UE Partenariat Oriental : quelles perspectives ?

Par David CADIER, Florent PARMENTIER, le 12 décembre 2009  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Florent Parmentier est post-doctorant à Sciences-Po, au Centre d’études européennes, notamment co-auteur de L’empire au miroir. Stratégie de puissance aux Etats-Unis et en Russie (Genève, Droz, 2007). David Cadier est doctorant Sciences-Po (CERI) / Fletcher School of Law and Diplomacy.

Géopolitique de l’Union européenne. Le Partenariat Oriental de l’UE s’inscrit dans la politique européenne de voisinage, et marque l’influence des nouveaux membres, particulièrement ceux du groupe de Visegrad (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie). On peut toutefois s’interroger sur les nouveautés réelles de ce partenariat, ainsi que sur l’intérêt de cette politique pour les pays concernés (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine). Enfin, le partenariat oriental pose en filigrane les relations difficiles entre l’UE et la Russie, entre concurrence et possibilités de coopération.

Dans un contexte de dissonances communautaires, ajouté à l’offre compétitive de la Russie, les pays du voisinage oriental pourraient être tentés d’opter pour un service à la carte, non pas dans une volonté d’équilibrer stratégiquement les deux puissances régionales mais plutôt parce que toute contribution est potentiellement bonne à prendre étant donnée leur situation intérieure.

C’EST à Prague sous une présidence tchèque contrastée que le « Partenariat Oriental » voit le jour en mai 2009. Avant toute chose, ce lancement a valeur de symbole, puisque l’initiative des pays d’Europe Centrale a été déterminante dans son adoption. Il confirme une volonté européenne de gagner de l’influence dans le voisinage post-soviétique, considéré comme instable et paupérisé. Le partenariat vise à différencier les périphéries du Sud et de l’Est, qui sont toutes incluses au sein de la politique européenne de voisinage (PEV). Le Partenariat Oriental contrebalance dans les faits le projet d’origine française d’ « Union pour la Méditerranée » (UPM), formé en juillet 2008 pour le Moyen-Orient et le Maghreb. Au niveau des objectifs, le partenariat oriental reprend à son compte les priorités explicites de la politique européenne de voisinage : stabilité, sécurité, prospérité. Le sens stratégique ne change pas : ne pas proposer d’élargissement, mais intégrer les pays voisins à son espace géoéconomique. On pense stabiliser la région sous l’effet d’une interdépendance croissante, mettant ainsi ces pays sur la voie de la prospérité et réduisant les causes profondes de l’insécurité.

La formation de cette politique s’inscrit donc dans la politique européenne de voisinage, et marque l’influence des nouveaux membres, particulièrement ceux du groupe de Visegrad (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie). On peut toutefois s’interroger sur les nouveautés réelles de ce partenariat, ainsi que sur l’intérêt de cette politique pour les pays concernés (Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Géorgie, Moldavie, Ukraine). Enfin, le partenariat oriental pose en filigrane les relations difficiles entre l’UE et la Russie, entre concurrence et possibilités de coopération.

Origines et rationalités du Partenariat Oriental

Le partenariat oriental se veut un renforcement de la politique européenne de voisinage, conçue à la fin de l’année 2002 dans la perspective de l’élargissement. Retracer la genèse de cette politique n’est de ce point de vue pas inutile pour comprendre les ressorts du partenariat. La première communication de la Commission à propos de la PEV remonte à mars 2003, faisant l’objet d’amples débats. C’est en 2004 qu’un document stratégique voit le jour, encadrant les relations bilatérales. Pour la première fois, ceux qu’on appelle les « nouveaux membres » avaient eu une petite voix au chapitre, mais de manière beaucoup moins franche que pour le Partenariat Oriental.

Concernant son application, cette politique s’appuie sur des plans d’action bilatéraux qui lui donnent un contenu concret. Ils remplacent les accords de partenariat et de coopération conçus dans les années 1990 pour les pays post-soviétiques. Ils comprennent un certain nombre de priorités, définies entre l’UE et le pays « voisins » : la démocratisation, l’Etat de droit, le fonctionnement de l’économie de marché, la coopération énergétique, etc. Or, conclus pour les premiers en 2005, les plans d’action d’une durée de trois à cinq ans arrivent maintenant en fin de cycle, avec un bilan contrasté selon les pays et les secteurs. En effet, les résultats dépendent beaucoup de la volonté politique des partenaires. Dans ce contexte, une initiative politique de l’UE s’avérait sans doute nécessaire.

L’émergence du partenariat oriental ne peut se comprendre si l’on fait abstraction d’une de ses dilemmes de départ, entre l’Est et le Sud. Les premiers projets parlent de l’ « Europe élargie », et s’intéressent principalement à trois pays : l’Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie. Cependant, plusieurs pays riverains de la Méditerranée, la France, l’Italie et l’Espagne, plaident pour un rééquilibrage avec le sud. En effet, le « partenariat euro-méditerranéen », ou processus de Barcelone, avait besoin d’une nouvelle impulsion, les résultats étant jugés globalement décevants. Suite à cela, la « politique de voisinage » inclut donc le sud de la Méditerranée. Dans le même temps, le Parlement européen plaide pour l’intégration des pays du Caucase, rejetés au premier abord. On a donc deux approches vers deux zones géographiques différentes incluses dans un cadre commun. En un mot, une politique de voisinage pour des voisins bigarrés. De fait, la politique de voisinage va ensuite se scinder de nouveau entre l’UPM et le partenariat oriental. A défaut d’une promesse explicite d’adhésion, il s’agit d’encourager les réformes chez les partenaires.

Le volontarisme centre-européen

L’UE est donc, comme souvent, tiraillée entre la volonté de développer une politique commune et la divergence des préférences de ses Etats-membres, chacun s’efforçant de faire pencher la balance de la PEV dans le sens de ses intérêts géopolitiques. Ainsi, si le volet Méditerranéen fut poussé principalement par la France et l’Espagne, le Partenariat Oriental est indéniablement le fruit de l’activisme des pays de Visegrad. Il témoigne, cinq ans après leur adhésion, de leur intégration réussie dans le processus de formulation de la politique extérieure de l’UE.

L’importance stratégique de l’Est-européen pour les pays de Visegrad est évidente, tant pour des raisons géographiques (tous, à l’exception de la République Tchèque, ont une frontière commune avec la région), historiques (l’empire polono-lituanien comprenait par exemple une partie de l’Ukraine et de la Biélorussie), géopolitiques (présence de minorités polonaises en Ukraine), économiques (les pays de Visegrad sont devenus des pays d’immigration pour les travailleurs d’Europe orientale) ou encore énergétiques (transit du gaz russe via l’Ukraine et la Biélorussie). Il s’agit donc pour les Etats-membres d’Europe centrale d’encourager autant que possible la stabilité et la prospérité de leur voisinage immédiat. Or l’UE, à travers la démocratisation et l’interdépendance économique, a un bilan élogieux en la matière. Aussi, les pays de Visegrad sont partisans de l’adhésion des Etats de l’Est européen, et de l’Ukraine en particulier. Un tel élargissement apparaissant inconcevable à court terme, étant donnée la situation intérieure de ces pays et vu la réticence d’une grande partie des autres Etats-membres, les centre-européens ont plutôt investi dans les instruments de politique extérieure de l’UE, cherchant à inscrire de façon plus proéminente l’Est sur l’agenda européen.

La Pologne a été la plus active, dénonçant dès avant son accession l’absence de « dimension orientale » dans la politique extérieure de l’UE, et avançant afin d’y remédier un ensemble de propositions qu’elle expose dans un papier datant de janvier 2003. Certaines inspireront à la création de la PEV, mais la spécificité de la dimension orientale ne sera pas retenue. Aussi Varsovie poursuit sa réflexion dans cette voie, qui se concrétise dans l’initiative polono-suédoise de mai 2008 – Stockholm ayant été mobilisé pour son expérience Nordique et afin d’estampiller le projet d’un label plus ‘neutre’ et moins ‘régional’ – à partir de laquelle sera formulé le Partenariat Oriental. La République Tchèque a pour sa part fait de ce dessein une entreprise centre-européenne. Dans le cadre du Groupe de Visegrad, Prague présente à ses partenaires une stratégie visant à faire du développement d’une dimension orientale leur spécificité au sein de la Politique Etrangère et de Sécurité Commune (PESC) de l’UE. L’idée était également de déboucher sur un projet qui serait le point d’orgue de la Présidence tchèque du premier semestre 2009. La Slovaquie, très présente en Ukraine notamment au travers d’ONG, et la Hongrie, bien qu’accordant sa priorité aux Balkans, adhérèrent aux initiatives polonaises et tchèques.

La PEV s’inspirant des instruments développés dans le cadre du processus d’élargissement de 2004, les Etats-membres d’Europe centrale entendent capitaliser sur leurs propres expériences. Ils invoquent d’ailleurs une « responsabilité historique » pour la démocratisation de la région, les ONG centre-européennes, très présentes tant dans la formulation au niveau national que dans la mise en œuvre de ces programmes sur le terrain, constituent le fer de lance de ce mouvement. Au final, pour les pays de Visegrad, qui partagent la volonté de ne pas demeurer dans l’inconfortable position de bordure orientale de l’UE, il s’agit implicitement de préparer les pays de l’Est de l’Europe à une adhésion future. Ainsi cherchèrent-ils, à travers l’initiative du Partenariat Oriental, à marquer la différence entre les « voisins de l’Europe » (le Sud) des « voisins européens » (l’Est). Le Partenariat Oriental concerne les pays pour lesquels la question d’une adhésion future à l’UE est en suspend ; en sont exclus les Etats pour lesquels c’est une question de temps (Balkans occidentaux) et ceux pour lesquels la question ne pose pas (Maghreb). Les pays d’Europe centrale espèrent que ce projet augmentera les chances d’un élargissement à l’Est.

L’harmonie des pays de Visegrad autour du Partenariat Oriental ne saurait être exagérée, des nuances existent. Il n’empêche qu’ils font preuve sur ce point de beaucoup plus de cohésion que sur la question des relations transatlantiques ou de la sécurité énergétique, leurs deux autres principales priorités de politique étrangère. De fait, la concrétisation du Partenariat Oriental marque l’inscription réussie de leurs préférences au sein de la PESC et, plus généralement, la mise en place de la première politique européenne conçue et promue par les « nouveaux Etats-membres ». Au-delà de la PEV, qui traite avec les Etats individuellement, les pays de Visegrad auront réussi à faire du voisinage oriental une région singulière. Pour autant, un peu à l’image du Sommet de lancement du Partenariat Oriental le 7 mai 2009 à Prague, si l’on perçoit l’aspect symbolique de ce projet, la substance de son contenu est moins claire.

Une politique sans nouveautés réelles ?

Au-delà du changement de centre de gravité géopolitique de cette politique, quelles sont les réelles nouveautés du partenariat oriental ? De ce point de vue, force est de constater que cette politique consiste plus souvent à rationaliser des politiques existantes qu’à les transformer radicalement. Cette politique comprend plusieurs priorités, que nous allons détailler : les accords de libre-échange approfondis, l’énergie et les migrations.

L’intégration dans l’espace géoéconomique européen sous la forme d’une zone de libre-échange approfondie suppose une harmonisation législative importante, c’est-à-dire l’adoption d’un grand nombre de règles. En effet, l’UE a dorénavant la volonté d’exporter son ensemble normatif, que ce soit en termes de droit de la concurrence, de règles d’appels d’offre, de normes environnementales, etc. Pour accéder aux marchés européens, il est nécessaire pour les partenaires de respecter l’ « acquis communautaire » dans un certain nombre de domaines. C’est vrai pour les certifications de produits techniques ou les normes sociales, cela l’est encore plus pour les produits agricoles soumis aux normes sanitaires et phyto-sanitaires. Les « accords de libre-échange approfondis » prévus par le partenariat oriental tentent donc de répondre à cette question. Leurs problématiques ne concernent pas seulement les droits de douane comme dans les accords classiques, mais reposent plutôt sur l’adoption de l’ensemble normatif européen : c’est en ce sens qu’on dit qu’il est « approfondi ». Si l’on présente souvent les bénéfices attendus d’une telle transformation, on oublie parfois de mentionner le coût et la difficulté de ces transformations pour les économies concernées. C’est par exemple le cas pour les produits agricoles, puisque les pays post-soviétiques connaissent les plus grandes difficultés à s’éloigner des anciens standards (le ‘Gost’) au profit de standards européens beaucoup plus exigeants. La mise en œuvre des accords de libre-échange approfondis pourrait déboucher à moyen terme sur une « communauté économique du voisinage » assez large.

L’espace géoéconomique concerne également la sécurité énergétique, qui prend une place de plus en plus importante dans l’agenda européen. Durant les années 1990, le faible cours des matières premières et la perception d’une interdépendance avec la Russie rendaient cette question moins pressante. C’est avec la crise russo-ukrainienne de 2006 que les pays européens prennent conscience de la place de la Russie comme fournisseur, et cette impression de dépendance a encore été renforcée par la crise de janvier 2009. Dans ce domaine, la situation européenne est assez disparate, puisque si six pays dépendent totalement du gaz russe, d’autres comme le Portugal n’en importe pas du tout. La sécurité énergétique est approchée dans le partenariat oriental par le biais du « Corridor sud », qui fait signe vers la diversification des sources et des tracés. Derrière ce terme, on retrouve une priorité de la plupart des pays européens : acheminer des ressources caucasiennes et centre-asiatiques vers les consommateurs finaux, en évitant la Russie. C’est là la rationalité du projet Nabucco, initié en 2002 et qui devrait transporter annuellement 31 milliards de mètres cubes chaque année. Ce projet souffre toutefois d’un accès incertain aux sources d’approvisionnement, puisque la fiabilité du Turkménistan reste en question, tandis que l’on refuse le gaz iranien pour des raisons politiques. De leur côté, la Russie et l’Italie ont lancé le projet concurrent South Stream en compagnie d’autres Etats européens de transit, certains étant eux-mêmes membres du consortium Nabucco. Cette situation a abouti à un renforcement de la Turquie comme pays de transit essentiel, puisque Nabucco et South Stream sont sensés y passer (selon la réalisation de l’un ou l’autre), tandis que d’autres voies d’acheminement passent déjà par ce territoire.

Enfin, la question migratoire occupe aussi bien les pays de l’UE que les partenaires, avec des intérêts différents toutefois. Du côté de l’UE, l’objectif est avant tout sécuritaire : l’accent est mis sur la lutte contre la criminalité organisée contrôlant des réseaux migratoires. Les accords de réadmission sont donc un élément essentiel de cette politique. Du côté des partenaires, on insiste sur l’une des dimensions fondamentales du projet européen : la liberté de circulation. C’est l’objectif à long terme de la liberté de circuler sans visa qui semble un des principaux facteurs d’encouragement des changements dans les pays concernés. Le problème ne concerne pas seulement la mobilité touristique ou étudiante, mais il inclue également la mobilité de travail ou le droit d’asile. Ce dossier est particulièrement important pour les populations de ces pays, tant en raison des transferts de fonds que du potentiel d’ouverture pour les sociétés.

Une offre attrayante pour les partenaires ?

En fait, répondre à cette question implique de bien différencier les attentes des différents partenaires, en Europe orientale comme dans le Caucase. Tous n’ont pas les mêmes ressources, ni les mêmes faiblesses, ni les mêmes attentes. Force est de reconnaître que sans un appareil étatique efficient, les chances d’harmonisation européenne s’avèrent diminuées.

L’Europe orientale présente deux cas de figure distincts. L’Ukraine et la Moldavie sont deux Etats qui revendiquent régulièrement leur volonté d’appartenir à l’UE, manifestant la même déception par rapport à la PEV. Ils ont pu travailler de concert avec l’UE sur un certain nombre de dossiers, se lançant dans des réformes internes. La mission de surveillance à la frontière EUBAM, entre la frontière « transnistrienne » et l’Ukraine, établie en 2006, en fournit un exemple éloquent. Toutefois, les deux Etats restent marqués par une instabilité politique récurrente, et de fortes polarisations électorales. L’Ukraine, depuis la « Révolution orange » (2004), a connu une vie politique tourmentée, entre l’effondrement de la coalition orange, et le retour de Viktor Ianoukovitch au poste de premier ministre de 2006 à 2007. Cette période a également vu l’effacement du crédit politique du président Iouchtchenko, en dépit de son élection en 2004.

Quant à la Moldavie, elle a semblé être un Etat relativement stable sous la présidence de Vladimir Voronine (2001-2009), mais les événements d’avril 2009 à Chisinau (émeutes post-électorales avec l’incendie du Parlement et de la présidence) montrent sa fragilité réelle.

La Biélorussie est restée en marge de l’intégration européenne pour des raisons politiques. Elle n’a par exemple pas été incluse dans la politique européenne de voisinage, faisant régulièrement l’objet de critiques pour son autoritarisme. Afin de ne plus dépendre exclusivement de la Russie, le régime s’est assoupli en 2008, en libéralisant l’économie et en libérant des prisonniers politiques. L’UE a répondu à ces ouvertures par la suspension de sanctions précédemment prises contre les dirigeants biélorusses. De ce fait, elle a été invitée à participer au lancement du partenariat oriental, même si cela a fait débat dans l’UE.

Tout comme l’Europe orientale, la région du Caucase du Sud n’est pas homogène. La Géorgie se trouve dans une situation très délicate et incertaine. L’enthousiasme qui avait suivi la « Révolution des roses » de l’hiver 2003 paraît aujourd’hui éloigné. Les opposants politiques critiquent de plus en plus ce qu’ils perçoivent comme du bonapartisme rampant chez Mikheil Saakashvili. La tentative de reprendre par la force l’Abkhazie et l’Ossétie en août 2008 a abouti à la reconnaissance de l’indépendance de ces entités par la Russie. L’UE hésite dans son engagement, même si elle est aujourd’hui présente par le biais de la mission d’observation EUMM. 

Le pluralisme politique n’est pas non plus le point fort de l’Arménie. La question du Haut-Karabakh a empoisonné ses relations avec l’Azerbaïdjan même après la signature du cessez-le-feu en mai 1994, mais aussi sa propre vie politique. En effet, depuis l’avènement de Robert Kocharian au pouvoir en 1998, les Arméniens du Haut-Karabakh tiennent une place essentielle parmi les élites politiques. L’accession de Serge Sargssian (une ancienne figure centrale de la guerre) à la présidence témoigne l’importance de cette question. 2009 est une année particulièrement difficile, entre troubles politiques et incertitudes économiques, du fait de la chute des transferts de fonds et des exportations des métaux non-ferreux. Des six pays, l’Arménie est peut-être celui qui a les liens les plus distendus avec l’UE. Il n’est pas sûr que le partenariat oriental puisse remédier à cet état de fait.

Enfin, l’Azerbaïdjan dispose de davantage de marge de manœuvre que les pays évoqués précédemment. Si son régime n’est pas plus démocratique que celui de la Biélorussie et de l’Arménie, elle dispose de ressources gazières importantes. Le gazoduc Bakou – Tbilissi – Erzorum, ainsi que les oléoducs Bakou – Supsa et Bakou – Tbilissi – Ceyhan témoignent de cette importance géoéconomique de l’Azerbaïdjan. En outre, ce pays peut également devenir le pays de transit le plus important pour le gaz d’Asie Centrale, notamment du Turkménistan.

Ainsi, on le voit, les pays du voisinage ont des attentes et des situations bien différentes. Les préoccupations communes tournent autour de la fragilité du cadre étatique ainsi que des perspectives économiques. Pour les différents acteurs, la surface financière reste insuffisante au regard des ambitions globales. Le budget programmé est de 600 millions d’euros sur quatre ans, auxquels il faut ajouter il est vrai d’autres possibilités de financement, notamment par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) .

La question russe tapie dans l’ombre du Partenariat Oriental

A l’hétérogénéité des situations nationales et la difficulté d’aborder cet espace composite comme un bloc, tel qu’y prétend le Partenariat Oriental, s’ajoute la présence d’un autre acteur extérieur d’importance. Avant de devenir également le voisinage oriental de l’UE, cette zone était avant tout « l’étranger proche » de la Russie, et fut longtemps les marches de son empire. Le retour de Moscou aux canons de la politique de puissance, dopé par la rente des hydrocarbures, se matérialise à partir du milieu des années 2000 notamment par un réinvestissement stratégique de cette région. Le Partenariat Oriental, en y attirant également l’attention géopolitique de l’UE, peut contribuer à faire de l’Europe orientale un enjeu de rivalité entre Bruxelles et Moscou. D’ailleurs, si le processus de l’élargissement de l’OTAN et non de l’UE essuyait jusqu’ici les anathèmes du Kremlin, ce dernier ne fait pas secret de son aversion pour le Partenariat Oriental. Ainsi, le Ministre russe des affaires étrangères, lors d’une conférence conjointe avec Javier Solana, s’exclama « Qu’est ce que le Partenariat Oriental ? Une tentative de l’UE d’étendre sa sphère d’influence ». Retournant une critique souvent professée à l’encontre de Moscou, cette déclaration illustre la complexité des interactions entre l’UE et la Russie dans cette région.

Le Partenariat Oriental n’est pas une politique d’endiguement de l’influence russe ; l’exportation de son modèle afin de garantir la stabilité de son voisinage est au cœur de la politique de sécurité de l’UE. Il pose malgré tout en creux la question des relations UE-Russie, la région concernée ayant pour principale caractéristique géopolitique de se trouver entre les deux. Les différents positionnements des Etats-membres à l’égard du Partenariat Oriental n’y sont d’ailleurs pas totalement étrangers, les soutiens les plus ardents du Partenariat sont aussi souvent parmi les plus critiques de Moscou (Pologne, Suède, Royaume-Uni…). Et la crise russo-géorgienne de l’été 2008 a indéniablement accéléré la concrétisation du projet. L’Europe orientale est ainsi en passe de devenir un terrain de compétition entre l’UE et la Russie, le théâtre d’un « petit jeu » où chacun cherche à imposer son modèle économico-politique. Ces modèles sont antagonistes par bien des aspects, mais il serait trop simpliste d’y voir une opposition entre logique de conditionnalité européenne et char russes.

De plus en plus, la Russie concurrence, dans une certaine mesure, l’UE sur son propre terrain, celui de la norme. Moscou continue à maintenir une présence militaire dans plusieurs pays du voisinage (par exemple la flotte de Sebastopol en Crimée ou la XIVe Armée en Transnistrie). Cependant, tirant les leçons de la Révolution Orange en Ukraine, Moscou a également investit dans le « soft power » : par le sponsoring de médias en langue russe, à travers un appel répété à la « fraternité slavo-orthodoxe » et, surtout, en accordant des visas autrement plus rapidement que Bruxelles. Son pouvoir d’attraction politique est indéniablement moindre que celui de l’UE, mais Moscou offre des avantages économiques concrets et immédiats, dans le domaine énergétique notamment. Le Partenariat oriental n’apporte que peu de choses concrètes en ce qui concerne le règlement des conflits, et rien d’original concernant la démocratisation et la société civile. La Russie, de son coté, promeut son modèle de « démocratie souveraine » et entretient ses troupes de « maintien de la paix » dans les zones de conflit.

Deux modèles pour une région, une telle configuration peut alimenter une certaine forme de compétition mais également offrir des opportunités de coopération, par exemple en termes de politiques migratoires ou énergétiques, deux domaines concernés par le Partenariat Oriental. Une implication coordonnée de l’UE et de la Russie en Europe orientale pourrait également se révéler productive en termes de résolution des « conflits gelés », par exemple en Transnistrie. Les leaders européens – Secrétaire Général de l’OTAN inclus – semblent de plus en plus enclin à prendre en considération le « plan Medvedev » pour une nouvelle architecture de sécurité en Europe, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont d’ailleurs explicitement désigné la province sécessionniste moldave comme un premier cas potentiel pour sa mise en œuvre. Seulement, une telle coopération entre l’UE et la Russie dans le voisinage oriental exige en amont une unité ou en tout cas une convergence de vue entre les Etats-membres. Or, aucune thématique de politique extérieure ne suscite au sein de l’UE autant de clivages que la question des relations avec Moscou. Dans ce contexte de dissonances européennes, ajouté à l’offre compétitive de la Russie, les pays du voisinage oriental pourraient être tentés d’opter pour un service à la carte, non pas dans une volonté d’équilibrer stratégiquement les deux puissances régionales mais plutôt parce que toute contribution est potentiellement bonne à prendre étant donnée leur situation intérieure.

Copyright décembre 2009-Parmentier-Cadier/diploweb.com


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Le Partenariat Oriental sur le site de la Commission européenne Voir


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