Professeur de Relations Internationales et Stratégiques, Spécialiste des questions de défense, Université de Yaoundé II, Soa, Directeur du Centre Africain d’Etudes Stratégiques et de la Promotion de la Paix et du Développement CAPED, Yaoundé Cameroun.
La recherche de solutions africaines aux multiples conflits qui déchirent le continent est encore loin de porter les résultats à la hauteur des défis. Comme en témoigne l’histoire récente de la République centrafricaine.
L’UNION AFRICAINE (UA) est le fruit d’un diagnostic complet du continent suite au constat d’échec de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). Ce diagnostic a permis de conclure que la multiplication des conflits transforme le développement de l’Afrique en mythe de Sisyphe. Aussi, afin de faire oublier l’inertie de l’OUA face à la pandémie de l’insécurité, dès 2002, l’UA a-t-elle lancé l’ambitieux chantier de l’Architecture Africaine de Paix et de Sécurité (AAPS).
L’AAPS découle de la mise en application de la réforme du chapitre VIII de la charte de l’ONU sur les « Accords régionaux ». Elle combine les principes de subsidiarité et de suppléance, et poursuit l’objectif de doter le continent d’une réelle capacité en matière de prévention, de gestion et de consolidation de la paix.
Le Conseil de Paix et de Sécurité (CPS), dont le protocole portant création a été adopté le 9 juillet 2002, signé le 26 décembre 2003 avant son entrée en vigueur le 25 mai 2004, en est l’élément central.
Ses autres leviers d’action sont :
. Les Communautés Economiques Régionales (CERs) ;
. La Force Africaine en Attente (FAA) ;
. Le Panel des Sages ;
. Le Fonds pour la Paix ;
. Le Système Continental d’Alerte Précoce.
L’interdépendance entre tous ces leviers a vocation à lui garantir une efficacité managériale, d’anticipation et surtout opérationnelle.
La gestion africaine des différentes crises qui ont conduit à la seconde guerre civile centrafricaine débutée en mars 2013, remonte au coup d’Etat conduit par Michel Djiotodia et les rebelles seleka, offre l’occasion d’évaluer, plus de dix ans après son lancement, la capacité opérationnelle de l’AAPS. A cause de problèmes logistiques l’entrée en action de la FAA est encore attendue [1], son analyse n’est pas intégrée dans cette étude.
Au regard des enjeux stratégiques, politiques et opérationnelles qui ont présidé à l’élaboration de l’AAPS, dès le début de la seconde guerre civile centrafricaine et mars 2003, ses leviers déjà fonctionnels auraient dû être immédiatement mobilisés.
Lorsqu’intervient le coup de force de François Bozizé en mars 2003, depuis octobre 2002 déjà, en application des Accords de Libreville, 310 soldats de la Force Multinationale en Centrafrique (FOMUC) de la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC) sont en charge de sécurité de Bangui.
L’AAPS n’a pas su faire respecter les accords de Libreville. La Communauté Economique Régionale (CER), en occurrence la CEMAC, dont la force, la FOMUC, était en charge de la sécurité du pouvoir n’a pas été à la hauteur de la mission. Le Panel des Sages qui aurait pu amener le président Ange-Félix Patassé et son adversaire Bozizé à la table de la négociation afin d’éviter le coup d’Etat n’a pas fonctionné. Le Système Continental d’Alerte qui, en principe, devait permettre aux dirigeants africains, tant au niveau sous régional que continental, d’anticiper sur l’aggravation tragique de la situation s’est fait discret.
1. Contexte et contenus des Accords de Syrte
a. Le contexte
C’est depuis le Tchad voisin que, porté par une coalition rebelle composée d’éléments essentiellement venus du Nord–Est et soutenus par des supplétifs tchadiens et darfouriens, François Bozizé a lancé l’assaut final qui a abouti à la chute, le 15 mars 2003, du président Ange-Félix Patassé.
Mais une fois au pouvoir, Bozizé oublie les engagements pris avec la coalition Seleka, ces groupes hétéroclites à dominante musulmane qui l’ont accompagné lors de son coup de force. La Seleka fini par se retourner contre lui avec pour grief, l’exclusion de la gestion des affaires de l’Etat des communautés issues du Nord – Est, une région pourtant riche en ressources.
b. Les Accords de Syrte
Les Accords de Syrte du 2 février 2007 ont été signés sous le parrainage du Tchad et de la Libye, entre le Gouvernement centrafricain d’une part, le Front Démocratique du Peuple Centrafricain (FDPC), et l’Union des Forces Démocratiques pour le Rassemblement (UFDR) d’autre part.
Ils comportent, entre autre points, l’arrêt immédiat des hostilités ; le cantonnement en vue de la démobilisation, du désarmement et de la réinsertion des anciens combattants rebelles ; la réhabilitation des droits des éléments radiés des Forces Armées Centrafricaines (FACA) et des fonctionnaires civils soupçonnés d’être en relation avec les groupes rebelles signataires ; l’amnistie et la libération des prisonniers politiques ; la participation de toutes les parties signataires à la gestion des affaires de l’Etat.
Une fois de plus, c’est la CEMAC qui est chargée d’assurer la tutelle politique du respect desdits Accords, et la FOMUC la responsabilité de son exécution. Leur mise en application offrait l’opportunité à la CEMAC de confirmer, après sa défaillance lors du coup d’Etat de mars 2003, sa capacité à assumer le principe de subsidiarité que suggère l’AAPS.
L’absence de volonté politique du gouvernement et l’impatience des groupes politico-militaires vont mettre à rude épreuve ces accords avant de précipiter le pays dans un dévastateur cycle de violence.
C’est dans ce contexte que, pour des raisons techniques, réunis en octobre 2007 à Brazzaville au Congo, les Chefs d’Etat de la CEEAC décident de transférer le maintien de la paix, initialement conduite par la FOMUC à la Mission de Consolidation de la Paix de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale (MICOPAX), placée sous la tutelle politique de la CEEAC.
A cause des carences logistiques, c’est seulement le 12 juillet 2008 que la MICOPAX prend fonction à Bangui pour un mandat renouvelable jusqu’à l’horizon 2013. Il faut noter qu’entre temps, par acte additionnel du 01/01/ 2008, la FOMUC avait été transformée en « FOMUC 4 » pour six mois.
Outre les missions initialement dévolues à la FOMUC et la FOMUC 4, la MICOPAX est chargée d’aider au développement du processus politique dans le pays. Dans cette perspective, contrairement à la FOMUC et à la FOMUC4 qui étaient engagées dans une mission traditionnelle de maintien de la paix, elle a la responsabilité de mener des actions de consolidation de la paix. Cette évolution est sensée produire plus d’efficacité dans les actions de cette force, mais il n’en sera rien. Comme la FOMUC et la FOMUC4, la MICOPAX n’a pas anticipé sur l’explosion de la violence dans le pays.
Les Accords de paix globaux de Libreville sont signés le 21 juin 2008, sous l’égide du Gabon.
Ils sont conclus entre le Gouvernement centrafricain et l’Armée Populaire pour la Restauration de la Démocratie (APRD), le Front Démocratique du Peuple Centrafricain (FDPC) et l’Union des Forces Démocratique pour le Rassemblement (UFDR).
Globalement, ils reprennent les dispositions déjà contenues dans les différents accords signés entre le pouvoir et ses adversaires armés, mais jamais totalement appliquées. Comme pour les précédents, leur mise en application est laborieuse d’où le climat de défiance entre ses signataires. Le double scrutin législatif et présidentiel du 23 janvier 2011 vient troubler davantage la situation avec les accusations de fraudes portées par l’opposition qui d’ailleurs boycotte le second tour, tenu le 20 mars 2011. Quelques arrangements politiques entre le pouvoir et certains de ses adversaires ne suffisent pas à ramener le calme dans le pays. C’est dans ce contexte qu’un mouvement rebelle lance, le 25 août 2012, une attaque sur Damara et Sibut. Le 10 décembre 2012, la ville de Ndélé tombe entre les mains de la Seleka : c’est le début d’une nouvelle guerre civile en Centrafrique.
La Seleka dont le patron est Michel Djiotodia critique le pouvoir de ne pas appliquer tous les points des Accords globaux. Elle dispose d’un avantage tactique et opérationnel sur le pouvoir qui rapidement perd du terrain au plan militaire. Pris en tenaille, ce dernier demande et obtient, le 1er janvier 2013, de la CEEAC un renfort de 360 soldats de la MICOPAX. Mais, l’avantage militaire de la Seleka l’oblige à céder à l’ouverture de nouvelles négociations qu’il aborde en situation de faiblesse.
Le 9 janvier 2013, à l’invitation de la CEEAC, le gouvernement et la Seleka se retrouvent à Libreville. Ils y signent, le 11 janvier 2013, de nouveaux accords. Ceux –ci sont très contraignants pour le pouvoir [2]. Le gouvernement de transition prescrit doit être dirigé par un Premier Ministre issue de l’opposition que le président ne peut révoquer, le ministère de défense est attribué à la Seleka. Il est aussi recommandé le retrait du territoire centrafricain de toutes les forces étrangères, à l’exception de celles de la MICOPAX. Cette disposition vise surtout le départ des 400 soldats sud-africains venus porter secours au pouvoir.
A peine parti de Libreville, François Bozizé est accusé par la Seleka de torpiller l’application des accords. Aussi, la Seleka qui n’avait jamais rangé les armes déclenche-t-elle une cascade de conquêtes militaires qui se solde le 24 mars 2013, malgré la présence de la MICOPAX, par sa prise du pouvoir.
1. De la violation des principes et des objectifs du l’UA
L’UA condamne la prise anticonstitutionnelle du pouvoir. Les principes et les objectifs du CPS sont sans équivoque sur cette position. Et pourtant, que ce soit après le coup d’Etat de François Bozizé contre Ange – Felix Patassé en mars 2003 ou après celui de Michel Djiotodia contre lui de mars 2013, l’UA, à travers la CEMAC puis la CEEAC, s’est accommodée avec une facilité surprenante de la nouvelle donne politique.
Alors que lui et ses alliés armés avaient défié la FOMUC lors de leur prise de Bangui en mars 2003, François Bozizé est reconnu, en violation des principes et objectifs de l’UA, par la CEMAC, la CEEAC et le CPS.
A son tour, après sa prise de pouvoir en mars 2013, et après s’être rapidement fait adoubé par un Conseil National de Transition taillé sur mesure, Michel Djiotodia est reconnu par le sommet extraordinaire de la CEEAC sur la Centrafrique du 18 avril 2013. La récurrence de ces reconnaissances successives dévoile l’incapacité du CPS à faire respecter les principes et les objectifs démocratiques sur lesquels l’UA fonde la Renaissance Africaine et la relance économique du continent.
Ce sommet adopte la « Déclaration de N’Djamena » [3] et fixe à dix-huit mois le délai de la transition et recommandait une réévaluation des effectifs et du mandat de la MICOPAX.
Il recommande aussi la mise en place d’un Groupe International de Contact sur la RCA (GIC – RCA), composé du Gouvernement centrafricain, des représentants de la CEEAC, de l’UA, de l’ONU, de l’UE et de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Lors de sa première réunion au Congo, le GIC-RCA adopte l’ « Appel de Brazzaville » [4]. Puis, en application des recommandations de la « Déclaration de N’Djamena », les experts de la CEEAC proposent un accroissement des effectifs de la MICOPAX de 500 soldats à 6 500 hommes ainsi qu’un réaménagement de leur mandat.
Une mission militaire d’évaluation dirigée par l’UA et comprenant les représentants de la CEEAC, de l’ONU et de l’OIF a séjourné en RCA du 2 au 7 mai 2013, elle produit un rapport général catastrophique et recommande, comme d’ailleurs le GIC – RCA, un réaménagement du mandat de la MICOPAX.
Sur la base des rapports du GCI-RCA et de la mission militaire, puis de l’appel lancé par le secrétaire général de l’ONU, le 16 avril 2013, et qui pressait la CEEAC et l’UA à prendre, immédiatement et en urgence, des mesures fortes pour conjurer l’effondrement total de l’Etat en Centrafrique, la CEEAC propose la mise en place, pour un mandat de vingt mois, de la MICOPAX2, forte de 2 000 hommes.
2. La tardive entrée en scène du CPS
Avec une réelle volonté politique et une meilleure capacité d’analyse, dès le coup d’Etat de François Bozizé contre Félix Patassé dont la FOMUC était en charge de la sécurité ou à partir des défaillances de la CEEAC et de la MICOPAX, le CPS aurait pu constater que le levier CERs de l’AAPS n’était pas assez robuste pour une gestion efficace de la crise centrafricaine. Il s’est certes appuyé sur le principe de la subsidiarité autour duquel est articulé l’AAPS mais il n’a pas mis en œuvre, et à temps, celui de la suppléance. En prenant à temps acte des insuffisances de la CEMAC puis de la CEEAC en matière de prévention, d’imposition de la paix et de sortie de crise, le CPS aurait dû activer le principe de suppléance qui évite à l’échelon supérieur de se déresponsabiliser totalement, même pour un instant. Cette démarche s’imposait d’autant plus que depuis 2003, pratiquement tous les observateurs mettaient en garde contre l’embrasement de la situation.
Il a fallu attendre l’appel du secrétaire général de l’ONU suite à une situation devenue explosive pour que, lors de sa 385ème réunion du 19 juillet 2013 [5], le CPS se saisisse du cas centrafricain. C’est, en effet, à cette date qu’il a décidé du déploiement dans le pays, pour six mois, d’une nouvelle mission, la Mission Internationale de Soutien à la Centrafrique (MISCA) composée de 3 652 hommes soit 2 475 militaires, 1 025 policiers/ gendarmes et 152 civils. Pratiquement les mêmes missions que celles confiées précédemment à la FOMUC, puis à la FOMUC4 et à la MICOPAX lui sont alors assignées.
3. Le risque de génocide et la reprise en main de la communauté internationale
Malgré sa tardive prise de position, à cause des traditionnels problèmes logistiques et de planification, que visait pourtant à corriger l’AAPS, le CPS s’est montré incapable de projeter la MISCA sur le terrain des opérations par elle-même. Confrontée à une situation qui continuait de se dégrader dangereusement, le 5 décembre 2013, le Conseil de Sécurité de l’ONU a , contre l’esprit même de la réforme du chapitre VIII de sa charte visant la décentralisation dans la gestion de la sécurité internationale, adopté, à l’unanimité de ses quinze membres, la résolution 2127 autorisant le déploiement de la MISCA sous l’autorité de l’UA [6]. Cette résolution donne mandat aux forces engagées pour « entreprendre temporairement tout ce qui est nécessaire » et laisse la possibilité au secrétaire général de l’ONU de dresser, sous trois mois, un rapport pour une éventuelle transformation de la MISCA en une opération de maintien de la paix de l’ONU [7].
Malgré la situation plus que préoccupante, il a fallu attendre le 19 décembre 2013 pour voir la MISCA prendre fonction. Et lorsqu’elle prend finalement fonction, au regard de la dégradation de la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays, ses effectifs initiaux de 3652 hommes sont déjà largement insuffisants. C’est, en effet, avec 4 500 soldats [8] qu’elle entre dans Bangui alors même qu’il lui en faut largement plus. En réalité, la MISCA, appuyée par la force française « Sangaris » forte de 1 600 hommes, arrive en Centrafrique un peu tard.
Sangaris
Les moments d’hésitation et les problèmes logistiques de la MISCA ont rendu la situation inextricable dans le pays. Le chef de l’Etat Michel Djiotodia a perdu le contrôle sur les éléments de la Seleka, les FACA se sont évanouis dans la nature - à peine 10% de leurs effectifs sont en ordre de combat-. Les partisans du président déchu ont amorcé une tentative désespérée de reconquête du pouvoir alors que la milice chrétienne anti-Balaka se venge des massacre de la Seleka qui elle, menace de créer un Etat dans le Nord du pays [9]. Plus grave, les éléments de la MISCA se tirent dessus [10]. Ce tableau sécuritaire sombre est aggravé par l’exacerbation des rivalités politiques entre le chef de l’Etat Michel Djiotodia et le Premier Ministre Nicolas Tiangaye.
Un troisième sommet extraordinaire, organisé du 9 au 10 janvier 2014 à N’Djamena par la CEEAC et sous l’égide du président Idriss Deby, constate l’échec de la transition, arrache sous la démission du chef de l’Etat et de son Premier Ministre sous la pression de Paris et demande au CNT d’élire une nouvelle équipe pour conduire une nouvelle transition d’un an [11]. Au lendemain de ce sommet, comme pour pointer l’inefficacité de l’UA, le secrétaire général de l’ONU l’exhorte à accélérer la montée en puissance de la MISCA qui ne compte à la mi-janvier 2014 que 3 500 soldats contre 6 000 attendus.
4. La MINUSCA et l’aveu d’impuissance de l’U.A
La résolution 2127 du Conseil de sécurité du 5 décembre 2013 créant la MISCA constituait en elle-même la preuve d’une certaine impuissance des Africains à résoudre par eux-mêmes le conflit centrafricain. Aussi, tout en laissant la gestion de la crise au CPS, la résolution donnait t- elle mandat au secrétaire général de l’ONU pour dresser au bout de trois mois un rapport et si nécessaire, transformer la MISCA en une opération de maintien de la paix sous l’égide de l’ONU. Mais, peu après sa constitution, la MISCA, comme avant, la FOMUC, la FOMUC4, la MICOPAX a, nonobstant la situation plus que préoccupante sur le terrain, la MISCA a souffert des traditionnels problèmes logistiques des déploiements des forces africaines. Ceux –ci ont aggravé la situation sécuritaire et humanitaire dans le pays. Ni les résolutions du sommet de la CEEAC tenu du 9 au 10 janvier 2014 à N’Djamena, ni les exhortations du secrétaire général de l’ONU pour un déploiement rapide et efficace n’ont abouti à une réelle capacité opérationnelle de la force. Prise dans les querelles politiques entre N’Djamena, le pouvoir de transition et les autres forces présentes, et ses insuffisances logistiques, la MISCA était dès son déploiement condamnée.
Le départ tonitruant des forces tchadiennes annoncé, le 3 avril 2014, après qu’une vive polémique ait circulée sur leur soutien aux forces balaka de l’ancien président Djiotodia, l’a gravement fragilisé [12]. En effet, alors que la MISCA avait eu toutes les peines à constituer l’effectif de 6000 éléments fixé, le retrait de 850 soldats tchadiens, ses éléments les plus aguerris, ne pouvait qu’hypothéquer sa capacité opérationnelle au moment où sur le terrain, elle devait relever chaque jour de nouveaux défis tant militaires qu’humanitaires. C’est dans ce contexte, que sur proposition de la France dont les forces sont engagées sur le terrain, le Conseil de sécurité adopte le 10 avril 2014 la résolution 2149 autorisant le déploiement d’une opération de maintien de la paix sous mandat onusien en RCA. Cette résolution consacre alors l’échec du CPS, et donc de l’Afrique, dans la gestion opérationnelle du conflit.
Dénommée, Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en RCA (MINUSCA,) la force onusienne qui compte 12 000 casques bleus et a pour priorité la protection des civils, le rétablissement de l’ordre public, l’appui à l’accès humanitaire, la surveillance du respect des droits de l’Homme et la lutte contre l’impunité.
Le 15 septembre 2014, l’entrée en vigueur de la MINUSCA marqué la délocalisation stratégique et opérationnelle de la gestion du conflit centrafricain de l’UA vers l’ONU. C’est pourtant une perspective que l’Afrique a politiquement combattu dès le début.
Plus de dix ans après son entrée en vigueur le 25 mai 2004, l’AAPS a eu, avec les crises et guerres civiles centrafricaines et notamment la seconde guerre civile qui a ébranlé le pays, l’occasion de démontrer son efficacité. Malheureusement, le principe de subsidiarité sur lequel elle repose n’a pas bien fonctionné. L’adoption des résolutions 2127 du 5 décembre 2013 autorisant le déploiement de la MISCA, 2149 du 10 avril 2014 portant déploiement de la MINUSCA par Conseil de Sécurité de l’ONU, et le déploiement de la MINUSCA attestent que le principe de suppléance qui oblige l’échelon supérieur, en occurrence le CPS, à veiller sur le bon fonctionnement du principe de subsidiarité n’a pas été mis en action avec succès.
Ce double constat suggère à l’UA d’importants efforts pour une AAPS opérationnelle et crédible. Il démontre également que la recherche de solutions africaines aux multiples conflits qui déchirent le continent est encore loin de porter des résultats tant politiques que militaires. Aussi se dégage-t-il que l’ambition d’émancipation stratégique et politique pour une relance du développement du continent, contenu dans le projet de la Renaissance politique africaine dévoilé concomitamment au lancement de l’AAPS, reste, à l’aune de la gestion des crises et de la seconde guerre civile centrafricaines, durement confrontée à la réalité des conflits qui avait pourtant conduit au constat d’échec de l’OUA. L’échec de la CPS dans la gestion des crises et guerres civiles centrafricaines ne condamne pas pour autant le continent. En effet, la montée en puissance annoncée de la FAA et les leçons tirées du dramatique cas Centrafricaine doivent, en plus d’une véritable volonté politique mesurable à la capacité du CPS à faire respecter ses principes et ses objectifs qui sont d’essence démocratiques, renforcer la capacité diplomatique et surtout opérationnelle de l’Afrique.
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[1] - Conf. Rapport n° 7926 « vi », présidente de la Commission de l’Union Africaine sur la « capacité africaine de réponse immédiate aux crises », Addis Abéba, du 29-30 avril 2013.
[2] - Thomas POULIN, « Historique de l’opération MICOPAX » ROP, 1er fév.2012 ; mise à jour le 30 juillet 2013 par Nina Guttierrez, CECRI, Université catholique de Louvain.
[3] - Journal du Tchad.com, Communiqué, 28 avril 2013.
[4] - « Appel de Brazzaville », GIG-RCA, peaceau.org,-03-05-2013.
[5] - U.A, PSC/PR/COMM.2/CCCLXXXV du 19 juillet 2013.
[6] - « RCA : le Conseil de sécurité autorise le déploiement de la MISCA, avec l’appui des forces françaises », Centre d’actualité des Nations Unies, un.org, visité le 05/01/2015.
[7] - Il faut souligner l’important rôle joué par la diplomatie française dans la mobilisation internationale pour l’adoption de cette résolution conf. « La France se prépare à intervenir en Centrafrique », RFI, 23 nov. 2013.
[8] - « Centrafrique : La MISCA prend officiellement le relai de la FOMAC », Jeune Afrique, 19 décembre 2013.
[9] - « Centrafrique : La force « Sangaris » prise dans la haine interconfessionnelle », Le Figaro, 23 décembre 2013.
[10] - « Centrafrique : coups de feu entre Burundais et Tchadiens de la MISCA », RFI, 24 décembre 2013.
[11] - « Centrafrique : Michel Djotodia et Nicolas Tiangaye démissionnent afin de sortir le pays de la paralysie », congo-site.com, vendredi 10 janvier 2014.
[12] - « RCA : les conséquences du retrait des Tchadiens de la Misca », RFI, 14 avril 2014.
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