L’actualité en Bosnie le démontre amplement : le "passé ne passe pas" facilement dans les Balkans dits occidentaux. Catherine Lutard-Tavard met en perspective le poids des mémoires et leur instrumentalisation par les uns et les autres. S’imaginer que l’UE serait en mesure d’apporter une solution relève-t-il de la foi ou de la raison ?
LA QUESTION yougoslave a bouleversé non seulement les Balkans mais l’Europe et ses certitudes quant à la paix et la démocratie en Occident. Les Etats ex-Yougoslaves ont été présentés comme conflictuels et instables par excellence. Ne parle-t-on pas de la « poudrière des Balkans » ? On évoque la « mentalité balkanique » et les émotions ont joué un grand rôle dans l’analyse des conflits. Il y a eu beaucoup de clichés et si la violence des années 1990 en a surpris plus d’un, c’est précisément parce que la dynamique sociale, les mutations, les transformations de la société civile et du système politique n’étaient pas prises en compte.
Les malentendus, voire les hostilités entre ces Etats ex-Yougoslaves, restent tenaces.
L’hostilité latente entre les différents groupes ethniques permet de comprendre la violence des conflits des années 1990 et l’irrationalité entre les éléments déclencheurs des conflits et leurs effets. L’implosion de la Yougoslavie de Tito en 1991 a débouché sur de nombreuses guerres : Croatie (1991-1995), Bosnie-Herzégovine (1992-1995), Kosovo (1999) et Macédoine (2001). Mais a aussi conduit à la reconnaissance de sept Etats : la Slovénie (20 273 km2, 2 050 189 hab en 2001), la Croatie (56 594 km2, 4 284 889 hab), la Macédoine (25 713 km2 et 2 049 613 hab en 2009), la Bosnie-Herzégovine (51 129 km2, premier recensement depuis 1991 prévu en octobre 2013), la Serbie (77 474 km2, 7 565 761 hab en 2001), le Monténégro indépendant depuis 2006 ( 13 812 km2 et 620 029 hab en 2011) et le Kosovo indépendant [1] depuis 2008 (10 887 km2 et 1 780 021 hab en 2011). La Slovénie a déjà intégré l’Union européenne (2004) et la Croatie vient de le faire (1er juillet 2013). Tous les autres aspirent à y entrer.
Le besoin de fixer des frontières, de délimiter et d’exclure parait récurrent dans ces zones où l’altérité effraye.
On peut comprendre le désir des élites politiques de ces Etats d’intégrer l’Union européenne, de s’assurer des financements indispensables et de s’associer à un espace plus prometteur pour oublier leur handicap de petits Etats. Mais ce qui reste paradoxal, c’est fondamentalement le projet d’appartenance à un réseau européen plutôt transnational alors que le besoin de fixer des frontières, de délimiter et d’exclure parait récurrent dans ces zones où l’altérité effraye. A propos de cette intégration des Balkans dans l’Union européenne, le journaliste Piotr Smolar (Le Monde, 28/06/2013) estimait que "le projet européen ne doit pas être une simple zone de libre-échange, ni la somme de nos peurs. Il suppose des retrouvailles". La tache est difficile tant les malentendus, voire les hostilités entre ces Etats ex-Yougoslaves, restent tenaces. Les évocations historiques sont si récurrentes dans ces pays que l’on ne peut que déplorer la juxtaposition de plusieurs discours mémoriels qui fragilisent la vie sociale. Car ces Etats se caractérisent par une population multiethnique de plus d’une vingtaine de groupes (Croates, Slovènes, Serbes, Bochniaques [2], Albanais, Macédoniens, etc.). Ce qui, compte tenu de leur identification communautaire débouche sur une compartimentation de chaque société.
En intégrant l’Union européenne, ces Etats apportent ce bagage de rancœurs. Les guerres des années 1990 s’ajoutent aux autres guerres, et tout particulièrement 1941-1945. Sous le titisme, la Deuxième guerre mondiale a été reconstruite par la version officielle du parti communiste. A l’instar des autres pays communistes européens, y compris l’Allemagne de l’Est qui n’a donc pas connu la dénazification de la RFA, les communistes yougoslaves ont minimisé les massacres commis par des fascistes, présentant une lecture marxiste de la lutte des classes : des exterminations mises sur le compte des "exploiteurs", des "capitalistes", des "bourgeois", des "non patriotes", des "contre-révolutionnaires". Au nom de la fraternité et de l’égalité des peuples, ainsi que de la prise du pouvoir par le prolétariat (dont faisaient partie les Croates), leur participation latente ou effective au gouvernement fasciste d’Ante Pavelić et aux camps de concentration - dont le plus connu celui de Jasenovac- était ainsi évacuée, ne pouvant être ni analysée par les historiens ni même mentionnée. Pour autant, le gouvernement collaborateur serbe de Milan Nedić et les massacres organisés par les royalistes menés par le serbe Dražen Mihajlović contre les Croates ou encore contre les Albanais du Kosovo ne furent pas étudiés également ; même chose pour la participation des dirigeants musulmans de Bosnie-Herzégovine au gouvernement fasciste croate, et la formation en 1943 de la la division SS Handjar, soutenue par le grand mufti de Jérusalem, Hajj Amin Al Husseini. Tout comme les exactions des unités albanaises du Kosovo [3] contre la population serbe.
Une mémoire souterraine s’est développée. Celle-ci a entretenu des blessures béantes et le temps a amplifié les drames.
Et les nombreuses exécutions expéditives, à la fin de la guerre, par l’Armée yougoslave de Tito des "ennemis" déclarés connurent le même sort. Cette politique du silence, de l’effacement, a nourri les frustrations et les ressentiments des populations qui en furent les principales victimes, ressentiment que l’on a pu retrouver dans les guerres yougoslaves des années 1990. Sous Tito, en effaçant des éléments traumatisants non conformes à l’histoire officielle, en évitant tout décompte sérieux des victimes des uns et des autres et en taisant les responsabilités, une mémoire souterraine s’est développée. Celle-ci a entretenu des blessures béantes et le temps a amplifié les drames.
Chacun revendique une place dans le Panthéon des victimes.
Par conséquent, les guerres des années 1990 se superposent aux précédentes, réactivant les ressentiments des uns et des autres. Les récits ethniques vont sélectionner et se fonder sur l’oubli des autres récits, et les politiciens vont manipuler les mémoires. Dans cette exaltation mémorielle, chacun revendique une place dans le Panthéon des victimes. C’est pourquoi chacun ne voit pas les mêmes événements dans ce XXe siècle. Puisque « la mémoire collective est essentiellement une reconstruction du passé [4] », il y a un processus particulier de (re)construction de mémoires collectives en concurrence. A l’école, les enfants étudient encore des versions complètement différentes de l’Histoire.
C’est pour cette raison que l’inculpation des criminels des guerres des années 1990 était importante pour connaître les circonstances de ces guerres, les protagonistes, les crimes commis, le système de mobilisation des forces armées et les circonstances complexes et plurielles par lesquelles les actions criminelles des accusés ont été rendues possibles. Puisque les Etats en guerre en étaient incapables, le Tribunal Pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), situé à La Haye et créé le 25 mai 1993 par l’ONU, entendait bien faire sortir les crimes contre l’humanité du droit pénal interne. L’inculpation et l’arrestation des criminels a été complexe puisque le TPIY ne disposait pas de forces répressives propres ; la candidature de la Croatie et de la Serbie à l’entrée dans l’Union européenne a été suspensive de l’arrestation des principaux accusés recherchés, et de la collaboration juridique obligatoire avec le TPIY. Les élites politiques ont du faire un compromis entre les exigences de l’UE et l’hostilité populaire face à l’inculpation et la condamnation des inculpés considérés comme des héros dans leur pays. Ces pressions externes ont eu pour conséquence de fragiliser l’image du TPIY chez les populations ex-Yougoslaves, le concept de coopération perçu comme un acte de compromission, et interprété comme une exigence des grandes puissances à faire plier ces petits Etats. Par ailleurs, il a été reproché au TPIY de faire des préférences ethniques lorsqu’il s’agissait d’émettre des injonctions ou de décider d’arrêter tel ou tel prévenu. D’ailleurs, les acquittements de 2012 et 2013 ont jeté le discrédit sur ce tribunal. En effet, après avoir été condamnés pour crimes contre l’humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre, les généraux croates [5] Ante Gotovina et Mladen Markač, respectivement à 24 ans et 18 ans d’emprisonnement et le général serbe Momčilo Perišić à 27 ans de prison ; ces trois généraux étaient acquittés une année et demie plus tard. La différence de verdict entre les deux chambres a de quoi surprendre, le Tribunal ayant estimé qu’il n’avait pas été démontré qu’ils avaient ordonné ou approuvé les crimes commis par leurs subordonnés.
Il est peu probable que la justice locale juge des responsables de rang inférieur, les procès se focalisant sur des criminels "de base" (les exécutants), sans pour autant inculper les responsables hiérarchiques.
D’autres acquittements ont accentué cette incompréhension, le chef militaire albanais du Kosovo Ramush Haradinaj (novembre 2012), et tout dernièrement (mai 2013 [6]) les responsables des services secrets serbes qui ont participé à la création des milices responsables de crimes de masse, Jovica Stanišić et Franko Simatović. Il est peu probable que la justice locale juge des responsables de rang inférieur, les procès se focalisant sur des criminels "de base" (les exécutants), sans pour autant inculper les responsables hiérarchiques. La décision d’acquitter les seuls membres du commandement croate (encore en vie) impliqués dans l’opération de purification ethnique antiserbe en Croatie menée en 1995, ceux du commandement albanais de l’UCK (Armée de Libération du Kosovo) compromis dans des meurtres et disparitions des Serbes et des Rroms du Kosovo mais aussi des Albanais du Kosovo hostiles à l’UCK, et enfin ceux du commandement serbe impliqué dans des opérations criminelles plurielles en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Croatie contre des populations non-serbes, sape de facto la légitimité du TPIY.
Pourtant, la coopération avec le TPIY a permis aux états ex-yougoslaves de montrer, non seulement à leurs citoyens, mais aussi au reste du monde, leur volonté affichée - sans pour autant être suivie d’actes décisifs - d’en finir avec les politiques meurtrières de leurs prédécesseurs, leur intention de juger les responsables de ces guerres. D’ailleurs, des cours locales indépendantes ont été créées pour juger les criminels de guerre : en Croatie (2001) et en Serbie (2003) ; comme en Bosnie-Herzégovine [7] (2005). Toutefois, en Macédoine, la loi d’amnistie du 7 mars 2002 a pour conséquences l’impossibilité de procédure au pénal même s’il y a des preuves, car cela constituerait une infraction à cette même loi : il y a donc impossibilité de jugers les crimes de guerre commis en Macédoine pendant l’année 2001, date à laquelle les conflits entre les forces de sécurité de la Macédoine et les membres albanais de l’UCKM (Unité de Libération nationale de Macédoine) ont été les plus violents, ce qui n’est pas un facteur de stabilité pour la population. Quant au Kosovo, celui-ci ne dispose pas de tribunal indépendant pour juger les crimes de guerre, c’est la mission EULEX qui s’en occupe.
Symboliquement, participer au processus judiciaire en charge des criminels de guerre, soit avec le TPIY soit par les Cours de justice locales, est un indicateur de la volonté des Etats de se distancer de la politique guerrière et nationaliste des années 1990 tout en incluant les organes répressifs à ce processus (armée et police). Ce qui n’est pas rien quand on connaît le rôle crucial de ces deux organes dans les crimes perpétrés dans ces années-là. Néanmoins, ce mouvement de distanciation ne va pas de soi car les équipes politiques ont longtemps craint les retombées négatives de telles mesures : les risques de déplaire à l’opinion publique, mais encore les révélations susceptibles d’être faites par les inculpés de haut rang sur les Etats comme la Croatie et la Serbie qui n’ont pas réussi à se débarrasser complètement des anciens fidèles à Tuđman ou Milošević. Ces craintes ont entravé cette coopération et freiné l’installation d’une justice locale efficace, qui même si elle s’améliore depuis sa création, n’est pas épargnée par des pressions politiques internes aux pays. Sans oublier que le nouvel Etat indépendant, le Kosovo, aurait lui aussi intérêt à faire montre de plus de coopération lorsqu’il s’agit de juger des accusé albanais, parmi lesquels des figures importantes de l’Armée de Libération du Kosovo (UCK). Il semblerait que le Kosovo dont l’indépendance (2008) a été arrachée par la force et le soutien de certaines grandes puissances (comme les Etats-Unis), ne puisse pas accepter que l’image véhiculée d’une guerre de libération soit entachée par l’inculpation de criminels de guerre albanais, ramenant les nationalistes albanais dans le groupe des faiseurs de violence extrême.
Car il ne faut pas oublier que les guerres sont traitées par les populations comme des guerres de défense, avec une opinion publique majoritaire qui considère les inculpés de son propre groupe ethnique comme des héros. La souffrance devient un ciment social. Du reste, si des données récapitulatives des victimes de l’ensemble de ces guerres existent, elles proviennent d’initiatives institutionnelles non gouvernementales [8], les gouvernements préférant entretenir le doute et laisser libre cours à la manipulation des chiffres qui permet de construire les émotions dans un registre concurrentiel et puise dans l’affectif les facteurs prépondérants à la mésentente politique et sociale.
Dans ce contexte post-communiste de repli identitaire, il apparaît que la justice, qu’elle soit locale ou internationale, joue un rôle indispensable dans la représentation de la guerre et de la mémoire nationale, mais aussi dans le renversement des représentations par exemple quand un héros devient un criminel de guerre. Pour que la justice puisse non seulement pour reprendre les propos du polémologue Gaston Bouthoul « désacraliser la guerre », mais encore « faire durer la paix [9] », il faudrait nommer publiquement les responsables. Il s’agit d’un passé jugé au présent pour envisager dans un futur commun les relations des citoyens entre eux, pour poser des valeurs qui puissent être partagées par tous. Car l’impunité autorise à revisiter ces guerres, à transformer les criminels en héros et à voir émerger des vainqueurs.
En mettant sur la place publique certains moments du passé, tous ceux qui se sentent victimes focalisent le regard sur certains événements de ce passé (proches ou lointains) qu’ils préféreraient taire : les Serbes dénonçant la situation des Serbes de Croatie ou au Kosovo, ne peuvent pas nier leurs activités militaires et meurtrières en Croatie (comme à Vukovar), en Bosnie-Herzégovine puis au Kosovo ; les Croates rapportant l’ingérence de l’armée serbe ne peuvent pas taire le sort des Serbes en Croatie, puis leur expulsion brutale dans la guerre éclair d’août 1995 (Oluja) ; en condamnant le génocide dont ils ont fait l’objet (massacre qualifié de génocide par le TPIY en 2004), les Bochniaques de Bosnie-Herzégovine n’ont pas pu cacher l’implication des mercenaires musulmans intégristes à leurs côtés et l’intensification du courant salafiste en Bosnie-Herzégovine ; les Albanais du Kosovo, habitués à rappeler leur mise au ban sous les années Milošević, s’enferrent dans le déni de reconnaître les massacres des non-Albanais ou les trafic d’organes ; les Macédoniens et la loi d’amnistie qui se confond avec l’amnésie. Ces manipulations s’inscrivent dans des politiques constamment réactivées piochant dans le registre douloureux [10] des conflits. Les guerres des années 1990 catalysent les conflits anciens de la mémoire souterraine et les conflits nouveaux de ces sociétés morcelées et fragilisées. En devenant des Etats porteurs d’un ethnonationalisme spécifique, la nouvelle mémoire nationale est une mémoire ethnique. Parce qu’elle est exclusive, elle entre en conflit avec les autres mémoires ethniques souterraines (par exemple la mémoire serbe en Croatie, etc.) ; elle est puissante et se développe par l’intermédiaire de l’Etat (commémoration, éducation scolaire, construction de monuments, etc.) au détriment des mémoires familiales plurielles, en les oubliant.
Construire un futur pacifique et non revanchard ? Comment ?
Au bout du compte, on comprend mieux en quoi la confrontation à l’élément traumatisant pourra être constructive à partir du moment où les faits seront examinés avec empathie (sans les rejeter et les considérer comme de la simple propagande) au présent pour construire un futur pacifique et non revanchard, sans jamais les oublier. Ne pas les oublier précisément pour rappeler, non seulement leur existence mais également leur capacité à exister, à se produire, même si chaque acteur social souhaite que ce « possible » ne soit jamais arrivé, même si ce n’est pas ce que l’on attendait de son groupe national. Construire une mémoire prometteuse, c’est élargir son espace, l’horizon, l’avenir, c’est entrevoir une perspective de partage. C’est sans conteste affermir la cohésion sociale, mais encore permettre la réconciliation au sein de la société et hors d’elle, avec les voisins. L’exemple de la confrontation de la France avec son passé vichyste est probant. Mais il ne faut pas oublier que cette mise en lumière de la participation du gouvernement français à la Shoah n’a pu se faire qu’avec la parution du livre, en 1973 La France de Vichy de l’historien américain Robert Paxton qui a travaillé sur les archives allemandes. Il a donc fallu un acteur extérieur, déclencheur. Les pays ex-Yougoslaves ne sont donc pas les seuls à refuser d’examiner leur passé proche [11]. On ne peut réduire l’Union européenne au destin commun d’une introspection mémorielle, dont on connaîtrait à l’avance les modalités en s’appuyant sur les parangons que constituerait de ce point de vue l’Allemagne et la dénazification. Alors on peut se demander si ce processus va se faire sous l’impulsion d’acteurs extérieurs à cet espace - et dans ce cas qui sont-ils -, ou bien si des forces de la société civile des Etats ex-Yougoslaves vont être assez puissantes pour jouer ce rôle. On retiendra que la coopération inter-régionale des Etats ex-Yougoslaves sera indispensable à l’écriture commune de l’histoire de cette région.
Manuscrit clos en novembre 2013.
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Sociologue (Laboratoire Cultures et sociétés en Europe UMR 7236- CNRS MISHA-Strasbourg). Habilitée à diriger les recherches (HDR) en sociologie. Auteure de nombreuses publications sur l’histoire politique de la Yougoslavie communiste et de l’espace ex-Yougoslave, la théorie du nationalisme, ainsi que des conflits ethniques, de la justice transitionnelle et des procès des crimes des guerres des années 1990.
[1] Plusieurs Etats membres de l’Union européenne ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo.
[2] Les Musulmans, en tant que peuple, avaient été reconnus par le recensement de 1971. En septembre 1993, pour se désigner, ils adoptent le concept « Bochniaque » (Bošnjak,) que les médias occidentaux ont traduit de façon impropre par "Bosniaque", faisant confondre l’appartenance ethnique et l’appartenance géographique. Le terme "bosniaque" en effet doit être réservé aux habitants de Bosnie-Herzégovine (et non pas des "Bosniens" comme des Martiens !).
[3] Dès 1941, le Kosovo i Metohija fut divisé : une partie revenait à la Bulgarie pronazie, et l’autre ainsi que la partie occidentale de la Macédoine à la Grande Albanie (pro-fasciste, dirigée par les Italiens).
[4] HALBWACHS, Maurice, La topographie légendaire des évangiles, PUF, Paris, 2008, p. 7
[5] Et ceci malgré le fait que la Croatie n’a pas présenté au TPIY tous les documents militaires relatifs à l’opération appelée Oluja (Tempête) menée début aout 1995 qui a conduit au départ forcé d’environ 200 000 civils serbes et au meurtre de plusieurs centaines de civils serbes.
[6] Mettant en cause la neutralité du TPIY, le juge danois Harhoff, en poste à ce même tribunal depuis 2007, a même affirmé dans une lettre adressée à des collègues et publiée (13/06/2013) par le quotidien danois Berlingske que, par l’intermédiaire du Juge Meron, les Etats-Unis et Israël auraient fait pression sur ces affaires par crainte de voir le principe "d’entreprise criminelle commune" faire jurisprudence et que leurs propres militaires soient un jour poursuivis par ce principe de responsabilité de commandement pour des crimes commis par leur subordonnés (par exemple en Palestine, en Irak, en Afghanistan, etc.).
[7] Contrairement aux deux précédentes, celle-ci a bénéficié du concours de magistrats étrangers.
[8] Comme en Serbie le Fond pour les droits de l’Homme (FHP), dirigé par Nataša Kandić ou en Bosnie-Herzégovine le Centre de recherche et de Documentation (IDC) dirigé par Mirsad Tokača. Pour contrer la manipulation du nombre de morts, ce dernier a mené une enquête pendant plusieurs années pour fixer exactement le nombre de victimes de la guerre en Bosnie-Herzégovine (1992-1995). Alors que certains parlaient de 200 000 morts, voire 300 000 morts, chiffres constamment réactivés dans les Balkans (et hors de cette zone) par bon nombre de politiciens, mais aussi journalistes voire des universitaires, fin 2009, l’IDC a mis fin à ces incertitudes et a comptabilisé 97 207 victimes tuées ou disparues de 1991 à 1995 en Bosnie-Herzégovine. Cette enquête lui a valu de nombreuses critiques des Musulmans/Bochniaques qui lui reprochent de revoir à la baisse les victimes bochniaques et de comptabiliser largement des victimes chez les autres groupes ethniques.
[9] BOUTHOUL, Gaston, Traité de polémologie. Sociologie des guerres, Paris, Payot, 1970, p 533
[10] "Ces mobilisations et actions victimaires se coulent dans un espace normatif de dispositifs et de politiques, de plus en plus structuré, qui leur offre des ressources "marchandes" pour valoriser le passé "douloureux", précise Georges Mink, Le passé au présent, op cité., p. 16. Comme si le passé était un véritable "fond de commerce".
[11] Que dire par exemple des Etats-Unis qui imposent une lecture très subjective des guerres qu’ils mènent, que ce soit la guerre du Viêt-Nam et le silence sur l’agent orange, la légitimité de la guerre en Irak, pour ne citer que ces deux guerres parmi tant d’autres.
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Date de publication / Date of publication : 16 février 2014
Titre de l'article / Article title : Les pays ex-Yougoslaves vers l’Union européenne : des mémoires fracturées
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L’actualité en Bosnie le démontre amplement : le "passé ne passe pas" facilement dans les Balkans dits occidentaux. Catherine Lutard-Tavard met en perspective le poids des mémoires et leur instrumentalisation par les uns et les autres. S’imaginer que l’UE serait en mesure d’apporter une solution relève-t-il de la foi ou de la raison ?
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