Géopolitique de l’Afrique. Au moment des indépendances africaines, il a été décidé de ne pas changer les frontières, pourtant héritées de la colonisation. Cinquante ans après, quel bilan peut-on faire de l’intangibilité des frontières africaines ? Voici une réponse claire, précise et stimulante.
Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, le Diploweb.com publie cette étude inédite d’un conférencier du Festival de Géopolitique de Grenoble : "A quoi servent les frontières ?" 12-15 mars 2015.
AU début du XXème siècle, la plupart des frontières de l’Afrique sont établies, annonçant la configuration des Etats à venir. Ces frontières tracées au gré des puissances coloniales, dans un contexte de rivalité entre celles-ci, ont dans bien des cas, fait fi des réalités ethniques, linguistiques, religieuses et politiques des peuples africains. La négligence et la méconnaissance du substrat géographique et des divisions socio-politiques traditionnelles engendrèrent une série de difficultés que les commissaires d’abornement furent les premiers à relever. Ils tenaient compte parfois des limites naturelles infranchissables, mais pouvaient aussi bien tracer des lignes droites sur l’inconnu et les appeler frontières. Ces propos de Lord Salisbury, lui-même un des grands « partageurs du gâteau » africain se passent de commentaire : « Nous avons entrepris de tracer sur les cartes des régions où l’homme blanc n’avait jamais mis le pied. Nous nous sommes distribués des montagnes, des rivières et des lacs, à peine gênés par cette petite difficulté que nous ne savions jamais exactement où se trouvaient ces montagnes, ces rivières, ou ces lacs » [1].
Les frontières ainsi tracées ont divisé des groupes consanguins, les éloignant de leurs territoires de rituels, de culture, de chasse et de pêche [2]. Plus de 177 peuples ou groupes ethniques se sont trouvés éparpillés à travers plusieurs Etats [3]. Les nouvelles frontières établies renferment des communautés peu homogènes, voire antagonistes, chargées souvent de multiples forces explosives [4]. Les frontières coloniales, nouvelles données géopolitiques, constituent un marqueur rigide de l’espace politique et social africain. C’est désormais par rapport à des espaces délimités par des « frontières lignes » que s’exerce le pouvoir.
Au moment des indépendances, les nouveaux Etats africains étaient confrontés aux conflits de contestations de frontières. Le nombre de différends frontaliers était impressionnant, Robert Waters en compta trente-deux [5]. Conscients donc de la fragilité de leurs pays respectifs délimités par des frontières artificielles et du danger que constituait le maintien d’une telle situation, certains dirigeants africains se sont évertués à appeler à la remise en cause du tracé territorial colonial. Ces partisans de la révision des frontières estiment qu’il parait logique que l’Afrique post-coloniale entreprenne de revenir sur les erreurs des découpages coloniaux. Car les assises territoriales des Etats africains, nées des arrangements coloniaux, ne tenaient pas suffisamment compte des spécificités propres qui devaient être essentielles à la cohésion sociale et au renforcement de l’unité en leur sein. Pour dénoncer ce partage préjudiciable à la viabilité durable des Etats, les dirigeants africains, favorables à la remise en cause des frontières, réunis au sein du « Groupe de Casablanca » voulaient une refonte des frontières africaines en 1963.
D’autres dirigeants, à l’inverse, souhaitaient le maintien du tracé hérité de la colonisation. Pour ce second groupe de dirigeants, appelé « Groupe de Monrovia », le statu quo territorial avait comme objectif la stabilité des frontières coloniales, permettant de sécuriser les confins des Etats africains nouvellement indépendants. Ceci pour consolider les nations et, à terme, réussir à les transformer en Etats-nations. Il paraissait donc sage et prudent de maintenir le legs territorial colonial, condition sine qua non d’une paix entre les Etats et en leur sein et de possibilités de développement réel. Voilà grosso modo l’essentiel de l’argument des tenants du statu quo territorial.
Ainsi, durant les premières années des indépendances africaines, une des préoccupations majeures des pères fondateurs fut la question de la configuration à donner aux frontières léguées par la colonisation. Elle se posait en ces termes : fallait-il remettre en cause le tracé colonial et ouvrir la voie à des incertitudes et à l’instabilité ou l’accepter et permettre ainsi l’instauration d’un climat de sérénité et de paix dans les rapports interétatiques ?
C’est dans ce contexte de forte controverse au sujet des frontières des Etats africains, que la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernements de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) réunie au Caire, opta en faveur du « principe de l’intangibilité » des frontières en Afrique, le 21 juillet 1964. Ce principe « déclare solennellement que tous les Etats membres s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance ». Il consiste en une interdiction faite aux Etats membres d’exprimer toute revendication territoriale et de vouloir procéder à une modification du tracé colonial au détriment d’un Etat tiers. Pour les dirigeants africains, cet impératif concerne d’une part, toute revendication territoriale venant d’un autre Etat, et, d’autre part, tout mouvement sécessionniste venant de l’intérieur de nature à mettre en cause les frontières issues des indépendances [6]. L’enjeu étant d’empêcher les conflits dus aux remises en cause de frontières et de stabiliser les édifices étatiques hérités de la colonisation. Cinquante ans après l’intangibilité des frontières africaines, quel bilan peut-on établir ? Le « principe de l’intangibilité » visait à régler les problèmes de frontières en Afrique, mais qu’est-ce qui explique que ceux-ci constituent une source persistante de conflits et comment parvenir à les surmonter ?
Pour répondre à ces questions, il convient d’abord de faire l’état des lieux des conflits de frontières en Afrique, ensuite d’analyser les défis liés à l’intangibilité des frontières, et enfin de dégager des perspectives pour les surmonter.
Après un demi-siècle de pratique de statu quo territorial et d’exercice de pouvoir au sein du cadre étatique dit national, il est permis d’avancer que le bilan de la mission de stabilisation socio-politique et de consolidation des assises territoriales reposant sur le « principe de l’intangibilité » des frontières reste mitigé. En témoignent la persistance et la résurgence des conflits de frontières entre les Etats voisins d’une part et les velléités séparatistes et sécessionnistes exprimées avec insistance par plus d’un peuple dans toutes les régions du continent africain d’autre part.
Au sortir des indépendances, le choix du maintien des frontières héritées de l’époque coloniale visait à résoudre et à éviter les conflits de frontières entre les Etats africains. Cependant, ce résultat n’a pu être atteint de manière satisfaisante. Plusieurs Etats africains se sont livrés à des conflits de frontières, faisant de celles-ci des lignes de front entre les Etats. Le Maghreb, la bande sahélo-soudanaise et la Corne de l’Afrique constituent les foyers de contestation de frontières les plus remarqués [7].
Dans le Maghreb, un an après son indépendance en 1963, l’Algérie est entrée en guerre (la guerre des sables) avec le Maroc pour un litige sur le tracé de la frontière dans la région de Figuig, au Nord-Est de Tindouf. Après les échecs successifs d’Habib Bourguiba, Hailé Sélassié et Nasser, ce litige fut le premier cas de médiation porté devant les instances de l’OUA. La médiation de l’OUA favorise un cessez-le-feu, laissant la frontière inchangée [8].
En 1976, l’armée marocaine s’est heurtée de nouveau à l’armée algérienne via de violents combats à l’Est de Tindouf, à propos cette fois du Sahara occidental. Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental a été abandonné au profit du Maroc, de la Mauritanie et de l’Algérie par le colonisateur au moment de son retrait, sans tenir compte de l’avis des populations sahraouies qui y vivent. En mai 1973, cette situation conduit à la constitution d’un mouvement armé anticolonialiste (le Front Polisario) pour revendiquer la création d’un Etat sahraoui indépendant dans les frontières de l’ancien Sahara occidental. En vertu d’un accord de paix signé avec le Front Polisario en août 1979, la Mauritanie se retire du Sud du Sahara occidental et l’armée marocaine se déploie aussitôt sur la totalité du territoire. Nonobstant l’occupation marocaine, la République arabe sahraouie démocratique (RASD) est admise à l’OUA en 1982, dont le Maroc se retire deux ans plus tard. Depuis lors, cette question représente une source de discorde majeure entre les Etats africains. Les Etats proches du Maroc comme la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Sénégal ou le Mali… soutiennent l’exclusion de la RASD de l’Union africaine (UA). Ils souhaitent faire basculer le Nigeria de leur côté afin de contrebalancer le poids des autres géants du continent, soutien de la RASD tels que l’Algérie, l’Afrique du Sud ou l’Angola [9]. Au niveau sous régional, depuis le début de ces différents épisodes, les relations algéro-marocaines restent tendues, ce qui paralyse l’Union du Maghreb arabe, proclamée en 1989 [10]. En outre, cette situation contribue à renforcer l’insécurité dans le grand désert et demeure un outil de déstabilisation, du fait des connexions établies entre les Sahraouis du Front Polisario, les mouvements rebelles touaregs et les éléments de l’AQMI. L’enjeu actuel consiste à voir la question résolue le plus tôt possible pour une bonne coordination de la lutte anti-terroriste afin d’instaurer un climat de sécurité dans la région. Mais, les deux Etats voisins continuent de nourrir le projet de dominer la région en s’affaiblissant mutuellement, pourtant aucun des deux protagonistes n’est en mesure d’imposer sa solution. En guise de règlement définitif, un référendum sur l’autodétermination de ses habitants est envisagé depuis 1988, mais toujours en suspens sans une réelle perspective de paix. Si l’autonomie du Sahara occidental semble constituer la sortie la plus probable, elle confronterait, en revanche, le Maroc à une révision constitutionnelle et affecterait profondément son institution monarchique [11].
En outre, la zone du Sahara est confrontée à l’épineuse question touarègue. Les peuples touaregs sont constitués de populations berbères nomades, organisées en tribus. Ils sont répartis entre cinq États (le Niger où ils sont environ 800 000, le Mali, à plus de 500 000, l’Algérie environ 30 000, la Libye 10 000 et le Burkina Faso où ils sont estimés à plus de 150 000) où ils représentent des minorités homogènes [12].
Les indépendances africaines scellent ce qui est vécu par les Touaregs comme le démembrement de leur corps politique et social [13]. Ils ont depuis toujours revendiqué leur autonomie. Leurs rapports avec le pouvoir central des différents Etats demeurent aussi conflictuels qu’ils l’avaient été auparavant avec le pouvoir colonial. Depuis la première rébellion touarègue (récolte de Koacen en 1916) à celle du Mali en 2012 qui perdure encore, les conflits touaregs ont ressuscité des homogénéités et des convivialités culturelles très fortes et profondément entamé la stabilité sociale et politique dans la bande saharo-sahélienne. Ce problème resté en suspens depuis un siècle se signale, encore aujourd’hui, au bon souvenir des méthodes répressives de l’ancienne puissance coloniale et des Etats africains concernés qui refusent de voir la réalité en face et de comprendre que la violence a suffisamment montré ses limites dans la quête d’un règlement durable de la question touarègue [14].
Parmi les conflits frontaliers qui ont ébranlé la stabilité des fragiles édifices étatiques dans la bande saharo-sahélienne, figure le différend frontalier qui a opposé la Libye et le Tchad à propos de la Bande d’Aouzou, dans la région septentrionale du Tchad. Revendiquée et occupée par la Libye à partir de 1973, elle est rendue au Tchad en 1994 [15].
En Afrique occidentale, la Haute Volta (Burkina Faso actuel depuis 1984) et le Mali se sont livrés à des affrontements armés lors de deux conflits en 1974 et en 1985, dont la cause revêt une dimension territoriale liée à la revendication de la zone frontalière de l’Agacher [16]. De plus, le Burkina Faso se dispute avec le Bénin pour le contrôle de la zone frontalière de Kourou-Koalou. Cette zone est au centre d’une revendication territoriale entre les deux Etats. La non-détermination de son statut territorial a mené à des tensions répétées. Ils ont donc accepté de soumettre ce dif¬férend frontalier à la Cour internationale de Justice (CIJ) pour obtenir une décision contraignante. Dans l’attente du verdict de la Cour, les deux États ont développé une stratégie de neutralisation (temporaire) et d’administration mixte de la zone [17]. Au niveau de sa frontière orientale, un autre différend oppose le Burkina Faso au Niger. Ce contentieux est lié à une divergence d’interprétation de l’amendement apporté à l’arrêté colonial de 1927 sur le tracé frontalier entre les deux territoires. Le 27 juin 2010, ils ont accepté de soumettre le contentieux à la CIJ [18].
Par ailleurs, la frontière entre le Burkina Faso et le Ghana était en proie à des tensions. Le Ghana revendiquait des territoires frontaliers du Burkina Faso, entrainant dès 1963 la fermeture des frontières par le Ghana. Cependant, lorsque le conflit est porté devant l’OUA en juillet 1964, il a dégénéré. Des Ghanéens se sont installés dans le village de Katunga, dans le cercle de Tenkodogo au Burkina Faso. Le 13 juin 1965, un accord a été réalisé à la suite de concessions faites par le Ghana [19].
Outre le Burkina Faso, le Ghana de Kwamé N’krumah entretenait des différends territoriaux avec les autres Etats voisins. Il convient à cet effet, de rappeler la vivacité et le particularisme du différend entre le Ghana et le Togo, qui a porté sur le sort des populations Ewé qu’une ligne frontalière sépare en deux, entre le Ghana où ils étaient 700 000 habitants et le Togo où il en était resté 400 000. De 1959 à 1966, le président ghanéen, Kwamé N’krumah a même fait pression sur le Togo pour « s’intégrer au Ghana » [20]. Ce différend a parfois atteint un tel point que Monique Chemillier-Gendreau n’a pas hésité à affirmer que : « la délimitation des frontières entre le Togo et le Ghana soulève un problème ethnique parmi les plus importants que posent les frontières africaines de par leur origine coloniale » [21]. N’krumah soutenait également le détachement du peuple Sanwi de la Côte d’Ivoire au profit du Ghana [22].
De décembre 1963 à mars 1964, un conflit portant sur un îlot du fleuve Niger, qui constitue une frontière naturelle, a opposé le Niger au Dahomey (Benin actuel depuis 1975) et a abouti à l’expulsion de quelques 25 000 ressortissants dahoméens dont plusieurs centaines de fonctionnaires [23]. A ce tableau, il faut ajouter le conflit sénégalo-mauritanien qui a entrainé, fait exceptionnel, le rapatriement systématique des populations respectives d’un pays à l’autre, créant de ce fait le problème du rapport entre Maures d’une part, et populations d’origine Wolof, Peul et Soninké d’autre part. Désormais, le fleuve Sénégal devient une barrière entre le Sénégal et la Mauritanie qui ferment la traversée du fleuve à la suite du conflit entre les deux pays en 1988. Ce conflit fixe le fleuve comme une frontière et une ligne de démarcation ethnique entre les Maures et les autres populations noires qui sont refoulées au Sénégal [24]. Ainsi, les conflits frontaliers entre les Etats prennent une dimension politique. Ils riment avec la fermeture et l’ouverture des frontières et l’expulsion des ressortissants des Etats voisins, sans tenir compte des intérêts des populations qui continuent à se déplacer en fonction des connexions socio-culturelles et de leurs besoins économiques.
A la lisière de l’Afrique occidentale et centrale, le Nigeria et le Cameroun ont été opposés par un conflit frontalier à propos de la péninsule de Bakassi à partir de février 1994. Après une tentative de médiation du président togolais Eyadéma au début de mars de cette année, l’affaire est portée devant la CIJ de La Haye qui rend un jugement le 10 octobre 2002, attribuant la souveraineté du territoire au Cameroun.
En Afrique Centrale, les relations entre la Guinée Equatoriale et le Gabon sont brouillées par un différend frontalier portant sur la souveraineté des îlots de Conga, Cocotier et de Mbanié, que le Gabon occupe depuis 1972 et dont l’origine remonte à la période coloniale [25]. Face à l’impasse de la médiation de l’ONU, la décision de transférer le dossier à la CIJ a été prise par le délégué du secrétaire général de l’ONU en charge de celui-ci.
Tout comme dans les affaires du Sahara occidental, des îlots de Mbanié, de Conga et Cocotier, du Bakassi, de l’Agacher…, la CIJ est aussi intervenue dans l’arbitrage du contentieux frontalier de 1989 entre le Sénégal et la Guinée Bissau. Depuis quarante ans, 57% des cas de contentieux territoriaux portés devant la CIJ dans le monde entier concernent l’Afrique [26]. Ces faits appellent des observations évidentes. D’abord, depuis les indépendances, l’Afrique est le continent le plus affecté par les différends de frontières. Mais aussi, ils mettent en cause l’efficacité des politiques de gestion des problèmes de frontières auxquels sont confrontés les Etats africains, et, surtout, la capacité de l’OUA/UA en tant qu’organisation continentale à les résoudre de manière satisfaisante.
Les différends de frontières n’ont pas non plus épargné l’Afrique orientale et australe. Ainsi, un conflit frontalier lacustre a-t-il opposé la Tanzanie et le Malawi au sujet du lac Nyassa de 1964 à 1968 [27]. Outre ce conflit, la Tanzanie était aux prises avec l’Ouganda entre 1978-1979 au sujet de la zone connue sous le nom de Kagéra [28].
Dans cette partie du continent, deux conflits d’une portée particulièrement grave sont survenus entre la Somalie et l’Ethiopie sur les zones de Haud et d’Ogaden conclu provisoirement par les armes entre 1961 et 1964 [29], puis entre 1977-1978 d’une part, entre la Somalie [30] et le Kenya d’autre part à propos de toute la région frontalière du Nord connue sous le nom de Northern Frontier District (N.F.D.) habitée par des populations Somalis au Kenya [31].
Enfin, la résurgence d’un vieux conflit territorial sur quelques centaines de mètres au bord du détroit de Bab Al-Mandeb, lié à une divergence d’interprétation de l’accord franco-italien de 1901, a dégénéré en mini-conflit armé entre l’Erythrée et le Djibouti en mai 2008. Un plan de médiation du Qatar approuvé par les deux pays le 9 juin 2010 a permis de trouver un accord [32].
Les différents conflits susmentionnés constituent un aperçu sommaire des conflits frontaliers interétatiques qui ont émaillé l’histoire post-coloniale de l’Afrique. En plus de ce type de conflit, plusieurs Etats du continent ont été déstabilisés par des conflits de contestation interne des frontières, qui ont ressuscité des homogénéités et convivialités ethniques et identitaires profondes.
Les conflits sécessionnistes constituent une contestation des frontières étatiques venant de l’intérieur, tandis que les conflits frontaliers interétatiques représentent une contestation de frontières venant de l’extérieur. Qu’on soit dans un cas ou dans l’autre, il s’agit d’une menace contre les frontières déjà établies, et le « principe d’intangibilité » des frontières africaines déclare solennellement que tous s’engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l’indépendance. Par l’adoption de ce principe, l’OUA/UA s’engage clairement en faveur de la non-remise en cause des frontières établies au sortir des indépendances.
Cependant, plusieurs conflits sécessionnistes ont donné lieu à des affrontements intercommunautaires ou des guerres civiles ayant pris des dimensions régionales dans bon nombre de cas. En Afrique de l’Ouest, plusieurs velléités sécessionnistes ont ébranlé la stabilité régionale depuis l’adoption du principe de non-remise en cause des frontières. Il s’agit notamment du mouvement sécessionniste Sanwi qui a marqué la Côte d’Ivoire. En effet, tirant argument de la signature d’un traité de protectorat avec la France en 1843, une partie de l’élite Sanwi exige la séparation de cette partie du sud-est de la Côte d’Ivoire en vue de son rattachement au Ghana. Mais cette exigence n’a pu être satisfaite. En 1963, puis en 1969, les récidivistes séparatistes Sanwi ont refait surface pour réclamer cette fois-ci leur sécession. Ceci provoque une sévère répression à leur égard, faisant plusieurs morts et la fuite des leaders séparatistes vers le Ghana [33].
Dans la même période, éclate la guerre du Biafra au Nigéria, avec la sécession du sud-est du Nigéria et la proclamation de la République du Biafra le 30 mai 1967 par l’ethnie chrétienne minoritaire Ibo. Cette revendication indépendantiste déclenche une guerre civile meurtrière durant trois ans (1967 à 1970) et fait un à deux millions de morts.
Si les deux cas précédents ont pu être maitrisés, celui du Sénégal demeure plus persistant. En effet, depuis 1982, le Sénégal est confronté à une rébellion sécessionniste en Casamance [34] où le groupe indépendantiste armé Diola mit sur pied le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (M.F.D.C.). A la fin des années 1990, des milliers de personnes ont trouvé la mort et plus de 20 000 Sénégalais ont fui la région. L’armée sénégalaise est déployée, et les combats persistent jusqu’à la signature d’un cessez-le-feu en 1993. Depuis lors, plusieurs tentatives de résolution effective ont échoué et la crise perdure jusqu’à ce jour.
En Afrique équatoriale, la République Démocratique du Congo, l’ex-Zaïre, a été déstabilisée par plusieurs conflits sécessionnistes. Elle a connu 24 tentatives de sécession entre 1946 et 1998 (Katanga, Haut Congo, Kwilu, Kasaï, Kivu …) [35]. Indépendante le 30 juin 1960, le premier conflit séparatiste qu’elle connut fut celui du Katanga. Le pays fut au bord du démembrement car, une douzaine de jours après l’indépendance, le 11 juillet, la province du Kantaga se proclama unilatéralement indépendante et prit le nom d’Etat du Katanga. Les irrédentistes katangais entretenaient le rêve d’un Etat Bakongo couvrant en plus du Katanga en République Démocratique du Congo, une partie du Congo-Brazzaville et du Cabinda dans la région septentrionale de l’Angola. Cette guerre fut la cause de plusieurs tentatives de sécession (1960, 1977, 1978) [36].
La situation fut encore compliquée par une autre sécession au Kasaï où les Luba-Kasaï en butte aux persécutions des Luluwa exigeaient la création d’un ensemble où ils seraient en sécurité. Face à l’opposition du gouvernement de Lumumba, le 8 août 1960, Albert Kalondji proclame alors l’indépendance du Sud-Kasaï et fixe sa capitale à Bakwanga (Mbuji-Mayi depuis 1996). Après la disparition de Lumumba en janvier 1961, des rébellions lumumbistes éclatent dans l’Ouest, au Kwilu, au Mani et au Kivu, et cela aboutit même à la création d’une République populaire du Congo à Stanleyville où sont massacrés indistinctement Africains et Européens [37].
Depuis son indépendance, les conflits récurrents et les tentatives de sécession ont fortement contribué à déstabiliser la RDC. L’instabilité qu’elle connait aujourd’hui encore est particulièrement accrue à l’Est, notamment dans les régions frontalières avec le Burundi, l’Ouganda et le Rwanda. Le Rwanda a même exprimé ouvertement ses prétentions annexionnistes sur le Kivu [38]. Selon l’ONU, le Rwanda constituait en 2012 une plaque tournante du commerce illicite des pierres précieuses congolaises. Par le biais de mouvements subversifs comme le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) composé de Tutsi congolais ou Banyamulenges, puis du M23, le Rwanda exerce une mainmise sur cette région frontalière afin de parvenir à ses fins politiques et économiques [39].
Au contraire des cas restés lettre morte depuis 1964, deux pays, notamment l’Erythrée et le Sud Soudan ont obtenu un bon de sortie de la part de la communauté internationale. Dans le premier cas, pendant 40 années de cohabitation difficile et de tensions permanentes, l’Erythrée n’a eu de cesse de livrer des combats contre l’Éthiopie. Affaiblie au moment de la chute du mur de Berlin, l’Ethiopie reconnaît le droit de l’Erythrée à organiser un référendum. Ainsi en 1991, l’Erythrée a pu organiser un référendum d’autodétermination pour avaliser son divorce avec l’Ethiopie et accéder à l’indépendance en 1993.
Dans le second cas, après un demi-siècle de conflit armé ayant fait plus de deux millions de morts, le Sud Soudan est né à l’issue d’un référendum d’autodétermination intervenu le 9 juillet 2011. La scission du Soudan consacre de fait, la partition du plus vaste pays du continent africain (2 505 813 km2, soit 1,7 % de la surface des terres émergées). Nonobstant la déclaration de son indépendance, le 193ème membre des Nations Unies et 54ème Etat membre de l’UA n’a pas encore connu la stabilité.
Dans un cas comme dans l’autre, la séparation consentie n’a pas apporté de paix réelle, les nouvelles frontières établies sont régulièrement en proie à de vives tensions. La paix entre l’Ethiopie et son ancienne région d’Erythrée est demeurée précaire depuis plus de vingt ans. Ils avaient mené une guerre pour le contrôle de la zone frontalière de Badme qui a fait une centaine de milliers de morts de 1998 à 2000. Un accord signé en 2003 prévoyait la démarcation de leur frontière par une commission indépendante. Mais en septembre 2003, le tracé de la frontière décidé par ladite commission fut rejeté par l’Ethiopie [40].
Par ailleurs, après avoir voté à 98% pour la partition du Soudan, les électeurs du Sud pensaient qu’un point final allait être mis à la guerre. C’était sans compter avec le lourd contentieux territorial et pétrolier opposant les deux Etats. Au centre du contentieux territorial se trouve la lutte entre les populations Arabes et Dinka soutenues respectivement par Khartoum et Djouba pour le contrôle de la région frontalière d’Abyei. Le statut de la région contestée d’Abyei (un territoire grand comme le Liban), à la frontière entre les deux Etats a été une des principales pierres d’achoppement et de conflits. Laissées en suspens par l’accord de paix de 2005, qui a mis fin à des décennies de guerres civiles entre les rebelles du Sud et le gouvernement de Khartoum et débouché sur l’indépendance du Sud Soudan, les tensions entre les deux pays autour de cette question ont dégénéré en conflits frontaliers. Le 21 mai 2011, les forces de Khartoum prirent le contrôle de tout le saillant d’Abyei et poussèrent jusqu’au Badr el-Arab, mettant les deux pays en situation de pré-guerre. Moins d’un an plus tard, le 10 avril 2012, l’armée sudiste envahit Heglig, zone produisant 50% de tout le pétrole extrait dans le Nord-Soudan et qui touche le saillant d’Abyei. Le 20 avril, de violentes représailles armées permirent ensuite aux forces armées du Nord de reprendre le territoire perdu. Le but stratégique du Sud-Soudan à travers cette offensive surprise à Heglig, était surtout de détruire les infrastructures pétrolières afin d’affaiblir davantage le Nord-Soudan et pour le contraindre à accepter, à la fois ses revendications territoriales et celles portant sur le coût du transit de son pétrole, et cela, en attendant la construction de nouveaux pipelines sudistes au Kenya et en Ethiopie, avec lesquels le Sud a signé deux accords pour favoriser le désenclavement de ses produits pétroliers [41].
La persistance des conflits armés, même plusieurs années après le référendum d’autodétermination consensuel et la constitution de nouvelles entités étatiques conformément aux exigences des mouvements séparatistes, montre que ce processus ne garantit pas forcément la stabilité et un climat de coexistence pacifique entre les deux parties de l’ancien Etat divisé. A cet égard, il est nécessaire à l’avenir de bien évaluer et de traiter tous les facteurs de risque de conflit ouvert, notamment la question de la délimitation précise des frontières, avant la tenue de référendum d’autodétermination. Ce d’autant plus que cette question constitue le dénominateur commun des deux conflits « post-sécession » que connaît l’Afrique.
L’analyse des conflits de frontières en Afrique et des refontes de frontières étatiques dans la Corne de l’Afrique révèlent les limites, voire l’échec de l’intangibilité des frontières qui avait pour objectif de pacifier et de stabiliser les confins des Etats, afin d’éviter la dislocation des fragiles édifices étatiques hérités de la colonisation. Face à ce bilan peu reluisant, un demi-siècle après, il s’avère important de déceler les difficultés liées à l’application du « principe de l’intangibilité » des frontières en Afrique, et en dégager des perspectives de solution.
La persistance et la résurgence des conflits de frontières en Afrique permettent d’affirmer, que la mission de stabilisation et de consolidation des frontières fondée sur le « principe de l’intangibilité » n’a pu être réalisée de façon satisfaisante. Dès lors, il parait nécessaire de relever les difficultés qui ont conduit à ce résultat.
En effet, dès les premières années de son adoption, l’intangibilité des frontières fut l’objet de graves confusions du point de vue sémantique et conceptuel. Ceci eut comme résultat immédiat de l’assimiler au principe de l’intégrité territoriale. En l’absence d’une définition précise et univoque, les auteurs ont été amenés à faire des assimilations approximatives, voire des confusions conceptuelles, confondant l’intangibilité avec l’uti possidetis et l’inviolabilité des frontières [42].
De plus, au moment de son adoption, certains dirigeants africains estimaient que ce principe était en contradiction avec le droit à l’autodétermination des peuples, inscrit dans la charte des Nations unies dont ils sont membres, notamment à l’occasion des mouvements touaregs au Mali en 1961 et 1963, au début de la guerre du Sud-Soudan et de la célèbre guerre sécessionniste du Biafra qui a failli faire éclater la fédération du Nigeria en 1967. Pour le président Nyerere de la Tanzanie de 1962 à 1985, il s’agit d’une doctrine cynique dans son anti-universalisme selon laquelle le droit d’autodétermination ne pourrait être invoqué qu’une seule fois, à l’encontre des puissances colonialistes et, en aucun cas, à l’encontre des Etats décolonisés [43].
Au niveau pratique, l’application d’une telle disposition était particulièrement périlleuse, car les frontières n’avaient pas été clairement délimitées entre les Etats africains et leurs tracés étaient régis par des textes imprécis. Antony Reyner dénombre quarante-deux frontières qui n’ont jamais été démarquées ainsi que quatre jamais délimitées [44]. Le Programme frontière de l’UA, dont l’objectif est d’œuvrer à la délimitation et à la démarcation précises des frontières en Afrique confirme ces données et va plus loin. Il révèle que seulement moins de 1/3 des frontières en Afrique sont précisément définies [45]. Dans ces conditions, il parait incohérent de consacrer l’intangibilité des frontières africaines, alors que plus de 67% de celles-ci sont inexistantes. L’histoire montre que les frontières non clairement définies constituent une importante source de conflits entre les Etats. Les conflits frontaliers entre l’Ethiopie et l’Erythrée ou entre le Soudan et le Sud-Soudan l’attestent bien.
Au vu de ce qui précède, on se rend compte que l’intangibilité de frontières n’était guère de grand secours, car l’agrégat de confusions qui l’entoure (absence de définition claire et univoque, délimitation imprécise des frontières entre les Etats…) ne pouvait que présager le bel avenir des conflits de frontières en Afrique. Un demi-siècle après l’adoption du principe sacro-saint de l’intangibilité des frontières, l’Afrique demeure confrontée à de nombreux conflits de frontières. Le résultat de paix et de stabilité territoriale qui l’a motivé n’a pu être réalisé. On a noté en revanche, une recrudescence des conflits territoriaux faisant des frontières une source majeure de conflits et d’instabilité socio-politique en Afrique.
En outre, l’insuccès des politiques de gestion des frontières tant au niveau étatique, qu’à l’échelle continentale découle de l’inadéquation entre celles-ci et les exigences ethniques, culturelles et socio-économiques des peuples qu’elles séparent. Car ce n’est pas seulement la frontière comme ligne de démarcation entre deux espaces politiques qui est le problème, c’est aussi la gestion des populations dans ces espaces qui pose obstacle. Ceci exige donc que la problématique des frontières en Afrique soit réexaminée en tenant compte des spécificités et des réalités dynamiques de chaque peuple concerné et non pas se fier uniquement aux considérations générales politico-juridiques. Les frontières sont des créations humaines qui doivent être en adéquation avec leurs exigences légitimes au fil du temps.
D’ailleurs, en optant pour le maintien des frontières au sortir des indépendances, les pères fondateurs, partisans du statu quo territorial en avaient conscience. Ils visaient un processus « d’unité par étapes progressives » qui commencerait d’abord par la consolidation des « unités intermédiaires » que sont les territoires nationaux. C’est dans ce sens que le président sénégalais L. S. Senghor a recommandé à ses pairs d’avancer pas à pas et de procéder à tout processus d’unification par étapes [46].
L’UA doit s’approprier davantage cette vision de ses pères fondateurs qui garde encore toute sa pertinence, et tenir compte des exigences actuelles, pour élaborer des politiques concrètes susceptibles de contribuer à surmonter les problèmes de frontières en Afrique [47]. Pour ce faire, l’organisation continentale devrait passer à une seconde étape, ne serait-ce qu’en élaborant par ensemble régional des politiques dynamiques de dépassement pour atténuer l’effet barrière des frontières actuelles en vue de les transformer en zones de partage et de solidarité pour faciliter le processus d’intégration entre les peuples. Ceci pourrait contribuer in fine, à promouvoir la conversion des frontières de leur statut actuel de barrières, voire de fronts, en ponts d’interpénétration enrichissante pour assurer l’équilibre nécessaire à une coexistence pacifique entre les peuples et à une stabilité durable [48].
Par ailleurs, les actions de l’UA doivent impérativement se conjuguer avec celles des Etats. Car les réponses sont aussi internes et résident dans l’élaboration de bonnes politiques nationales d’intégration des minorités, de décentralisation et de péréquation des ressources ; ainsi qu’une grande flexibilité dans la gestion des barrières extérieures, lorsqu’elles recoupent des entités humaines homogènes comme les Touaregs. Quant aux Etats limitrophes concernés par l’imprécision des frontières, ils doivent s’inscrire dans un processus de régularisation des limites frontalières comme c’est le cas entre le Bénin et le Nigéria, qui se sont accordés en 2004, pour restaurer les anciens piliers installés entre 1912 et 1914, par une commission franco-britanique et pour organiser l’échange d’une dizaine de villages selon l’appartenance socio-ethnique des populations [49].
« Si toutes les frontières sont artificielles, celles des Etats du continent africain le sont plus que toutes les autres, c’est pourquoi elles contribuent si largement à perpétuer l’instabilité et le sous-développement », affirme Boutros Boutros-Ghali [50]. La recherche de solutions africaines aux multiples conflits de frontières qui déchirent le continent est encore loin de porter les résultats à la hauteur des défis. Comme en témoigne la persistance des conflits de frontières en Afrique. La question des frontières constitue un enjeu crucial pour les perspectives de paix et de stabilité en Afrique. Si l’Afrique n’entreprend pas de changement pour surmonter les défis liés à ses frontières, elle risque de voir se déclencher encore d’autres conflits et perdre des possibilités de paix et de développement.
A l’ère de la globalisation, l’Afrique aurait peu à gagner à épouser passivement la conception de frontière selon le modèle inventé jadis en Europe et aujourd’hui démythifié par les accords de Schengen. Ceci est devenu une nécessité impérative, dans la mesure où les activités d’exploration pétrolière avec l’utilisation de nouvelles technologies de pointe, peuvent exhumer des gisements transfrontaliers terrestres (cas du bassin du Touadeni entre l’est mauritanien et le nord-ouest malien) [51] ou maritimes (ressources hydrocarbures dans le Golfe de Guinée entre la Côte d’Ivoire et le Ghana) [52]. Du fait des découvertes de gisements de pétrole offshore et d’autres ressources de diverses natures, les facteurs de risque de voir de nouveaux conflits de frontières naitre ou resurgir des conflits latents est bien réel. Face à ces défis, l’UA devrait s’inscrire dans une dynamique d’anticipation. Car après cinquante ans de statu quo territorial émaillé de conflits de frontières de tout acabit, l’option à exclure aujourd’hui, doit être le statu quo politique.
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Mise en ligne initiale sur le Diploweb.com 12 mars 2015
[1] Yves PERSON, « L’Afrique noire et ses frontières », Le mois en Afrique, n°80, août 1972, p. 21.
[2] L’exemple des conflits frontaliers qui ont opposé le Mali au Burkina-Faso en 1975 et en 1985 est édifiant, la zone frontalière d’Agacher qui a fait l’objet d’une contestation entre ces deux pays comporte de nombreuses mares, zone d’intenses activités agro-pastorales. Elle était pour ses agriculteurs, ses éleveurs et ses chasseurs une zone de convergence autour d’oasis, vitale pour les populations de la région. Cf. Tredano Abdelmoughit BENMESSAOUD, Intangibilité des frontières coloniales et espace étatique en Afrique, Paris, Bibliothèque Africaine et Malgache, 1989, p. 184.
[3] Michel FOUCHER, L’obsession des frontières, Paris, Edition Perrin, 2012, p. 52.
[4] Tredano Abdelmoughit BENMESSAOUD, op. cit., p. 17.
[5] Robert WATERS, African Boundary problems, Uppsala, 1969, p. 183.
[6] Tredano Abdelmoughit BENMESSAOUD, op. cit., p. 80.
[7] Baptiste GLORIEUX, Du principe d’intangibilité des frontières comme facteur d’instabilité en Afrique subsaharienne ?, Mémoire pour l’obtention du grade de Licencié, UCL, septembre 2004, p. 143.
[8] Les facteurs qui ont contribué à l’éclatement du conflit sont entre autre l’absence d’un tracé précis de la frontière entre l’Algérie et le Maroc, l’irrédentisme marocain autour de la notion du « Grand Maroc », l’importances des ressources minérales dans la zone contestée ainsi que le refus du gouvernement de l’Algérie indépendante, de reconsidérer la convention signée en juillet 1961 à Rabat entre Hassan II et Ferhat Abbas, le président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), sur la question du litige territorial dont la résolution est différée jusqu’à l’indépendance de l’Algérie.
[9] jeuneafrique.com/Article/JA2761p0008-009.xml10/algerie-senegal-maroc-uaunion-africaine-vers-une-offensive-anti-rasd.html
[10] En 1963, ces contentieux parurent trouver une solution positive, lorsque le roi Hassan II et le président Houari Boumediene se rencontrèrent à Ifrane, au Maroc. Une déclaration commune reconnaissait, d’une part, à l’Algérie la possession du Tindouf et le tracé provisoire de la frontière et, d’autre part, les droits du Maroc sur le Sahara occidental. De surcroît un consortium minier algéro-marocain était décidé pour l’extraction du gisement de fer de Tindouf. Cet accord prometteur fut alors célébré comme la première pierre de la construction d’un ensemble industriel maghrébin. Malheureusement, devant le tollé suscité au Maroc par l’abandon officiel de Tindouf au profit de l’Algérie, Hassan II dut reporter sine die la mise en œuvre desdits accords d’Ifrane et Boumediene, furieux, récusa les droits du Maroc sur le Sahara occidental et réclama la consultation des Sahraouis. Cf. Béatrice GIBLIN, Yves LACOSTE, op. cit., pp. 79-83.
[11] L’Atlas 2010. Le monde diplomatique, Paris, Armand Colin, 2009, p. 124.
[12] Les Touaregs (ou « tawarek », qui signifie oubliés de Dieu) sont des populations berbères nomades, organisées en tribus (Kel Ahaggar, Kel Ajjer, Kel Adrar, et Kel Aïr). Ils parlent une langue berbère (tamacheq) et utilisent un alphabet propre (tifinagh). Les frontières précoloniales du pays touareg appelées « Espace touareg » s’étend du nord au sud, des premiers contreforts de l’Amadror algérien aux rives méridionales du Sahel et, d’ouest en est, de Tombouctou sur la boucle du fleuve Niger au Mali, au désert libyen du Fezzan. Cet immense territoire, d’environ deux millions de km2, constitue un espace de nomadisation à l’abri de grands massifs montagneux (les massifs du Hoggar, de Tassili, de l’Adrar des Iforas, et de l’Aïr). Raffray MERIADEC, Touaregs - La révolte des Hommes Bleus - (1857-2013), Paris, Economica, 2013, pp. 8-10.
[13] Hélène CLAUDOT-HAWARD et HAWARD, Touaregs, 1995, p. 40.
[14] Aujourd’hui, tout comme depuis un siècle, les révoltes touarègues font l’objet de répressions, mais ils reviennent toujours à la charge. Compte tenu de ce rebondissement perpétuel qui entame tout projet de paix durable et de développement, n’est-il pas opportun d’écarter l’option répressive comme l’ultime moyen de règlement et adopter une démarche préventive inclusive et concertée entre les pays qui abritent ces populations sans attendre qu’une autre crise éclate d’abord pour passer à l’offensive armée ? Dans ce sens, la perspective de mise en place d’une zone internationale cogérée entre les différents Etats concernés avec l’appui de l’ONU et l’UA pourrait permettre aux populations touarègues de se retrouver et vivre conformément à leur patrimoine culturel et les responsabiliser davantage face à leur avenir et les besoins de paix et de sécurité dans le Sahel.
[15] Ce conflit tire son origine de la période coloniale. Il s’agit notamment de la confusion et des divergences d’interprétation des accords franco-britanniques de 1899 et de 1919 puis, des accords de Laval-Mussolini du 7 janvier 1935 en vertu duquel la France céda à l’Italie le territoire connu sous le nom de la bande d’Aouzou. Bernard LANNE, Tchad-Libye : querelle des frontières, Paris, Khartala, 1982, 245 p. et BENMESSAOUD, op. cit., pp. 164-170
[16] Gilbert SOME, « Un exemple de conflit frontalier : le différend entre la Haute Volta et le Mali », Année Africaine, pp. 339-370.
[17] Délimitation et démarcation des frontières en Afrique, Programme Frontière de L’Union Africaine (PFUA), Addis-Abeba, mai 2013, p. 80.
[18] Michel FOUCHER, L’obsession des frontières, op. cit., p. 190.
[19] Ghali Boutros-BOUTROS, Les conflits de frontières en Afrique, Paris, Editions Techniques et Economiques, 1973, pp. 23-24.
[20] Ghali Boutros-BOUTROS, op. cit., p. 21.
[21] Monique CHEMILLIER-GENDREAU, « L’espace national », in Encyclopedie Juridique de l’Afrique, Abidjan-Dakar-Lomé, Nouvelles Éditions Africaines, 1982, T. 2, p. 85.
[22] Voir infra, p. 11.
[23] Ghali Boutros-BOUTROS, op. cit., p. 25.
[24] Boubacar BARRY, « Histoire et perception des frontières en Afrique aux XIXe et XXe siècles : les problèmes de l’intégration africaine », Des frontières en Afrique du XIIe au XXe siècle, Paris, UNESCO, 2005, pp. 55-72.
[25] Le différend frontalier qui oppose la Guinée équatoriale au Gabon au sujet des îlots vient du fait que, la France et l’Espagne avaient signé le 23 juin 1900 une convention délimitant leurs possessions dans le Golfe de Guinée. Malheureusement, cette convention ne statue que sur l’île de Corisco et l’île des Elobeys, qui sont attribuées à l’Espagne, sans se prononcer sur les îlots méridionaux et adjacents, objets de dispute d’aujourd’hui. Lors de l’accession à l’indépendance du Gabon et de la Guinée équatoriale, la question de l’appartenance de ces îlots et bancs de sable situés à équidistance des deux côtes continentales n’est pas réglée par le droit. C’est dans ce contexte que le Gabon, dans le but de protéger ses intérêts pétroliers et de préserver l’activité halieutique nationale, procède à l’extension de la limite de ses eaux territoriales, au-delà des 12 milles nautiques initiaux, pour la porter à 25 milles, le 5 octobre 1970. Cf. Sidonie BOUKOULOU, Le conflit frontalier Gabon-Guinée équatoriale, analyse géopolitique, Institut des relations internationales du Cameroun-Master I, 2008.
[26] Michel FOUCHER, L’obsession des frontières, op. cit., p. 52.
[27] Idem, p. 25.
[28] Ba ADOUL, et autres, « L’Organisation de l’Unité Africaine », op. cit., pp. 131-132.
[29] Ghali Boutros-BOUTROS, op. cit., pp. 47-61.
[30] Du point de vue des Somaliens, dans leur projet de revendication de la « Grande Somalie », le « principe de l’intangibilité » des frontières coloniales est inacceptable. La constitution somalienne de 1960 indiquait dans son article 6 que « la République Somalie promouvra, par les moyens légaux et pacifiques, l’union des territoires somalis ». Pour soutenir leur ambition irrédentiste, le président somalien n’hésite pas à déclarer au sommet d’Addis Abeba en 1963 que : « Les peuples somalis sont les membres d’une seule nation somalis. Le somali est notre langue, parlée du golfe d’Aden au district de Northen Frontier (Kenya). L’islam est notre culture, le pastoralisme notre genre de vie ». Cf. Michel FOUCHER, Fronts et frontières. Un tour du monde géopolitique, op. cit., pp. 148-150.
[31] Ghali Boutros-BOUTROS, op. cit., pp. 63-76.
[32] L’Atlas 2010. Le monde diplomatique, Paris, Armand Colin, 2009, p.165. et Michel FOUCHER, L’obsession des frontières, op. cit., p. 190.
[33] « Côte d’Ivoire, 50 ans d’indépendance 1960-2010 », Jeune Afrique, numéro spécial, n°3, p.37.
[34] L’hostilité des casamançais s’est manifestée bien avant les indépendances au sujet leur rattachement au Sénégal. En effet la majeure partie du territoire qu’occupe aujourd’hui la Casamance constituait autrefois le royaume de Kasa. Le roi (mansa) de Kasa, qui réalisait de nombreux négoces avec les Portugais, donna probablement son nom à la région (adaptation portugaise de « Kasa mansa »). Dernier bastion de ce qui est aujourd’hui le Sénégal à tomber sous la coupe européenne (en 1903), la région abrita des poches de résistance active jusqu’à la fin de la Première guerre mondiale. Isolée de la partie nord du pays, bien plus vaste, la Casamance conserve une identité propre ; ainsi, nombre de ses habitants ont gardé leurs croyances traditionnelles, face à un Sénégal septentrional largement islamisé.
[35] Michel FOUCHER, L’obsession des frontières, op. cit., p. 53.
[36] Elikia M’BOKOLO et J.L.AMSELLE, Au cœur de l’ethnie. Ethnie, Tribalisme et Etat en Afrique, Paris, Découverte, 1985, pp. 185-226.
[37] Bernard LUGAN, op. cit., pp. 311-314.
[38] Romain YAKEMTCHOUK, La politique extérieur de l’Union Européenne, Paris, Harmattan, 2005, pp. 420-427.
[39] Bernard LUGAN, op. cit., pp. 325-327.
[40] Romain YAKEMTCHOUK, op. cit., p. 428.
[41] Bernard LUGAN, op. cit., pp. 285-288.
[42] Tredano Abdelmoughit BENMESSAOUD, op. cit., pp. 11-12.
[43] Yves PERSON, op. cit., pp. 38-39.
[44] Jon WORONOF, « Différends frontaliers en Afrique », Le Mois en Afrique, 1972, p. 62.
[45] Rapport de la réunion d’experts sur le programme frontière de l’Union Africaine, Bamako, Mali, mars 2007.
[46] Tredano Abdelmoughit BENMESSAOUD, op. cit., p. 218.
[47] A cet effet, la mise en œuvre du Programme frontière de l’Union africaine (PFUA) par la première conférence des Ministres africains chargés des questions de frontière qui s’est tenue à Addis Abéba le 7 juin 2007 et sa matérialisation d’ici à 2012 est à encourager. Cependant, aucun plan de mise en œuvre concret ne fut élaboré pour faciliter sa réalisation et le chronogramme d’exécution n’est toujours pas respecter.
[48] Des frontières en Afrique du XIIe au XXe siècle, Paris, UNESCO, 2005, pp. 36-37
[49] Michel FOUCHER, L’obsession des frontières, op. cit., pp. 53-54.
[50] Ghali Boutros-BOUTROS, op. cit., p. 81.
[51] Michel FOUCHER, op. cit., p. 52.
[52] Rapport de la 7ème réunion de la commission mixte ivoiro-ghanéenne de la délimitation de la frontière maritime, décembre 2013.
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