-Marc Rieu |
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Former student at the Ecole Normale Supérieure Agrégé de philosophie Docteur d’Etat ès Lettres et Sciences Humaines, University of Paris I Panthéon-Sorbonne Former Research Fellow at the Maison franco-japonaise, Tokyo
Positions - Professor, Department of Philosophy, University Jean Moulin (Lyon 3), France. - Senior Research Fellow, Institute of East-Asian Studies (CNRS UMR 5062), ENS-lsh - Various Visiting Professorships in the US and Japan
Fields of Research- Science & Technology Studies. Epistemology of Human and Social Sciences. - European Studies: comparing research policies in Japan, the US and Europe. The organization and status of Knowledge in advanced industrial societies. - Contemporary Philosophy and Epistemology.
Major Publications- Rationalité et Société: épistémologie et philosophie sociale, Lille, A.N.R.T., 1987, 766 p. - Les visiteurs et leurs musées, Paris, La documentation française, 1988, 225 p. - La techno-science en question, Seyssel, Editions Champ Vallon, 1990 (with Frank Tinland & Ph. Breton). - A-M Rieu, K. Wilson, J. van Der Dussen, H.P. Baumeister (ed.), What is Europe ?, 4 volumes, 1 000 p. 1st edition, London, Open University Press, 1993 ; 2° édition, London, Routledge, 1995. - AM Rieu & G.Duprat (ed.), European Democratic Culture, Londres, Routledge, 1995, 261 p. - Savoir et pouvoir dans la modernisation du Japon, Paris, P.U.F., 2001, 336 p. - A-M Rieu (ed.), Le concept de décollage : réception, appropriation et légitimation des savoirs étrangers, Revue Daruma, automne 2001-printemps 2002, 200 p. - Emerging Knowledge Societies. Reconfiguring collaboration in the Social Science and Humanities, Study for the Delegation of the European Union to Japan, July 2006.
Articles since 2002-"La mutation du régime de la connaissance: le Japon et la sortie du post-moderne", Henri Meschonnic & Hasumi Shiguehiko (ed.), La modernité après le post-moderne, Paris, Ed. Maisonneuve & Larose, 2002, p 87-97. - “Knowledge Society and the problem of a global public sphere” in Jean-Christophe Merle (éd.), Globale Gerechtigkeit. Global Justice, Stuttgart-Bad-Cannstatt, Frommann-Holzboog (Collection "Problemata") 2005, pp.449-459. - "The epistemological and philosophical situation of Mind Techno-Science", dans Stefano Franchi and Güven Güzeldere (ed.), Mechanical Bodies, Computational Minds. Artificial Intelligence from Automata to Cyborgs, Cambridge, M.I.T. Press 2005, p 453-470. - « What is Knowledge Society ?», STS Nexus, Santa Clara University, Center for Science, Technology and Society, San Jose (CA), September 2005.
Lectures since 2005 - “La propriété industrielle d’un point de vue philosophique et épistémologique”, Ecole Normale Supérieure-Lettres et sciences humaines, conférence d’agrégation, , Lyon, 18 mars 2005. - “Modèles et catégories dans les sciences de l’homme et de la société : qu’enseignent les Etudes japonaises ?”, Université Jean Moulin, Centre Lyonnais d’Etude sur la Sécurité Internationale et la Défense (CLESID), Lyon, 2 avril 2005. - “Knowledge today”, Santa Clara University, Center for Science, Technology and Society, San Jose (CA), 21 avril 2005. - « La catégorie du moderne », Université de Naples, Institut « L’Orientale », 18 mai 2005. - « Divergent trajectories: Japan and US Knowledge Societies : a case for Europe », colloque The role of Institutional Systems in characterizing Technology Development Trajectories, International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA), Laxenburg, Austria, 19 septembre 2005. - “The comparative evolution of Science and Technology Policies in Japan and the USA since 1980”, Tokyo Institute of Technology, October 31st, 2005. - “Research & Education in the age of large-scale databases”, Symposium Systematization of non-written Materials for the study of Human Societies, Kanagawa University, Yokohama, November 27th, 2005. - “The European Union and the limits of Modern Political Theory”, Department of Advanced Social and International Studies & Institute for German and European Studies, Tokyo University, February 2nd, 2006. - “Globalisation et politiques de recherche: le cas du Japon et des États-Unis depuis les années 1980», Tokyo, Maison franco-japonaise, February 23rd, 2006. - “Emerging Knowledge Societies: comparing reforms of research in Japan and France”, Symposium Elucidation of Co-evolutionary dynamism between innovation and institutional systems, Tokyo, Tokyo Institute of Technology, February 27th, 2006. |
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