Intervenants : Professeur Carlos Malamud, chercheur principal du Real Instituto Elcano ; Jorge Sicilia, économiste en chef de la Banco Bilbao Vizcaya Argentaria ; Susana Malcorra ministre des Affaires étrangères en Argentine de 2015 à 2017 ; Cristina Gallach, secrétaire d’État aux Affaires étrangères et pour l’Amérique latine et les Caraïbes du gouvernement espagnol. Modération : Rafael Estrella, vice-presidente du Real Instituto Elcano. Résumé de l’espagnol vers le français par Julie Mathelin pour Diploweb.com
Cette vidéo en espagnol et son résumé en français permettent de fécondes comparaisons entre les situations en Europe et en Amérique latine face à la COVID-19 : convergences et divergences, situations et perspectives.
Débat en espagnol organisé par le Real Instituto Elcano ( Madrid, Espagne) en visioconférence le 30 avril 2020. Intervenants : Professeur Carlos Malamud, chercheur principal du Real Instituto Elcano ; Jorge Sicilia, économiste en chef de la Banco Bilbao Vizcaya Argentaria ; Susana Malcorra ministre des Affaires étrangères en Argentine de 2015 à 2017 ; Cristina Gallach, secrétaire d’État aux Affaires étrangères et pour l’Amérique latine et les Caraïbes du gouvernement espagnol. Modération : Rafael Estrella, vice-presidente du Real Instituto Elcano.
Résumé de l’espagnol vers le français par Julie Mathelin pour Diploweb.com
Dans le contexte mouvementé de la crise sanitaire que nous avons traversé, le Real Instituto Elcano de Madrid organise un débat avec des experts pour parler de l’impact de la Covid-19 en Amérique latine. Il s’agit d’une pandémie globale à caractère sanitaire avec des implications politiques, économiques et sociales qui varient selon les pays. Si l’Amérique latine a semble-t-il eu plus de temps que les pays d’Europe pour se préparer face aux premiers cas, tous les pays de la région ne sont pas égaux dans le traitement de la crise sanitaire et de ses effets et les chiffres officiels le montrent.
Carlos Malamud revient sur les réactions inquiétantes du Président Bolsonaro (Brésil) et Manuel López Obrador (Mexique) face à la crise, montrant qu’il y a différentes manières de traiter la Covid-19. Devant le poids de l’opinion publique, il distingue trois types de gestion différentes de la crise allant d’une mauvaise à une bonne gestion : en première position, le gouvernement de Maduro, Manuel Lopez Obrador et Bolsonaro appelés les « Hobbits populistes ». Les gouvernements de Cuba et de l’Équateur ont une gestion régulière de la crise selon les chiffres. Enfin, l’Uruguay et le Chili ont – fin avril 2020 à la date de cet entretien - une bonne gestion.
De manière générale, la gestion de la crise en Amérique latine est compliquée dans un milieu ou l’appareil d’État et les administrations publiques sont déjà faibles mais aussi dans une région ou le déficit en matière de santé est important ; notamment avec un nombre de médecins, de lits et d’unités faibles. Il explique aussi que la conception du confinement varie en fonction des pays, que ce soit au Brésil ou en Uruguay, les politiques sont différentes. Dans de nombreux pays latino-américains plus de 40% de la population vit dans l’informel et dans certains cas comme au Pérou, 70 % des individus vivent dans des conditions très difficiles. Ce sont des citoyens qui ont besoin de sortir tous les jours pour travailler et trouver un moyen de subsistance. S’ils ne mangent pas, ils ne peuvent pas survivre et cela rend les conditions très compliquées. Une région aussi fragmentée, hétérogène et incertaine que l’Amérique latine, exigerait des réponses d’ensemble. Or il y a eu très peu de cas concrets de tentatives de la part des gouvernements de trouver des solutions d’ensemble sauf une initiative de la Banque centraméricaine de développement d’intégration. Des institutions comme le MERCOSUR ou la CEDA ont mené très peu d’actions concrètes. D’ailleurs l’Argentine s’est retirée de la table des négociations.
D’autre part, l’accès au numérique dans une situation comme celle-ci est vital. Beaucoup ont du mal à gérer le confinement en raison des problèmes de numérisation. Par exemple, en Argentine les banques ont été ouvertes notamment pour le versement des retraites et des subventions. Mais comme il y a un niveau de bancarisation très bas, les gens ont dû sortir dans la rue et risquer leur vie dans les files d’attente.
En comparant la crise de 2008 à la crise de 2020, qui sont deux crises de natures différentes et incomparables, Jorge Sicilia affirme qu’il faut s’inquiéter beaucoup plus qu’en 2008. Il faudra s’attendre à une forte baisse du prix des matières premières : le pétrole, le cuivre, le soja et une baisse de l’envoi des remises des émigrés. Il y aura aussi une réduction de l’entrée des capitaux. Nous pouvons nous attendre à une chute de PIB dépassant les 5% sans pouvoir retrouver rapidement les niveaux d’avant la crise, explique Jorge Sicilia. Toutefois, il y a une marge de manœuvre dans les politiques publiques et cette marge est plus grande dans certains pays que dans d’autres.
En somme, tous les pays ou presque savent ce qu’il faut faire : il s’agit de protéger les revenus et d’aider les entreprises dans ce processus d’hibernation afin qu’une fois la demande retrouvée, elles puissent sortir de la crise. Mais malheureusement, il y a des pays qui peuvent le faire avec plus de force que d’autres et cela varie en fonction du facteur temps principalement.
Selon Jorge Sicilia, l’approche à court et moyen termes dans les processus de sortie de crise peut s’avérer bénéfique. Le problème est structurel en Amérique latine et cela fait des années que des politiques sont mises en place pour tenter de le résoudre mais il est peut-être réaliste d’échanger des expériences dans un contexte où il y aura un élan pour le résoudre.
Susana Malcorra se focalise sur le plan structurel de l’Amérique latine. Il y a selon elle un manque d’intégration évident, particulièrement comparée à l’Union européenne. La notion d’intégration politique, économique et sociale était clairement mise en évidence avant la pandémie mais les positions politiques et sanitaires ont généré une telle fracture qu’il était impossible de s’accorder et de développer une entente autour de point de vue aussi différents. Nous savons également que les pays d’Amérique latine sont confrontés à des dynamiques internes de type migratoires, économiques et sociales. Pour autant, il n’y a pratiquement pas eu de moment d’échange ni de dialogue pour trouver des solutions communes et régionales.
Ensuite du point de vue social, cette pandémie a mise en suspens cette l’hyper activité présente dans la région sur le front social et qui était liée à des tensions politiques. Le confinement a mis une limite à ces dynamiques. Susana Malcorra souligne que si les gens respectent le confinement c’est aussi parce qu’il y a cette crainte de revendication dans les rues et d’une explosion sociale.
Dans le domaine des libertés quand les craintes surgissent, il y a une tension très nette entre liberté d’un côté et contrôle, sécurité de l’autre. Pour des raisons de sécurité nous voyons apparaitre quelques dérives d’autoritarisme. Les tensions sociales étaient déjà présentes mais une des conséquences de la crise est la réduction des libertés et du respect des droits. Elle conclut en expliquant qu’il faut articuler une position autour de la coopération et de l’intégration. Il faut absolument arriver à une coopération du XXIe siècle qui surmonte les failles et les limites de la coopération de 2020 et qui se mette résolument au travail sur les vecteurs essentiels.
Pour la première fois dans l’histoire, une question de santé devient une question de sécurité planétaire rappelle Cristina Gallach. C’est aussi la première fois que nous avons un défi planétaire comme celui-ci en fermant les frontières. Le continent sud-américain a été de manière générale plus rapide que les États-Unis de D. Trump à réagir. En mettant notamment en place des bases de protection sociale, de solidarité internationale. Par ailleurs, le gouvernement espagnol a beaucoup soutenu l’Amérique latine. Elle parle d’« européisme » et de la construction d’une réponse plus ouverte et surtout multilatérale.
Le premier domaine où il s’agit de se concentrer est le domaine de la santé publique. Ensuite, les grandes difficultés à surmonter sont de faire face à une série de mesures bien ciblées allant de l’aide aux micro PME à toutes sortes d’autres actions susceptibles d’être développées pour faire face à cette économie informelle qui affaiblit l’économie d’un pays. Troisièmement, il y a la fracture numérique. Le fossé numérique en Amérique latine est énorme contrairement aux pays européens ou les élèves peuvent continuer de travailler à distance. La question du renforcement des institutions est essentielle dans un climat de populisme et d’autoritarisme. Le moment est venu de faire une alliance puissante entre les pays pour que ceux à revenus intermédiaires bénéficient de mesures spéciales et cela concerne surtout les grandes institutions financières internationales affirme-t-elle. Il faut aussi travailler sur cette union entre les sociétés et une union du continent.
En somme, il y a dans cette crise profonde l’opportunité pour l’Europe d’approfondir les relations avec l’Amérique latine et d’avoir une approche concrète dans des domaines essentiels.
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