Recteur Gérard-François Dumont, Professeur à Sorbonne Université, Président de la revue Population & Avenir
Le principe de subsidiarité est parfois évoqué pour les questions européennes, sans beaucoup plus de précisions. Gérard-François Dumont présente ici très clairement La longue gestation de l’énoncé du principe de subsidiarité ; Des pratiques pluriséculaires ; L’État-nation apparu comme une nécessité ; Le risque de piétinement du principe dans les États ; Appliquer le principe de subsidiarité.
LE TERME de subsidiarité est un substantif récent. Mais, comme le M. Jourdain de Molière [1] faisait de la prose sans le savoir, le principe de subsidiarité a connu des pratiques bien antérieures à sa formulation. L’histoire enseigne que ces dernières se sont traduites par des innovations institutionnelles ou par la nécessité de confier à des instances supérieures des fonctions qui ne pouvaient pas être satisfaites à un échelon inférieur. Voilà une des raisons, même si ce n’est pas la seule, explicatives d’une instance supérieure, l’État-nation [2], à qui il arrive d’appliquer le principe de subsidiarité. Toutefois, assez souvent, il le piétine en mettant en avant le souci de l’unité de la nation qui prévaut alors sur l’idée d’union. Ceci engendre parfois des régimes dictatoriaux ou met à mal les principes démocratiques, et tout simplement la démocratie. D’où l’importance de connaître et de comprendre ce qu’est le principe de subsidiarité [3].
Précisions d’abord la longue gestation de l’énoncé de ce principe.
Bien que le substantif subsidiarité soit récent, ses racines anciennes apparaissent dès l’Antiquité. Elles se déploient au fil des siècles auprès de grands auteurs, car se demander comment organiser les relations entre les personnes, leurs communautés (familiales, villageoises, régionales…) et les autorités publiques a toujours interrogé. Autrement dit, il s’agit « de répondre à une question complexe et récurrente, celle de savoir comment s’articulent dans la société et surtout dans l’État, les interventions des personnes, des groupes et des autorités publiques » [4].
Dès Aristote [5], la question du mode de gouvernance est posée afin de réfléchir à l’« art de gouverner des hommes libres ». Selon cet auteur, la cellule de base de la société est la famille ; au-dessus se trouve le village ; puis, au-dessus encore, la Cité. Le village doit s’abstenir d’intervenir sur les questions pour lesquelles la famille est compétente. De même, la Cité doit s’abstenir d’intervenir sur les questions qui peuvent être résolues à l’échelon du village. Aristote énonce un principe de non-ingérence des échelons supérieurs lorsque ce n’est pas justifié. Il définit ainsi la primauté de l’individu et rejette la situation où un échelon supérieur serait omnipotent.
Au Moyen Âge, Saint Thomas d’Aquin s’interroge sur le fondement théologique de la relation État-individu. L’individu est un être social qui, par définition, vit avec d’autres individus. Il partage donc avec eux des préoccupations communes qui forment le « bien commun », bien partagé par les membres d’une communauté. Ce bien commun n’est pas seulement la somme des intérêts des individus. Sa recherche est le fondement de toute organisation sociale et politique. Dans ce dessein, l’individu ne doit pas être traité comme un sujet, mais considéré comme un acteur contribuant à cette recherche du bien commun. L’exercice du pouvoir doit s’opérer dans le cadre de la formule latine quod omnes tangit, ab omnibus tractori et approbari debet, « ce qui concerne tout le monde doit être discuté et approuvé par tout le monde », formule tirée du droit civil romain antique. Tout individu concerné par une décision doit pouvoir y prendre part. En conséquence, l’individu ne se déleste pas des décisions nécessitant d’être prises, par souci d’efficacité, à un échelon supérieur car il doit participer à leur élaboration.
Un autre auteur [6] participant à féconder l’énoncé de la subsidiarité est le syndic protestant de la ville allemande d’Emden, Johannes Althusius (1557-1638). Ce précurseur de la doctrine du fédéralisme, en énonçant un principe de répartition des pouvoirs dont l’individu fait partie : famille, guildes, ville, province et, enfin, État, subodore le futur concept d’un État subsidiaire. Alors que la théorie de la souveraineté formulée par Jean Bodin (1529-1596) cristallise entre les mains du souverain la compétence absolue, perpétuelle et indivisible de commander [7], Althusius soutient que la conséquence inéluctable de cette théorie est de priver la société de son dynamisme en la rendant intrinsèquement dépendante du pouvoir. Il entreprend alors d’en inverser la logique en conférant les droits de souveraineté au peuple organisé [8].
De son côté, l’anglais John Locke (1632-1704), l’un des fondateurs de la notion d’État de droit, déplore l’absolutisme qui se met alors en place en France alors qu’il échoue à s’imposer en Angleterre. Il propose un contrat social entre l’État et les individus, contrat qui doit assurer à ces derniers la conservation d’une part de leur liberté. La délégation de la souveraineté du peuple aux gouvernants est conditionnelle : le peuple n’accepte de se défaire de sa souveraineté qu’en échange de garanties concernant ses droits fondamentaux et ses libertés individuelles.
Au XIXe siècle, le penseur libéral John Stuart Mill (1806-1873), qui défend notamment la liberté d’expression, considère que seule une petite partie des affaires publiques peut être traitée de manière satisfaisante et en toute sécurité par les autorités centrales. Quant au Français Alexis de Tocqueville (1805-1859), il est le premier à évoquer implicitement la subsidiarité en termes d’organisation politique lorsqu’il pourfend la centralisation. Il s’interroge sur les questions d’autonomie locale et, donc, de répartition des pouvoirs entre l’État et les entités qui le composent, question pour laquelle on n’utilise pas encore les termes de « décentralisation [9] » ou de « dévolution » [10]. Toujours au XIXe siècle, Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) expose son objectif pour une organisation fédérative d’un État, solution qu’il considère garante de la participation de l’individu au pouvoir de l’État.
Ainsi, les auteurs précités développent-ils une idée générale : celle de « subsidiarité », sans employer le mot ni, a fortiori, sans en proposer une définition conceptualisée. Au XIXe siècle, cette dernière apparaît dans les textes de l’Église catholique : elle permet d’éclairer la doctrine sociale de l’Église [11], en lui procurant un fondement anthropologique [12]. Plus précisément, la notion de subsidiarité apparaît en filigrane dans l’encyclique Rerum Novarum publiée le 15 mai 1891 par le Pape Léon XIII. Ce texte, qui traite de questions sociales et tout particulièrement, de la condition ouvrière, demande à l’État d’exercer un rôle de régulateur social et de serviteur de l’intérêt commun. Mais le texte essentiel est la lettre encyclique Quadragesimo anno du Pape Pie XI du 15 mai 1931, sous-titrée « Sur l’instauration de l’ordre social ».
Le § 87 précise : « L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber ». Puis le § 88 définit le principe : « Que l’autorité publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort ; elle pourra dès lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle, parce qu’elle seule peut les remplir : diriger, surveiller, stimuler, contenir, selon que le comportent les circonstances ou l’exige la nécessité. Que les gouvernants en soient donc bien persuadés : plus parfaitement sera réalisé l’ordre hiérarchique des divers groupements selon ce principe de la fonction supplétive de toute collectivité, plus grandes seront l’autorité et la puissance sociale, plus heureux et plus prospère l’état des affaires publiques » [13].
Cet enseignement pontifical du « principe de la fonction supplétive de toute collectivité » énonce que l’État doit se limiter et se cantonner à un rôle subsidiaire. L’État est donc un auxiliaire, une aide, un recours lorsque des problèmes n’ont pu être résolus par les « groupements de rang inférieur ». Comme le précise également le § 86 de l’encyclique : « Il est vrai sans doute, et l’histoire en fournit d’abondants témoignages, que, par suite de l’évolution des conditions sociales, bien des choses que l’on demandait jadis à des associations de moindre envergure ne peuvent plus désormais être accomplies que par de puissantes collectivités. Il n’en reste pas moins indiscutable qu’on ne saurait ni changer ni ébranler ce principe si grave de philosophie sociale : de même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes » [14].
La vraie signification du principe de subsidiarité est un appel à la liberté et à la responsabilité de l’être humain : chaque personne doit pouvoir agir en toute autonomie, en réglant personnellement tout ce qui relève de ses compétences propres, au niveau le plus proche de lui, dans la communauté de premier rang la mieux apte à résoudre les problèmes concernés : famille, association, commune. Les communautés de rang supérieur ne doivent être sollicités que lorsque la solution n’a pu être trouvée à une échelle inférieure.
Toutefois, bien qu’il ait fallu attendre 1931 pour bénéficier d’une claire définition du principe de subsidiarité, ce dernier s’est trouvé fort souvent appliqué au fil du temps.
L’histoire de l’humanité a toujours été composée de communautés locales, sédentaires ou nomades. Pendant des millénaires, ces communautés sont souvent très localisées, y compris pour les communautés nomades, selon une logique de plurilocalisation en fonction des besoins, en raison même des conditions historiques de transports qui imposaient ce qu’on appelle aujourd’hui des « circuits courts ». Ces communautés faisaient de l’économie circulaire sans le savoir. Chaque communauté se gouvernait selon des traditions culturelles propres ou des rapports de force particuliers existant en son sein, traditions et rapports de force évoluant dans le temps.
Or ces communautés locales ont souvent compris que, parmi les difficultés qu’elles rencontraient, par exemple en termes de sécurité, les solutions appelaient un rang supérieur susceptible de répondre aux préoccupations ne pouvant être suffisamment satisfaites à l’échelon inférieur. Dans de nombreux territoires, des communautés de rang inférieur ont accepté l’autorité de seigneurs qui organisaient des moyens permettant d’assurer la sécurité sur un territoire, comme ceux toujours souvent présents dans le patrimoine, notamment ces châteaux forts lieux de refuge. Des formes de féodalisme pouvaient alors être prégnantes. Dans d’autres cas, cette communauté de rang supérieur relevait de la construction d’une organisation propre. Un exemple est offert par l’alliance perpétuelle conclue en 1291 entre trois cantons des Alpes centrales, Uri, Schwyz et Unterwald, premier pas de la construction de la Confédération helvétique. Or ce modèle [15], forme alternative au féodalisme et à la monarchie, ne va pas laisser indifférent les autres Européens qui en apprennent l’existence à l’occasion des déplacements via les passages alpestres. Le mythe de Guillaume Tell, qui symbolise ce modèle consistant à se donner les moyens de préserver sa liberté face aux grandes puissances, va même être repris idéologiquement par la Révolution française [16].
En outre, le souci d’une subsidiarité non encore dénommée ainsi comporte de nombreuses applications en Europe. En Angleterre, l’idée qu’il n’appartient pas au roi de tout décider et donc que la gouvernance doit être subsidiaire conduit, en 1215, à la célèbre Magna Carta (Grande Charte). L’Angleterre met ainsi en œuvre une réponse à la difficile recherche d’un équilibre entre pouvoir monarchique et liberté individuelle.
C’est aussi au Moyen Âge que la logique subsidiaire se déploie, tout particulièrement au plan intellectuel et géographique. Alors que la création des universités [17] résulte souvent de la décision d’un centre de pouvoir, ce dernier n’exige nullement de la commander. À la fin du XIIe et du XIIIe siècle, les premières Universités - Bologne en Italie, Salamanque en Espagne, Coimbra au Portugal, Oxford en Angleterre, Paris en France – innovent par la création d’institutions d’un type nouveau gouvernées non par des organes de rang supérieur, mais par des corporations de maîtres et d’étudiants, avec des statuts et règlements qui leur sont propres [18].
D’autres pratiques de la subsidiarité résultent davantage de rapports de force, tout particulièrement de la part de territoires voulant bénéficier d’une certaine autonomie. Au Moyen Âge et en Europe, le droit de commune, donc la possibilité pour des territoires de bénéficier d’une certaine autonomie de gouvernance, est obtenu suite à des négociations plus ou moins rudes, ou parfois conquis de haute lutte à la suite de conflits avec les autorités supérieures que sont les seigneurs ou princes. Lorsque le droit de commune est reconnu, il est généralement transcrit dans une charte, la charte communale, qui règle les rapports de la commune avec son suzerain. Cette charte précise les droits et, comme on disait alors, les libertés de la commune, dont des compétences en matière de justice et leurs coutumes que le suzerain s’engageait à respecter. Les communes deviennent libres de réformer leurs coutumes, réglementent leur vie économique, gèrent les biens communaux et administrent les revenus de la ville qui proviennent surtout des droits de justice et d’impôts directs et indirects (taille, octroi…). Par la charte communale, le suzerain s’engage non seulement à respecter les droits accordés à la commune, mais aussi à la protéger. Par exemple, dans la charte de commune de Saint-Omer datant de 1127, le comte de Flandre écrit : « Je leur procurerai la paix envers toutes personnes ; je les maintiendrai et défendrai contre mes hommes ». En contrepartie, la commune doit l’hommage au suzerain, donc lui fait allégeance, et s’engage à fournir des moyens, par exemple des combattants. Les droits des communes sont souvent symbolisés par le sceau et le beffroi qui renferme la cloche du ban, symbole du droit de s’administrer en appelant la population aux délibérations communales.
Selon Max Weber [19], ces pratiques de subsidiarité (universités, communes) semblent une spécificité de l’Europe sans véritable équivalent dans les autres continents. Comment donc expliquer que nombre de villes européennes acquièrent très tôt un rôle politique significatif et autonome ? Ce phénomène semble en partie lié au peuplement relativement dense de ce continent qui favorise le rendement de la productivité agricole, car il induit un progrès technique nécessitant, à son tour, le développement d’activités plus différenciées que l’agriculture.
La Ligue hanséatique illustre les deux aspects de la subsidiarité, précisés ci-dessus, du droit de commune, soit une logique descendante du haut vers le bas dont il faut protéger la pérennité et une logique ascendante du bas vers le haut. D’une part, sa création en 1241 par le traité formé entre Hambourg et Lubeck a pour objet de s’entendre pour défendre les libertés acquises des suzerains concernés au cas où ces derniers les remettraient en cause, par exemple lors de la succession du suzerain. D’autre part, il s’agit d’organiser un groupement de rang supérieur qui permettra davantage d’efficacité pour protéger le commerce contre les pirates de la Baltique, sachant que « hansen » vient du vieil allemand qui signifie s’associer. Chaque ville fournit un contingent militaire et une contribution en argent à la Ligue qui, parallèlement, définit un droit maritime propre [20].
Au fil des siècles, est apparu une communauté supérieure, l’État qui fait suite à ce que Fernand Braudel appelle « l’État inachevé », celui « ne pouvant exercer lui-même tous ses droits, ni accomplir toutes ses tâches, [et qui est] obligé en fait de s’adresser à autrui en en pâtissant » [21].
L’État-nation, tel qu’il existe au XXIe siècle, et tel qu’il est reconnu par exemple dans l’intitulé de l’Onu qui réunit des États en leur donnant la dénomination de nation, peut être considéré comme une création née de réalités historiques, géographiques ou sociétales. Cette innovation politique est le résultat de plusieurs facteurs convergents. D’une part, les facteurs géopolitiques : ceux-ci tiennent à la volonté d’un pouvoir de s’exercer sur un territoire plus vaste. On songe ici à l’histoire de la France ou de la Chine. Charles Tilly illustre le cas de la France en précisant : Louis XIII « rasa probablement plus de forteresses [symboles par excellence de l’autonomie locale] qu’il n’en édifia dans tout son règne ; mais il en construisit aux frontières et en détruisit à l’intérieur » [22]. Ainsi, des forces se concentrent au niveau « national », forces qui renforcent le pouvoir royal au détriment de l’autonomie locale [23]. Dans certains cas, la naissance de l’État peut résulter de choix, comme dans l’exemple de la Suisse ou d’une prise d’indépendance, comme pour les États-Unis, l’Irlande, la Norvège ou de nombreux pays du Sud.
D’autre part, il arrive que les habitants d’un territoire considèrent que ce dernier n’est pas assez vaste pour leur assurer une autonomie suffisante. C’est l’exemple de Genève qui demande son rattachement à la Confédération suisse [24], celui des États d’Amérique du Nord qui demandent à pouvoir entrer dans les États-Unis d’Amérique dont la première configuration ne comptait que treize États ou encore celui de la création des Émirats Arabes Unis.
Ces exemples sont conformes au principe de subsidiarité : il s’agit de confier à un échelon supérieur des compétences qu’un échelon inférieur n’est pas en capacité de satisfaire en conservant une participation dans les décisions prises notamment par la pratique de la démocratie représentative ou par un système fédératif. D’autres facteurs géographiques sont mis en évidence par le fait que nombre de frontières étatiques sont des limites géographiques, qu’il s’agisse bien évidemment des littoraux notamment dans le cas des États îliens, mais aussi des lignes de partage des eaux comme entre la France et l’Espagne ou la Suède et la Norvège, des fleuves comme entre la Bulgarie et la Roumanie [25], la Guyane française et le Surinam, les États-Unis et le Mexique.
Or tout État peut, pour simplifier, évoluer selon deux possibilités.
Dans un premier cas, assumant les fonctions qui ne peuvent l’être par les échelons inférieurs, il peut mettre en place des mécanismes conformes au principe de subsidiarité, notamment dans les textes constitutionnels. Pour prendre un premier exemple, citons la Constitution suisse de 1874 qui, dans son article 3, affiche une logique subsidiaire : « Les cantons sont souverains dans la mesure où leur souveraineté n’est pas limitée par la constitution fédérale et, à ce titre, ils exercent tous les droits qui ne sont pas délégués au pouvoir fédéral » [26]. Le pouvoir fédéral dispose donc seulement des compétences qu’il peut assumer mieux que le canton. En particulier, l’article 2 précise ainsi le but et donc la justification de l’échelon supérieur qu’est la Confédération suisse : elle « protège la liberté et les droits du peuple et elle assure l’indépendance et la sécurité du pays ». En conséquence, « la subsidiarité suisse est ainsi formulée [27] : « Ce que les communes peuvent faire, le canton ne doit pas le faire ; ce que les cantons peuvent faire, la Confédération ne doit pas le faire ».
Second exemple, en Allemagne, l’article 30 de la Loi fondamentale de Bonn de 1949 – équivalent à une constitution - précise : « L’exercice des pouvoirs étatiques et l’accomplissement des missions de l’État relèvent des Länder, à moins que la présente Loi fondamentale n’en dispose autrement ou n’autorise une règle différente ». La volonté de répartition des pouvoirs entre les échelons est ainsi clarifiée et ensuite confirmée par l’article 70 sur la « Répartition des compétences législatives entre la Fédération et les Länder » dont le premier paragraphe indique : « Les Länder ont le droit de légiférer dans les cas où la présente Loi fondamentale ne confère pas à la Fédération des pouvoirs de légiférer ». En outre, il faut noter que les Länder exercent une influence importante dans la législation fédérale surtout par le biais de la seconde assemblée, du Bundesrat, qui représente non les électeurs, comme le Bundestag, mais les gouvernements élus des Länder.
Même si nous avions annoncé ne pas traiter de l’Union européenne, il nous paraît important de citer, à une date où le terme subsidiarité ne figurait pas encore dans les traités européens, la question du projet de directive sur les tondeuses à gazon proposé à la signature du Président de la Commission, Lord Jenkins, en 1978. Ce Président refusa de signer ce projet d’une réglementation unique et uniforme de l’usage des tondeuses à gazon sur tous les territoires des pays membres de la Communauté économique européenne (CEE), considérant que cela signifiait une intromission inutile dans la vie de chaque commune de la CEE et témoignait d’une omnipotence administrative nullement justifiée : il appliqua, sans utiliser le mot, le principe de subsidiarité.
En dépit des exemples ci-dessus, il est vrai que, dans tous les cas, l’Etat bénéficie d’une situation de supériorité que Carré de Malberg définit ainsi : l’État est « une communauté d’hommes, fixée sur un territoire propre et possédant une organisation d’où résulte pour le groupe envisagé dans ses rapports avec ses membres une puissance supérieure d’action, de commandement et de coercition » [28]. En conséquence, l’État a souvent tendance à vouloir concentrer un nombre accru de décisions, d’autant qu’il bénéficie d’une souveraineté territoriale, phénomène bien soulignée par exemple dès 1204 lorsque le roi, qui était le roi des Francs, donc de l’un des peuples qui vivaient dans le royaume, décide de s’intituler roi de France [29], montrant ainsi que le pouvoir monarchique a désormais une base territoriale.
Il en résulte que nombre d’États développent une centralisation administrative. L’État crée alors sur l’ensemble de son territoire des liens de type vertical, sans intermédiaire, entre le pouvoir souverain et la population. Ainsi, le risque que l’État privilégie l’esprit de domination est réel, ce qui conduit à l’analyse suivante : « L’État est devenu le pouvoir sur les pouvoirs. C’est le pouvoir qui est au-dessus, en surplomb des autres pouvoirs, qui est dans une position d’extériorité et de supériorité par rapport à la société, qui la domine, qui est fondé sur l’idée de puissance inconditionnée » [30].
Or cette prééminence de l’État peut engendrer des dérives conduisant à des conflits internes ou externes défavorables au bien commun. L’idée d’unité de la nation, qui a tendance à négliger la réalité des groupements inférieurs, l’emporte sur l’idée selon laquelle la nation est une union. Dans des cas semblables, « l’on considère que la loyauté suprême de l’individu doit aller à l’État Nation » [31]. Mais cette loyauté suprême est souvent exprimée de façon exclusive ; elle signifie alors qu’elle écarte toute loyauté complémentaire avec des groupements inférieurs, car considérée comme susceptible de nuire à cette loyauté suprême. Pour justifier cette loyauté unique, l’État-nation avance qu’il serait sous le coup d’une double menace tenant au risque de pressions autonomistes et au risque d’être dominé par d’autres puissances.
D’où des dérives nationalistes parfois fondées sur le mythe de la nation-race comme dans le cas de l’Allemagne nationale-socialiste insistant sur la langue commune, la géographie de l’espace vital ainsi que sur l’idée d’une race allemande, supérieure aux autres [32].
Des dérives semblables peuvent exister sous l’effet d’un nationalisme religieux, élément explicatif essentiel du génocide arménien ou des expulsions pratiquées par l’Égypte en 1956. Le nationalisme religieux invoque l’appartenance à une communauté religieuse pour définir la Nation, et par voie de conséquence, en exclure ceux qui n’en font pas partie [33].
Mais, outre le risque de dramatiques dérives nationalistes qui ignorent totalement le principe de subsidiarité, celui de son piétinement, temporaire ou permanent, est réel, y compris dans des pays se définissant comme démocratiques.
Certes, dans les démocraties et même dans les États non démocratiques, l’État lui-même n’est généralement pas contesté dans ses tâches de missions régaliennes, c’est-à-dire essentiellement la sécurité et la justice, la sécurité intérieure (police et justice et la sécurité extérieure). Mais, comme précisé ci-dessus, tout État, compte tenu de la souveraineté qu’il exerce sur un territoire, a tendance à étendre son champ d’autorité, même si des principes constitutionnels les limitent. Par exemple, dans ce pays fédéral qu’est l’Allemagne, les compétences en matière d’enseignement supérieur relèvent des Länder. Or, en 2018, l’État fédéral a souhaité verser des dotations financières spécifiques à des universités à condition de pouvoir en contrôler l’utilisation. Plusieurs Länder ont préféré refuser ces subventions qui remettaient en cause leurs compétences et leur semblaient contraires au principe de subsidiarité. De même aux États-Unis, des procédures judiciaires peuvent être engagées par des États de l’Union ou des villes – pensons aux villes sanctuaires qui se considèrent en droit d’accueillir et de protéger des immigrants considérés par le niveau fédéral comme en situation irrégulière [34] – lorsqu’ils considèrent que le Président a abusé de ses pouvoirs. En France et dans d’autres pays démocratiques, des parlementaires de l’opposition interrogent périodiquement le Conseil constitutionnel sur des textes qu’ils considèrent comme des abus de pouvoir.
Il y a diverses façons pour un État, même s’il s’affiche démocratique, de ne pas respecter la subsidiarité. L’une d’elles consiste à décider des lois et des réglementations qui limitent considérablement, voire étouffent la liberté des échelons intermédiaires, par exemple des collectivités territoriales [35]. Une autre façon de ne pas se conformer au principe de subsidiarité est de pénaliser un groupement d’ordre inférieur par un environnement limitant ses possibilités de choix et rendant sa vie difficile. Par exemple, dans tout État, la famille contribue à l’éducation d’enfants et d’adolescents. Si l’État, par ses décisions réglementaires, financières, fiscales… multiplie les difficultés de vie des familles, leur liberté d’accueil de la vie [36] et d’éducation se trouve limitée.
Espérant trouver une parade aux règles – dont certaines sont inévitablement contraignantes - que les États fixent pour leurs ressortissants et au risque des dérives étatiques centralisatrices, certains imaginent pouvoir remplacer les États par un cosmopolitisme selon lequel tous les individus doivent être considérés uniquement dans leur identité de « citoyens du monde ». Donc, pour les thuriféraires d’un cosmopolitisme de nature intégrale, le concept d’État est devenu caduc, d’autant qu’il est jugé responsables de conflits et limite les échanges idées, d’informations et la circulation des individus.
Pourtant, selon Francis Wolff [37], il est impossible d’être citoyen du monde si cela implique d’être citoyen de nulle part, donc de renier toutes les origines et les appartenances de chaque individu. Notons qu’un individu ne peut être citoyen de l’Union européenne que s’il est citoyen d’un des pays-membres de cette Union. L’idée cosmopolite implique que les individus soient d’accord pour abandonner les différentes facettes de leur identité, et fait de tous les humains des êtres interchangeables. Elle devient donc incohérente dès qu’elle doit être appliquée à des individus concrets, car « toute identité authentique est plurielle » [38]. De son côté, Georges Burdeau [39] écrit : « Personne n’a jamais vu l’État. Qui pourrait nier cependant qu’il soit une réalité ». L’auteur précise toutefois qu’il n’y a certes pas d’État sans territoire, sans population et sans autorité qui commande.
L’existence d’un échelon correspondant à l’État n’est donc pas à balayer, même si ce dernier devrait toujours se fonder sur des règles de droit. En effet, sans droit, il n’y plus d’État digne de ce nom, comme l’a enseigné saint Augustin : « Enlève le droit, et alors qu’est-ce qui distingue l’État d’une grosse bande de brigands ? » [40].
L’existence de l’État est plus généralement justifiée par les devoirs qu’il a à assumer, clairement précisés par Benoît XVI [41] : « Le devoir de l’État, c’est de maintenir l’ordre dans la communauté humaine, de créer un équilibre tel entre les biens et la liberté que chacun puisse mener une vie digne de son humanité […] L’État garantit le droit comme condition de la liberté et du bien-être commun […] Cependant, il n’est pas du rôle de l’État de réaliser le bonheur de l’humanité ; il n’est pas non plus chargé de créer des hommes nouveaux. Il n’est pas davantage de son rôle de transformer le monde en paradis, et il en est du reste incapable. S’il s’y essaie malgré tout, il se pose comme absolu et dépasse ses limites » [42].
Certes, les États-nation ne font pas référence aux mêmes valeurs idéales, comme les valeurs démocratiques et les libertés individuelles. Toutefois, ce n’est pas, au XXIe siècle, une structure obsolète dont il conviendrait même d’accélérer le « dépassement ». Bien conçu, l’État-nation reste un espace de démocratie et de solidarité, en même temps qu’un acteur dont la nature lui permet d’œuvrer pour une vraie coopération internationale.
Autrement dit, l’État-nation, même s’il prend des formes variées dans l’espace et le temps, est une réalité tangible qui continuera à avoir une importance considérable sur la vie des hommes. Quant au nationalisme, selon Gil Delannoi, a priori, il n’a rien de malfaisant. Il y en a de bons usages, comme de mauvais [43]. Selon cet auteur, la nation reste au XXIe siècle l’espace indispensable à toute expérience démocratique ; elle est même le meilleur rempart à opposer aux nationalismes qui persistent et se recomposent [44].
L’État-nation est d’autant plus une réalité qu’il s’appuie – faut-il le rappeler - sur une base géographique à laquelle il attache une importance cruciale comme le montrent les forts nombreux conflits frontaliers. Certes, la Cour internationale de Justice (CIJ), siégeant à La Haye (Pays-Bas) dans le palais de la Paix, établie par l’article 92 de la Charte des Nations unies, permet périodiquement de régler des contentieux.
Mais, compte tenu des moyens, certes variés, de souveraineté dont il dispose, qu’il s’agisse de la souveraineté interne ou de la souveraineté externe [45], le risque existe que les dirigeants d’un État développent, au nom du principe d’unité, un nationalisme d’affirmation pouvant conduire à des conflits externes et internes vis-à-vis de ceux qui n’y adhérent pas. Le risque que l’État s’oriente vers un pouvoir toujours plus accru est inévitable, selon la formule du britannique John Emerich Edward Dalberg-Lord Acton (1934-1902) : « Tout pouvoir tend à corrompre. Un pouvoir absolu corrompt absolument ».
Pour écarter ces risques, et non seulement par souci du respect de la liberté de la personne humaine, l’un des moyens est la mise en œuvre du principe de subsidiarité selon lequel l’État ne devrait intervenir que lorsque les effets bénéfiques de son action sont clairement supérieurs à ceux de mesures prises au niveau des corps intermédiaires ou au niveau régional [46] ou local.
Car « la démocratie se construit par le bas » [47] comme Alexis de Tocqueville le précise dans ce plaidoyer pour la subsidiarité territoriale : « C’est dans la commune que réside la force des peuples libres. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science : elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. Sans l’institution communale, une Nation peut se donner un gouvernement libre, elle n’a pas l’esprit de liberté. Sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté. Des passions passagères, des intérêts d’un moment, le hasard des circonstances, peuvent lui donner les formes extérieures de l’indépendance ; mais le despotisme refoulé dans l’intérieur du corps social reparaît tôt ou tard à la surface » [48].
Le respect du principe de subsidiarité est donc inséparable d’un bon fonctionnement de la démocratie.
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[1] Le Bourgeois gentilhomme, 1670.
[2] Nous utilisons cet intitulé car même si ces deux mots sont distincts, le thème de l’État-nation est ancien et les deux termes sont souvent liés au point que le vocabulaire contemporain, à l’instar de l’ONU, postule la coïncidence de l’idée d’État et de celle de Nation.
[3] Nous ne traiterons pas ici du mot subsidiarité tel qu’il figure dans les traités européens, ni de sa pratique réelle au sein de l’UE, car ce sujet en soi justifierait un long développement. Cf. par exemple ; rapport final de la task-force « Subsidiarité, proportionnalité et « faire moins mais de manière plus efficace » présenté au Président Juncker le 10 juillet 2018 ; Dumont, Gérard-François, « Les régions d’Europe : une extrême diversité institutionnelle », Diploweb.com, La revue géopolitique, 11 janvier 2014 ; « L’UE à rebours de ses principes ? », Diploweb.com, La revue géopolitique, 14 janvier 2016.
[4] Millon-Delsol, Chantal, Le principe de subsidiarité, Paris, PUF, 1993, p. 13.
[5] Voir notamment, Pellissier-Tanon, Arnaud, « L’ordre hiérarchique des divers groupements – Une note sur les fondements aristotéliciens du principe de subsidiarité », in : Bichot, Jacques, P. Coulange, Pierre et Largillier, Bernard, et al., La subsidiarité, Aix, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2014, pp. 15-22.
[6] Cf. Millon-Delsol, Chantal, L’État subsidiaire. Ingérence et non-ingérence de l’État : le principe de subsidiarité aux fondements de l’histoire européenne, Paris, PUF, 1991.
[7] Bodin, Jean, Les six livres de la République, Paris, Fayard, 1986. 6 volumes.
[8] Cf. Demelemestre, Gaëlle, Introduction à la Politica methodice de Johannes Althusius, Paris, Éditions du Cerf, 2012. Selon Althusius, le peuple n’est pas une simple addition d’individus, mais une personne morale, juridique et politique. La société se compose de groupes emboîtés les uns dans les autres, dont chacun travaille à répondre aux besoins qui ne peuvent être satisfaits dans la sphère immédiatement inférieure à la sienne, de façon à lui apporter, non seulement une utilité plus vaste, mais également un accroissement d’être, c’est-à-dire une qualité plus grande.
[9] Cf. par exemple : Aubelle, Vincent, Kada, Nicolas (direction), Les grandes figures de la décentralisation, Paris, Berger-Levrault, 2019.
[10] Terme utilisé au Royaume-Uni.
[11] Pour une analyse récente, voir par exemple Naudet, Jean-Yves, « Société civile et subsidiarité : l’apport de Benoît XVI », in Bichot, Jacques, P. Coulange, Pierre et Largillier, Bernard, et al., La subsidiarité, Presses universitaires d’Aix- Marseille, 2014, pp. 23-36.
[12] Cf. Delsol, Chantal, « Les fondements anthropologiques du principe de subsidiarité », 4 mai 2011, disponible sur : http://www.chantaldelsol.fr.
[13] Première traduction française de l’encyclique de 1931, effectuée par un théologien, le prêtre George Desbuquois. Cette première traduction utilise l’adjectif supplétif mais les traductions plus récentes ont remplacé « ce principe de la fonction supplétive de toute collectivité » par « ce principe de la fonction de subsidiarité de toute collectivité ». Les quatre versions officielles, publiées le 15 mai 1931, sont italienne, anglaise, espagnole et latine, non allemande ou française, et n’attestent pas de l’emploi du substantif mais seulement de l’adjectif.
[14] Encyclique Quadragesimo anno, 15 mai 1931.
[15] Le modèle d’une civilisation germanique de la liberté est présente dans : Zurfluh, Anselm, Un monde contre le changement, une culture au cœur des Alpes, Uri en Suisse, Paris, Economica, 1993.
[16] Voir : Bergier Jean-François, Guillaume Tell, Paris, Fayard, 1988.
[17] Rappelons que le terme « université » vient du latin médiéval et signifie « communauté ».
[18] Et parfois des règles savoureuses. Ainsi, dans « la réforme des statuts de l’Université de Paris » de 1366, on demande aux étudiants « de s’asseoir à terre devant leurs maîtres et non sur des bancs... afin de préserver la jeunesse de toute occasion d’orgueil » ; cf. Carpentier, Jean, Lebrun, François (direction), Histoire de l’Europe, Paris, Seuil, 1990.
[19] Weber, Max, La ville, 1921, Paris, trad. Aubier-Montaigne, 1982.
[20] Pendant quelques siècles, cette association multiplie ses membres et étendit au loin son commerce ; mais à partir du XVe siècle, la découverte de l’Amérique et l’extension de commerce maritime qui en fut la suite la firent déchoir rapidement : en 1630, la Ligue est dissoute et elle se trouve réduite à trois villes (Hambourg, Brême et Lubeck) ; cf. Bouillet, Marie-Nicolas, Dictionnaire universel d’histoire et de géographie. Ouvrage revu et continué par A. Chassang. Paris, Hachette, 1878, p. 833.
[21] Braudel Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle. Les jeux de l’échange (Tome III), Paris, Librairie Armand Colin, 1979, p. 661.
[22] Tilly Charles, Contrainte et capital dans la formation de l’Europe. 990-1990, Paris, Aubier, 1992, pp.122-123.
[23] Anderson, Lineage of the absolutist state, New York, Verso, 1996, p. 19.
[24] Dumont, Gérard-François, Démographie politique, Les lois de la géopolitique des populations, Paris, Ellipses, 2007.
[25] Sur les frontières naturelles et les « hydrofrontières » en Europe, cf. : Dumont, Gérard-François, Verluise, Pierre, Géopolitique de l’Europe : de l’Atlantique à l’Oural, Paris, PUF, 2016.
[26] Formulation conservée dans l’arrêté relatif à la mise à jour de la nouvelle Constitution fédérale du 18 décembre 1998.
[27] Bernard, Élise, « La Confédération suisse comme modèle de l’intégration européenne », Uvo u pravo Svajcarske, Beograd, 2018.
[28] Contribution à la théorie générale de l’État, 1920, t. 1, p 7.
[29] Quant à la date de naissance de l’État en France, elle peut être fixée à 1190 : « Le roi Philippe Auguste, qui va partir en croisade, prend une ordonnance fixant l’organisation du royaume pendant son absence. On appelle cette ordonnance le « testament » de Philippe Auguste, car on n’était jamais sûr de revenir d’une croisade ! Ce texte met en place une administration centralisée et hiérarchisée sur l’ensemble du territoire du royaume. Le roi devient souverain d’un territoire et cette souveraineté est justifiée par l’utilité publique. L’ordonnance commence par cette proclamation : « L’office du roi consiste à pourvoir par tous les moyens aux besoins de ses sujets, et à faire passer l’utilité publique avant sa propre utilité » ; Giltard, Daniel, L’idée d’État , id.
[30] Giltard, Daniel, « L’idée d’État », Zbornik radova Pravnog fakulteta u Splitu, god. 56, 1/2019.
[31] Hans Kohn, The idea of nationalism. A study in its origin and background, New York, 1944 ; Nationalism : its meaning and history, Princeton, 1955, p 9.
[32] Cf, Chapoutot, Johann, La Révolution culturelle nazie, Paris, Gallimard, 2017. Au cœur du système nazi, s’élève en valeur suprême la notion de nature, et partant, les notions de race, d’instinct, de primitif, d’antique, de sang et de terre. La conception raciste de l’histoire permet de définir le corps social comme un corps racial, et « la culture de la race nordique est une expression de son sang » (p. 140).
[33] Da Lage, Olivier, L’essor des nationalismes religieux, Paris, Demopolis, 2018. Voir également Maalouf, Amin, Les identités meurtrières, Paris, Grasset, 1998. Pourquoi l’affirmation de soi s’accompagne-t-elle si souvent de la négation d’autrui ?
[34] Ce type de procédure a été constaté tout particulièrement sous l’administration Trump (2017-2020) même si, dans l’histoire des États-Unis, la politique d’immigration de Trump n’était pas si nouvelle ; cf. Dumont, Gérard-François, « Trump : une nouvelle politique d’immigration aux États-Unis ? », Population & Avenir, n° 737, mars-avril 2018.
[35] Par exemple, en 2015, l’usage de la force de l’État français, qui se présente pourtant comme un État de droit, est tel qu’il n’a pas hésité à violer un traité international, la Charte européenne de l’autonomie locale, pour fusionner les régions. Or ce traité précise, dans son article 5, que « pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet ». Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a fini par dénoncer cette violation dans son rapport « La démocratie locale et régionale en France. », mars 2016, point 208. Cf. Dumont, Gérard-François, « Quel aménagement du territoire ? Face aux enjeux du développement durable, de la décentralisation et de la mondialisation », Les analyses de Population & Avenir, mars 2020 ; Dumont, Gérard-François, « Géopolitique des territoires français : décentralisation versus recentralisation », Diploweb.com, la revue géopolitique, 15 septembre 2018 ; « Devoluzione addio ! Lo Stato Francese riaccentra », Limes, revista italiana di geopolitica, Rome, 2018, n° 3.
[36] La France illustre également ce cas : cf. Dumont, Gérard-François, « France : comment expliquer quatre années de baisse de la fécondité ? », Population & Avenir, n° 742, mars-avril 2019 ; « France : la baisse de l’excédent démographique naturel provient-elle de la mortalité ou de la natalité ? », Population & Avenir, n° 747, mars-avril 2020.
[37] Wolff, Francis, Trois utopies contemporaines, Paris, Fayard, 2017.
[38] Dumont, Gérard-François, Médiavenir, hors série 2, printemps 2004.
[39] Burdeau, Georges, L’Etat, Paris, Editions du Seuil, 2009 ; préface de Philippe Braud.
[40] Cité de Dieu, IV, 4, 1.
[41] Dans une phrase qui, il est vrai, ne concerne qu’indirectement le principe de subsidiarité.
[42] Ratzinger, Joseph / Benoît XVI, Libérer la Liberté, Foi et politique, Paris, Parole et Silence, 2018, p. 122.
[43] Delannoi, Gil, La nation contre le nationalisme, ou la résistance des nations, Paris, PUF, 2018.
[44] Voir l’analyse de Joshua Mitchell, Professeur de théorie politique à l’université de Georgetown. Ce spécialiste d’Alexis de Tocqueville considère que « les Occidentaux sont les seuls à se sentir coupables de leurs nations ». Si l’État-nation s’efface, des identités ressurgissent aux dépens de la citoyenneté. Cf. Figarovox, 19 juillet 2019.
[45] Sur l’importance de l’État dans l’exercice de sa souveraineté externe, citons l’article 32 de la loi fondamentale de l’Allemagne qui en offre une démonstration : « Dans la mesure de leur compétence législative, les Länder peuvent, avec l’approbation du Gouvernement fédéral, conclure des traités avec des États étrangers. »
[46] Notons que ce qui, dans l’idéal, doit tendre à la subsidiarité régionale prend des formes très variées selon les pays européens ; cf. Dumont, Gérard-François, « Les régions d’Europe : une extrême diversité institutionnelle », Diploweb.com, La revue géopolitique, 11 janvier 2014.
[47] Dumont, Gérard-François, « La démocratie se construit par le bas », Ensemble, inventions la commune du XXIe siècle, Paris, Association des Maires de France (AMF), 2016.
[48] De la démocratie en Amérique, Pagnerre, 1848, tome 1.
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