Depuis la mi-novembre 2010, la crise bancaire irlandaise montre que la situation économique est loin d’être stabilisée dans la zone euro. Comment comprendre "la crise de l’euro" ? Cette page présente d’abord une mise en perspective inédite des difficultés grecques et irlandaises, sous la plume de P. Condé et F. Lirzin. Puis elle reproduit, avec son aimable autorisation, un éditorial de Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman, au sujet de la crise irlandaise. Ce 28 novembre 2010, l’Irlande, l’UE et le FMI sont tombés d’accord sur les grandes lignes d’un plan d’aide à l’île.
Ces auteurs invitent à réfléchir aux relations entre la gouvernance économique et la forme politique de l’Union européenne.
CRISE FINANCIERE, crise économique, crise des finances publiques, crise monétaire, l’enchaînement semble si simple qu’il en paraît naturel. Et pourtant que de fois le gouffre a été proche... Ce qu’on appelle la « crise de l’euro », conséquence de la crise de la dette grecque a révélé la faiblesse structurelle de la zone euro.
Jusqu’alors, l’Union européenne (UE) avait plutôt bien résisté aux différentes vagues de crise. Son système financier assez conservateur, la réactivité de la Banque Centrale Européenne (BCE), la coordination des plans de relance avaient permis d’encaisser les coups successifs. La preuve était donnée que l’union fait la force et que les États européens pouvaient surmonter leurs anciennes divisions pour s’unir dans l’adversité. L’Union européenne et les pays de la zone euro s’en trouvaient justifiés, grandis même. Alors que fin 2008, les États-Unis semblaient incapables de surmonter la très grave crise née des crédits hypothécaires (subprimes) et que leur système financier était au bord de l’écroulement après la chute de la banque d’affaires Lehmann Brothers, le 15 septembre 2008.
La suite en a décidé autrement et, tandis que la croissance repart progressivement aux Etats-Unis (3,5% en 2010 selon la Fed), la zone euro tente difficilement de rester unie et stagne. La raison principale en est la divergence des performances économiques de ses membres. L’Espagne qui avait construit une forte croissance mais fondée sur une bulle immobilière s’enfonce dans une situation sociale effroyable ; la Grèce voit ses finances publiques atteindre les abysses et contraindre son gouvernement à faire des coupes drastiques. L’Allemagne a subi une forte contraction de ses exportations mais est redevenue la locomotive de l’Europe en 2010, même si cela peut parfois se faire aux dépens de ses partenaires, comme l’a souligné Christine Lagarde, ministre française de l’Economie, en mars 2010 [1]. Quant à la France, sa croissance demeure « molle ».
Que faire face à ces situations hétérogènes ? La BCE doit faire face à des signaux contradictoires dans son processus de prise de décision. Les gouvernements, sous pression allemande, sont gagnés par le consensus de l’austérité, qui n’est pas forcément porteur d’avenir. Or c’était déjà dans un contexte de divisions latentes qu’a surgi la « crise grecque ».
L’histoire est celle d’un pays en « retard » sur la moyenne européenne, avec une dette importante que la crise a rendu plus impressionnante encore, soit l’équivalent de 130% du PIB en 2010. Après les élections législatives du 4 octobre 2009, le gouvernement socialiste de Georges Papandréou annonce que le déficit budgétaire et la dette [2] dépasseront respectivement 10% et 113% du PIB en 2009.
A partir de ce moment là, les événements s’accélèrent à une cadence insupportable pour un pays fragile et sans véritable marge de manœuvre et le conduisent au bord de la faillite. Dès novembre 2009, l’Union européenne annonce des sanctions puis les agences de notation dégradent la note de la dette grecque. En janvier 2010, malgré l’intention des autorités d’abaisser le déficit à 3% du PIB en 2012, l’irrationalité des marchés continue à propager les rumeurs les plus invraisemblables : la sortie de la Grèce de la zone euro et l’implosion prochaine de cette même union monétaire ou la sollicitation de la Chine par Athènes de l’achat d’obligation d’État pour 25 milliards de dollars. Dans le même temps, le taux des obligations grecques explose et atteint 7,1% soit plus de 4 points que les obligations allemandes. En février 2010, alors qu’Athènes durcit encore son plan d’austérité (gel des salaires dans la fonction publique, relèvement de l’âge de départ à la retraite, hausse des taxes sur les carburants), les agences de notation continuent d’abaisser la note de la dette et des banques grecques. En outre, la Banque centrale américaine (Fed) examine le rôle qu’auraient joué plusieurs établissements, notamment la banque d’affaires Goldman Sachs, dans le camouflage de l’ampleur de la dette grecque.
Aussi les grandes banques allemandes annoncent qu’elles ne souscriront plus, au moins à court terme, sur de nouveaux titres de la dette grecque. Dans ces conditions, et alors que le taux de change de l’euro continue de chuter face au dollar dans la crainte d’une contagion de la crise à d’autres Etats européens en difficulté (Espagne, Portugal, Irlande, Italie), les dirigeants de l’UE s’accordent le 25 mars 2010 sur un plan d’aide à Athènes cofinancé par la zone euro et le Fonds monétaire international (FMI). Le 23 avril 2010, les autorités grecques demandent l’activation de ce mécanisme mais le gouvernement allemand s’y oppose car il ne pense pas que la stabilité de l’euro soit menacée et exige d’Athènes des efforts supplémentaires. Ces réticences allemandes entraînent dans les jours suivants une forte chute des marchés financiers, une nouvelle dégradation de la dette des agences de notation dont le taux d’emprunt se rapproche de 10%.
Durant les dix premiers jours de mai 2010, sous la pression des dirigeants de la BCE et du FMI, la chancelière allemande Angela Merkel cède et dans la nuit du 10 mai 2010, les ministres des finances de la zone euro réunis à Bruxelles approuvent la création d’un Fonds européen de stabilité financière d’un montant de 500 milliards d’euros auxquels s’ajoutent 250 milliards d’euros apportés par le FMI.
A ce propos, nous devons noter le rôle positif du président des Etats-Unis Barack Obama, qui n’a pas ménagé ses efforts, de concert avec le directeur du FMI, Dominique Strauss-Kahn, pour convaincre la chancelière allemande d’accepter un plan d’aide à la Grèce.
En effet, les Etats-Unis n’ont aucun intérêt à un affaiblissement durable de la zone euro puisque cette dernière représente 20% des exportations américaines. De plus, il y a une réelle interdépendance entre les Etats-Unis et l’Union européenne : les premiers réalisent plus de 50% de leurs investissements à l’étranger dans l’UE alors que 40% de ces mêmes flux d’origine européenne sont dirigés vers les Etats-Unis. Enfin, l’affaiblissement de l’euro par rapport au dollar entraîne une perte de compétitivité des produits américains.
Ce fonds est avant tout virtuel puisqu’il est constitué de 440 milliards d’euros de garanties et seulement de 60 milliards de prêts mobilisables à très court terme. Le message est avant tout destiné aux marchés financiers car s’ils continuent de refuser leur concours à la Grèce alors les États membres de la zone euro le feront à leur place et à des taux raisonnables.
Cependant, si comme prévu, la mise en place de ce fonds a permis de calmer les marchés, puisque les bourses du monde entier ainsi que le taux de change de l’euro [3] se sont immédiatement redressés, il ne répond aucunement à la question de la fragilité interne de la monnaie unique.
Depuis Robert Mundell (1961), théoricien des zones monétaires optimales (ZMO), on sait qu’une telle zone doit avoir des mécanismes stabilisateurs. Faute de quoi elle ne pourra pas encaisser des chocs asymétriques, c’est-à-dire ceux qui ne touchent qu’un seul pays. Dans les États fédéraux comme l’Allemagne ou les États-Unis, ce sont le budget fédéral, la mobilité des travailleurs et la diffusion de l’innovation qui jouent ce rôle.
Dans la zone euro, aucun de ces mécanismes n’existe, c’est pourquoi l’UE ne peut rien pour la Grèce, si ce n’est lui imposer une politique d’austérité qui risque de l’entraîner, au moins à court terme, dans davantage de dépression.
Le problème fondamental des seize États qui partagent l’euro en novembre 2010 est celui de la confiance. Pour avoir des mécanismes stabilisateurs, il faut accepter qu’un jour, on puisse donner à un autre, et qu’un autre jour, cet autre pourra vous aider en retour. Une solidarité doit exister entre les États, mais aussi entre les citoyens et les entreprises. Un gouvernement doit accepter de donner une partie de son budget pour aider un autre pays, tout en sachant qu’il n’en tirera pas un bénéfice immédiat : il construit là une relation durable, dont les bénéfices ne viendront qu’à moyen ou long terme. L’Allemagne a refusé de s’engager dans cette voie. L’histoire plaide pour elle, la Grèce ayant toujours été en situation difficile et la différence de taille rendant difficilement imaginable une réelle entraide à égalité. En conséquence, ce manque de confiance peut aider à comprendre l’extrême faiblesse du budget européen (plafonné à environ 1,2% du PIB de l’UE sur la période 2007-2013, contre 31,9% aux Etats-Unis) et l’absence de mécanismes de gestion de crise.
La circulation des travailleurs entre pays de l’UE reste quasi inexistante. Les différences de culture, de langue, de systèmes sociaux et de régulation constituent un puissant frein à la mobilité du facteur travail entre les États en crise et les États en croissance, ce qui démontre une faible intégration européenne. Il n’y a donc pas de stabilisation économique et sociale par la mobilité des travailleurs comme cela peut exister aux États-Unis où les travailleurs peuvent aller d’un Etat à l’autre facilement.
La diffusion de l’innovation est rare : la stratégie de Lisbonne (mars 2000) qui devait transformer l’UE en la zone la plus innovante en 2010 a échoué. Au lieu d’unir leurs forces, les entreprises européennes continuent de s’épuiser dans des batailles stériles entre elles. Tandis que les entreprises américaines ou originaires des grands pays émergents (Brésil, Chine, Inde Russie) gagnent du terrain. Pourtant, l’existence de réseaux de clusters tente de fédérer les entreprises, de les faire travailler ensemble et de les stimuler pour qu’elles aillent ensemble sur les marchés internationaux. Cette hétérogénéité des niveaux technologiques est d’autant plus pénalisante que les pays partagent la même monnaie : la concurrence est frontale entre les économies, et aucun différentiel de taux de change ne vient l’adoucir.
Derrière les mécanismes financiers de la crise grecque se cache donc cette balkanisation rampante de l’Europe dont les prémisses se font sentir en Belgique. Crise budgétaire grecque et crise politique belge sont en fait les deux visages d’un même phénomène où l’Europe voit ses Etats se diluer dans une politique communautaire sans qu’une véritable intégration entre ses régions ne voie le jour.
Les Etats nationaux européens se sont en effet construits sur un certain nombre de valeurs : la défense du territoire national, l’éducation, la justice pour tous. Les citoyens ont adhéré à ce projet d’autant plus que ces idéaux étaient attrayants. Or, aujourd’hui, l’échelon européen en a repris une partie (la défense du territoire, la justice dans une certaine mesure) et l’échelon régional une autre (éducation, développement économique). L’Etat-nation européen est une espèce en voie de disparition, mais sans qu’il ne soit remplacé par un autre niveau plus efficace. L’Union européenne est trop lointaine et sans âme pour le moment quand les régions demeurent trop petites.
Alors, qu’en est-il des avancées en matière de gouvernance économique ? C’est l’une des grandes idées françaises, dont les Allemands continuent de se méfier même s’ils commencent à prendre conscience de l’intérêt d’une coordination minimale, afin de transformer l’espace européen en une vraie puissance économique. A ce titre, on constate que la crise aura été salutaire.
Le 7 septembre 2010, les ministres des Finances des 27 Etats membres ont confirmé la mise en place d’un Comité européen du risque systémique (CERS) et d’un Système européen de surveillance financière (SESF).
Le but de ces nouvelles institutions est de renforcer la surveillance du système financier de l’UE, afin d’éviter une répétition du scénario grec.
A partir de janvier 2011, les projets de budget nationaux seront présentés à la Commission européenne et aux autres Etats membres de l’UE six mois avant leur adoption par les parlements. Cette mesure permettra d’homogénéiser davantage les politiques budgétaires et de prévenir une nouvelle crise de la dette souveraine similaire à celle de la Grèce. Par ailleurs, les critères de Maastricht (déficit et dette) seront assouplis en phase de ralentissement économique mais durcis en période de croissance (pénalité de 0,2% du PIB, en cas dépassement de 3% du déficit public par rapport au PIB) [4].
La gouvernance économique tend alors à se transformer en « super-surveillance » des budgets nationaux et des politiques économiques. La défiance, notamment allemande, vis-à-vis des Etats surendettés n’a pas disparu. Malgré la profondeur de la crise, qui a failli désintégrer la zone euro, la crise n’a manifestement pas constitué un choc assez puissant pour créer le besoin de solidarité européenne.
L’Union européenne continue de souffrir d’un excès de raison. Mais, elle ne parvient pas à créer la passion qui lierait ses parties et créerait la confiance. Elle ressemble à ces personnes trop raisonnables qui sont incapables d’amour. On fête aux Etats-Unis l’Indépendance, on s’enorgueillit en Chine d’une histoire multimillénaire. Qui connaît en Europe la date de signature de la CECA ? Ou même les noms de Schuman et de Monnet ?
L’euro est l’exemple même de ce mariage de raison. L’instabilité, provoquée par la fin de la convertibilité du dollar en or le 15 août 1971, a fait basculer le système monétaire dans un univers de changes flottants. Les pays européens ont rapidement compris que, sans coordination, ils se précipiteraient en cas de crise dans des dévaluations compétitives qui les mèneraient à la catastrophe. Pour sortir de ce dilemme du prisonnier, ils ont lié leurs monnaies dans un Serpent Monétaire Européen (1972-1978). Le système a fonctionné tant bien que mal, débouchant sur l’écu (1979) puis l’euro (1999). Ce dernier est né de la nécessité de coordonner les politiques monétaires. Certes, une simple coordination aurait pu être choisie comme c’est le cas dans d’autres zones économiques. Mais, l’euro n’en reste pas moins le fruit de la nécessité plus que de la passion. Il constitue un formidable accélérateur des échanges et permet d’effacer les frontières entre les peuples, il est utile en cas de choc symétrique (crise financière de 2008), mais il ne suscite pas la même ferveur ou la même mystique qu’une monnaie comme le dollar ou l’ancien deutsche mark. Les images même utilisées sur les billets, des ponts, montrent le côté technique et l’incapacité à générer une symbolique européenne.
L’Union européenne est donc fille de raison. Et ne souffre guère tout ce qui ne l’est pas. Elle ne sait, par exemple, pas gérer la montée des rivalités flamandes et wallonnes, ni celle des marchés et les tours de passe-passe de la Grèce. Elle est vulnérable à ses propres passions autant qu’elle est démunie face à celles de ses partenaires.
Alors que la mondialisation tend à créer de grandes « zones économiques », à l’image de l’Asie de l’Est (Corée du Sud – Japon – Chine de l’Est), de l’Amérique du Nord (Alena) ou encore de l’Amérique du Sud (Mercosur), l’Union européenne se trouve prise au piège de son propre modèle. Elle a la bonne échelle, un poids économique et démographique de premier plan (première puissance économique mondiale). Mais, elle n’a pas d’âme où puiser sa confiance, pas d’unité où rechercher l’entraide, pas d’ambition pour conduire son destin. Chaque disparité, chaque choc asymétrique, chaque animosité entre des populations la fragiliseront davantage aux niveaux interne et international.
Depuis la mi-novembre 2010, la crise bancaire irlandaise montre que la situation économique est loin d’être stabilisée dans la zone euro. A partir de 2008, l’éclatement de la bulle immobilière a mis en difficulté les banques de l’ile émeraude. Afin d’éviter, l’effondrement du système financier, l’Etat a dû garantir la dette bancaire, puis recapitaliser les banques à hauteur de 50 milliards d’euros et cantonner les actifs « toxiques » d’un montant de 80 milliards d’euros dans une « bad bank ». La prise en compte de ces montants par l’Etat engendrera un déficit budgétaire de 32% du PIB en 2010. C’est cette situation qui a poussé les autorités irlandaises, sous la pression de l’UE et du FMI, à demander leur aide qui atteindra environ 85 milliards d’euros. Mais, la contagion pourrait ne pas s’arrêter là puisque le gouvernement portugais maintient des contacts réguliers avec le FMI et que l’Espagne, où le taux de croissance est nul et le chômage atteint 20% (record européen), pourrait aussi être emportée par les effets de la vague irlandaise.
Au-delà, un effet domino n’est pas à exclure. Fin 2010, la monnaie unique est parvenue au bord du précipice.
Il est donc devenu hautement urgent que l’UE s’invente une âme qui la mène à davantage de solidarité et d’intégration. A défaut, comme l’a prédit le prix Nobel américain d’économie Joseph Stiglitz, « l’avenir de l’euro sera peut-être très bref » [5].
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L’Irlande ramène l’Europe dans la crise financière.
Certes l’Union a les moyens de sauver de la banqueroute ce mauvais élève de la classe européenne.
Car les difficultés irlandaises ne sont pas seulement dues à ses banques, mais bien à la politique économique et fiscale de son gouvernement.
Voila un pays, qualifié il y a peu encore, de "tigre celtique", qui a construit sa croissance des dernières années, en solitaire, aux marges de l’Union, comme une porte d’entrée sur le marché intérieur européen.
Une fiscalité digne d’un paradis fiscal exotique (12,5% d’impot sur les sociétés), une absence de régulation bancaire sérieuse, une politique économique de cow-boys ont ainsi réussi, dans un premier temps, à attirer sur son territoire un flot d’implantations grâce à un code d’investissements qui relève davantage du dumping que de la normalité européenne.
Mais cette croissance artificielle n’a pas généré les recettes escomptées.
Les conséquences d’un tel laxisme étaient inévitables : bulle immobilière, surchauffe et croissance artificielle du niveau de vie.
Puis vint l’heure de vérité dans la crise, avec l’effondrement des prix immobiliers, des foyers endettés, 14% de chômeurs et des banques étranglées sous perfusion de la Banque centrale européenne (jusqu’à 130 milliards d’Euros avancés).
Le gouvernement irlandais a garanti l’ensemble du système bancaire, soit un engagement de 480 milliards d’Euros, c’est-à-dire trois fois son PIB (164 milliards) ce qui le conduit à un déficit public de 32% !
Il réclame aujourd’hui la solidarité européenne qu’il n’a jamais vraiment pratiquée.
Chaque fois que les Etats membres ont voulu rapprocher leurs fiscalités, condition nécessaire d’une meilleure gouvernance de la zone Euro, l’Irlande s’y est opposée.
Bloquant souvent les décisions de ses pairs, elle a été un obstacle vers une intégration plus poussée des économies européennes, de ses politiques budgétaires, de sa fiscalité, de sa gouvernance, de sa sécurité, de ses institutions, bref autant de signaux forts qui auraient pu être donnés à l’extérieur et contribuer à accroitre la confiance dans l’Euro dont elle a pourtant beaucoup bénéficié.
Aujourd’hui elle veut le beurre et l’argent du beurre.
L’Union européenne ne doit pas accepter de l’aider à n’importe quel prix et remettre de l’ordre dans la maison, n’en déplaise à l’ombrageux sentiment national irlandais.
L’Irlande devra démontrer que son sauvetage est nécessaire à l’Euro et à l’Europe.
Elle devra accepter de s’aligner sur les pratiques européennes et renouveler son engagement à poursuivre collectivement une plus forte intégration politique, économique et budgétaire.
L’Union ne peut plus faire l’économie d’une régulation bancaire partagée et renforcée, d’un contrôle de la fiscalité, des politiques économiques et des budgets nationaux, c’est-à-dire d’une véritable gouvernance de l’Euro.
On espère que les grands argentiers auront à cœur de lui rappeler cette exigence qui doit être désormais, pour elle comme pour tous, une ardente obligation.
Copyright 21 novembre 2010-Giuliani
Cet éditorial a été initialement publié le 21 novembre 2010 sur le site de J.-D. Giuliani Voir
Bibliographie de l’article de P. Condé et F. Lirzin
BIZEL N., CONDE Ph., « L’euro est-il un instrument de puissance ? », Diploweb.com, octobre 2008. Voir
DADUSH U., « The U.S.’ Eurozone problem », Council on Foreign Relations, May 14, 2010. See
DIDIER M., A. BENASSY-QUERE, G.BRANSBOURG, A.HENRIOT, « Politique de change de l’euro », Rapport du Conseil d’Analyse Economique, la Documentation française, Paris, 20 décembre 2008.
JAMET J-F, « L’éthique allemande et l’esprit européen : l’Allemagne garante de la stabilité de l’Euro ? », Question d’Europe n°182, Fondation Robert Schuman, 11 octobre 2010.
LIRZIN F., « Pour un fédéralisme budgétaire dans la zone euro », Question d’Europe n°178, Fondation Robert Schuman, 19 juillet 2010.
LIRZIN F., « Mobilité des travailleurs et diffusion de l’innovation : comment stabiliser la zone euro ? », Question d’Europe n°180, Fondation Robert Schuman, 27 septembre 2010.
REYNDERS D., « Sortie de crise : une politique budgétaire et fiscale pour l’Europe », in Revue AGIR n°41 « Recomposer l’Europe », mars 2010.
SAINT-ETIENNE C., « Quel avenir pour l’euro ? », in Revue AGIR n°41 « Recomposer l’Europe », mars 2010.
TILFORD S., « Closing the gap between rhetoric and reality is key to the euro’s survival », Centre for European Reform, May 10, 2010.
TILFORD S., « How to save the euro ? », Centre for European Reform, September 2010.
VERLUISE P., « L’Europe recomposée : un acteur global ? », in Revue AGIR n°41 « Recomposer l’Europe », mars 2010.
Philippe Condé est Docteur en Economie internationale, chercheur associé à l’Institut portugais de relations internationales et de sécurité, Franck Lirzin est ingénieur des Mines, ancien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), économiste à la Fondation Robert Schuman
[1] « Il est clair que l’Allemagne a accompli un extrêmement bon travail au cours des dix dernières années environ, améliorant la compétitivité, exerçant une forte pression sur les coûts de main d’œuvre. Je ne suis pas sure que ce soit un modèle viable à long terme et pour l’ensemble de la zone euro. Il est clair que nous avons besoin d’une meilleure convergence ».
[2] En comptabilité nationale, le budget de l’Etat est en déficit lorsque les dépenses sont supérieures aux recettes. La dette publique est la somme de l’ensemble des engagements de l’Etat au sens large, c’est-à-dire l’Etat central, les collectivités publiques, les entreprises publiques et les organismes de sécurité sociale.
[3] Après l’annonce du plan de sauvetage de 500 milliards d’euros, dans la nuit du 9 au 10 mai 2010, la monnaie unique européenne s’échangeait à 1,29 dollars sur les marchés asiatiques contre 1,27 dollars le 7 mai à New York.
[4] A noter que le Pacte de stabilité et de croissance (PSC) mis en place par le Conseil européen d’Amsterdam (juin 1997) prévoyait déjà de telles sanctions, mais elles n’ont jamais été appliquées.
[5] Joseph Stiglitz, lors de son interview à la radio britannique BBC 4 à propos du plan d’aide à la Grèce, le 4 mai 2010.
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,Date de publication / Date of publication : 28 novembre 2010
Titre de l'article / Article title : Crise de l’euro ou crise de confiance en Europe ?
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Depuis la mi-novembre 2010, la crise bancaire irlandaise montre que la situation économique est loin d’être stabilisée dans la zone euro. Comment comprendre "la crise de l’euro" ? Cette page présente d’abord une mise en perspective inédite des difficultés grecques et irlandaises, sous la plume de P. Condé et F. Lirzin. Puis elle reproduit, avec son aimable autorisation, un éditorial de Jean-Dominique Giuliani, Président de la Fondation Robert Schuman, au sujet de la crise irlandaise. Ce 28 novembre 2010, l’Irlande, l’UE et le FMI sont tombés d’accord sur les grandes lignes d’un plan d’aide à l’île.
Ces auteurs invitent à réfléchir aux relations entre la gouvernance économique et la forme politique de l’Union européenne.
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