Emmanuelle Maitre est chargée de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS). Propos recueillis par Pierre Verluise, docteur en géopolitique et fondateur du Diploweb.com. Images, son et montage : Fabien Herbert. Résumé Estelle Ménard.
Quel peut être l’avenir de l’accord au sujet du nucléaire iranien signé en 2015 quand le président des Etats-Unis Donald Trump ne cesse de menacer de le dénoncer ? Emmanuelle Maitre, chargée de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) répond clairement aux questions de Pierre Verluise, fondateur du site Diploweb.com. (12 minutes)
QUESTIONS
. Quelles sont les idées fausses sur l’accord nucléaire iranien (2015) [1]
. Quelles sont les idées à retenir concernant l’accord sur le nucléaire iranien ?
. Quels sont les évènements importants à suivre prochainement au sujet de l’accord du nucléaire iranien ?
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Résumé par Estelle Ménard pour Diploweb.com
En 2015 est signé un accord historique sur le nucléaire iranien, très vite politisé par ses opposants et ses défenseurs. Ces derniers seraient responsables de la propagation d’une première idée fausse. En effet, il est erroné de croire que l’accord règlerait pour de bon le problème de la prolifération nucléaire. D’une part, l’Iran pourrait très bien ne pas honorer ses engagements, comme il l’a déjà fait dans le passé. D’autre part, l’accord est limité dans le temps et ne permet pas de se prononcer sur le long-terme. Par ailleurs, il faut se détacher de l’idée que l’accord puisse résoudre tous les problèmes que rencontre la communauté internationale dans ses relations avec l’Iran (missiles balistiques, Hezbollah, etc.). Une dernière idée fausse émane du côté des opposants : il est faux de croire que l’accord ne profiterait qu’à l’Iran, car cette ouverture sur l’international lui impose en effet des contraintes, en échange du développement économique et social qu’elle peut lui permettre.
Cet accord est donc un compromis et un réel pari pour l’Iran. C’est une première idée à retenir, car l’Iran mise sur son ouverture économique en renonçant à son programme nucléaire. Il faut également se rendre compte que cet accord vise à ce que soit limitée l’accumulation de matière nucléaire fissile pour que l’Iran ne puisse pas développer d’arme nucléaire. Quand bien même l’Iran sortirait-il de l’accord, cela lui prendrait plus d’un an – une période considérable dans l’univers du nucléaire – pour transformer la matière fissile à des fins militaires. Il est aussi important de comprendre que l’accord impose des restrictions sur une durée limitée, prenant fin en 2040. Dès lors que l’Iran retournera sur un régime commun, il sera tout de même soumis au Traité de non-prolifération et à des inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA). Enfin, il faut retenir que cet accord est spécifique à la situation iranienne. Il ne serait pas possible de le répliquer avec la Corée du Nord, qui disposerait déjà d’une arme nucléaire au moment des négociations, ce qui n’était pas le cas de l’Iran. De la même manière, il serait très difficile de généraliser ces restrictions au reste de la communauté internationale.
Il faut rester attentif à la position des Etats-Unis. En octobre 2017, le président Donald Trump déclarait devant le Congrès américain que l’Iran violait ses engagements, contrairement à ce que dit la communauté internationale et l’AIEA. Les conséquences de cette déclaration pourraient être lourdes, d’autant plus que Trump avait promis la modification de l’accord iranien durant sa campagne en 2016. La situation est donc susceptible d’évoluer très vite. Le Congrès doit en effet se prononcer en février 2018. Il pourrait réimposer des sanctions à l’Iran et mettre fin à la participation des États-Unis à l’accord. Or, Trump préfèrerait la modification d’une loi permettant que ces sanctions s’appliquent à des actions « inacceptables » même si elles dépassent le cadre de l’accord. Ce serait une manière de renégocier l’accord unilatéralement en intégrant d’autres points (programme nucléaire balistique, soutien au Hezbollah, etc.). À moyen-terme, l’opinion publique iranienne pourrait évoluer de manière défavorable à un accord dont les États-Unis se retireraient, emportant avec eux les bénéfices qu’ils apportent aujourd’hui à l’Iran. Parallèlement, il faudra observer l’impact de la stratégie américaine sur les rapports de force entre les leaders iraniens les plus progressistes et ceux qui sont les plus hostiles au monde occidental.
Copyright pour le résumé Décembre 2017-Ménard/Diploweb.com
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[1] NDLR : Le 14 juillet 2015, l’Iran et les pays du « P 5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) sont finalement parvenus à un compromis sur le nucléaire iranien, à l’occasion de négociations en Autriche, à Vienne.
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