Un tabou enfin abordé publiquement : l’Union européenne est-elle condamnée à l’impuissance ? Profitez des réflexions de plus de 120 citoyens rassemblés par Diploweb, ouvertes par une conférence de Nicole Gnesotto, présidente du Conseil d’administration de l’IHEDN.
Profitez de la conférence d’introduction de Nicole Gnesotto, des débats en ateliers et des restitutions de cette Consultation citoyenne.
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Cette consultation européenne labellisée a été organisée par le Centre géopolitique & Diploweb.com, le 13 octobre 2018, dans les locaux de la CPGE Blomet, 3 rue Barthélémy, 75015, Paris.
Synthèse de la Consultation citoyenne par Tristan Facchin et Noé Pennetier pour Diploweb.com
La Consultation européenne du samedi 13 octobre 2018 s’inscrit dans le cadre d’un cycle de consultations publiques à travers 27 pays de l’Union européenne (UE) dans le but de débattre des visions de l’Europe communautaire. Grâce à ces consultations les décideurs peuvent avoir un aperçu des préoccupations et propositions des citoyens. Cette Consultation citoyenne porte sur l’enjeu central de la puissance, ou plutôt, dans le cas de l’Union européenne, de ce qui semble être une forme d’impuissance. Comment définir en premier lieu ce terme ? P. Verluise – créateur du site géopolitique Diploweb et directeur du Centre géopolitique - définit la puissance en rappelant les travaux de Serge Sur : « La puissance c’est la capacité de faire, à faire faire, à empêcher de faire et à refuser de faire ».
Considérons l’assertion suivante : l’UE est un géant capable d’agir politiquement, d’arbitrer des litiges, de réglementer et de s’opposer à des mesures illégitimes. Cette assertion est-elle vraie ? Rien n’est moins sûr si l’on se fie aux dernières actualités. La montée interne des populismes, le retrait britannique et plus généralement les crises actuelles fragilisent sa puissance. P. Verluise présente « L’impuissance, comme l’incapacité de faire, de faire faire, d’empêcher de faire et de refuser de faire ». Comment ne pas penser à la remise en question de l’accord iranien par les Etats-Unis le 8 mai 2018 ? L’UE pliera-t-elle devant Trump ?
Peut-on donc encore dire que l’UE est puissante ? L’adage dit : « l’UE, est un géant économique et un nain politique ». Est-il encore vrai ? L’UE doit-elle se réinventer au risque de l’impuissance manifeste ? Là réside l’intérêt de cette consultation éclairante sur la capacité de l’UE à mener des politiques ambitieuses dans un monde en constante mutation. Un monde aujourd’hui bouleversé par des enjeux émergents (réchauffement climatique, Intelligence artificielle…) et des problématiques inhérentes à l’histoire des sociétés humaines (migrations, démographie…)
Nicole Gnesotto - présidente du Conseil d’administration de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), professeur titulaire de la Chaire sur l’UE au CNAM et vice-présidente de l’Institut Jacques Delors - s’est d’abord efforcée de faire un état de cette Union semblant effacée sur les questions stratégiques. Ensuite nous avons débattu autour de 4 ateliers :
1. Puissante ou impuissante : réussites et échecs de l’UE, quels leçons pour demain ?
2. Alliés et ennemis : sur qui l’UE peut-elle vraiment compter, de qui doit-elle se protéger, quelles priorités pour demain ?
3. Le Brexit, so what ? Quels impacts sur la puissance de l’UE, quelles opportunités pour demain ?
4. Risques et opportunités : le monde change, comment l’UE peut-elle éviter demain l’effacement démographique, économique et stratégique ?
On a souvent dit que l’UE manque de leadership politique international. Cela s’explique avant tout par l’histoire rappelle N. Gnesotto. Il existe, en effet, un poids certain de l’histoire lié aux responsabilités de deux Guerres mondiales.
La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier de 1951 a ainsi permis à un ensemble de pays de partager la gestion de produits nécessaires pour faire la guerre… afin de la rendre impossible. De même, le choix de laisser la puissance militaire aux Etats-Unis, par l’entremise de l’OTAN, reflète aussi cette volonté de se détacher de la suprématie d’un seul état. N. Gnesotto parle d’ailleurs d’une proposition « confortable », « peu coûteuse », « sécuritaire ». La présidente du CA de l’IHEDN rappelle que le choix d’une Europe de la Défense a souvent été combattu à cause d’un rejet de mettre la vie des citoyens aux mains d’une entité politique différente de la sienne (supranationale au détriment du national). Toutes ces raisons culturelles et historiques semblent montrer un choix assumé de l’impuissance.
Cependant, caractériser l’Union européenne à l’aune de ses choix politiques et stratégiques ne prend pas assez en compte le poids économique de celle-ci. L’Union à 28 correspond au premier PIB mondial, à 40% des IDE mondiaux, à 25% des réserves financières, à l’euro comme deuxième monnaie mondiale, etc. Il s’agit donc bien d’une puissance à l’échelle internationale. Par ailleurs, elle se fait l’avocate de la démocratie sur le plan politique. L’UE se veut influente sur Etats et régimes à partir de ses propres concepts occidentaux, donc à partir de ses représentations. Cependant, cela suppose un besoin de volonté de s’imposer face aux enjeux actuels, aux enjeux futurs, et dans la « révolution mondiale » de ce début de XXIe siècle.
Dans un atelier, un citoyen rappelait que l’Europe, et donc l’UE, a toujours été un carrefour. Carrefour de civilisations, carrefour entre l’Orient et l’Occident, carrefour des idées… En 2018, ce carrefour est fragilisé. Paradoxalement, les opportunités semblent nombreuses pour remettre l’UE au coeur de l’échiquier international.
D’une part, les certitudes internationales n’ont jamais été aussi fragiles. Par exemple, les Etats-Unis, allié historique, font preuve d’une dangereuse imprévisibilité comme le montre les positions mouvantes et parfois inquiétantes de Donald Trump. L’OTAN ne peut plus être vu comme le « parapluie protecteur » du temps de la Guerre froide. La question d’une défense européenne suppose en ce sens la reprise en main de la sécurité de l’Union et de ses Etats pour éviter de laisser ce pouvoir aux Etats-Unis. L’Union devrait en effet se ressouder, car un seul état européen ne peut concurrencer la Chine. Exemple parmi d’autres, la France représente moins de 1% de la population mondiale, quand la Chine en représente presque 20%.
D’autre part, les certitudes économiques sont secouées par des crises répétées. Le modèle néo-libéral est contesté et les remises en cause d’interdépendances économiques fortes (Etats-Unis-Chine) en sont des preuves. L’idéal libéral démocratique se trouve ainsi indirectement malmené.
Enfin, l’UE doit intégrer de nouveaux enjeux et de nouvelles approches pour entrer dans cette « révolution mondiale ». Par l’éducation, la recherche, l’intelligence artificielle, l’écologie (le réchauffement climatique) et le financement de grands projets fédérateurs - comme l’a été Airbus -, l’UE peut se réaffirmer comme une puissance de premier plan. Les opportunités sont donc paradoxalement nombreuses. Certes, il y a des risques, mais l’Union européenne ne peut plus se cacher derrière certains prétextes à l’instar du Brexit. C’est en effet une opportunité, avec des états pouvant mener des réformes sans crainte du véto britannique.
Que peut-on conclure de cette consultation ? L’UE, à l’aube du XXIe siècle, fait face à une situation complexe. D’un côté elle est menacée par un fort courant populiste qui lui reproche son impuissance. D’un autre côté, l’imprévisibilité des Etats-Unis et l’émergence de nouvelles puissances interrogent sur la place des alliances et le rôle que va tenir l’UE face aux enjeux à venir.
Copyright pour la synthèse de la Consultation citoyenne : Novembre 2018-Tristan Facchin et Noé Pennetier / Diploweb.com
Remerciements à l’ENC Blomet
Les organisateurs remercient très chaleureusement la direction de la SAS Blomet et le directeur de l’établissement pour avoir autorisé l’organisation de cette Consultation citoyenne dans une partie des nouveaux - superbes - locaux des CPGE.
Organisation : Centre géopolitique et Diploweb. Conférence d’introduction : Nicole Gnesotto (Présidente du Conseil d’administration de l’IHEDN). Images et son : Fabien Herbert et Jérémie Rocques. Photos : Inès Mallouh et Jérémie Rocques. Montage : Fabien Herbert et Pierre Verluise. Synthèse de la Consultation citoyenne par Tristan Facchin et Noé Pennetier pour Diploweb.com.
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Auteur / Author :
, , , , ,Date de publication / Date of publication : 10 novembre 2018
Titre de l'article / Article title : Vidéo. L’Union européenne est-elle condamnée à l’impuissance ?
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Un tabou enfin abordé publiquement : l’Union européenne est-elle condamnée à l’impuissance ? Profitez des réflexions de plus de 120 citoyens rassemblés par Diploweb, ouvertes par une conférence de Nicole Gnesotto, présidente du Conseil d’administration de l’IHEDN.
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