Anne Maurin s’exprime ici à titre personnel. Elle est doctorante en géographie, à Sorbonne Université et au sein du Centre d’études stratégiques aérospatiales. Ses recherches portent sur l’utilisation stratégique de l’espace extra-atmosphérique par la Russie.
La stratégie spatiale militaire russe est celle d’une stratégie irrégulière. Les outils sont parfois inférieurs à ceux de l’adversaire, la Russie compose parfois avec à une flotte satellitaire insuffisante et compense à la fois dans certains domaines (missiles), mais encore plus par une occupation (et non la maîtrise) du terrain. Mais, pour ne pas être qu’un gain de temps, cette stratégie irrégulière doit s’accompagner d’une unification de ses forces et d’apports, voire de consolidation, au niveau du matériel et de son emploi.
Du début du XXe siècle à aujourd’hui, cet article présente les caractéristiques de la place du spatial dans la stratégie militaire russe.
« L’espace extra-atmosphérique, pour l’ennemi, n’est pas seulement un lieu de lutte armée. D’une part, il s’agit d’une niche géographique qu’il faut occuper, dont il faut évincer les concurrents, qu’il faut dominer et dont il faut tirer les avantages économiques, militaires, et d’autre nature. D’autre part, c’est le domaine où les acteurs mondiaux rivalisent de progrès scientifique et technologique dans leurs réalisations. » Colonel Yuri Krinitsky, « Orientations de développement des formes et des méthodes d’action des troupes (forces) de défense aérospatiales », Voennaya Myls (« Pensée militaire ») - Revue de théorie militaire, no 3 (mars 2022).
PENDANT l’année 2022, 14 satellites militaires - des Kosmos 2553 à 2566 - ont été placés en orbite par les forces aérospatiales russes (VKS) depuis le cosmodrome militaire de Plesetsk. Douze semblent encore en activité : quelques Glonass, des satellites d’alerte, de renseignement électro-magnétique, d’imagerie (essentiellement optique), et deux « technologiques », terme désignant souvent dans le langage militaire russe, « inspecteur ».
Les puissances spatiales militaires mettent chaque année en orbite plusieurs satellites pour compléter ou renouveler leurs constellations. Pour la Russie cependant, il existe en 2022 une accélération des lancements militaires. Précédemment, en 2021, seulement quatre satellites militaires avaient eté lancés, dont trois fonctionnent encore début 2023.
Il y a actuellement deux dimensions du spatial militaire : le théâtre et l’outil. Le changement de rythme du lancement des satellites militaires russes permet sans doute aux VKS d’améliorer leur utilisation de l’espace dans le cadre de conflits armés. En effet, dans le milieu militaire comme dans la société civile, les outils liés aux satellites sont extrêmement précieux, que ce soit en termes de navigation, d’alerte, mais aussi de renseignement (image, électro-magnétique). Mais en plus d’être un outil tactico-opérationnel, l’espace extra-atmosphérique est encore plus utilisé comme outil stratégique, pris comme un théâtre à part entière. En effet, en pleine Guerre froide, à la suite des découvertes scientifiques qui émergent au cours et après la Seconde Guerre mondiale, la technique des fusées permet aux États-Unis et à l’URSS de concevoir un versant spatial de leur composantes nucléaires. L’espace est, en effet, le lieu de la circulation de certains missiles, mais aussi pourquoi pas, le lieu de stationnement de ce qui va être appelé la « bombe orbitale ».
Aussi, quelle est la place du spatial dans la stratégie militaire russe ?
Dès les débuts de la conquête spatiale, l’Union soviétique (comme les États-Unis) greffe aux découvertes liées au milieu spatial une dimension militaire, participant ainsi à sa transformation en zone de confrontation. Ce théâtre prend une importance stratégique, pleinement intégrée à la politique de dissuasion nucléaire de l’Union soviétique. Mais, trop attachée sans doute à la dimension stratégique de ce milieu, la Russie parvient difficilement à transformer une stratégie spatiale militaire en réalité opérationnelle.
La genèse du spatial russe : entre la soif de progrès scientifique et intérêt militaire
La dimension militaire de la recherche spatiale commence fin XIXe début XXe s. avec les travaux des premiers ingénieurs russes, dont l’illustre Tsiolkovsky. Tout est relié à une double considération : le caractère hautement stratégique des potentielles découvertes qui émergeront de ces travaux et la réalisation du plus vieux rêve de l’homme, celui d’aller dans l’espace.
Rapidement, les progrès en propulsion donnent lieu à deux possibilités de projection dans le cosmos : lancer l’arme et lancer l’homme.
Quelques décennies plus tard, l’art opératif commence à être théorisé par A. Svechin, G. Isserson, ou encore le maréchal Toukhachevski. C’est ce dernier qui, le premier, accorde son soutien à la fabrique des missiles et fusées dès les années 1930, travaillant aux côtés de nombreux scientifiques dont Sergueï Korolev, le père du programme spatial soviétique. Dès les années 1930, émergent les premiers travaux sur la fabrication de moteurs à propergol liquide - qui donneront quelques années après les moteurs de fusées - pour développer des armes-fusées. La fusée est déjà entrevue comme outil militaire à développer, pour mettre en place une défense aérienne efficace et à la pointe de la technique ou, inversement, dans le prolongement de l’artillerie. Les Allemands le montrent pendant la Seconde Guerre mondiale avec leur V2. L’URSS étudie déjà certains prototypes, lancés sur son territoire. En 1945, l’armée rouge entre à Peenenmunde, laboratoire scientifique militaire nazi, et découvre ainsi les recherches de programmes de lancement de missiles, de fusées, mis au point notamment par Wernher von Braun.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’URSS crée un bureau scientifique dédié aux recherches de ce type, dirigé par Korolev, dont l’équipe travaille à partir du V2 allemand. La technique du missile, dans une Guerre froide tout juste naissante, devient une priorité militaire de l’URSS.
Rapidement, les progrès en propulsion donnent lieu à deux possibilités de projection dans le cosmos : lancer l’arme et lancer l’homme.
Lorsque le 4 octobre 1957, le premier satellite artificiel Spoutnik 1 est lancé par l’Union soviétique, les autres puissances internationales craignent cet objet, perçu comme une épée de Damoclès. Rapidement, les bureaux scientifiques, les services secrets et les forces armées des pays de l’Ouest dénoncent la potentielle mise en orbite de missile, au cœur d’une course à la réciprocité, entre les deux blocs [1]. En URSS, en parallèle de la recherche scientifique autour des programmes d’armement, naît une réflexion de nature stratégique, sur l’emploi de ces armes nouvelles (missiles, objets spatiaux, vol habité) dans l’espace.
L’espace extra-atmosphérique est alors vu comme le prolongement du ciel et devient potentiellement un univers de combats futurs. D’ailleurs, les premiers astronautes russes (comme souvent ceux d’autres pays), appartiennent au corps des pilotes de chasse. Le général Nikolaï Kamanin, premier commandant du corps des cosmonautes (alors rattaché à l’armée de l’air soviétique), de 1960 à 1971, écrit en novembre 1962 : « Zakharov et Biryuzov ont parlé à plusieurs reprises de l’espace en tant que théâtre possible d’opérations militaires dans un avenir proche. Mais pas un seul rapport ne contient de propositions précises sur la manière d’explorer l’espace dans l’intérêt de la défense maintenant, aujourd’hui. » [2]. Il regrette la sur-représentation des armes spatiales, au détriment des cosmonautes militaires. Le pilote, évoluant dans le ciel, grâce à des aéronefs toujours plus techniques, il semble naturel que le progrès lui permette à terme d’étendre ce rayon d’action et de projection à l’espace. Mais de nombreux chefs d’état-major ne voient pas l’intérêt que représente le cosmos, trop loin des préoccupations tactiques. Les forces aériennes soviétiques tentent à diverses reprises, de récupérer le spatial habité dans leurs prérogatives, en confrontation avec les forces des missiles qui ont mainmise pendant longtemps sur ce secteur. Les unités spatiales et bureaux consacrés font alors face à une difficulté que l’on peut retrouver en Russie - et dans d’autres pays - aujourd’hui : les programmes spatiaux ne sont pas prioritaires notamment au sein des budgets de défense.
La construction d’une stratégie spatiale militaire soviétique
À un niveau plus officiel et doctrinal, dans un ouvrage de stratégie militaire publiée en 1963, le maréchal Vassili Sokolovsky, père de la doctrine soviétique de dissuasion nucléaire, écrit déjà que « l’un des traits caractéristiques de la guerre future sera son échelle énorme. La (…) guerre enveloppera presque tous les continents du monde. La guerre se déroulera non seulement sur terre, sur les mers et les océans, mais aussi sur les communications à longue distance. La notion d’"étendue spatiale" de la guerre future devra être considérablement élargie, car les opérations militaires peuvent également s’étendre dans l’espace » [3]. La réelle préoccupation de cette période est la lutte antimissile et la construction d’une solide triade nucléaire. Aussi, la mise en orbite d’objets préfigure le lancement de missiles balistiques, ou de bombes embarquées dans divers vaisseaux, qui seraient alors de nouvelles composantes de la politique de dissuasion, au même titre que la dimension aéroportée, sous-marine ou terrestre.
Les faits et les discours ne concordent pas toujours...
Pourtant, dans leur discours, les Soviétiques se targuent d’être protecteurs de la paix, clamant l’urgence de combattre les programmes américains. En 1963, la Russie signe un traité d’interdiction de mise en orbite d’armes nucléaires [4]. Mais la même année, lors du défilé militaire traditionnel du mois de novembre, des ogives et fusées orbitales sont présentées aux yeux de tous. L’URSS déclare avoir signé pour l’interdiction de la mise en orbite de ces armes mais non pour l’arrêt de leur production, invoquant une menace américaine similaire. En 1968, l’URSS annonce disposer dans son arsenal d’une bombe orbitale, embarquée par satellite, qui a la possibilité de lâcher sur tout point du globe, une charge nucléaire, créant dans les sociétés occidentales, notamment à travers la presse, une inquiétude largement relayée.
Dans les décennies qui suivront, le concept de « guerre spatiale » est défini très précisément, notamment dans les encyclopédies militaires, comme un terme étranger, ou plus précisément américain. Le physicien Maxim Tarasenko rapproche cependant la vision officielle des deux blocs : « Les États-Unis, par exemple, ont déclaré que "l’utilisation de l’espace par la NASA et d’autres agences civiles aide à mieux vivre dans des conditions de paix, et l’utilisation par le biais du ministère de la Défense assure la préservation de la paix". L’URSS, en revanche, affirmait catégoriquement que l’ensemble de son programme spatial visait exclusivement "l’étude et l’exploration de l’espace extra-atmosphérique dans l’intérêt de la science et de l’économie nationale". Dans le même temps, la presse soviétique ne se lasse pas d’accuser le Pentagone de plans sinistres de militarisation de l’espace, et les observateurs américains concluent que 85% des lancements spatiaux soviétiques sont de nature militaire. » [5]
Les années passent, les programmes se succèdent. Le but ultime est alors de tirer le meilleur parti de ce théâtre et de cet outil.
La militarisation de l’espace désigne en l’URSS selon Maksim Tarasenko, « la création, le test et le déploiement d’armes spatiales offensives ».
La technique d’accès à l’espace est maîtrisée par un nombre croissant de pays, qui deviennent des nouvelles puissances spatiales. Cette zone immense et non habitée est alors vue comme un potentiel terrain d’entraînement, où l’on peut déployer et tester les capacités de missiles balistiques, malgré l’inquiétude internationale et les divers traités. Sur la période 1957-1983, le reste du monde a les yeux rivés sur les programmes spatiaux des deux grands. La stratégie militaire soviétique prend conscience, au même titre que l’espace aérien, de l’importance des outils spatiaux pour la reconnaissance.
Tout s’accomplit dans une forme de réciprocité et de course avec les États-Unis. Le budget de la défense soviétique entre pourtant pleinement dans une stratégie de maskirovka, de « camouflage ». Le manque de transparence dans la communication des chiffres par le gouvernement permet d’entretenir un flou sur la réalité de la défense soviétique, et de renforcer leur politique de dissuasion : le budget semble gigantesque, les matériels présentés aux foules lors des parades d’État ou des déclarations officielles vantent les progrès techniques et l’efficacité de l’arme nouvelle, malgré leur caractère totalement secret. Selon un général américain, un administrateur soviétique aurait déclaré : « Notre revenu national équivaut à seulement 65 % de celui des États-Unis mais il est évident que nous devons dépenser autant qu’eux pour la défense nationale... Autrement dit, le fardeau des États-Unis en matière de défense est beaucoup moins lourd que celui de l’Union soviétique. » [6] La décennie de 1970 voit se développer, au niveau militaire, de manière conjointe des missiles à la portée toujours plus grande et au potentiel de destruction croissant, transitant par l’espace extra-atmosphérique, mais également de nombreux projets de satellites, officiellement toujours scientifiques.
L’espace comme prolongement du ciel : un outil de renseignement au service de la dissuasion
Dès les années 1950, les puissances spatiales commencent à mettre en orbite de nombreux satellites, qui progressivement acquièrent une utilité, pas uniquement scientifique. Outils de renseignement, ils permettent deviennent indispensables pour la mission de dissuasion nucléaire : ciblage, renseignement, alerte, et plus tard guidage.
Sous la direction de Sergueï Korolev, et pour des besoins militaires, un programme de satellite de reconnaissance est lancé dès 1956. Le premier de ce type, Zenit, (plusieurs centaines d’exemplaires placés en orbite) dispose de caméras. Une fois sa mission achevée, la capsule de descente comportant les bobines retombe sur terre. Les projets sont connus, parfois dévoilés, mais jamais corroborés par une déclaration officielle.
De même, rapidement, les forces militaires russes s’aperçoivent que les télécommunications par satellite sont fiables, ce qui les encourage à développer des programmes entiers dans ce domaine. Ces outils sont mis au service des forces des missiles soviétiques et sont peu à peu intégrés à la stratégie militaire russe, concentrée sur la défense antimissile et la permanence de ses composantes nucléaires.
Mais certains programmes prennent la forme de vecteurs à part entière. En 1963, Polyot-1 est le premier satellite artificiel, officiellement « scientifique » et non militaire, ayant des capacités de mobilité dans l’espace, ce qui pourrait lui permettre de chasser et détruire des satellites ennemis. Quelques années après, Cosmos-252, satellite intercepteur, parvient en 1969 à détruire en orbite le satellite 248. La manœuvre militaire dans l’espace est ainsi opérationnelle. Les manœuvres soviétiques dans l’espace et toute la technique du rendez-vous orbital, seront par la suite considérées comme un réel atout.
Dans l’espace, un véritable camp retranché, qui embarquait des cosmonautes militaires, est équipé de munitions.
La station Almaz, dont le programme, camouflé par les projets civils de stations Saliout, est lancée cinq fois (trois ensembles habités et deux non habités) entre 1973 et 1976, sans que l’on sache véritablement l’étendue de ses capacités et son rôle précis au niveau militaire. Ce véritable camp retranché, qui embarquait des cosmonautes militaires, est équipé de munitions, dont le missile Chiit-2, à tête chercheuse, qui a la capacité de détruire un objet spatial depuis un autre vaisseau en orbite [7]. C’est un véritable « véhicule blindé sous l’apparence d’une voiture ordinaire » [8]. D’autres projets voient le jour, comme la station orbitale Kaskad (équivalent d’Almaz), ou encore plus tard, le vaisseau spatial Bourane, programme titanesque de navette spatiale automatique, qui sera abandonné, en raison de son coût.
Un espace extra-atmosphérique pleinement inséré dans la doctrine de la dissuasion nucléaire
L’URSS cherche à s’assurer dans l’espace une place de belligérant compétent. Dans un article d’avril 1962 le journal officiel Krasnaïa Zvezda (étoile rouge), précise : « L’URSS dispose depuis longtemps d’un nombre suffisant d’usines capables de produire la quantité voulue de n’importe quel type de fusées, intercontinentales en particulier [9] (…) Une autre réalisation non moins frappante consiste dans la haute précision des fusées soviétiques lors du lancement (…) concrétisant les magnifiques conquêtes cosmiques aux moyens de ‘‘ spoutniks géants dont certains pèsent plus de 6 tonnes’’ » [10]. Selon l’idéologie soviétique, le progrès technique mis au service des intérêts de « tout un peuple », permet de garantir la sécurité, la défense de l’URSS. C’est également l’occasion pour le gouvernement soviétique, d’informer l’ennemi sur la mise-à-jour de ses capacités.
La mise au point de missiles balistiques intercontinentaux transitant par l’espace extra-atmosphérique se fait ainsi dès les années 1950, avec les premiers prototypes de ce qui deviendra le missile GR-1, officiellement déployé en 1962. Ces « OGCh » [11] transitent par l’espace dans une orbite quasi-complète, et sont capables de frapper n’importe quel point du globe, dans un effet de surprise total. Le Sarmat actuel en est le descendant direct.
Le traumatisme de la crise des missiles de Cuba, en 1962, engendre une réflexion pour les deux blocs de la Guerre froide sur la nécessité d’une parité militaro-stratégique, c’est-à-dire d’une équivalence dans les systèmes d’armement massifs, surtout nucléaires. Un équilibre « de la terreur » serait ainsi créé. En 1963, un traité est signé interdisant conjointement les essais nucléaires notamment dans l’espace extra-atmosphérique. La préparation d’un traité de désarmement de plus grande ampleur (SALT-1 en 1972 et SALT-2 en 1979) prolonge cette idée. Mais, malgré ces initiatives, aucun des deux pays n’arrête de concevoir et de produire des missiles de ce type.
Le « Comité des scientifiques soviétiques pour la paix contre la menace nucléaire » attribue aux États-Unis la responsabilité du déséquilibre de l’ordre nucléaire dès le début des années 1970 : « Afin de maintenir l’équilibre militaro-stratégique dans un environnement où les Etats-Unis initient diverses violations presque tous les cinq ans, en adoptant de nouveaux programmes pour renforcer leur puissance militaire, l’Union soviétique a dû recourir à des mesures adéquates pour assurer sa sécurité et empêcher leur supériorité militaire. » [12]
En 1976, sort la première résolution du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique, et du Conseil des ministres de l’URSS « Sur l’étude de la possibilité de créer des armes pour des opérations de combat dans l’espace et depuis l’espace », dont le contenu n’est cependant pas public. Continuant pleinement la course aux armements, l’URSS commence à envisager des programmes d’armement liés à l’espace qui sortent du simple missile ou du satellite d’observation.
L’initiative de défense stratégique (IDS) et la réponse soviétique : déjouer l’apocalypse
En pleine Guerre froide, les rumeurs de projets sur des systèmes entiers (et non de simples bombes orbitales) de défense antimissile et de mise en œuvre d’armes de destruction massive utilisant l’espace, vont bon train. Tous ces programmes restent secrets, jusqu’à une déclaration officielle du président américain R. Reagan : « Pour contrer l’horrible menace des missiles soviétiques, un programme ambitieux est mis à l’étude pour protéger les États-Unis par un bouclier spatial, identifiant et anéantissant tout missile venu de la haute atmosphère » [13]. C’est un gigantesque bluff américain, détaillant un système antimissile à grande échelle, dont certains éléments seraient déployés dans l’espace.
Les programmes de réponse soviétique annoncés quelques temps après le discours de Reagan ne datent pas de l’IDS, mais sont déjà élaborés depuis des années, voire des décennies. Ils sont sortis de l’ombre pour montrer, au moins dans un premier temps, que l’Union soviétique entend contrer le système américain, dans une position officielle de « parité stratégique ».
Certains programmes montrent le souci au niveau militaire et technique, de diversifier la capacité de frappe dans l’espace : satellites outils, satellites chasseurs, stations orbitales, programmes de navettes spatiales avec capacité d’emport de charge utile, et surtout, armement laser, le fameux Polyus ou Skif-DM, station spatiale de combat gigantesque (37 m. de long), mise en orbite par une fusée. Le programme avait été stoppé peu de temps avant l’annonce de l’IDS, mais aussitôt repris après les déclarations américaines.
L’IDS a été vue par certains analystes soviétiques comme le signe du changement complet de la nature d’une guerre conventionnelle. Déjà depuis quelques années, le chantage à l’escalade nucléaire rendait envisageable l’insertion d’une dimension nucléaire à la guerre conventionnelle. Dans son « Histoire de la stratégie militaire soviétique », publiée en 2000, l’institut d’histoire militaire (russe) écrit à ce sujet : « L’Union soviétique a répondu par des recherches de nature similaire (pour créer un système de défense antimissile territorial à grande échelle), et pour développer des moyens et des méthodes efficaces pour garantir la destruction de la défense antimissile d’un ennemi potentiel. » Sa stratégie militaire est alors totalement subordonnée à sa réponse nucléaire, et le spatial ne fait pas exception.
Dans les réponses proposées, l’équivalence ne fait cependant pas l’unanimité auprès des scientifiques et des militaires. En effet, l’URSS ne peut se permettre d’apporter une réponse du même ordre. En effet, les budgets nationaux exorbitants dédiés à la défense et au secteur spatial plombent une économie soviétique déjà malade. Gorbatchev (1985-1991) arrive rapidement au pouvoir et arrête la surenchère aux armements de destruction massive, notamment en orbite.
Dans le rapport « Velikhov », publié en 1987, auquel participait Andreï Kokoshin [14], intitulé « Stabilisation stratégique dans les conditions de réduction radicale des armées nucléaires » cherche à expliciter l’hypothèse d’une « réponse asymétrique » [15] : « Un bref examen des mesures possibles pour neutraliser la suppression d’une défense antimissile à grande échelle avec des échelons d’armes de frappe déployées dans l’espace montre que la tâche de sa destruction complète est loin d’être nécessaire. Il suffit d’affaiblir une telle défense antimissile en touchant les éléments les plus vulnérables, de percer un trou dans cette prétendue défense pour que la force de frappe de représailles reste inacceptable pour l’agresseur » [16]. Dans un conflit opposant deux puissances aux moyens déséquilibrés, le belligérant qui est en infériorité matérielle cherche à infliger des dommages inacceptables à l’adversaire. Le ciblage des outils présents dans l’espace pourrait constituer une partie de la réponse.
Dans un contexte de crise, la réponse asymétrique semblait alors le meilleur moyen de ne pas perdre la face, et de continuer à utiliser le théâtre spatial.
Dans beaucoup de domaines, la chute de l’URSS (décembre 1991) conduit à l’arrêt ou à la mise en pause des programmes militaires. Dans les années 1990 et 2000, l’apparition d’opérations menées sur divers théâtres renouvelle la conception de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique. Même du côté des États-Unis, la bascule, à la fin de la Guerre froide, vers un usage de l’espace en appui des opérations, est difficile à mettre en œuvre [17]. Ce changement du stratégique à l’opératif est encore plus difficile à effectuer en Russie.
L’influence des conflits actuels pour l’établissement d’une nouvelle stratégie spatiale
De nombreuses études sont publiées dans les revues militaires spécialisées (revues de pensée stratégiques et de recherche), montrant la volonté de repenser la stratégie militaire et l’organisation des forces armées russes [18], au lendemain d’une Guerre froide qui mobilisait presque toutes les forces sur la question nucléaire. Beaucoup de retours d’expérience sont publiés sur d’anciens conflits (Finlande, « Grande guerre patriotique, etc.), et c’est encore le cas aujourd’hui. La Guerre froide étant finie, les militaires russes préfèrent revenir pour leurs armées à de vieux modèles d’armées, plus calqués sur les expériences de la Seconde Guerre mondiale.
Cependant, après la guerre du Golfe, et encore plus, sans doute, la guerre en ex-Yougoslavie, se pose plus précisément la question de l’intégration des systèmes spatiaux à la conduite des opérations, et de leur importance dans la boucle de décision. En effet, comme les autres pays du monde, la Russie peut observer dans les années 1990, l’utilisation, pour la première fois vraiment réfléchie et intégrée à une stratégie planifiée, des outils militaires spatiaux américains. L’enjeu est alors de comprendre si Moscou a pu en tirer divers enseignements en renouvelant sa stratégie, mais également adopter des orientations industrielles dans le domaine spatial.
La première guerre du Golfe, en 1991, est souvent qualifiée de première guerre spatiale. Les militaires russes soulignent l’emploi novateur des satellites dans la planification et la conduite des opérations, particulièrement en termes de reconnaissance.
Dans leur livre « L’espace militaire déclassifié » [19], M. Getman et A. Raskin détaillent l’utilisation américaine de l’espace dans les conflits des années quatre-vingt-dix, et y voient une réelle évolution. « L’utilisation de forces et d’installations spatiales dans des conditions de combat a prouvé qu’elles étaient prometteuses, définissant la direction à suivre pour améliorer encore la technologie spatiale et ses applications. À cet égard, la déclaration du Lt. Gen. Donald. L. Kromer, commandant de la direction des systèmes spatiaux pendant l’opération Tempête du Désert est assez révélatrice : ‘‘Cette opération a été la première guerre spatiale, la première guerre dans laquelle les systèmes spatiaux ont été directement utilisés par les commandants des unités de combat et ont fait partie intégrante de leur processus quotidien de prise de décision sur le champ de bataille’’ » [20]. En remplacement de l’ancienne direction des installations spatiales rattachée directement au ministère de la défense soviétique puis russe, est créée en 1992, la force spatiale militaire russe. Avant 1982, tous les départements spatiaux militaires étaient rattachés aux forces des missiles stratégiques. Tout porte alors à croire que la Russie va chercher, sur le modèle américain, à développer sa composante spatiale opérationnelle.
Quelques années après, la guerre dans les Balkans, et plus précisément l’opération américaine en 1999 au Kosovo, produit un effet sans doute encore plus important sur les chercheurs militaires russes, qui observent une organisation du spatial militaire beaucoup plus intégrée aux opérations. L’opération militaire au Kosovo est également source d’enseignements pour le renouvellement des capacités spatiales militaires russes [21]. De nombreuses études menées par des militaires russes analysent la mobilisation de satellites (nombreux), au début militaires, mais à la fin également civils, sur un théâtre donné, ou encore la possibilité de disposer rapidement d’images fiables, et parfois par tous les temps, avec l’apparition de moyens satellitaires radar. De plus, la création d’un commandement unifié, intègre réellement le spatial dans la boucle de décision. Il ne s’agit plus uniquement d’outils de reconnaissance, désormais, mais d’une utilisation systématisée des satellites dans le cadre précis de la conduite des opérations [22]. Le spatial devient partie intégrante de ce qui est appelé par les militaires russes la guerre « réseau-centrée » [23].
Pour de nombreux pays, les capacités spatiales militaires ne sont cependant un véritable atout que si elles sont utilisées en coalition. Pour couvrir une zone 24h/24 pendant le temps de l’intervention, de très nombreux moyens doivent être mobilisables, même pour une zone relativement petite. La Russie fait ainsi face à de grandes difficultés au niveau spatial, car elle ne peut que très difficilement espérer avoir les ressources nécessaires pour couvrir son immense territoire et en assurer la sécurité (surveillance, gestion des catastrophes naturelles), mais aussi offrir à tous ses habitants les services qui nécessitent l’usage de satellites.
Pourtant, en 2006, Vladimir Poutine décide d’augmenter considérablement le budget spatial militaire russe (dont les chiffres sont souvent inconnus, car distincts du programme Roscosmos), afin de reconstituer les constellations russes qui sont alors quasiment en totalité héritées de l’URSS. De même, les différentes doctrines militaires russes mentionnent [24] la nécessité de développer leurs outils spatiaux militaires. Les satellites sont sans doute utilisés dans les années qui suivent, au sein des opérations militaires russes. Certains articles, ou compte rendus ministériels, rapportent par exemple la manière dont les satellites de télécommunication se coordonnent avec les moyens terrestres pour améliorer la circulation de l’information, au moment où se déroule l’intervention russe en Géorgie (2008) [25]. Il n’y a cependant pas véritablement de retour d’expérience à ce sujet, ce qui laisse supposer que l’utilisation de l’espace comme outil est encore balbutiante en pratique. Pendant assez longtemps, cette priorité ne se reflète pas dans les discours du chef d’état-major, qui sont pourtant censées définir les orientations stratégiques des forces armées. Il y prête cependant attention en mars 2019, citant comme point de rupture le conflit syrien [26].
L’intervention des forces russes en Syrie en novembre 2015 intègre officiellement l’utilisation de l’espace-extra atmosphérique aux opérations. Le chef des armées russes, Guerassimov, évoque cette utilisation groupée de satellites de tous types, combinée aux moyens russes au sol, en mer et dans l’air [27], quelques jours après le début de l’intervention, le 17 novembre 2015.
Des images satellites sont publiées et commentées lors de conférences de presse par des officiers supérieurs des états-majors. Les forces armées russes souhaitent par cette première souligner leur savoir-faire, dans le domaine de l’appui au sol et plus largement en tant qu’outil de renseignement. Devant leur caractère indispensable, les moyens spatiaux adverses deviennent par ailleurs une cible : « À l’heure actuelle, presque tous les systèmes de communication par satellite nationaux ou internationaux commerciaux étrangers sont universels, peuvent être utilisés à des fins militaires et, par conséquent, à notre avis, devraient être considérés comme une cible potentielle pour perturber le contrôle des troupes et des armes au moyen de la guerre électronique. » [28] La guerre électronique est, en effet, le meilleur allié russe pour pallier leur retard sur le secteur spatial.
Le retour de la réponse asymétrique : la « guérilla spatiale » russe
La consécration des outils spatiaux dans les opérations aurait pu susciter, à la veille de l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir, une prise de conscience pour réorganiser, restructurer non seulement le fonctionnement de leurs forces spatiales, mais aussi leur stratégie et leur doctrine d’emploi. Mais alors qu’il y a mutualisation de nombreux moyens au sein des coalitions occidentales, la Russie fait plutôt cavalier seul dans le domaine spatial. Elle se retrouve ainsi en position d’asymétrie, et a de fait beaucoup plus de mal à utiliser ses outils militaires dans le cadre des opérations. Le colonel Raskin, docteur en sciences militaires, dans un article sur la guerre réseau-centrée, voit la situation ainsi : « Il convient d’opposer à la puissance technologique d’un adversaire potentiel des contre-mesures asymétriques, dont l’essence est de transférer la lutte armée dans des domaines où l’avantage technologique ne peut être pleinement utilisé. (…) Bien sûr, ces principes sont plus typiques de la conduite des hostilités par des formations armées irrégulières. Néanmoins, à notre avis, ils peuvent servir de base à des actions adéquates de nos troupes au cours d’opérations réseau-centrées de l’ennemi. » [29] Il est ainsi possible de considérer que depuis la chute de l’URSS, les forces armées russes, et plus spécialement ici les récentes VKS , tentent de mener sur ce front une « réponse asymétrique », au même sens que les scientifiques et militaires soviétiques la concevaient face à l’IDS.
La Russie a du mal à maintenir à flot ses constellations spatiales, notamment militaires. Certains domaines lui manquent (observation radar), d’autres sont insuffisants. Une utilisation, même sommaire de ces moyens peut être effectuée si besoin en opération (comme en Syrie). Le spatial militaire russe, malgré le sursaut effectué depuis début 2022, n’échappe pas à la critique de la stratégie russe en Ukraine. Il est probable que le nombre trop faible de satellites ait pesé pendant les premières heures du conflit. Les lacunes russes en termes de renseignement, mais aussi de communication au sein des troupes et auprès la hiérarchie, semblent le confirmer.
Il est intéressant, cependant, de noter, au milieu de cette crise de moyens, la persévérance de la Russie dans un domaine du spatial militaire : les manœuvres en orbite. Camouflées derrière des expérimentations scientifiques, elles permettent de déployer des quasi-« forces spéciales de l’espace », isolées, qui constituent pour tout satellite d’État adverse, une réelle menace. L’agilité de ces satellites est cependant toute relative, étant donné la difficulté technique de ce type de manœuvres. Avec un regain d’activité depuis 2013, des satellites militaires russes [30] changent d’orbite, approchent des satellites amis ou adverses pour les espionner, manœuvrent autour, lancent des projectiles, voire de vrais satellites directement en orbite. Nouveau fait de ce type : le 2 décembre 2022, Kosmos-2565, lui-même lancé l’avant-veille, place directement en orbite un « sub-satellite », appelé Kosmos-2566. Peut également être souligné le lancement entre août 2022 et octobre 2022 de trois satellites dits de « développement technique », terme officiel invoqué pour de nombreux satellites espions, dont ceux de la gamme Nivelir.
Les moyens russes étant inférieurs à ceux d’un adversaire plus ou moins désigné [31], ou du moins à la coalition si elle rassemble ses forces, il est nécessaire de la contester dans un autre domaine : l’espionnage, le brouillage, l’aveuglement, voire la destruction des moyens adverses. Les Russes disposent dans ce domaine d’une certaine avance, que ce soit par des moyens orbitaux ou déployés depuis le sol. Les manœuvres russes s’inscrivent dans la continuité à la fois d’une capacité technique acquise et consolidée depuis plusieurs décennies, mais aussi de la volonté d’investir l’espace, de s’y projeter ; c’est-à-dire d’y mener des actions de contestation et d’occupation. Ce pourrait être comparé à une forme de guérilla que les forces aérospatiales mèneraient pour occuper un théâtre, gagner du temps et redéfinir la course aux capacités spatiales.
Ces manœuvres sont moins spectaculaires, certes, que la capacité qu’ils détiennent également de détruire un satellite en orbite par ascension directe, comme le montre le tir du Nudol en novembre 2021. Il s’agit sans doute du pendant opérationnel ou tactique spatial, à cette capacité d’ordre plus stratégique.
La Russie ne cherche pas forcément à mettre au point une stratégie spatiale calquée sur un modèle occidental. Elle sait toutefois que cette dimension utilitaire est nécessaire, aussi elle y accorde des moyens. Pour que la Russie devienne réellement une puissance spatiale militaire de tout premier plan, il faudrait que la cadence des lancements satellitaires militaires continue au rythme de 2022, et ce malgré les sanctions économiques prises à l’encontre de la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014 et renforcées depuis 2022. Il faudrait encore que les objectifs de production de satellites civils et commerciaux annoncés (200 par an en 2023) soient réellement atteints. La rusticité des produits russes ne pourra pas toujours suffire compte tenu du niveau d’ambitions affiché, dans la mesure ou l’espace extra-atmosphérique est un milieu extrême, sans cesse en mouvement. La maîtrise de certaines techniques (mobilité, surveillance) est constamment remise en cause par l’évolution de ce milieu, surtout en orbite basse, avec un nombre toujours croissant, voire exponentiel, de débris. Ainsi, la stratégie spatiale militaire russe est celle d’une stratégie irrégulière. Les outils sont parfois inférieurs à ceux de l’adversaire, la Russie compose parfois avec à une flotte satellitaire insuffisante et compense à la fois dans certains domaines (missiles), mais encore plus par une occupation (et non la maîtrise) du terrain. Mais, pour ne pas être qu’un gain de temps, cette stratégie irrégulière doit s’accompagner d’une unification de ses forces et d’apports, voire de consolidation, au niveau du matériel et de son emploi.
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Publication initiale sur Diploweb 29 janvier 2023
[1] Le 4 novembre 1967, McNamara, secrétaire américain à la défense, déclare : « On peut penser que l’Union soviétique commencera à disposer d’un système d’armes orbitales opérationnelles en 1968. ». La série Totems, sortie en France en 2021 est à ce titre intéressante : en 1965, la mission principale de l’agent est de parvenir à obtenir des informations sur le lancement ou la mise en orbite déjà effective d’un missile nucléaire, ou la dissimulation de têtes nucléaires dans un objet spatial.
[2] Nikolaj P. Kamanin, Skrytyi Kosmos, 4 vol. (Moskva : Infortekst, 1999).
[3] Maréchal V.D. Sokolovsky, Stratégie militaire, 2e édition, révisée et augmentée, Moscou : Éditions militaires, 1963, 504 p. p. 253.
[4] Le 5 août 1963, ratifié le 10 octobre 1963. Il existe aussi la résolution 1884 de l’AGNU, lors de la 1244e séance plénière, le 17 octobre 1963, adoptée par l’URSS et les États-Unis.
[5] Maxim Tarasenko, Voennyie Aspekty sovetskoï kosmonavtiki (Aspects militaires de la cosmonautique soviétique), Agence de presse russe-TOO « Nikol », Science, 1992,
[6] Jacobsen, Carl G. « Les dépenses militaires soviétiques ou le fardeau de la défense soviétique ». Études internationales 17, no 3 (1986) : 535 48.
[7] Alexeï Shiro, « “Chiit-2” : raketnaya sistema dlia zaschity sovetskixh stantsii ot amerikanets (Chiit-2 : système de missile pour protéger les stations soviétiques des Américains) », WARCATS.RU, 25 avril 2021.
[8] « Voennyï kosmos. “Boevoï Almaz” (Cosmos militaire. Le guerrier Almaz) », Voennaya Priemka (Moskva, 18 avril 2021).
[9] En russe, le mot fusée (« raketa ») désigne à la fois une fusée et un missile.
[10] SHD, CERST 6378 23, II. Forces armées Bloc soviétique, 1. Apologie de la puissance militaire soviétique
[11] Orbitalnoï Golovnoï Chasti, ou FOBS (Fractional Orbital Bombardment System).
[12] A. G. Arbatov, A. A. Vassiliev, et E. P. Velikhov, Kosmicheskie oryzhie, dilemma bezopasnosti (les armes spatiales : dilemme de sécurité), Mir (Moskva, 1986).
[13] Discours de Ronald Reagan, 8 mars 1983, dit « sur l’Empire du Mal ».
[14] Homme politique et membre de l’Académie des sciences soviétiques puis russes. Il participe à la définition de la réponse asymétrique, au sein du Groupe Velikhov. Il exerce après la chute de l’Union soviétique, de nombreuses responsabilités scientifiques et politiques dans le domaine de la défense et de la recherche sur les missiles et la dissuasion nucléaire post-soviétique. Il est encore aujourd’hui très écouté sur ces questions.
[15] Sergeï Oznobichiev, Vassili Skokov, et Vsevolod Potapov, Kak gotovilsia « Asimetrichniy oboronnuyu initsiativu R. Reïgana » ? (Comment a été préparée la « réponse asymétrique » à l’IDS de Ronald Reagan ?), LEGAND, Institut d’évaluation stratégique (Moskva, 2008).
[16] A. A. Kokoshin et al., « Strategicheskaya stabilnost v usloviyakh radikalnykh sokrachenii yadernykh vooruzhenii (La stabilité stratégique face à des réductions radicales des armes nucléaires) » (Moscou : Nauka - ISKAN, 1987).
[17] Guilhem Penent, « L’Amérique en orbite ou l’anomalie de la sous-arsenalisation de l’espace depuis la fin de la Guerre froide : une analyse réaliste réflexive » (These de doctorat, Bordeaux, 2017),. Lire à ce sujet, p.173, « “Première tentative d’adaptation à l’après-Guerre froide, l’ère à laquelle [Xavier] Pasco se réfère en parlant d’espace “tactique” implique une rupture, dans la mesure où elle fait apparaître les insuffisances du seul modèle spatial “stratégique”, dont les liens avec le nucléaire contribuent en quelque sorte à étouffer le potentiel de l’espace” ».
[18] Lire à ce sujet les sommaires de la revue Voennaya Mysl, « Pensée militaire », pour l’année 1991, dans lesquels des dizaines d’articles sont consacrés au renouvellement de la doctrine, de la stratégie militaire russe, à la réorganisation des troupes, aux projets de C2 qui émergent sur le modèle américain, ou encore à l’analyse des opérations menées par les États-Unis, comme la première guerre du Golfe.
[19] M. Getman et A. Raskin, Voennyĭ kosmos : bez grifa « sekretno » (Moskva : Russkie Vitiazi, 2008).
[20] Page 159, Getman et Raskin. Citation issue du chapitre « Space Systems in the Persian Gulf War », p35. In. T.C. Hanley et al., Historical Overview : Space & Missile Systems Center, 1954-1995 (The Center, 1996),.
[21] Isabelle Facon et Isabelle Sourbès-Verger, « Le spatial russe : implications nationales et internationales d’une apparente remontée en puissance » (Recherches & Documents, Fondation pour la recherche stratégique (FRS), juin 2007), p.28
[22] Ivan M. Kapitanets, « Glava III. Vozduchno-kosmicheskovo-morskaya udarnaya operatsia v voine protiv Yugoslavii (24 marta-12 iunia 1999) (Chapitre III. Opération de frappe air-espace-mer dans la guerre contre la Yougoslavie (24 mars - 12 juin 1999)) », in Voina na more : aktualnye problemy razvitsia voenno-morskoi nauki (Moskva : Vagrius, 2001),.
[23] Concept de doctrine militaire qui apparaît à la fin du XXe et au début du XXIe siècle aux États-Unis pour décrire une nouvelle forme de guerre utilisant tous les réseaux disponibles, notamment pour le partage de l’information.
Voir Alain De Neve et Joseph Henrotin, « La Network-Centric Warfare : de son développement à Iraqi Freedom », Stratégique 86‑87, no 1‑2 (2006) : 51‑73.
[24] Doctrine militaire de 2010, et même formulation dans celle de 2014 : « déploiement et maintenance dans la zone spatiale stratégique de constellations orbitales d’engins spatiaux qui assurent les activités des forces armées de la Fédération de Russie ».
[25] Général de division V. F. Samokhine, Colonel (r) V. N. Lukyanchik, et Colonel O. K. Savitski, « Amélioration et développement du réseau de communication mobile des Forces armées de la Fédération de Russie », Voennaya Myls (« Pensée militaire ») - Revue de théorie militaire, Voennaya Mysl, no 9 (2008) : 31‑42.
[26] Valery Guerasimov, « Vektory razvitiya voennoï strategii (Vecteurs du développement de la stratégie militaire) », Krasnaya Zvezda (Red Star), 4 mars 2019,.
[27] Anatoly Zak, « Spooky world of military satellites - “Russia mobilizes satellites for Syrian campaign” », russianspaceweb.com, 1 août 2022,.
[28] Colonel (r) A. N. Sidorin et Lieutenant-colonel V. A. Talynkine, « Rol commersicheskikh sputnikovykh dostizhenii informatsionnovo prevoskhodstva i rechenii zadach upravleniya voiskami i oruzhiem (Le rôle des systèmes commerciaux de communication par satellite dans l’obtention de la supériorité de l’information et la résolution des problèmes de commandement et de contrôle des troupes et des armes) », Voennaya Myls (« Pensée militaire ») - Revue de théorie militaire, Voennaya Mysl, no 10 (5 octobre 2016) : 65‑70.
[29] Colonel A.V. Raskin et Colonel V. S. Peliak, « Setetsenticheskaya voïna - voïna informatsionnoï sivilizatsii (Guerre réseaucentrique - guerre de la civilisation de l’information) », Voennaya Myls (« Pensée militaire ») - Revue de théorie militaire, Voennaya Mysl, no 4 (2008) : 78‑80.
[30] Ou même civil de prime abord, comme en témoignent les manœuvres de Louch Olymp, qui était au départ rattaché à la gamme de communication Louch.
[31] Guerasimov, « Vektory razvitiya voennoï strategii (Vecteurs du développement de la stratégie militaire) ». « Récemment, le Pentagone a annoncé à plusieurs reprises son intention d’utiliser l’espace extra-atmosphérique à des fins militaires. (…) À terme, toutes ces actions peuvent conduire à une forte aggravation de la situation militaro-politique, à l’émergence de menaces militaires, auxquelles il faudra répondre par des mesures en miroir et asymétriques. »
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