Pourquoi faut-il un Conseil de sécurité nationale à la française ? Entretien avec J. Guiffard

Par Jonathan GUIFFARD, Pierre VERLUISE, le 5 mars 2025  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Jonathan Guiffard. Institut Montaigne, Expert Associé - Défense et Afrique
Diplômé de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence (2005-2010), Jonathan Guiffard est expert associé à l’Institut Montaigne et chercheur à l’Institut Français de Géopolitique. Il est spécialisé sur la géopolitique et les questions stratégiques, plus particulièrement sur le contre-terrorisme, le cyber et les enjeux africains.
Il a travaillé 12 ans dans des ministères régaliens (premier ministre, affaires étrangères, armées...) sur les zones de crises et a développé une connaissance approfondie des enjeux diplomatiques, des conflits armés asymétriques et des stratégies mises en œuvre par les États et leurs adversaires. Il est plus particulièrement spécialisé sur le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, la crise syrienne et le Moyen-Orient, mais aussi la Turquie, espaces et pays dans lesquels il s’est rendu à de nombreuses reprises.
À partir de septembre 2022, Jonathan Guiffard entame des travaux universitaires sur les stratégies territoriales américaines dans le cyberespace.

Propos recueillis par Pierre Verluise, Docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb.com.

Dans un conteste stratégique pour le moins bousculé, il importe d’être à niveau. Comment évaluer l’existant en matière de pilotage de la politique étrangère de la défense nationale ? Comment l’améliorer ? Quelles propositions sont sur la table ?

J. Guiffard, vient de rédiger une brillante étude qui tombe à point nommé : « Pour une administration stratégique de notre sécurité nationale », Institut Montaigne, Note d’action, janvier 2025, 108 p. Il répond aux questions de Pierre Verluise pour Diploweb.com quelques heures avant une prise de parole du Président de la République à propos de la nouvelle configuration stratégique en Europe et dans le monde.

Pierre Verluise (P. V.) : Pourquoi la France doit-elle se donner les moyens de faire évoluer le pilotage stratégique de sa politique étrangère et de défense nationale ? En quoi notre système est-il « mal dimensionné et à bout de souffle » ? Quelles sont les mutations qui mettent à l’épreuve l’existant ? Pourquoi écrivez-vous « Si le système français de politique étrangère et de défense nationale reste un excellent système de gestion de crise, il ne sait toutefois plus anticiper les éléments d’ordre stratégique » ?

Jonathan Guiffard (J. G. ) : Le système de pilotage stratégique de la politique étrangère et de défense nationale de la France est l’héritier des fondations de la Ve République : il est dirigé par le Président de la République, dans un domaine réservé pas toujours clarifié ; il est animé par le Gouvernement, et plus spécifiquement les ministères des Affaires Etrangères et des Armées, mais aussi sous l’égide du Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) ; et cet ensemble est soumis au tempo des Conseil de Défense et de Sécurité Nationale (CDSN), une réunion régulière qui fixe les grands axes.

Cet édifice est expérimenté, rôdé et doté de cadres compétents, loyaux et réactifs. A ce titre, il constitue un excellent système de gestion de crises, car les décisions peuvent être prises rapidement et le suivi du quotidien est mené avec efficacité.

Mais, cette architecture est aujourd’hui fortement mise en difficultés par deux changements structurels :

1.la géopolitique mondiale qui entraîne un accroissement significatif des crises et des conflits, en cours et à venir, superposant aux menaces transnationales, le retour des appétits impériaux et de la confrontation des modèles politiques ;

2. en conséquence, l’accélération du nombre de CDSN [1], avec une pratique présidentielle passée de l’impulsion au pilotage. L’ensemble des sujets prioritaires fait l’objet de consultations et de décisions rythmées.

Or, ces deux changements, profonds et amenés à durer, mettent en lumière les faiblesses de ce système de gestion de crises : difficultés à suivre et agir sur plusieurs « crises » en même temps (Afrique de l’Ouest, Ukraine, Proche-Orient, Mer de Chine…) ; ressources restreintes dédiées au suivi stratégique, que ce soit à l’Elysée, à Matignon ou dans les ministères ; embolie des chaînes hiérarchiques ; conception des stratégies à des niveaux inadéquats ; difficultés à mettre en œuvre les décisions présidentielles dans la durée et à les suivre ; compilation des propositions en silo, à défaut de constructions de véritables options consensuelles et chiffrées ; cécité prospective et enjeux à anticiper les actions et intentions de nos adversaires et alliés…

Pour cette raison, il convient de faire évoluer nos institutions pour limiter l’usure et retrouver des marges de manœuvre et d’initiative. Il convient aussi de construire une capacité de compréhension et d’anticipation, en associant étroitement le processus de décision aux travaux de la recherche, seule à même de proposer des outils de compréhension des dynamiques en cours et à venir dans les différentes zones du monde.

Pourquoi faut-il un Conseil de sécurité nationale à la française ? Entretien avec J. Guiffard
Pour une administration stratégique de notre sécurité nationale
Jonathan Guiffard, « Pour une administration stratégique de notre sécurité nationale », Institut Montaigne, Note d’action, janvier 2025, 108 p
Institut Montaigne

P. V. : Comment pourrait-on renouveler le pilotage stratégique en France ? Qu’apporterait un Conseil de sécurité nationale (CSN) ? Quelles seraient les conditions cognitives à l’instauration d’un « conseil de sécurité nationale à la française » ? Quels seraient les enjeux d’un CSN français ?

J. G. : Pour identifier des solutions aux différents constats qui ont émergé lors de cette étude, nous avons effectué une revue détaillée des modèles étrangers des National Security Council, mis en œuvre dans d’autres démocraties, notamment aux Etats-Unis (au cœur de mes recherches universitaires), au Royaume-Uni, en Israël et à Taiwan. Ce parangonnage nous a semblé d’autant plus pertinent que ce modèle séduit en Europe : le Royaume-Uni l’a mis en œuvre en 2010, la Suède en 2022 et l’Allemagne pourrait y venir bientôt, le nouveau chancelier Merz ayant proposé sa mise en place lors de sa campagne.

Ces modèles sont différents au sein de chacun de ces pays, ce qui implique donc qu’il n’y a aucune nécessité de les copier/coller pour la France. Force est de constater, toutefois, qu’ils proposent des modèles d’organisation utiles pour dépasser les difficultés françaises, tout ou partie pouvant servir d’inspiration.

Le modèle NSC propose plusieurs pistes utiles et révèle, en creux, que notre architecture institutionnelle n’est pas aboutie. On pourrait plaider que le CDSN est l’équivalent du NSC de nos alliés, ce qui est vrai pour sa partie « réunion de haut-niveau ». En revanche, on oublie que le NSC est aussi une administration servant de support et de secrétariat à ces réunions de haut-niveau qui réunissent le Président, le Gouvernement et les haut-fonctionnaires jugés pertinents (chef d’état-major des Armées ou Directeur général de la sécurité extérieure, par exemple). Aujourd’hui, ce rôle de secrétariat est joué par le SGDSN, une institution de Matignon et non de l’Elysée, avec un différentiel significatif de personnel avec les modèles étrangers : 3 conseillers dédiés au SGDSN qui travaillent avec quelques conseillers à l’Elysée, contre 350 personnes aux Etats-Unis ou même 200 personnes au Royaume-Uni pour un pays qui nous ressemble.

Ainsi, quand on regarde de près le modèle NSC, on y trouve des pistes intéressantes :

. une seule tête hiérarchique qui dispose de la double fonction de conseiller proche du chef de l’exécutif et d’animateur des processus du NSC (en France, nous avons au moins 4 têtes différentes) ;

. un secrétariat en mesure de préparer des options stratégiques, construites, chiffrées et proposant des objectifs atteignables. Des processus clairs (3 niveaux de réunion) permettent d’animer la construction de ces options, tout en s’assurant qu’elle s’inscrive dans l’agenda politique de l’exécutif ;

. des ressources suffisantes pour animer ces processus de préparation, mais aussi pour suivre la bonne application des décisions dans la durée. Le pilotage stratégique implique un suivi de décisions sur plusieurs mois et années, ce qui est antithétique avec les tempos actuels de suivi du quotidien ;

. une intégration par sujets plutôt que par métiers. Il n’y a pas une chaîne fonctionnelle « militaire », une chaîne fonctionnelle « diplomates » et une chaîne fonctionnelle « renseignement », mais des directeurs et adjoints chargés de dossiers géographiques (Chine, Iran, Russie, etc.) et thématiques (Terrorisme, Prolifération, Cyber, etc.). Ceux-ci dépassent aussi les sujets « classiques » pour intégrer les enjeux de sécurité nationale au sens large, et notamment la compétition technologique et scientifique (IA, quantique, etc.) ou les risques systémiques (réchauffement climatique, pandémie, etc.). Une intégration plus large des sujets, portés par des profils diverses (diplomates, militaires, officiers de renseignements, scientifiques, économistes et personnels de Bercy, chercheurs…), mais une priorisation claire des sujets de compétence du NSC (qui ne recouvre pas 100% des sujets du gouvernement).

Ce modèle présente aussi des limites ou des risques que nous soulignons pour qu’ils soient pris en compte dans une réforme. En effet, son positionnement politique ne doit souffrir aucune ambiguïté et la taille de cette entité compte fortement : si elle est trop petite (comme c’est le cas des ressources françaises actuelles), elle ne peut pas animer ces processus, et si elle est trop grande, elle risque d’écraser les administrations. La voie vertueuse est de permettre aux administrations de retrouver leurs marges de manœuvres pour agir, mener les politiques publiques et appliquer les décisions, lorsque celles du CSN sont d’assurer le pilotage. Deux missions très différentes. Enfin, cette entité doit rendre compte au Parlement des choix et stratégies de politique étrangère et de sécurité nationale portée par l’exécutif.

Les barrières cognitives anciennes me semblent aujourd’hui dépassée : en effet, ce sujet est apparu plusieurs fois, sous une forme ou une autre, dans le passé. Chaque fois, le sujet n’était jamais accompagné de propositions opérationnelles, utiles aux premiers concernés : l’exécutif et les administrations. Les freins de la compétition administrative étaient aussi pleinement activés. Aujourd’hui, le constat est consensuel : la situation internationale est de plus en plus volatile, conflictuelle et difficile à naviguer, usant d’autant les institutions. Une réforme est nécessaire et c’est pourquoi nous proposons des pistes, via 3 scénarios et des idées concrètes pour organiser ces processus.

P. V. : Effectivement, vous faites plusieurs propositions, sous forme de scénarios. Option la plus économie, le scénario 1 serait une nouvelle sous-direction dédiée au SGDSN. Pour le prix d’un appartement parisien, comment imaginez-vous ce projet a minima ?

J. G. : L’option 1 est une proposition qui vise, à minima, à répondre au problème du nombre de ressources dédiées au secrétariat des CDSN. Actuellement, le SGDSN assure un rôle de secrétariat et d’animateur de la préparation interministérielle. Concrètement, il organise les dossiers de préparation des conseils avec les contributions des administrations. Pour passer à un rôle d’intégrateur en charge d’animer des processus continus de construction des options sur tous les grands sujets, sans attendre la tenue d’un CDSN spécifique, le SGDSN a besoin au minimum d’une sous-direction dédiée avec un poids politique renforcé. Celui-ci est en mesure de se renforcer en faisant du Secrétaire Général lui-même, un conseiller direct du Président de la République, ce qu’il n’est pas aujourd’hui en raison de la dyarchie PR/PM sur laquelle je reviens longuement dans la note. La chercheuse américaine, Amy Zegart, avait bien noté que le NSC américain avait pris un rôle particulièrement positif, dès qu’il avait été dirigé par un conseiller proche du président, en mesure de traduire l’agenda politique en décisions administratives et vice-versa.

Cette option est jugée la plus simple à mettre en œuvre mais la moins ambitieuse, car elle ne répond pas à tous les constats soulevés par la note. Elle permet de mettre de l’huile dans les rouages et d’institutionnaliser le changement de pratique présidentielle, mais elle ne répond pas à la distance politique qui existera encore entre le Président et cette sous-direction du SGDSN, ni aux enjeux de coordination avec les autres entités élyséennes, ni à la capacité du SGDSN à peser sur les administrations… De plus, le SGDSN est une administration dont la très grande majorité des missions est d’animer un dialogue interministériel très opérationnel, orienté vers le territoire national : ce n’est pas un organe politique lié au mandat présidentiel.

P. V. : Deuxième scénario, avec une enveloppe de 50 millions d’euros, un Conseil de sécurité nationale modeste à l’Élysée. Comment serait conçu ce modèle ? Quels sont ses avantages et risques ? Quel tempo ?

J. G. : Le deuxième scénario est une première proposition de changement structurel, mais qui pourrait être mis en œuvre relativement rapidement. Il s’agit de dériver un Conseil de Sécurité Nationale (CSN) de taille modeste (entre 30 et 50 personnes) de l’actuelle cellule diplomatique du président de la République.

La cellule diplomatique est, dès à présent, organisée autour d’objets géographiques et thématiques et nous pointons, dans la note, l’absurdité de distinguer la politique étrangère (des diplomates) des affaires de défense nationale (des militaires). Pour ces deux raisons, il nous semble pertinent de dériver cette structure de la cellule diplomatique qui doit devenir plus grande et plus robuste, en intégrant des profils de bon niveau d’origine diverse et assurant le pilotage des processus de préparation et de suivi des CDSN. Dans la note, nous proposons aussi une clarification des processus de préparation et de suivi.

Pour qu’un tel scénario fonctionne, il est nécessaire de :

. réaffirmer le primus interpares du conseiller diplomatique, voire de lui changer de nom pour en faire le responsable de la politique étrangère et de sécurité nationale ;

. d’étendre les sujets suivis par ce CSN, notamment les sujets stratégiques et technologiques ;

. de dessaisir l’état-major particulier (EMP) et le SGDSN de la préparation des CDSN, tout en réaffirmant leur rôle respectif dans l’architecture institutionnelle. L’EMP est un rouage déterminant dans le suivi de la planification et des opérations militaires par le président de la République, ainsi que dans le dialogue opérationnel fluide avec les hautes-autorités militaires (notamment pour la dissuasion nucléaire) ;

. de formaliser des processus de construction des options, intégrant tous les acteurs gouvernementaux pertinents et représentés au niveau directeur, ainsi que des processus formalisés de suivi des décisions ;

. d’intégrer des profils variés, basés sur leur expertise et non sur leur corps de métier. La sécurité nationale n’est plus seulement l’affaire des diplomates ou des militaires, mais aussi des services de renseignement, des personnels de Bercy et des chercheurs ;

. de positionner le CNRLT comme un organe de diffusion du renseignement vers ce CSN et de suivi des opérations de renseignement qui découlent des décisions prises par le président de la République ;

. d’intégrer la recherche stratégique interne (DGRIS, CAPS) et externe (centres de recherche universitaires, think-tanks) dans ces processus de préparation et de réflexion.

Le budget d’une telle transformation est minimal, dès lors que, comme aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, ces nouveaux personnels sont essentiellement mis à disposition par leurs administrations d’origine. L’intégration de personnels externes (experts particuliers) peut rajouter un surcoût négligeable. En revanche, nous proposons d’établir au moins 3 fonds de 15 millions d’euros dans les ministères de l’économie, des affaires étrangères et de la défense, qui doivent permettre de financer certaines décisions prises en CDSN. L’idée de ces fonds d’amorce est de permettre de chiffrer en amont et d’enclencher rapidement à la suite de décisions présidentielles, avant une intégration l’année suivante des nouveaux coûts (si ceux-ci ne sont pas ponctuels). Ces fonds sont soumis au contrôle du Parlement et de la Cour des comptes.

P. V. : Troisième scénario, une nouvelle administration, le véritable CSN. Avec une facture à 100 millions d’euros.

J. G. : Le troisième scénario est le plus ambitieux dès lors qu’il propose de poursuivre la logique du second scénario en établissant d’emblée une administration nouvelle, intégrant par exemple d’anciennes structures comme l’EMP, la cellule diplomatique ou le CNRLT. Il s’agit de s’inspirer des modèles étrangers pour construire une nouvelle entité avec un poids politique et institutionnel fort, dotés de finances propres, intégrant un nombre plus important de personnels de divers horizons.

S’il poursuit la logique du second scénario, le véritable CSN change d’échelle, ce qui impliquerait un travail fin de préfiguration pour lui donner tout son poids, tout en évitant les risques et écueils évoqués plus haut. Une centaine de personnels impliquerait une définition claire des priorités suivis et des processus, pour ne pas se substituer aux administrations ou les micromanager. A l’image du Royaume-Uni, il permettrait aussi de pousser plus loin la logique de séparation de trois fonctions essentielles : la décision stratégique et l’analyse stratégique, au sein d’un NSC mais séparée en deux entités distinctes pour ne pas s’influencer, d’une part ; la réalisation opérationnelle par les administrations, sous contrôle du Gouvernement, d’autre part.

Ce troisième scénario est susceptible de donner les ressources suffisantes pour assurer un pilotage optimal, construire des stratégies de long-terme et retrouver des marges d’initiative sur les différents enjeux. Il doit permettre aussi d’assurer une permanence plus forte des stratégies de long-terme, notamment dans les domaines technologiques (quantique, IA, spatial…). Enfin, une administration à part-entière pourrait assurer rendre des comptes de manière plus régulière et transparente au Parlement et aux citoyens, tout en offrant à l’exécutif un échelon supplémentaire de promotion des décisions de politique étrangère (notamment à l’étranger).

P. V. : Depuis la mise à disposition de votre note, quelles ont été les réactions du monde politique et du monde des experts ? Depuis mi-février 2025 (conférence de Munich), le repositionnement des Etats-Unis joue-t-il en faveur ou contre votre proposition ?

J. G. : La note a été très bien reçue. Le constat est largement partagé et consensuel, et les retours ont été positifs. Le monde a changé, les institutions doivent suivre. Le sujet a parfois été présenté comme un serpent de mer, dans le passé. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et il y a urgence pour agir. Les experts font un retour très positif, ce qui est rassurant, et le monde politique s’y intéresse, en raison du contexte. Il y a un déficit de culture stratégique et géopolitique dans notre classe politique et notre société en général, que nous soulignons dans la note : l’autonomisation progressive de nos sociétés européennes et le retour de la guerre doivent progressivement nous amener à une amélioration collective, raison pour laquelle l’étude semble intéresser plus largement.

Il s’agit désormais de voir comment opérer ces changements, choisir de poursuivre un des scénarios proposés ou d’en hybrider un avec les propres contraintes de l’exécutif. Un facteur défavorable : le contexte politique français est actuellement instable et se met doucement sur la voie des élections présidentielles de 2027, ce qui a tendance à freiner les opportunités de réforme. Mais il y a urgence : deux années avec les mêmes blocages risquent d’être encore très longues dans un contexte géopolitique mouvementé. A l’inverse, un contexte très favorable : l’UE se réveille doucement face à la menace que font porter les autoritarismes sur notre modèle démocratique. Le président de la République s’implique fortement dans cette évolution stratégique, ce qui ouvre des opportunités pour fourbir nos armes stratégiques.

J’ai, en effet, eu le plaisir de voir que la sortie de la note a eu lieu le même jour que les premières annonces du président de la République pour proposer un sursaut dans la défense du pays et de l’UE. Les lignes bougent. La trajectoire budgétaire va sûrement évoluer. Des idées reçues sont en train d’être dynamitées, comme le non-partage de la dissuasion nucléaire française. La mobilisation de l’industrie et de la société va aller en grandissant pour faire face aux agressions des autocraties contre nos sociétés qui datent déjà depuis au moins deux décennies. Dans ce contexte, la revue de notre pilotage stratégique et la mise en œuvre d’un CSN pour retrouver l’initiative et fluidifier un pilotage dans la durée me semblent tomber à point nommé.

Le contexte américain joue aussi pleinement en faveur de notre proposition. La France ne peut plus se permettre d’opérer comme un « passager clandestin stratégique » en bénéficiant d’une alliance atlantique (OTAN) sous leadership et pilotage américain, tout en se concentrant sur quelques-uns de ses intérêts propres dans son ancien empire. Le nouveau contexte appelle à se prendre en main, en France comme dans l’UE. Le CSN est le parfait outil pour passer de la crise au temps long, du coup politique à la stratégie, c’est-à-dire pour s’autonomiser, de concert avec nos alliés européens.


Plus :

. Jonathan Guiffard, « Pour une administration stratégique de notre sécurité nationale », Institut Montaigne, Note d’action, janvier 2025, 108 p.


Pour ne rien rater de nos nouvelles publications, abonnez-vous à la Lettre du Diploweb !

[1Cf. ci-dessus : Conseil de Défense et de Sécurité Nationale

Diploweb est sur Tipeee
Vous aussi soyez acteur du Diploweb ! Soutenez-nous via notre page tipeee.com/Diploweb
Les livres de Diploweb sont sur Amazon
des références disponibles via Amazon sous deux formats, Kindle et papier broché

DIPLOWEB.COM - Premier site géopolitique francophone

SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.

Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site

© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés

| Dernière mise à jour le mercredi 5 mars 2025 |