Cette émission, Quels sont les dilemmes géopolitiques de l’Iran ? Avec P. Razoux, sur RND

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Synthèse de cette émission, Quels sont les dilemmes géopolitiques de l’Iran ? Avec P. Razoux, rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com

L’IRAN, pays au carrefour de l’histoire et des civilisations, est confronté à des dilemmes géopolitiques profonds et persistants. Héritier de l’empire perse, ce pays doit jongler entre ses ambitions économiques, ses tensions internes, et ses relations internationales. Aujourd’hui, l’Iran navigue dans un contexte international incertain, marqué par des sanctions, des rivalités avec des puissances comme Israël, les États-Unis, la Russie et la Chine, et des pressions internes croissantes pour plus de réformes. À la croisée des chemins, les choix que fera son gouvernement influenceront non seulement sa survie politique, mais aussi son rôle sur la scène internationale.

L’Iran, une société méconnue

Contrairement à une idée reçue, l’Iran ne peut être simplement assimilé à ses voisins turcs ou arabes. La société iranienne est plus complexe et avancée que beaucoup ne l’imaginent. Elle se distingue par une culture riche, un système éducatif performant et une économie où les femmes jouent un rôle important, notamment pour le monde universitaire. L’Iran forme davantage d’ingénieurs que l’ensemble du monde arabe, reflétant une volonté de maintenir une excellence scientifique. Avec près de 90 millions d’habitants, incluant une population immigrée afghane, le pays possède une structure sociale dynamique malgré les tensions qui le traversent.

Les héritages historiques

L’Iran porte le poids de son passé impérial et de ses nombreuses confrontations avec d’autres empires, notamment les Ottomans, les Mongols, les Russes, sans oublier les ambitions britanniques et américaines. Cette histoire a forgé une identité géopolitique unique et une méfiance vis-à-vis de ses voisins. Cependant, cette même histoire lui impose aussi des défis diplomatiques majeurs, l’obligeant à maintenir un équilibre fragile entre alliances stratégiques et protection de sa souveraineté.

L’impact de Massoud Pezechkian

L’élection du président Massoud Pezechkian en juillet 2024 marque un tournant dans la politique iranienne. Son agenda réformiste, allié à des conservateurs pragmatiques, reflète une volonté d’affronter les défis économiques, sociaux et environnementaux. Ce partenariat avec le président du Parlement, face aux ultra-conservateurs, témoigne d’une stratégie politique orientée vers des réformes internes nécessaires. Cette coalition entre modérés et conservateurs pragmatiques bénéficie de l’appui du guide suprême, renforçant ainsi son pouvoir face aux radicaux.

Tensions sociales persistantes

La société iranienne est traversée par de profondes divisions. Les habitants des grandes villes, notamment la jeunesse urbaine, aspirent à plus de libertés et sont souvent tentés de partir étudier ou vivre à l’étranger. D’un autre côté, une large part de la population attend des réformes sans se risquer à défier ouvertement le régime. Ce dernier, conscient de la méfiance qui l’entoure, s’appuie encore sur un appareil sécuritaire puissant pour maintenir l’ordre, bien que de plus en plus contesté.

Les enjeux internationaux

Sur la scène internationale, l’Iran cherche à éviter des confrontations directes avec Israël ou les États-Unis, tout en tentant de restaurer une posture dissuasive. Pour sortir de l’impasse des sanctions internationales, Téhéran s’appuie sur des alliances avec des organisations comme les BRICS+ ou l’Organisation de coopération de Shanghai, tout en explorant des alternatives économiques en Asie, au Moyen-Orient, et en Afrique. Toutefois, ces ambitions sont limitées par la fragilité de son économie, notamment en raison des difficultés à exploiter ses ressources énergétiques.

L’Iran et ses alliances fluctuantes

L’Iran est souvent perçu comme faisant partie du bloc eurasiatique, aux côtés de la Chine, de la Russie, et des pays d’Asie centrale, jusqu’au Pakistan. Cependant, ses relations avec ces puissances sont complexes et ambivalentes. Avec la Russie, par exemple, l’Iran est à la fois un partenaire et un rival. En Syrie, bien que les deux pays aient collaboré pour sauver le régime de Bachar el-Assad, leurs intérêts divergent profondément. Jusqu’à l’invasion de l’Ukraine, Moscou considérait Téhéran avec un sentiment de supériorité marqué, une perception qui a longtemps irrité les Iraniens, peu enclins à apprécier l’hégémonie russe.
La guerre en Ukraine a toutefois changé la dynamique. La Russie, désormais en quête d’armement pour soutenir son effort militaire, s’est tournée vers l’Iran, qui dispose d’un stock considérable de missiles et de drones inutilisés. Cette coopération militaire a contribué à rééquilibrer les relations entre les deux pays, avec un partenariat plus équilibré et pragmatique.

Quant à la Chine, la relation est encore plus nuancée. Pékin arrive en Iran avec peu d’historique d’influence directe, mais avec une ambition économique claire. Les Iraniens, de leur côté, cherchent à attirer les capitaux chinois pour compenser les effets des sanctions internationales tout en restant prudents face à une dépendance potentielle. Pour Téhéran, le maître-mot reste la souveraineté et l’indépendance, des principes essentiels qui guident sa politique étrangère.

Conflit avec Israël : une stratégie changeante

La confrontation entre l’Iran et Israël s’est profondément transformée au fil des ans. Initialement, la stratégie iranienne s’appuyait sur des actions clandestines, telles que des attentats ou des tentatives d’assassinats, dans une guerre de l’ombre. De manière plus visible, Téhéran a longtemps utilisé ses proxys régionaux pour affaiblir Israël, en particulier le Hezbollah au Liban, ainsi que les milices chiites en Syrie et en Irak.

Toutefois, le contexte a radicalement changé après l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. Cet événement a placé l’Iran dans une position complexe. Israël a non seulement réduit la capacité militaire du Hamas, mais a également affaibli le Hezbollah et les autres milices chiites. Désormais, l’Iran se retrouve en première ligne. Il doit maintenir son rôle de chef de file dans la résistance contre Israël, sans pour autant provoquer une escalade incontrôlable qui pourrait se retourner contre lui.

Le programme nucléaire iranien

Le programme nucléaire est un pilier central de la stratégie de dissuasion de l’Iran. Depuis la signature de l’accord sur le nucléaire en 2015, Téhéran a cherché à jouer sur la ligne de l’équilibre, maintenant ses ambitions nucléaires tout en évitant une rupture totale avec la communauté internationale. Toutefois, à l’approche de l’échéance de cet accord, l’Iran a réitéré son désir de négocier avec les États-Unis et d’autres puissances mondiales pour un nouvel arrangement.

Téhéran souhaite éviter une confrontation directe qui entraînerait une réactivation des sanctions et une dégradation de sa position internationale. Cependant, certains experts estiment que l’Iran a déjà pris la décision de quitter le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. En effet, en cas de refus des États-Unis de réengager des discussions sur le programme nucléaire, l’Iran pourrait restaurer sa pleine capacité nucléaire et sa position dissuasive. Le retrait de l’accord permettrait à Téhéran d’accroître la pression sur la scène internationale, tout en renforçant ses leviers dans ses relations avec Israël et ses autres voisins. Quoi qu’il en soit, le programme nucléaire iranien reste une carte maîtresse dans les négociations géopolitiques du pays.

Copyright pour la synthèse Octobre 2024-Septembre-Bourgoin/Diploweb.com

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