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"Les institutions de l'Union européenne",

par Yves Doutriaux et Christian Lequesne

 

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Ed. La documentation Française, coll. Réflexe Europe, 5 e édition publiée en avril 2005 ISBN: 9 782110 057853.

Voici un ouvrage à la fois précis et vivant. Les auteurs exposent clairement le fonctionnement institutionnel et quotidien du système européen. Celui-ci est défini par Jacques Ziller dans l'introduction comme "[…] l'interaction constante entre les Etats - plus concrètement les administrations nationales, voire régionales et locales des vingt-cinq Etats membres - et les institutions de l'Union et leurs services administratifs" (p. 18).

(Voir la carte de l'UE25)

Un travail d'équipe

Ce livre est écrit à deux mains. Yves Doutriaux a rédigé la première partie : "Les institutions de l'Union européenne". Diplomate, il est, à la date de cette publication, représentant de la France auprès de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).

Christian Lequesne signe la seconde partie : "L'administration centrale française et l'Union européenne". Directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI) de la Fondation nationale des Sciences politiques (FNSP), il est actuellement directeur du Centre français de recherche en sciences sociales à Prague. Il a notamment publié, avec Jacques Rupnik, en 2004, L’Europe des Vingt-Cinq. Vingt-cinq cartes pour un jeu complexe, Paris : CERI/Autrement..

Avant d'aller plus avant dans l'analyse du contenu, voici le sommaire complet de l'ouvrage.

Préface de Jacques Ziller, Professeur à l'Institut universitaire européen de Florence.

Première partie : Les institutions de l'Union européenne, par Yves Doutriaux.

  1. Au sommet du cadre institutionnel unique, le Conseil européen

  2. Le Conseil des ministres, cœur multiforme du cadre institutionnel unique

  3. La Commission : embryon d'un futur gouvernement européen ou simple exécutant ?

  4. Le Parlement européen : une institution aux prérogatives en expansion constante

  5. La Cour de Justice et la Cour des comptes

  6. Deux comités consultatifs : le Comité économique et social et le Comité des régions

  7. Les aspects institutionnels de l'Union économique et monétaire

 

Deuxième partie : L'administration centrale française et l'Union européenne, par Christian Lequesne.

  1. L'adaptation du travail ministériel

  2. La coordination interministérielle

  3. La négociation des politiques communautaires

Conclusion. Annexes . Circulaire du Premier ministre du 27 septembre 2004 relative à la procédure de transposition en droit interne des directives et décisions-cadres négociées dans le cadre des institutions européennes. Loi constitutionnelle n°2005-204 du 1er mars 2005 modifiant le titre XV de la Constitution (art.3). Glossaire, liens utiles, bibliographie, table des matières.

 

Cet ouvrage se caractérise par le souci d'exposer lisiblement un mode de fonctionnement souvent obscur pour le citoyen. Vous découvrirez, par exemple, l'organisation du fameux COREPER, c'est à dire le Comité des représentants permanents, artisan quotidien de négociations difficiles, y compris en matière de politique étrangère et de sécurité commune (p. 45 à 47). Prenons quelques thèmes pour en rendre compte.

 

Les règles du jeu

 

Y. Doutriaux analyse l’extension continue des décisions prises en Conseil des Ministres à la majorité qualifiée. Déjà étendu par le traité d’Amsterdam en particulier en politique étrangère, le recours à la majorité qualifiée concerne de nouvelles questions depuis le traité de Nice signé en 2001, entre autres, la nomination du président et des membres de la Commission, les questions relatives au droit d’asile et à l’immigration, la coopération judiciaire civile, le commerce des services et les aspects commerciaux de la propriété intellectuelle. Le traité constitutionnel a proposé d’élargir encore le champ d’application de la majorité qualifiée aux nouvelles compétences de l’Union (propriété intellectuelle, espace, énergie) et à la nomination du ministre des Affaires étrangères.

 

Un effet induit par l'élargissement

 

Le calcul de la majorité qualifiée reposant sur la pondération des voix au Conseil des ministres, les pays les plus peuplés ont remis en cause la sur-représentation des États peu peuplés. "Avec le traité de Nice, l’écart de voix entre le pays le moins peuplé et les pays les plus peuplés passe de 2 à 10 à 3 à 29. […] Depuis le 1er novembre 2004, la majorité qualifiée est fixée à 232 voix et la minorité de blocage à 90. Disposition nouvelle, la majorité qualifiée doit réunir une majorité simple d’États, soit 13. Enfin, à la demande de l’Allemagne, une clause dite de « vérification démographique » a été introduite. Tout État membre peut demander que, lors de la prise de décision par le Conseil à la majorité qualifiée, il soit vérifié que les États constituant cette majorité représentent au moins 62 % de la population totale de l’Union. » (p. 53)

 

Ce système étant considéré comme excessivement compliqué, le traité constitutionnel a prévu un « vote démographique ». Pour être acquise, une décision devrait alors « rassembler un nombre d’États représentant au moins 65 % de la population de l’Union et au moins 55 % des membres du Conseil comprenant au moins 15 d’entre eux » (p. 54).

Pologne 2004, Cracovie, la halle aux draps. Crédits: P. Verluise

Efficacité

 

Comment éviter la paralysie dans une Europe comportant désormais 25 membres ? Le recours aux « coopérations renforcées », introduit par le traité d’Amsterdam, est facilité par le traité de Nice. Il s’agit de « la possibilité, pour les États membres qui souhaitent établir entre eux une coopération plus étroite, de recourir aux institutions de l’Union […] La coopération renforcée doit entre autres respecter les principes du traité, n’être utilisée qu’en dernier ressort, n’affecter ni l’acquis communautaire, ni les intérêts des États qui n’y participent pas, concerner au moins huit États. La coopération renforcée ne doit pas porter atteinte au marché intérieur ni à la cohésion économique et sociale. » (p. 58).

Le projet de traité constitutionnel a maintenu ces dispositions en les renforçant, en particulier en les facilitant pour ce qui concerne l’espace de liberté, de sécurité et de justice, et en établissant une coopération renforcée spécifique à la défense.

 

Le droit communautaire l'emporte sur le droit national

 

L'ouvrage explique également comment la Commission veille, en tant que "gardienne des traités", à faire appliquer le droit communautaire. En effet, l'article 226 du traité dispose que, lorsqu’ un Etat membre ne se conforme pas à un avis motivé qu'elle a émis à son encontre parce qu'il a manqué à une des obligations au titre du traité, la Commission peut saisir la Cour de justice.

 

"Dans un premier temps, la Commission relève une présomption d'infraction d'un Etat membre soit à l'initiative de ses services, soit à la suite des plaintes d'un autre Etat membre, d'un opérateur économique ou d'un simple particulier. La Commission invite cet Etat membre par une lettre de mise en demeure à lui présenter ses observations ou justifications dans un délai fixé en général à trois mois. Si les observations de l'Etat ne conduisent pas la Commission à modifier son point de vue, la Commission émet un avis motivé auquel l'Etat membre est tenu de se conformer dans un délai - en général, un mois - prescrit par la Commission. Faute de quoi, la Commission peut saisir la Cour de justice dont l'arrêt est contraignant pour l'Etat membre. Dans la plupart des cas, les Etats membres régularisent leur situation au regard du droit communautaire avant que la Commission n'engage la phase finale de la procédure auprès de la Cour de justice" (p. 70-71). S’ils n’obtempèrent pas, ils sont condamnés à verser de lourdes amendes.

 

Le Parlement européen a vu ses prérogatives se renforcer. Sa capacité d’amender les textes législatifs proposés par la Commission repose de plus en plus sur la procédure de codécision, procédure toutefois longue et complexe. « Il était difficile d’imaginer une procédure plus simple dès lors que la codécision implique nécessairement un processus de navette entre les institutions. […] Meilleur contrôle démocratique et adoption rapide des décisions ne font pas nécessairement bon ménage. » (p.87)

 

Ambivalence

 

Les auteurs ne s'interdisent pas - et c'est heureux - de pointer du doigt certains dysfonctionnements parfois liés à l'ambivalence, pour ne pas dire l'ambiguïté des relations de certains Etats membres à la construction européenne. Rédigées dans un esprit constructif, ces remarques contribuent à l'intérêt de l'ouvrage.

Yves Doutriaux note ainsi à propos de la composition du Conseil des ministres : "Les ministres se font quelquefois représenter par des hauts fonctionnaires, en général le représentant permanent ou le représentant permanent adjoint établis à Bruxelles. […] Cette habitude est fâcheuse car, en l'absence des ministres, les hauts fonctionnaires répètent en général les positions qu'ils ont exprimées précédemment au niveau du Comité des représentants permanents" (p. 35). Résultat, le dossier n'avance guère.

 

Le même auteur souligne l’impératif d’un contrôle strict du budget communautaire : « …des propositions britanniques intéressant le contrôle budgétaire ont été reprises dans le traité […]. Les autres pays contributeurs nets au budget ont été généralement sensibles aux arguments britanniques ; la croissance régulière du budget rend de plus en plus vigilantes les administrations financières nationales dont une part accrue des ressources fiscales est obligatoirement affectée au budget communautaire ; or, la qualité du contrôle budgétaire interne à la Commission est parfois considérée comme insuffisante » (p. 99). D’où les mesures rigoureuses qui ont suivi la démission de la Commission Santer en 1999.

 

Concertation européenne, rivalités franco-françaises ?

 

De son côté, Christian Lequesne souligne que, lors des négociations à Bruxelles, lorsque les fonctionnaires français se rendent dans les groupes de travail du Conseil, « ils s’efforcent […] d’y entrevoir les possibles majorités et coalitions sur les points qui sont susceptibles de remonter jusqu’aux ministres. Aussi une activité de « bilatéralisme multiple » se manifeste-t-elle au niveau des ministères. » (p. 129).

 

En revanche, au sein de la délégation française, l’unanimité ne se fait pas toujours. « L'obtention d'une des six places réservées à la délégation française dans la salle de négociation ou d'une des places de la salle d'écoute donne lieu régulièrement à des rivalités entre administrations. Les difficultés surgissent particulièrement entre les fonctionnaires issus du département chef de file et ceux des autres départements chargés de veiller à ce que le ministre qui n'est pas le "leur" ne favorise pas la défense de sa position au détriment de la position interministérielle" (p. 129). Les rivalités franco-françaises s'exportent donc toujours aussi bien, en dépit de l'effacement relatif de ce pays à l'échelle du monde comme à celle de l'Europe. Pendant de temps, d'autres pays marquent des points, tout en s'amusant de cet archaïsme qui prend racine dans la relation française entre information et pouvoir.

 

Un processus de transposition où se font entendre des voix discordantes

 

A propos des nombreux dépassements français du délai de transposition prévu pour les directives communautaires, Christian Lequesne note : "Compte tenu du nécessaire aménagement des textes internes que requiert la transposition des directives communautaires, les services des ministères peuvent prendre du retard. Tous les retards de transposition ne sauraient néanmoins être imputés à des problèmes de gestion administrative. Ils peuvent aussi être dus à l'attitude d'un ou de plusieurs ministères qui tentent de renégocier la directive dans la phase de son exécution. Un ministère dont la position a été mise en minorité par l'utilisation de la majorité qualifiée au Conseil peut, en effet, décider sciemment de retarder l'édiction des normes de transposition d'une directive en différant leur signature. […] Des retards peuvent enfin surgir lorsque des groupes d'intérêt français qui ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment entendus lors de l'élaboration de la directive ou qui s'estiment lésés par le compromis obtenu au Conseil, exercent des pressions sur le ministère concerné. Cette pression s'avère d'autant plus efficace lorsque les groupes d'intérêt agissent à travers des organismes consultatifs, comme le Conseil supérieur d'hygiène public de France, dont l'avis est obligatoire dès lors que la transposition fait appel à une loi ou un décret. L'exécution normative des politiques communautaires ne saurait donc être conçue comme la suite linéaire de leur élaboration. Elle permet à tout moment aux ministères et aux groupes d'intérêt qui n'ont pas réussi à faire valoir leurs intérêts en amont de continuer la négociation par d'autres moyens en aval. L'intervention des organes interministériels ou l'ouverture d'une procédure précontentieuse par la Commission permettront, le cas échéant, de réguler ces velléités de renégociation" (p. 132-133).

 

La France à l'amende

 

Il n'empêche que le bilan dressé dans les rapports annuels de la Commission sur le contrôle de l'application du droit communautaire est sévère pour la France. La comparaison avec la plupart des autres pays n'est pas, en l'occurrence, en faveur de Paris. En effet, le classement des Etats membres en fonction de la communication des mesures nationales d'exécution des directives communautaires place la France en queue de peloton.

 

En 2004, elle arrivait bonne dernière au palmarès des transpositions. « Si l’on considère en effet le tableau d’affichage du marché intérieur de la Commission, rendu public le 13 juillet 2004, un déficit de transposition de 4,2 % amène la France à enregistrer le plus grand nombre de directives en retard depuis plus de deux ans et à occuper la dernière place du classement des quinze États membres qui composaient l’Union jusqu’au 1er mai 2004. Bien que les dix nouveaux États membres soient encore exclus de ce tableau comparatif, les projections chiffrées placent la France au 17e rang des 25, derrière la Lituanie et la Pologne. » (p. 151).

 

Une chose est sûre, en cas de condamnation de la France par la Cour de justice européenne, ce ne sont pas les "groupes d'intérêt" privés ou les fonctionnaires sensibles à leurs divers arguments qui paient l'addition mais… les contribuables.

 

Un coup d’œil rapide : tableaux et schémas

 

L’ouvrage compte nombre de tableaux, graphiques ou organigrammes particulièrement utiles. Vous trouverez notamment : "Le rôle des institutions dans les trois piliers de l'Union européenne" (p.16-17) ; "Les présidences de l'Union européenne à partir de 2004" (p. 30), le tableau comparatif du poids démographique et relatif des votes de la France, l'Allemagne, le Royaume Uni, l'Italie, l'Espagne et de la Pologne (p.51) ; "Le collège des commissaires entrés en fonction en novembre 2004" (p.65) ; "Les directions générales et services de la Commission" (p. 67-69) ; "Répartition des sièges au Parlement européen, par Etat membre (p.82) ; "Organigramme des relations entre les institutions françaises et les institutions européennes" (p.127) ; "Infractions pour lesquelles la procédure a été ouverte entre 1999 et 2003, par étape et par Etat membre » (p.153).

 

Pierre Verluise et Martine Courderc

Les ouvrages de la documentation Française peuvent se commander sur le site http://www.ladocfrancaise.gouv.fr et par téléphone, télécopie et minitel: Téléphone: 01 40 15 70 00 - Télécopie: 01 40 15 68 00 - Minitel: 36.15 ou 36.16 ladoc

Le compte rendu a été actualisé à partir de la 5 e édition, publiée en 2005.

Mise en ligne septembre 2005.

 

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