Paris : Karthala, 2006. Avec cet ouvrage, Pierre Verluise souhaite donner les grilles de lecture nécessaires à la compréhension d’une Europe totalement bouleversée au cours de la dernière décennie.
A la suite de ce compte rendu, vous trouverez une partie de la préface, des extraits d’articles publiés sur cet ouvrage et sa table des matières.
AVEC CET OUVRAGE, Pierre Verluise souhaite donner les grilles de lecture nécessaires à la compréhension d’une Europe totalement bouleversée au cours de la dernière décennie. Rassemblant les contributions d’une vingtaine de chercheurs et d’acteurs sur les principaux changements qui ont affecté la donne géopolitique du Vieux Continent (articles ou entretiens), l’auteur a cherché à focaliser l’attention sur les nouveaux défis qui attendent l’Europe de demain, cette Europe « réunifiée » théâtre des stratégies de plusieurs acteurs, dont certains non-Européens. L’effort est salutaire, et le sous-titre de l’ouvrage souligne un louable effort pédagogique qui invite, comme le rappelle la préface de François Géré, à entreprendre une réflexion enfin sereine dans un débat géopolitique où les passions l’emportent trop souvent au détriment de la raison.
La première partie met en avant l’action de certains acteurs dans les bouleversements expérimentés par cette « nouvelle Europe », qui commence sans plan préalable ni feuille de route. La contribution de départ, celle du général Vernon Walters, ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne lors de la chute du mur de Berlin, donne le ton et rappelle l’importance des Américains dans l’histoire européenne de ces quinze dernières années (ce que d’autres contributions se chargeront de faire également) : l’article expose comment les Etats-Unis ont gagné la Guerre froide en « dépensant plus » que leurs adversaires soviétiques dans la course aux armements (le budget militaire correspond alors à celui de l’Allemagne en 2000, englouti chaque année !). La contribution suivante met en scène d’autres acteurs, beaucoup plus ambigus et difficiles à cerner que les précédents, ceux de la « révolution » roumaine de 1989 (Catherine Durandin) : les conjectures sont importantes, faute d’archives (en particulier soviétiques, mais également celles de la CIA), même si la théorie du complot semble aujourd’hui l’emporter au détriment de la thèse révolutionnaire. Ce qui est par contre certain, c’est que la nouvelle Roumanie se tourne aujourd’hui bien plus volontiers vers les Etats-Unis, son intégration dans l’OTAN ayant été préparée avec une ferveur que l’on ne retrouve pas dans la candidature à l’UE. Washington se révèle ainsi un acteur à part entière dans les bouleversements actuels, soulignant une fois de plus que les représentations des pays d’Europe centrale et orientale, échaudés par une autre histoire, où la Russie joue le rôle d’épouvantail, sont différentes des nôtres. En tout cas, l’auteur se charge de rappeler le manque de réaction des pays occidentaux face aux problèmes de ces sociétés en transition, soulignant que leur « discours [est] constamment décalé durant les années de la transition post-communiste, c’est-à-dire depuis 1990 » (p.34). Un dernier acteur est présenté, lui-même souvent ignoré ou fantasmé, mais réellement décisif de par l’importance de son rôle symbolique : il s’agit du Pape Jean-Paul II, étudié par Alexandra Viatteau. Même si la paix est pour ce dernier une vraie valeur chrétienne, on ne peut pas dire qu’il soit un véritable pacifiste : il a choisi la non-violence par opportunisme, avec une vraie volonté politique derrière, celle d’utiliser tout son poids pour motiver un mouvement social réellement désireux d’abandonner le fardeau communiste. Ainsi, une action civile cohérente a été rendue possible (Solidarnosc), cautionnée malgré les autorités communistes par l’action du Pape, dont l’impact a démontré la superficialité de la prétendue imprégnation communiste de sociétés qui n’ont jamais renoncé à leurs histoires et à leurs racines.
La deuxième partie s’intéresse aux principaux effets que les bouleversements géopolitiques des années 90 ont eus sur les sociétés européennes. Michel Heller (décédé en 1997) fait une rapide synthèse de l’éclatement du système soviétique et surtout sur les ambiguïtés des changements qui en découlent : Eltsine paraît bien un personnage aux motivations mystérieuses, lui qui prône la démocratie avec des méthodes bien peu « orthodoxes » ; quant à Gorbatchev, l’auteur rappelle combien certains acteurs peuvent être dépassés par des structures et un environnement qui finit par les submerger, même s’ils se sont assignés un rôle historique au départ de leur action : le système qu’il souhaitait réformer ne pouvait pas l’être, d’autant plus que sa politique a navigué à vue. Jacques Jessel étudie la réunification allemande du point de vue d’un acteur dans la machine diplomatique française. Il est ainsi peu étonné de l’issue de la fameuse partition entre l’Est et l’Ouest de l’Allemagne, convaincu de l’aspect artificiel de la défunte RDA ; mais il décrit cependant l’affolement initial de la France face à une réunification non annoncée (voir la « journée de dupes » du 6 décembre 1989, au cours de laquelle Mitterrand tenta de convaincre Gorbatchev de retarder le plus possible l’échéance, p.60). Ceci peut expliquer que les Allemands aient ressenti, eux aussi, que le seul allié sûr en cette période délicate étaient les Etats-Unis, nouvelle illustration que l’Europe n’a pas su être actrice de sa propre histoire en cette période clé pour elle. Précisément, quelles sont les limites de cette Europe dont le contenu semble s’élargir au fur et à mesure de ces réunifications et révolutions diverses ? Bernard Dorin rappelle les différences de limitation suivant les critères arrêtés : c’est ainsi que, dans le cas de ce curieux continent-caméléon, la définition géographique ne correspond pas forcément à la définition culturelle, et que les projections et les tropismes des différents pays occidentaux ne se rejoignent pas forcément du fait d’une histoire et d’intérêts divers. Du coup, l’auteur se montre sceptique car l’assimilation de l’espace post-communiste présuppose que ceux qui intègrent, en l’occurrence les pays occidentaux, proposent une vision passant par une politique de défense et étrangère commune : on en est loin, et c’est aussi pour cela que l’OTAN a eu un tel succès dans ces nouveaux pays avides de sécurité. Ainsi, B. Dorin estime que l’Europe a d’ores et déjà « loupé le coche » (p.70), remarque qui, on l’espère, pèche par son défaitisme (la contribution date de 1996). En parlant de problème de défense, quels sont les arguments des différents Etats membres face à l’omnipuissance des Etats-Unis, qui se révèle être un argument de poids pour tous les pays émergents de l’Europe ? François Géré, étudiant le cas français, se montre lui aussi d’un très grand pessimisme : l’arsenal hexagonal, qui a été à une époque un argument pour ces différentes sociétés centrales et orientales à la recherche de protection (même si elles se sont leurrées sur la volonté française de l’utiliser à leur profit), s’avère aujourd’hui bien insuffisant, ce qui rappelle combien nos grands principes, que nous défendons haut et fort à la tribune de l’ONU, ne sont pas suivis par une politique de puissance à même de les sauvegarder sur le terrain. La conséquence, que l’auteur ne discute pas, est qu’une européisation véritable des problèmes de défense s’avère plus que nécessaire, mais l’affaire n’est pas aussi simple qu’une fusion d’entreprises : Lucien Poirier décrit ainsi cette « Europe éclatée » entre différents points de vue, dont le fossé qui les sépare a été bien mis en avant lors de l’affaire irakienne. Outre ce fait, cette dernière a également démontré l’hyper-puissance américaine, dont les objectifs ont tout de même eu pour conséquence de dessiner, par opposition, une réponse typiquement « européenne », mais dont les contours restent tout de même encore très flous, et l’impact dérisoire.
La troisième partie de l’ouvrage décrit certains des enjeux qui se jouent dans l’Europe d’aujourd’hui. Ceux qui se présentent autour de l’Europe centrale (Jacques Rupnik) démontrent que l’histoire, douloureuse, lancinante, n’est pas absente dans une configuration que l’on juge pourtant à tort totalement neuve : les rapports à l’Occident restent ainsi très méfiants, surtout quand certaines demandes d’indemnisation se font jour (celles d’Allemands concernant les décrets Benes à propos des Sudètes), ou que certains discours soulignent « l’arrogance » des dirigeants occidentaux (l’attitude de Chirac au moment de l’affaire irakienne qui a eu pour résultat de remettre au goût du jour la doctrine brejnévienne de la « souveraineté limitée »), malgré la faiblesse des résultats (Yougoslavie). Qui profite le plus de cette situation bouleversée ? Pierre Verluise évoque le jeu du « qui perd gagne », dans la mesure où l’URSS, redevenue la Russie, n’a pas totalement disparu de la scène européenne, bien au contraire : elle aurait même réalisé une bonne opération en se débarrassant de la tutelle de sociétés ruinées, tout en conservant un moyen de pression formidable, non seulement sur ses ex-satellites, mais également sur les pays occidentaux (que l’on pense à l’enclave de Kaliningrad, mais également aux récentes affaires d’approvisionnement énergétique en gaz, pour laquelle la Russie garde un rôle prépondérant). Ainsi, si l’on ajoute la politique américaine si active en Europe, on se rend bien compte que cette dernière a un mal fou à s’émanciper des deux ex-Grands de la Guerre froide. Certains pays ont des difficultés à assumer une appartenance qui fasse fi des particularismes nationaux : la Pologne (Henryk Wozniakowski) est ainsi très désireuse de retrouver les fastes de son passé via l’Europe, que ce soit à travers des exigences très fortes à l’échelle européenne (vote au Conseil, racines chrétiennes) ou la projection diplomatique vers des zones d’influence anciennes (Ukraine). Qui plus est, l’Europe a du subir, du fait de l’intégration des pays d’Europe centrale, des modifications d’ordre institutionnel qui perturbent ses capacités décisionnelles (Pierre Verluise) : c’est ainsi que les pays de l’UE15 ont abandonné environ 30% des voix au Conseil au profit des dix nouveaux arrivants, modifications qui sont du même ordre à la Commission et au Parlement européen. De fait, des pays comme l’Allemagne, malgré la réunification, semblent lésés au profit de sociétés moins peuplées, démontrant une fois de plus l’ambiguïté du Traité de Nice, qui ne paraît décidément pas pouvoir améliorer l’efficacité de l’UE à la suite de cette décennie de bouleversements.
Les questions de société, relatives aux changements brusques dérivant de la découverte d’une moitié de l’Europe par l’autre, occupent la quatrième partie. Le premier point abordé concerne la façon dont l’Europe ex-communiste est secondée dans ses différentes transitions par des experts occidentaux (Massada), et le constat est problématique : ce sont en effet les Américains qui là encore marquent des points au détriment d’une aide européenne peu cohérente et mal adaptée à la demande locale (TACIS). L’aide technique débouchant le plus souvent sur une influence politique, on peut ainsi comprendre les difficultés qui se posent à la mise en place d’une société vraiment européenne. Ce dernier point est également mis en difficulté par la permanence de certains réflexes et de certains attitudes dans ces sociétés en transition incomplète ou partielle, cet « héritage mental du soviétisme » évoqué dans l’interview de Richard Backis par Pierre Verluise à partir du cas lituanien, qui dessine une frontière incertaine entre intérêt particulier et intérêt général, sachant de plus que la hiérarchie n’a pas partout été épurée, rendant palpable cet héritage comportemental qui relativise toute modification dans le sens démocratique. L’espoir n’est cependant pas interdit, le changement pouvant venir des jeunes générations qui auront pour objectif, nouvel exemple du bouleversement des repères traditionnels, d’éduquer les plus anciennes. Les problèmes de transition concernent aussi le douloureux dossier de la corruption : Daniel Lebègue, représentant en France de l’ONG Transparency-International, se charge de nous rappeler combien ce problème est devenu un sujet sensible auprès des opinions européennes. Les études faites par cette ONG, a priori neutres, démontrent que le phénomène de la corruption n’est pas circonscrit aux sociétés ex-communistes, mais qu’il est hélas partagé de manière équitable par l’ensemble des sociétés européennes. Ce fait est une illustration de plus qu’une justice à l’échelle du continent est nécessaire, ce qui passe par la mise en place d’un Procureur européen, capable de démontrer une volonté commune de judiciariser une lutte collective contre la corruption, au nom de valeurs partagées par tous (démocratie, transparence). Cette action sera cependant plus difficile dans certains cas, comme celui de la Roumanie étudié par Pierre Verluise, qui démontre que dans ce dernier cas, la corruption est un « mal systémique » où certains acteurs, notamment les anciens de la Securitate, ont un rôle actif. Ce phénomène, qui explique le retard pris par la Roumanie dans son intégration à l’UE, est l’illustration supplémentaire de la nécessité d’une réponse en commun à un mal endémique.
La cinquième partie fait une rapide recension de quelques défis à venir pour le Vieux Continent. Edouard Husson revient ainsi sur la place de l’Allemagne dans la « nouvelle Europe ». Ce pays, central dans les bouleversements européens des années 90, peut-il imprimer sa marque à l’UE future ? Il est vrai que l’Allemagne a eu un rôle prépondérant dans certains dossiers primordiaux récents, que ce soit la monnaie commune ou le dossier de l’élargissement. Mais peut-on en conclure, comme le fait l’auteur, que le pays cherche ainsi à récupérer sa vieille sphère d’influence, allant jusqu’à provoquer l’éclatement de la Yougoslavie pour « récupérer les Croates et les Slovènes » (p.198) ? Outre le fait que l’Allemagne a accepté un véritable sacrifice européen en abandonnant le mark (et l’on connaît l’importance de la monnaie dans la définition de l’identité allemande, plus importante qu’ailleurs), il ne paraît pas que les Allemands aient comploté pour qu’éclatent des tensions ethniques qui avaient été gelées un temps par la Guerre froide. L’article, par ailleurs bien argumenté, éclaire ainsi bien involontairement un autre aspect issu de la crise des années 90 : les fantasmes de la France à l’égard du renouveau de la puissance allemande, non compensé par un surcroît de puissance hexagonal (que l’on repense à l’article de François Géré). Les relations de l’UE avec l’Est, étudiées par Stefan Wilkanowicz, contiennent des développements intéressants : l’Ukraine reste sous haute surveillance de Moscou, dont les visées sur l’Europe doivent être rejetées, en particulier en ce qui concerne une éventuelle demande d’adhésion à l’UE. A noter que là également, l’article doit être lu avec prudence, et interprété à la lumière de certains faits : l’auteur est Polonais, représentant d’une association (Ponts vers l’Est), elle-même financée par des fonds américains. Parallèlement, les relations Europe/Etats-Unis (Ordessa) nous rappellent combien il est aujourd’hui difficile de lire la politique étrangère de Washington : il est vrai que l’OTAN permet de court-circuiter l’Europe, et que celle-ci n’existe, au point de vue de la politique étrangère, que par quelques réalisations (Macédoine, Congo) qui sont loin de pousser Washington vers le multilatéralisme, comme le souhaiteraient beaucoup d’Européens.
Enfin, la sixième partie s’interroge sur quelques dossiers lourds qui pourraient intéresser l’ensemble de l’Europe dans la définition de son avenir. Les Balkans (Georges-Marie Chenu) représentent toujours une épine douloureuse et un espace obscurci par une « légende noire » qui rend difficile toute action positive dans cette région. Or, des réformes profondes sont nécessaires (laïcisation, définition de services réellement publics) qui ne pourront pas être entreprises sans l’aide de l’Europe. Le temps est nécessaire, et l’auteur nous laisse entendre que les populations balkaniques, conscientes de leurs besoins, se tournent vers nous. Mais que signifie, et surtout comment peut être interprétée son désir d’« occidentaliser [la] vie politique » des Balkans (p.236) ? Jean Quatremer revient sur le référendum français et ses conséquences. Il est clair que la « crise salutaire », évoquée par certains partisans du non, n’a pas eu lieu. Personne en France n’a l’air de regretter le vote négatif, alors qu’il a commencé à entraîner des conséquences néfastes au sein même de la machine bruxelloise, aboutissant à la marginalisation de la France, incomprise par la plupart de ses partenaires. L’auteur se montre très sceptique sur la situation et les capacités de réforme d’un pays de plus en plus refermé sur lui-même, alors même que les défis européens s’élargissent de plus en plus. C’est précisément sur le problème des frontières que s’achève le livre, avec la contribution du Recteur Gérard-François Dumont : le centre de gravité de l’Europe est désormais, sans ambiguïté commune, l’Allemagne. Or, ce centre est en passe de se déplacer vers l’Est si l’on accepte à terme certains pays qui ont demandé leur intégration ou pourraient bientôt le faire, à savoir la Turquie et la Russie. Cependant, voilà deux exemples de nations qui ont une histoire en dents de scie avec le reste du Vieux Continent, et qui ont même fini par s’en éloigner en choisissant des capitales plus lointaines, Ankara et Moscou ; il faut ajouter à cela des problèmes internes à ces deux pays craints par certains Etats membres, avec lesquels ils ont eu une histoire mouvementée, ceux concernant les problèmes de minorités, le respect des libertés, la séparation des pouvoirs et l’interprétation du passé (on pense évidemment au génocide arménien). De fait, il est temps pour l’Europe, à partir de ces deux cas, de choisir sa propre géographie dont la base est représentée par les principes anciens de démocratie, et de faire valoir cette différence sans compromis en distinguant les « frères » et les « amis » (p.275).
Au final, l’ouvrage est d’une richesse très dense, ayant le souci d’explorer toutes les facettes et tous les dossiers de cette décennie éprouvante : cette intention louable aboutit à la mise en place de contributions très inégales (ne serait-ce que par la taille) et de points de vue parfois subjectifs, mais c’est le prix à payer pour un travail fait à chaud, où toutes les expressions, conscientes ou non, sont signifiantes, et servent à interpréter un phénomène de crise dans ses conséquences matérielles et ses représentations. Comme y invite cet ouvrage, précieux vade-mecum introduisant aux crises géopolitiques du Vieux Continent et à leurs effets, il est temps de réfléchir au projet collectif que devrait sous-tendre l’Europe, sauf à continuer à se mouvoir dans un cadre sans fond ni forme, au sein d’un monde toujours plus instable qui nous renvoie à nos insuffisances.
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DE LONGUE DATE, Pierre Verluise étudie cette Europe Centrale et Orientale qu’il arpente minutieusement. « Quoi de bien original aujourd’hui ? » songera-t-on.
La particularité du présent ouvrage tient à ses approches, et tout d’abord celle du géopoliticien. Entendons que l’auteur utilise les données indiscutables de l’espace, de la démographie et des ressources pour mesurer les conséquences politiques de la construction de l’Union européenne depuis la fin de la Guerre froide et, plus particulièrement, pour évaluer les conséquences objectives des élargissements successifs.
Originalité aussi du point de vue, constamment critique et je dirais mieux « alerté » sur l’enchaînement des événements qui ont déterminé et accompagné le passage de la Communauté européenne à l’Union, ce jusqu’à la grande interrogation sur l’entrée de la Turquie, puis, finalement –sans d’ailleurs que rien soit vraiment terminé- comme en point d’orgue le rejet référendaire du projet de traité constitutionnel par la France et les Pays-Bas.
Originalité enfin de la méthodologie. Ne pas croire qu’il s’agit d’une succession d’interviews. Ce livre tient de l’enquête, presque de l’interrogatoire par un détective qui vient chercher confirmation des indices qu’il a relevés et dont il use pour faire parler ceux, très divers en âge et en compétence, qu’il a sollicités.
Au total, le lecteur dispose d’une quantité d’informations considérable quand bien même ses a priori – sur ce sujet qui n’en a pas ?- se trouveraient remis en cause par la critique dont l’ouvrage de Pierre Verluise est porteur. Il a choisi des interlocuteurs qui ne mâchent pas leurs mots, ne pratiquent pas la langue de bois, livrent leurs expériences de praticiens ou de « spectateurs engagés » pour reprendre la formule d’Aron. (...)
La vertu et la fonctionnalité de cet ouvrage s’apparentent à ces points d’appui que l’on plante en terrain solide pour sortir un véhicule embourbé dans l’ornière.
IL FAUT SOULIGNER l’originalité de l’approche retenue par l’auteur. L’Europe est présentée sous l’angle de la géopolitique avec le souci constant de situer les acteurs dans l’espace et dans le temps. Les points de vue, très diversifiés, émanent d’universitaires, de journalistes mais aussi de diplomates ou de ministres qui ont joué un rôle dans la "révolution" ayant bouleversé l’Europe centrale et orientale. Certaines contributions prennent la forme classique de textes rédigés, tandis que d’autres sont des entretiens réalisés par Pierre Verluise, ce qui donne à l’ouvrage l’aspect d’une enquête minutieuse, voire d’une radioscopie. Un livre riche et pertinent dont on ne peut que conseiller la lecture. En outre, une intéressante bibliographie invite le lecteur à approfondir ses connaissances sur les différents pays européens.
Pierre Verluise, déjà auteur en 2005 d’une Géopolitique de l’Europe, sous titrée "L’Union européenne élargie a-t-elle les moyens de la puissance ?" (Ellipses), continue son oeuvre de géopoliticien et d’observateur attentif des évolutions de notre continent.
Fabien Terpan, Défense nationale, août-septembre 2006, pp. 210 et 211.
L’OUVRAGE « Une nouvelle Europe : comprendre une révolution géopolitique » qui rassemble les contributions d’un certain nombre de spécialistes placés sous la direction de Pierre VERLUISE s’efforce, avec bonheur, de présenter les nouveaux paramètres apparus avec la chute du mur de Berlin et qui participent dès lors de la restructuration de l’Europe nouvelle telle qu’on la connaît aujourd’hui.
Les approches sur ces thèmes différents et présentées en six parties distinctes permettent au lecteur de prendre connaissance de cette révolution qu’a connue le vieux continent en un temps très bref au regard de l’Histoire.
La contribution de plusieurs auteurs (quand on ne parle pas d’acteurs à l’image de celle du Général VERNON WALTERS) sur le séisme de 1989 n’en est que plus intéressante et décapante tant par la présentation des faits qu’en ce qui concerne la perception de ceux – ci par les dirigeants de l’époque. Elle montre combien cette courte période fut, en quelque sorte, la fin de l’Europe née de Yalta et le commencement d’une ère nouvelle avec la réunification de l’Allemagne et la recomposition d’une nation allemande unique. Elle montre combien la réappropriation de la liberté par les peuples de l’Est fut un engagement protéiforme avec une mention toute particulière aux polonais avec d’une part, la résistance sociale organisée autour d’un principe de non -conflictualité par le syndicat « Solidarité » et, d’autre part, le magistère moral du Pape Jean Paul II qui jouera un rôle non négligeable dans le jeu diplomatique et politique de l’époque.
Ce sera aussi l’éclatement de l’empire soviétique et le jeu singulier des hiérarques du PCUS en postes mais aussi la réunification des deux Allemagne dont les racines et motivations profondes ont été parfois mal perçues par certains des principaux dirigeants occidentaux de l’époque dont le chef de l’Etat français.
Cette période engagera l’Allemagne sur le chemin d’une dynamique nouvelle tant en ce qui concerne son poids exponentiel sur l’échiquier européen que le regard tout neuf qu’elle va porter sur ses marches de l’Est et notamment les pays du PECO. C’est aussi un rôle nouveau donné à l’OTAN, héritière directe de la période de « guerre froide », et qui va très rapidement accueillir en son sein certains de ses adversaires d’un passé encore tout récent.
Le livre s’attache également très bien à montrer que la chute du Mur de Berlin sera le début d’une phase de refondation pour l’Europe et ses institutions par sa démarche d’intégration de certains des pays d’Europe centrale mais aussi de redéfinition de ses critères d’accueil de pays qui sortent, somme toute, d’un monde totalement différent notamment dans la relation politique et sociale entre les dirigeants et leurs peuples. Cela consiste à ouvrir la porte d’une zone de démocraties aux fondamentaux bien assurés à de nouveaux pays dont les pratiques démocratiques sont encore balbutiantes tant il leur est complexe de résorber les miasmes idéologiques et administratifs hérités du passé. La Roumanie en sera un parfait exemple tant la corruption y est endémique et que la structure de pensée collectiviste héritée de la période marxiste prégnante.
La chute du Mur de Berlin marquera également de nouvelles étapes dans la phase de réflexion de l’agrandissement de celle-ci à de nouveaux pays comme à l’Ukraine, à la Biélorussie ; ce qui n’est pas sans poser toute une série de questions quant à la réaction de la Russie qui voit ainsi sa zone d’influence repoussée jusqu’à sa propre frontière. Au-delà de cette approche strictement délimitée par l’espace territorial européen, c’est aussi une interaction nouvelle dans les relations entre l’Europe Nouvelle et les Etats – Unis.
La chute du mur de Berlin, c’est aussi l’Europe de demain avec les nouvelles projections en terme d’élargissement en considération de la volonté de nouveaux pays de s’y intégrer mais aussi en terme de réflexion intellectuelle, notamment dans la dissociation entre politique et spirituel et approche du fonctionnement de la démocratie.
Cahiers de l’Institut Prospective et Sécurité de l’Europe, mai 2007, pp. 142-143.
EN PRENANT comme base la fin de la guerre froide et les bouleversements qui l’ont accompagnée, Pierre Verluise tente de nous faire découvrir les nouvelles données géopolitiques de l’Europe, allant de l’élargissement de l’Union européenne aux nouveaux rôles des Etats-Unis et de la Russie, en passant par l’héritage communiste
et la fonction de l’Otan.
Les textes constituent un recueil de témoignages et d’analyses variées, regroupées en six parties thématiques : « Des acteurs », « Des effets », « Une nouvelle donne », « Questions de société », « Nouveaux défis », « Demain ? ». Certaines contributions sont des études rédigées, d’autres sont des entretiens, découpés artificiellement avec
des sous-titres pour davantage de clarté. On pourrait regretter que plusieurs textes datent des années quatre-vingt-dix, mais parce qu’ils traitent des évènements de 1989 à 1991, leurs analyses ne perdent pas en acuité.
Le grand apport de cet ouvrage est de présenter, grâce à sa composition, diverses facettes interdépendantes de la transformation de la géopolitique européenne. Le recours aux entretiens permet en outre d’entrevoir parfois les coulisses des évènements,
par exemple les querelles individuelles entre Vernon Walter, ambassadeur américain à Bonn, et James Baker, Secrétaire d’Etat. L’analyse plus globale tient également une grande place. Elle cherche à lever le voile sur les intérêts des acteurs – étatiques ou non – et les mécanismes à l’œuvre.
De manière générale, on constate de fait une certaine liberté de ton. François Géré n’exagère en rien dans l’avant-propos lorsqu’il souligne l’absence de langue de bois. Les textes sont souvent très critiques, notamment sur la politique étrangère française, l’Otan ou le Traité de Nice. Plusieurs offrent des questionnements non conventionnels, par exemple sur l’intérêt de l’élargissement pour la Russie, le plus
souvent envisagé comme quelques chose de négatif pour elle, ou l’orientalisation des pratiques politiques. Ils ont le mérite de susciter les débats et l’approfondissement de la réflexion sur la géopolitique de l’Europe. Le directeur du site internet www.diploweb.com met ici à notre disposition un ouvrage fort utile et intéressant.
Géostratégiques, n° 20, juillet 2008, pp. 298-299.
Avant propos. Pierre Verluise
Première partie - Des acteurs
1. La CIA, M. Gorbatchev et la chute du Mur de Berlin. Général Vernon Walters.
2. Les dessous de 1989. Catherine Durandin, historienne.
3. Le Pape Jean-Paul II et la chute du Rideau de fer. Alexandra Viatteau, écrivain, conférencière à l’université de Marne-la-Vallée.
4. L’éclatement du système soviétique. Michel Heller, historien.
Deuxième partie - Des effets
5. La réunification allemande et les relations franco-allemandes. Jacques Jessel, Ministre plénipotentiaire.
6. Où s’arrête l’Europe ? Bernard Dorin, Ambassadeur de France.
7. La défense française en 2002. François Géré, spécialiste de stratégie.
8. L’Europe éclatée. Lucien Poirier, spécialiste de stratégie.
Troisième partie - Une nouvelle donne
9. Géopolitique de l’Europe centrale : quels passifs ? Jacques Rupnik, Directeur de recherches au CERI.
10. Géopolitique de l’élargissement : qui perd gagne ? Pierre Verluise, spécialiste de géopolitique.
11. La Pologne dans l’Union européenne. Henryk Wozniakowski, Président des éditions Znak.
12. Quelle nouvelle répartition des pouvoirs au Conseil ? Pierre Verluise, spécialiste de géopolitique.
Quatrième partie - Questions de société
13. Quelle transition ? Massada, spécialiste la Russie.
14. L’héritage mental du soviétisme. Richard Backis, Ambassadeur honoraire de Lituanie.
15. Quelle corruption en Europe ? Daniel Lebègue, Président de Transparence-International (France), section de l’ONG Transparency International.
16. Pourquoi la corruption a-t-elle mis en difficulté l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne ? Pierre Verluise, spécialiste de géopolitique.
Cinquième partie - Nouveaux défis
17. Crise allemande, crise européenne ? Edouard Husson, maître de conférence à l’université Paris IV.
18. Les relations entre l’Union européenne élargie, l’Ukraine et la Russie. Stefan Wilkanowicz, Président de la Fondation Znak
19. Les relations Europe / Etats-Unis. Jean Ordessa.
Sixième partie – Demain ?
20. Quels Balkans au XXI e siècle ? Georges-Marie Chenu, Ministre plénipotentiaire.
21. Quel avenir pour l’Union européenne après le référendum français du 29 mai 2005 ? Jean Quatremer, correspondant de Libération auprès de l’Union européenne
22. Quelles frontières pour l’Union européenne ? L’Union européenne, la Russie et la Turquie. Recteur Gérard-François Dumont.
Conclusion : Quels prochains élargissements ? Pierre Verluise
Bibliographie. Caroline Leguy, Responsable des ressources documentaires à l’ISIT (Paris).
Se procurer le livre au format papier ou e-book sur le site de l’éditeur
Plus à ce sujet : Pierre Verluise, 20 ans après la chute de Mur. L’Europe recomposée, Paris : Choiseul, 2009. Voir
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