Paris : Lignes de Repères, 2005.
Réfugiés climatiques, fonte de la banquise polaire, atteintes à la biodiversité, nouveaux risques épidémiques, guerres de l’eau et pénuries agricoles : tous ces phénomènes sont liés à la menace globale que constitue le réchauffement climatique.
Le réchauffement climatique global représente un défi politique stratégique et sécuritaire majeur pour les années qui viennent, en raison de sa rapidité, de son ampleur et de sa complexité. Radicalement nouveau dans l’expérience humaine, il impose de nouveaux comportements à l’échelle mondiale et provoque déjà des bouleversements géopolitiques de grande ampleur.
Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, le site www.diploweb.com vous présente en exclusivité sur Internet un extrait d’un livre de Jean-Michel Valantin publié en juillet 2005 par les éditions Lignes de Repères dans la collection Diplomatie Magazine. Pour en savoir plus, consultez le dossier de cet ouvrage et suivez son actualisation sur : www.lignes-de-reperes.com
1. L’extrait
DANS SON LIVRE, The Next World War, Roy Woodbridge développe une thèse qui mérite considération. Selon lui, le déclin écologique rapide que connaît la planète en raison du développement humain, en particulier ses formes très déséquilibrées, va induire, dans les cinquante ans qui viennent, une dégradation des capacités d’approvisionnement en nourriture et en eau, portées à leur paroxysme par les changements climatiques. Les prochaines grandes conflagrations risquent fort, selon lui, d’être déclenchées par cette concurrence pour l’accès aux ressources vitales. Face à ce futur difficile, il propose que la communauté internationale entre littéralement en guerre, de manière unifiée et coordonnée, contre la dégradation environnementale. Dans le même mouvement doivent être créées des institutions internationales fortes de réels pouvoirs de décision, de manière à arbitrer le partage des ressources vitales à l’échelle globale. De cette seule façon sera gagnée, selon cet auteur, la “guerre” contre la crise globale des approvisionnements.
Ce livre formidablement bien informé et documenté s’inscrit dans la tradition anglo-saxonne de la mobilisation collective et de la prévention de crises et de conflits. Dans son livre, Introduction au siècle des menaces, Jacques Blamont, un des plus grands esprits français actuels, ne fait pas preuve de cet optimisme face à la catastrophe en cours. Son diagnostic est le même que celui de Roy Woodbridge, mais il y ajoute d’emblée une vision stratégique, en distinguant bien le devenir historique des Etats et des nations qui ont accès au développement technologique, et ceux qui tentent d’entrer dans cette dynamique. La compétition entre les riches et les pauvres se radicalise du fait des nouveaux moyens d’affrontement, dans un monde qui connaît un effondrement environnemental ultrarapide, qui mène l’humanité dans sa forme actuelle à sa perte, même si c’est à des rythmes différenciés. Mais selon lui, l’équation entre la croissance démographique mondiale, la consommation d’énergies fossiles, l’intensification de l’effet de serre et l’écroulement des écosystèmes ne trouvera pas de solution humaine.
Enfin, les multiples rapports et travaux de synthèse sur le réchauffement global, sur l’état de la biodiversité, la démographie mondiale, et les courbes de la pollution, sont traversés par l’angoisse profonde qui saisit la communauté scientifique depuis quelques années, après avoir été l’apanage de quelques “pionniers” entre les années soixante et quatre-vingt. Le consensus scientifique autour de la gravité de la crise qui voit entrer en synergie l’intensification de l’effet de serre et la “sixième extinction” est établi, et ses remises en question ne proviennent pas de la communauté des chercheurs en climatologie.
Cette évolution globale pose la question du devenir de l’humanité aux instances politiques comme jamais. La politique est à la fois l’art et l’ensemble des techniques d’organisation de la communauté humaine. Le fondement de la légitimité politique repose la protection du collectif social. Aujourd’hui, l’organisation de l’humanité est en danger à l’horizon de quelques dizaines d’années.
Les personnels dirigeants, responsables des décisions politiques, économiques, militaires, au sein des Etats, des entreprises et des organisations internationales, sont officiellement en charge du futur. Mais les décisions qu’ils prennent et font (éventuellement) appliquer sont prises en fonction d’une expérience et d’un savoir issu du passé, et d’une conception préexistante du futur.
L’actuelle crise du futur pose un grave problème d’appréhension aux systèmes cognitifs des secteurs décisionnels : elle n’entre pas dans les catégories de l’expérience passée, ou des schémas habituels de prévision. De plus, elle ressemble à ce que de nombreux auteurs de science-fiction ont imaginé dans les années soixante-dix et quatre-vingt, en extrapolant à partir des tendances lourdes qu’ils avaient détectées, mais qu’en tant que “travailleurs de l’imaginaire”, ils avaient le droit de traiter. Que des auteurs de science-fiction aient prévu ce qui apparaît comme indubitable aujourd’hui n’en est que plus disqualifiant pour ceux qui ne prennent pas au sérieux les menaces en cours de réalisation.
A ce premier niveau de difficulté cognitive, il faut conjuguer celui de la peur, cette peur propre aux dirigeants légitimes, de commettre des erreurs qui leur aliéneraient leur souveraineté populaire. De plus, diriger un Etat, ou un autre type de collectivité, fait peser un poids particulier sur la conscience des dirigeants : ils sont pris entre la sensation de pouvoir propre à leur position, et la peur très naturelle face à l’ampleur de leurs responsabilités. Par exemple, les dirigeants chinois doivent “chevaucher le Dragon” en prenant des décisions qui engagent la puissance impensable inhérente à une masse d’un milliard trois cent millions de personnes, susceptibles de se retrouver en danger si de mauvaises décisions sont prises. Mais en même temps, dans une ambiance critique, ces mêmes dirigeants s’obligent à prendre des décisions, parfois drastiques, car l’immobilisme, peut, dans certains cas, être la pire des choses.
La décision du Président Bush jr de retirer la signature américaine du Protocole de Kyoto est ainsi inspirée par la peur de voir la participation américaine à la lutte contre les changements climatiques subir des effets désastreux pour le “mode de vie américain”, c’est à dire sur la productivité industrielle et sur la mobilité des citoyens. Pour son gouvernement, ces effets porteurs de processus de dé légitimation intérieure, risquent fort d’être pires que le mal.
Ainsi chaque classe dirigeante est-elle habitée par une vision prédéterminée de son destin et de sa société. La crise globale actuelle n’en est que plus dangereuse, dans la mesure où, pour être pondérée, elle doit être appréhendée par tous les secteurs dirigeants de la planète, aussi bien au niveau des Etats que des collectivités locales, des entreprises et des organisations internationales. Elle doit aussi faire l’objet d’un diagnostic consensuel. Ces nécessités impliquent un degré d’anxiété encore accru, car la structure des relations internationales est si largement imprégnée de compétition, de méfiance et de violence que revenir sur ces facteurs nécessite un formidable travail psychologique et collectif, non seulement au niveau des exécutifs, mais aussi au niveau des opinions publiques nationales, et de la nouvelle opinion publique internationale.
Enfin, la crise pose un autre problème pour être bien appréhendée : elle concerne l’écosystème planétaire. Elle nous rappelle que nous n’en sommes qu’un élément, et que la vie de l’espèce humaine dépend de la vie de l’écosystème. Jared Diamond fait clairement apparaître que ce genre de problématique a déjà concerné des sociétés insulaires, ou isolées. Souvent, elles ont disparu lorsque les déséquilibres environnementaux ont dépassé la capacité d’intervention humaine, et les effets induits sur les interactions économiques, sociales et politiques les ont amenées à se disloquer. Or, aujourd’hui, la société isolée n’est autre que l’humanité, fragmentée en nations interdépendantes les unes des autres au niveau écosystémique, mais divisées au niveau politique.
Cependant, l’activité politique se définit aussi par le courage des dirigeants, et l’intelligence du “Prince” capable de faire de la crise un moment d’opportunité. C’est le cas, entre autres du Président Lula, qui utilise la crise de l’Etat en Amazonie pour mobiliser les moyens nécessaires, en particulier policiers et militaires, et s’engager dans un processus de réappropriation étatique de la société et de l’environnement amazonien. En Nouvelle-Zélande, le gouvernement a le courage d’accorder aux quelques milliers d’habitants des îles Tuvalu le statut d’ “éco-réfugiés”, ce que le gouvernement australien se refuse à faire par crainte des flux migratoires.
Les dirigeants qui doivent composer avec leur peur, leur courage, leur sens du futur se trouvent face à un défi majeur avec la crise environnementale. Dans la mesure où dans les pays riches, la population est majoritairement urbaine, et qu’elle a perdu l’essentiel de la mémoire et de l’expérience paysanne des générations antérieures, le sens de la dépendance humaine à la nature est très émoussé. Sans réflexion particulière, l’expérience collective amène les citoyens à prendre pour acquis le réflexe de pousser le chauffage s’il fait trop froid, d’acheter des climatiseurs (qui aggravent l’effet de serre !) s’il fait trop chaud, et à confondre les supermarchés avec les lieux de production de la nourriture, tout en pensant que l’architecture urbaine les protège des tempêtes, des sécheresses qui commencent en février, des canicules ou des pics de froid.
Face à cet état des mentalités collectives, quel dirigeant élu peut-il déclarer qu’il y a urgence à revenir sur le concept même de croissance économique, à diviser par deux à quatre, au moins, la consommation d’hydrocarbures, afin d’être solidaire des pays pauvres qui ont signé l’annexe 2 du protocole de Kyoto, ne s’engageant ainsi à aucune action particulière ?
Cependant, le monde du XXI° siècle n’est pas dominé que par les Etats, mais aussi par les grandes entreprises industrielles et financières transnationales, dont les activités ont des répercussions déterminantes sur les sociétés et sur l’environnement. Elles sont un moteur essentiel de l’intensification de l’effet de serre, et des décisions qu’elles vont prendre quant aux ressources énergétique et au climat va dépendre l’avenir de l’humanité.
Comme on l’a analysé dans le chapitre 6, les ajustements nécessaires au niveau international seront difficiles à réaliser, en raison de la croissance du niveau de tensions internationales aussi bien au niveau politique, économique, stratégique, qu’environnemental. Cependant, le temps passe, et l’humanité est prise dans une course contre la montre entre sa capacité à s’autoréguler, et le risque croissant d’une régulation imposée par des changements environnementaux d’une grande brutalité, qu’elle ne pourrait que subir.
L’histoire est composée de longs épisodes durant lesquels ont interagi les changements environnementaux, en particulier climatiques, et les dysfonctionnements politiques. Ces grandes interactions ont régulièrement engendré la triade bien connue des historiens médiévalistes de “la guerre, des famines et des épidémies”. Cette triade caractérise non seulement la guerre de Cent ans, qui encadre chronologiquement la faillite violente des systèmes de protection socio-politiques, qui facilite la diffusion de la pandémie de peste, et de la dégradation agricole du fait d’épisodes de refroidissement climatique. Cette synergie de phénomènes destructeurs anéantit plus du tiers de la population européenne.
Ces grands épisodes d’écroulement social et biologique des collectivités humaines ne sont pas réservés au passé : ils sont déterminés par le croisement d’un certain nombre de facteurs qui ne sont pas maîtrisables par les système d’autorité, et qui se renforcent les uns les autres. L’Afrique en est un bon exemple, de même que de larges régions de l’Amérique Latine. Mais ces dérèglements s’étendent. On est en droit de se demander ce que ce genre de processus d’écroulement systémique donnerait à l’époque de la globalisation. D’autant plus que notre siècle est celui d’une véritable institutionnalisation d’une “révolution permanente” au niveau de la recherche/développement militaire, et de l’innovation terroriste par les groupes aux stratégies dites “asymétriques”, dans un contexte de crise environnementale accélérée.
Le risque de dislocation généralisée est accentué par l’organisation de l’économie mondiale, dont le modèle industriel, financier et géopolitique ne s’adapte que lentement aux nécessités du monde fini. La sphère économique mondiale est partagée en trois grands niveaux de lutte. Le premier niveau est celui de la lutte pour les matières premières, en particulier les hydrocarbures, qui engendre des pratiques concurrentielles d’une extrême dureté. Le second niveau concerne la conquête des marchés. Il est bien incarné par la compétition entre les constructeurs d’automobiles. Le troisième niveau est celui de la guerre économique, menée par quelques Etats qui mettent leurs moyens stratégiques au service de leurs entreprises nationales pour les soutenir dans les deux niveaux précédents. Les acteurs de la lutte économique mondiale sont très inégaux. Le Japon et les Etats-unis sont particulièrement mobilisés et organisés ; la France est à peine consciente de cette lutte qui fait des dégâts toujours plus importants dans son tissu socio-économique.
La convergence des niveaux de lutte politique et économique, dans un monde aux ressources en voie d’épuisement, fragilise les capacités nationales et internationales à enrayer la tendance lourde de la dégradation environnementale, qui s’accélère. Le degré de violence, en particulier militaire, qui pourrait en découler, risque de n’avoir aucun équivalent dans l’histoire humaine.
Croire que rien n’est possible serait faire preuve d’un catastrophisme désespéré. Les dangers sont immenses, mais des mouvements de fond qui ont pour but une adaptation de l’humanité sont en train d’apparaître.
La plupart des secteurs dirigeants n’ont pas le goût du tragique ; qu’il s’agisse de diriger un Etat ou une entreprise, les responsables exécutifs ont pour vocation d’assurer la pérennité de l’entité qu’ils ont en charge, malgré la peur, le déni, l’incompréhension éventuels. Cet état d’esprit, en développement au contact des questions environnementales, émerge de façon particulièrement vivace dans la mentalité du “big business”.
Depuis une quarantaine d’années, les problématiques environnementales et les problématiques industrielles sont comprises comme parfaitement contradictoires. Cette perception est accentuée par les nombreuses catastrophes industrielles, qui mettent des écosystèmes entiers en danger. Les marées noires de l’Amoco Cadiz au large de la Bretagne, ou celles de l’Exxon Valdez sur les côtes d’Alaska sont autant de facteurs aggravants. Les régions pétrolières du Nigeria sont polluées en profondeur, et les industries dans leur ensemble sont les principales responsables de l’intensification de l’effet de serre depuis deux siècles. Les années soixante-dix et quatre-vingt sont les moments où la contradiction entre industrie et environnement est perçue de la manière la plus flagrante, avec des accidents massifs comme Seveso et Bhopal.
Les condamnations, aussi bien par les tribunaux que par les opinions publiques, ont un impact sur les industries, traversées par les mêmes courants d’idées que le reste de la société. De plus, ces condamnations ont fait découvrir aux grandes compagnies qu’il est moins coûteux, et même plus rentable d’adopter une politique environnementale et préventive, plutôt que de payer des indemnités et le nettoyage des écosystèmes. C’est en particulier le cas non seulement de Royal Dutch Shell, évoqué au chapitre 5, mais aussi de Chevron, dans ses champs pétrolifères de Nouvelle-Guinée. La compagnie est même devenue un acteur majeur de la protection de l’environnement local, au point que des espèces en cours de fragilisation ont recommencé à se développer.
Dans le domaine des transports, les industries automobiles les plus avancées commencent à investir dans la recherche/développement d’automobiles dont la consommation d’essence soit plus efficace. De plus, un certain nombre de petits groupes commencent à proposer des modèles de voiture électrique, ou de voitures hybrides (moteur électrique et à essence). Les mêmes clivages qui traversent l’industrie pétrolière partagent l’industrie automobile. Les constructeurs commencent à réaliser qu’ils sont désormais eux aussi soumis à la pression de la norme environnementale, et qu’il est de plus en plus difficile d’ignorer. Aussi, les laboratoires de grands groupes français, japonais et américains se penchent sur le défi de la voiture sûre et non polluante. Ils sont soutenus en cela par les grands groupes pétroliers, qui voient des perspectives d’avenir et d’investissement dans ces options.
Dans le domaine de la production d’énergie, de vastes efforts sont en cours. L’Allemagne est très en avance dans le domaine de la diffusion systématique des énergies renouvelables. Celles-ci sont encore plus qu’insuffisantes pour répondre aux besoins des société modernes, mais la recherche/ développement, et la façon dont elles pénètrent la société et les esprits en font un facteur important à considérer pour l’avenir, d’autant que l’énergie pétrolière sera en voie de raréfaction rapide dans cette première moitié du XXI° siècle, que les consommateurs, les responsables politiques et les compagnies veuillent l’accepter ou non.
Cette triple influence du changement climatique, de la raréfaction de l’énergie pétrolière et de la montée en puissance de la norme environnementale, entraîne l’émergence de nouvelles manières de penser, en particulier chez les responsables de la pollution, qui commencent à prendre des initiatives, qui, il y a dix ans, auraient été de l’ordre de l’impensable. Ainsi, aux Etats-Unis, les grandes entreprises productrices d’électricité de dix Etats du nord-est s’organisent en groupe de pression pour obtenir de Washington la ratification du Protocole de Kyoto, et s’interrogent sur les modalités de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre pour entrer dans les normes décidées par Kyoto.
Ces différentes évolutions procèdent d’un même phénomène, qu’est l’adaptation progressive du capital au monde fini, afin d’assurer l’émergence de nouvelles modalités de sa reproduction, en particulier par le biais de la technologie, et d’une philosophie de la prévention. De plus, cette évolution de la pensée industrielle s’inscrit dans le contexte de la lutte très violente qui oppose le capital industriel et le capital financier depuis la fin des années soixante-dix. Cette lutte n’est pas seulement économique, mais aussi sociale, dans la mesure où elle oppose la classe des financiers, personnels issus de l’éducation des classes moyennes, cooptés par les banques d’affaire, et les élites qui possèdent les moyens de production industriels. Aux Etats-Unis, pays de la théorisation et de la promotion du néo-libéralisme, ce sont les élites industrielles du Nord-Est qui demandent à l’Etat d’intervenir en leur faveur, par le biais du rapport au changement climatique, de manière à obtenir d’être protégées par la loi. En effet, elles ne parviennent à faire face seules à la pression exercée par le capitalisme financier, d’où leur "demande d’Etat". Pour ce faire, leur investissement dans la lutte en faveur de la réduction des GES est un excellent outil pour que leurs requêtes soient favorablement accueillies au Congrès.
Ils légitiment leur “demande d’Etat” par la philosophie de la prévention de crise, qui passe ainsi du champ théorique et la pratique de la stratégie politique et militaire, à celui de l’industrie. La prévention de crise est une discipline qui émerge au sein de l’appareil américain de sécurité nationale durant la guerre froide, visant à mettre au point un certain nombre d’outils politiques et techniques pour éviter l’apparition de risques de transformation des crises entre les deux blocs en conflit nucléaire. Après la guerre froide, les stratégies de prévention ont commencé à être appliquées selon un très large spectre d’intervention, en particulier pour prévenir, ou tenter de prévenir, l’émergence de guerres civiles dans les régions considérées comme importantes pour les intérêts américains. La montée en puissance des problématiques climatiques et environnementales, et les transformations à venir dans le domaine de l’énergie et de la consommation de matières premières, induisent les industriels à s’emparer de ces thèmes, dans la lutte qu’ils mènent pour assurer la pérennité de leurs activités et de leurs revenus.
Comme l’écrit fort justement Nicolas Guilhot, “menacé, le patronat redécouvre le paternalisme social et n’hésite pas à se poser en défenseur de l’emploi, de l’environnement, ou du bien-être social des salariés et des communautés auxquelles ils appartiennent .” En s’emparant des thèmes écologiques dominants, le changement climatique en tête, les industriels produisent la légitimation de leur capital. Ces préoccupations peuvent donc a priori paraître comme strictement opportunistes et instrumentales, et donc en contradiction avec les objectifs écologiques affichés.
Mais le cas des compagnies pétrolières progressistes, étudié dans le chapitre 4, est un indicateur important : l’adhésion formelle aux idées écologiques a un effet acculturant sur les entreprises, et elles deviennent une des modalités de leur reproduction. Littéralement, l’écologie devient progressivement un élément important de la culture d’entreprise, et en pénètre l’habitus collectif.
Cependant, cette évolution des entreprises vers l’environnementalisme n’est ni linéaire, ni automatique, ni rapide ou irréversible. Il s’agit d’une tendance normative lourde, qui se heurte aux habitudes de pensée du monde de l’entreprise et du capitalisme. Le capitalisme s’est construit sur le principe de la capacité infinie du monde naturel et social à répondre à ses besoins. Adopter des normes qui prennent en compte la finitude naturelle, et la nécessité de penser le développement en termes de prévention, représente un changement majeur de paradigme, qui émerge seulement. Des entreprises qui, dans les années quatre-vingt, ont milité avec force en faveur de la dérégulation au nom de la “liberté du capital”, font aujourd’hui appel à l’Etat. Leur logique de production et compétition ne leur permettant de réguler collectivement leur comportement, elles attendent que l’Etat les aide en leur imposant l’adoption des normes dont elles ont besoin pour s’adapter au monde fini du XXI° siècle. Mais l’Etat lui-même connaît les mêmes difficultés d’acculturation.
Les difficultés inhérentes à l’adoption d’un nouveau paradigme qui amène les Etats, les entreprises, les sociétés et l’ensemble des peuples et des individus à comprendre que désormais l’humanité a atteint un niveau d’interdépendance à une échelle jamais connue auparavant, se traduisent dans le rapport aux technologies “propres”. Des expériences sont conduites en Allemagne et aux Etats-Unis pour mettre au point des centrales thermiques au charbon qui ne soient ni polluantes, ni productrices d’excès de GES. Les premiers résultats des sites semblent assez encourageants. De même, des entreprises toujours plus nombreuses investissent dans la mise au point du moteur à hydrogène. Aux Etats-Unis, l’intérêt pour ce secteur de la recherche/développement est tel que la DARPA, le “CNRS militaire” multiplie les programmes d’études, de même que l’US Navy, l’US Army et l’US Air Force...
Mais pour que l’ensemble de la planète bénéficie des avancées industrielles et agricoles efficaces et peu polluantes, de gigantesques transferts de science et de technologie seraient nécessaires, qui, de plus, devraient avoir lieu sans que leur coût n’en décourage l’acquisition par les pays en développement et par les pays les plus pauvres. Jusqu’à présent, les grands transferts de technologie, comme ceux qui eurent lieu entre le duopole Europe/Amérique du Nord, et l’Irak et l’Iran, entre autres, se sont faits car les pays acquéreurs bénéficiaient de la manne des pétrodollars. La Chine est dans une situation radicalement différente, alors qu’elle est le pays qui en a le plus besoin après les Etats-Unis. Actuellement, la Chine et l’Inde se lancent dans de gigantesques programmes d’échanges scientifiques et technologiques, et considèrent avec attention la politique énergétique américaine, car les besoins asiatiques et les besoins américains en pétrole risquent de plus en plus fortement d’entrer en collision à brève échéance. Mais la Chine et l’Inde ont parfaitement saisi les nécessités de nouvelles formes de coopération pour avoir une place dominante dans le monde dans lequel nous entrons.
Enfin, depuis deux siècles, la technologie engendre des problèmes par sa contre-productivité, et sa vitesse de croissance est telle que la quantité d’effets imprévus et, souvent, non-désirés, qu’elle déclenche, connaissent une croissance exponentielle et entrent dans des synergies toujours plus complexes. Ces catégories d’effets sont soit des accidents, comme celui de la centrale nucléaire de Tchernobyl, soit systémiques, comme le processus de réchauffement global induit par les procédés mécaniques qui fonctionnent grâce à la combustion d’hydrocarbures. Actuellement, des études sont faites sur la possibilité de mettre au point des moyens de séquestration du CO2, par exemple sous forme liquide. Le problème qui se pose alors est le stockage de ce CO2, et des effets inconnus de transformation de certains environnements, comme les fonds marins, en réservoirs de concentrations de carbone.
Pour l’humanité, la technologie est une tentative de création d’un “contre-environnement”, déterminé par les nécessités humaines. Mais comme tout système, la technologie suit ses propres déterminations, qui échappent à la volonté humaine, d’autant plus qu’elle prend de l’ampleur et de la complexité. En outre, la construction et le développement de ce contre-environnement continuent de dépendre de l’état des ressources naturelles. La capacité d’emprise technologique sur la destinée humaine et sur la nature est en fait largement illusoire, et repose sur un certain nombre de mythes. Mais ceux-ci se heurtent au douloureux principe de réalité qu’est la rétroaction environnementale globale : le “contre-environnement” technologique dépend de l’environnement non-humain ; il est capable de l’exploiter et de l’abîmer, mais pas de le contrôler, car il évolue à une telle rapidité qu’elle n’est pas à l’échelle des moyens techniques et politiques humains.
Par contre, le contre-environnement entre dans les boucles de rétroactions environnementales, et en renforce les effets sur les hommes. Une étude récente indique que depuis quelques années, le réchauffement global intensifie la pollution dans les grandes agglomérations situées dans les zones où les températures augmentent. En effet, une augmentation légère des températures aux Etats-Unis pourrait bloquer l’arrivée de masses d’air plus froid et plus propre en provenance du Canada, en particulier pendant les mois de printemps et d’été. “Littéralement, l’air se mettrait à cuire”, déclare Loretta Mickley, de l’Université d’Harvard. Il s’ensuit une accumulation de la pollution, jusqu’à l’arrivée d’un front froid. Ce phénomène s’aggrave du fait de l’amplification des écarts de températures entre l’été et l’hiver, du fait des effets du réchauffement. Cela implique un risque sanitaire grave pour les enfants, les personnes âgées, les malades, ceux qui sont sensibles à l’ozone, qui connaissent des problèmes respiratoires, ou qui travaillent en extérieur. D’après l’étude dirigée par Loretta Mickley, une diminution de vingt pour cent du nombre de fronts froids en été est probable. On pourrait penser qu’il suffit de systématiser l’emploi de la climatisation, mais cette technologie ne fait qu’absorber la chaleur accumulée par les bâtiments pour la rejeter à l’extérieur, tout en produisant des gaz à effet de serre.
En raison de la croissance ultrarapide connue par la population humaine, et des limites de la technologie, actuellement atteintes dans la capacité à contrôler l’évolution de l’environnement, les sociétés humaines doivent réapprendre le sens de leurs limites. […]
La planète est aujourd’hui prise dans une immense boucle de rétroaction, déclenchée par plusieurs siècles de “civilisation matérielle”, de deux siècles de civilisation industrielle, et d’une croissance démographique exponentielle ; les effets environnementaux cumulés de l’évolution humaine ont de puissant effets en retour sur le monde qu’elle cherche à dominer par la technologie. Les effets de ces évolutions prennent leur autonomie, s’accélèrent et montent en puissance, tout en échappant aux moyens d’intervention nationaux, qui, pour le moment, ne sont pas mobilisés de façon active.
De fait, cette rétroaction est un mouvement de régulation qui répond à ces excès, mais cette régulation n’est pas volontaire et elle fait peser un complexe de menaces qui entrent en synergie. Pourtant, rien n’est perdu, à condition que les stratégies des Etats, des religions, des comportements sociaux et des entreprises entrent en convergence et en synergie, malgré les conflits potentiels et en cours.
A priori, la situation semble compliquée pour parvenir à coordonner les transformations nécessaires dans la vie de 6 milliards d’êtres humains, qui vont augmenter de trois autres milliards dans les cinquante ans.
A cela s’ajoutent les effets quotidiens de l’intensification de l’effet de serre, dont l’expérience est de plus difficile à nier. Un exemple spectaculaire est le ralliement de James Baker à la cause de la limitation du réchauffement global. James Baker, proche de la famille des Présidents Bush sr et jr, très haut notable texan et allié politique de longue date de l’industrie pétrolière, stratège de la victoire judiciaire des Républicains lors de l’élection présidentielle de 2000, déclare le 7 mars 2005, à une assemblée de représentants de grandes compagnies pétrolières que “Cela risque de vous surprendre quelque peu, et peut-être est-ce par ce que je suis un chasseur et un pêcheur, mais je pense que nous devrions accorder un peu plus d’attention à ce que nous devons faire pour protéger l’environnement. Quand des compagnies comme British Petroleum et Shell, qui sont sans doute représentées dans cette pièce, disent qu’il y a un problème avec les excès d’émissions de dioxyde de carbone, je pense que nous devrions les écouter.”
Cette déclaration a lieu au moment où, aux Etats-Unis, de nombreux laboratoires travaillant sur le réchauffement global commencent à craindre pour leurs subventions, mais où, en même temps, l’opinion publique religieuse et écologiste se met à adopter des positions qui sont celles de l’ONU, ou de James Baker... James Baker devient ainsi un allié objectif de l’establishment britannique, et accompagne la démarche de Lord May, président de la Royal Scientific Society britannique, qui reproche de manière virulente à l’administration Bush d’empêcher tout progrès significatif dans les efforts de son institution pour encadrer les effets de la crise climatique.
On assiste ainsi au déploiement d’une étrange entité, composée de scientifiques, de chefs d’Etats, de responsables de grandes entreprises industrielles, de grands médias, de revendications de différents secteurs de différentes opinions publiques nationales, de militaires, de responsables religieux, qui, par leurs déclarations, leurs découvertes et leurs positions, créent un “objet” transnational, qui est à la fois un mouvement, mais aussi un réseau, et qui traverse tous les clivages sociaux et géopolitiques et théologiques.
Cette convergence métanationale est le vecteur du nouveau paradigme, à la fois scientifique et oecuménique du rapport de l’humanité à la nature, rapport non plus fondé sur l’invincibilité de la technologie, mais sur les limites des capacités humaines face à un environnement dont le respect est vital pour la vie des sociétés et des individus, afin que les déséquilibres ne soient régulés par le système planétaire plus que par la politique.
Comme le démontre Thomas Kuhn, un paradigme est un système de croyances à l’intérieur duquel s’opèrent les activités liées à la construction et à l’adoption de la connaissance. L’apparition de connaissances “anormales” met le paradigme en danger. Quand les connaissances anormales prolifèrent, elles s’imposent comme nouveau paradigme, et l’ancien cesse d’être dominant, voire disparaît. Les changements de paradigmes sont des processus d’une infinie complexité. Ainsi, la biologie darwinienne est-elle entrée en conflit ouvert avec le créationnisme. Aujourd’hui encore, aux Etats-Unis, dans plus de 17 Etats, des lobbys religieux puissants font campagne pour obtenir que le darwinisme soit présenté comme une “théorie parmi d’autres”, mais pas moins valable que le créationnisme, dans les manuels scolaires. Pourtant, ce sont les mêmes publics représentés par ces lobbys qui sont en train d’acculturer l’opinion publique protestante américaine aux dangers du réchauffement global.
Pendant deux siècles, “le monde désenchanté est en même temps un monde maniable par la science”. Aujourd’hui, les scientifiques et des secteurs religieux de plus en plus larges commencent à envisager que les concepts, leurs notions et leurs outils sont insuffisants à embrasser et à contrôler les effets systémiques du “désenchantement du monde”. Le monde échappe à la volonté humaine. Cela n’implique pas forcément un “réenchantement du monde”, mais une redécouverte de la relativité de l’emprise humaine. De plus, cette relativisation ne signifie en rien impuissance. Simplement, l’action humaine commence à être envisagée selon les nouvelles modalités de la prévention, en fonction de ses propres limites.
Cependant, le paradigme “ancien” ne disparaît pas sans lutte. Comme on l’a vu dans les chapitres précédents, les habitudes, les divisions et tensions stratégiques de ces derniers siècles sont solidement implantées et, dans de nombreux cas, sont en cours d’aggravation. Le nouveau paradigme en cours d’émergence est en train d’envelopper la sphère mondiale des idées, de se développer en trouvant des soutiens collectifs de plus en plus larges, et s’infiltre dans les appareils de décision de tous ordres. Mais ces derniers sont pris à de nombreux niveaux dans des systèmes de conflits divers, dont ils ne peuvent s’extraire par la seule force de la volonté, ou par ce qu’ils partagent le même paradigme émergent que leurs adversaires.
Néanmoins, l’émergence du nouveau paradigme crée un étonnant potentiel de consensus. Ainsi, l’Union Européenne, très avancée dans la réflexion sur la protection de l’environnement et sur la nécessité de diviser par quatre ses émissions de GES d’ici à 2050, partage la même conscience des nécessités que la République Populaire de Chine, et est rejointe par de grandes compagnies pétrolières, ou par James Baker... Cette situation unique dans laquelle se trouve l’humanité aujourd’hui engendre des conditions et des systèmes de pensée inédits dans l’histoire de ces derniers millénaires.
Nous entrons ici dans le temps de l’inattendu. En effet, à l’heure où nous écrivons, les changements climatiques et la crise de l’environnement ne cessent de s’aggraver en se renforçant l’un l’autre, tandis qu’aucune solution pratique globale applicable ne semble se dessiner à court terme. De plus, les dynamiques propres à la technologie connaissent un élan vertigineux, s’appuyant sur l’idée qu’elle domine la nature, et oubliant qu’elles l’épuisent et se condamnent ainsi elle-même.
Pourtant, cet apogée du scientisme et du pouvoir technologique humain est l’objet de l’évolution normative en cours, elle-même issue du renouvellement des relations stratégiques au sein de la communauté internationale. Or, il faut garder à l’esprit que les rapports de pouvoir entre les grands blocs de puissance depuis un siècle et demi sont fondés sur l’application techno-militaire et industrielle de la science et des idéologies qui en ont émergé. L’acmé de cette tendance s’objective dans les grands programmes de militarisation de l’énergie nucléaire et de l’espace orbital. Ces programmes traduisent à l’extrême le détachement techno-stratégique de la préoccupation environnementale. Le renforcement exponentiel de la norme environnementale, et l’interprétation de la politique, de la religion, de la stratégie, de la technologie et de la nature qu’elle impose, ne peut que bouleverser la forme actuelle des rapports de force internationaux, bien qu’il soit difficile d’imaginer de quelle façon. La disqualification des concepts de “destruction mutuelle assurée “ (“mutual assured destruction, “MAD”), qui sous-tendent les doctrines de dissuasion nucléaire, n’a pas induit la disparition des armes nucléaires. Au contraire, elles sont en voie d’acquisition par les pays en développement, et peut-être, par les grandes organisations terroristes internationales. Le nucléaire militaire parvient ici à son propre stade de contre-productivité.
Mais au moment où s’opèrent ces immenses transferts de technologie, les pays émergents s’inquiètent de leur environnement et du changement climatique, et demandent aux pays riches de participer à l’élaboration de nouvelles technologies énergétiques et agricoles qui leur permettraient de véritablement intégrer l’effort international de réduction des émissions de GES. Le poids et l’influence d’un pays comme la Chine se mesurent aujourd’hui à l’échelle non seulement de l’Asie, mais du monde. La course à la reconnaissance internationale passe désormais aussi par la démonstration qu’un pays est “vertueux” du fait de sa politique environnementale.
Aujourd’hui, il n’est guère possible d’envisager comment va se traduire la montée en puissance de la nouvelle norme. Néanmoins, il est fascinant d’observer l’évolution de certains programmes spatiaux, comme celui de GEOSS, programme international dirigé par la NASA, au départ pensé dans le cadre de la stratégie américaine d’observation universelle, et qui est en train d’évoluer en moyen de veille environnementale de grande envergure. Le programme GMES est de même nature, et l’Agence Européenne de l’Espace entre elle aussi dans cette dynamique. Que ces immenses “machines” que sont les programmes spatiaux deviennent des outils de veille environnementale est un indice important de l’entrée dans un nouvel âge de l’histoire stratégique mondiale, où l’humanité se retrouve responsable d’assurer son avenir en termes non seulement de coopération entre les différentes entités politiques qui la composent et la divisent, mais aussi avec l’écosphère dont elle dépend.
Copyright juillet 2005-Valantin / Lignes de Repères
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2. Présentation de l’ouvrage
RÉFUGIÉS climatiques, fonte de la banquise polaire, atteintes à la biodiversité, nouveaux risques épidémiques, guerres de l’eau et pénuries agricoles : tous ces phénomènes sont liés à la menace globale que constitue le réchauffement climatique.
Le réchauffement climatique global représente un défi politique stratégique et sécuritaire majeur pour les années qui viennent, en raison de sa rapidité, de son ampleur et de sa complexité. Radicalement nouveau dans l’expérience humaine, il impose de nouveaux comportements à l’échelle mondiale et provoque déjà des bouleversements géopolitiques de grande ampleur.
Comment en est-on arrivé là ? Les moyens mis en œuvre, notamment Kyoto, sont-ils suffisants ? En quoi la menace climatique recompose-t-elle la géopolitique des puissances mondiales ? La communauté internationale saura-t-elle collaborer ou entrera-t-elle dans un cycle de conflits ?
Une course est aujourd’hui lancée entre le changement climatique et la capacité des Etats à prévenir et s’adapter. Ceux qui s’adapteront le mieux seront les plus puissants du XXI e siècle.
3. Présentation de l’auteur
Jean-Michel Valantin est docteur en études stratégiques. Il a déjà publié Hollywood, le Pentagone et Washington, les trois acteurs d’une stratégie globale, aux éditions Autrement, 2003. S’intéressant depuis longtemps aux relations entre les modifications environnementales et les évolutions stratégiques, il publie de nombreux articles, notamment dans Diplomatie Magazine.
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