Expert en relations internationales. Diplômé de l’Académie de droit international de La Haye. Doctorant en droit international public, Université de Lausanne, Suisse
Géopolitique des Amériques. Dans un climat d’influence déclinante des Etats-Unis sur leurs voisins continentaux, la proposition de B. Obama de traiter d’égal à égal avec les voisins de la région ne devrait pas être comprise comme une offre partant d’un élan de générosité. Elle constitue une prise de conscience de la part des nouveaux dirigeants américains des changements s’opérant à grande vitesse dans leur environnement immédiat. Elle peut aussi s’analyser comme une tentative par ces derniers de conserver leur influence dans la zone sur de nouvelles bases qui tiennent compte des nouvelles données géopolitiques de l’Amérique latine/Caraïbe.
LE SOMMET des Amériques qui s’est tenu du 17 au 19 avril 2009 à Trinité et Tobago marquera peut être un tournant dans les relations entre les Etats-Unis d’Amérique et le reste du continent. Ce qui a surtout frappé les esprits a été la volonté proclamée de Washington d’établir désormais un rapport « d’égal à égal » dans ses relations avec les autres Etats de cette région. Le Président Barack Obama a, officiellement,fait part à ses homologues continentaux de ce changement de la politique étrangère américaine. Bien que cette annonce ne soit pas totalement une surprise, elle revêt incontestablement une grande importance au regard de l’histoire des relations qu’ont entretenu les Etats-Unis avec leurs voisins.
Les lignes qui vont suivre se proposent de retracer brièvement l’évolution des relations entre les Etats-Unis d’Amérique et les autres pays du continent américain depuis la formulation de la doctrine Monroe. Le but étant de permettre de mieux appréhender le contexte global dans lequel s’inscrit ce changement d’attitude voulu par les Américains dans leurs relations avec leurs voisins continentaux.
La position formulée en décembre 1823 par le Président américain James Monroe et qui allait devenir une véritable doctrine de politique étrangère connue sous la dénomination de doctrine Monroe, décrétait en substance que le continent américain représentait l’arrière-cour des Etats-Unis d’Amérique, et en tant que telle une zone d’influence exclusive des Etats-Unis. Elle a été formulée à l’époque où l’idée d’un destin manifeste des Etats-Unis a émergé et s’est cristallisée. Elle projetait les Etats-Unis comme une future grande puissance tant économique que militaire, dont l’expansion territoriale et les relations politiques et économiques ne devaient pas être contrariées par d’autres puissances qui avaient encore de l’influence sur le continent.
C’était donc une façon de marquer la volonté de la jeune nation américaine, qui montait en puissance, de soustraire cette zone de l’influence et des rivalités géostratégiques des puissances européennes colonialistes. La guerre américano-espagnole de 1898, dont l’un des objectifs était de bouter l’Espagne définitivement de ses possessions territoriales en Amérique (Cuba, Porto Rico) et dans d’autres parties du monde aussi (Philippines et Guam) ou encore la guerre entre les Etats-Unis et le Mexique qui s’est soldée pour ce dernier par la perte d’un tiers de son territoire au profit des Etats-Unis d’Amérique, peuvent être considérées comme des applications ultimes de cette doctrine.
Si la doctrine Monroe pouvait au départ être défendue comme ayant une portée libératrice et protectrice pour les pays du continent américain par rapport à l’impérialisme et au colonialisme européen, elle a assez rapidement évolué dans sa conception et ses objectifs pour servir de base à l’instauration de relations de domination politique et économique entre les Etats-Unis et le reste du continent. En effet, la fin du XIXème siècle, mais surtout le XXème siècle, constitue une période durant laquelle les Etats-Unis d’Amérique n’ont cessé de considérer les autres pays du continent comme étant un espace où ils pouvaient agir en fonction de leurs seuls objectifs politiques au mépris des intérêts, de la volonté et des aspirations de ces pays.
L’application de la doctrine Monroe a eu des répercussions tant dans le domaine politique (où elle a surtout servi de fondement au soutien américain à des régimes non démocratiques et à une politique interventionniste des Etats-Unis dans cette région) que dans le domaine économique (dans lequel elle se concrétisait par des rapports marqués de l’influence hégémonique des intérêts économiques américains sur les pays du continent).
Sur le plan politique
Washington a exercé, pendant longtemps, un contrôle serré sur les régimes au pouvoir sur le continent américain. Pratiquement aucun de ceux-ci ne pouvait se maintenir sans l’aval officiel des Etats-Unis ou tout au moins son consentement tacite. Ce contrôle américain sur les régimes au pouvoir sur le continent a été d’autant plus strict qu’il s’inscrivait dans la logique de la Guerre froide (1947-1990). C’était la sombre époque de la chasse acharnée contre les mouvements ou groupuscules de gauche, ou suspectés tels, considérés comme les agents de la propagation du communisme ; et à ce titre, des ennemis dangereux et irréductibles pour les intérêts vitaux des Etats-Unis d’Amérique. Cette politique a entrainé de nombreux coups d’Etat dans les pays du continent, avec l’implication visible ou cachée de divers services et officines américains. L’un des plus emblématiques reste celui orchestré contre le pouvoir de Salvador Allende au Chili.
Pendant une bonne partie du siècle dernier, le soutien américain aux divers régimes dictatoriaux de droite et à des groupuscules d’extrême droite dans cette région a été sans faille. Qu’il s’agisse des grandes dictatures militaires de l’Amérique du Sud ou Centrale ou encore celles dirigées par des civils comme les Duvalier en Haïti, ces régimes ont toujours pu compter sur un certain soutien américain pour se maintenir au pouvoir. Tout en étant conscients qu’il s’agissait de régimes répressifs et détestables, les dirigeants américains les ont utilisés comme des remparts contre tout enracinement du communisme dans les Amériques. C’est ainsi que l’on prête au président américain Harry Truman, parlant du dictateur Nicaraguayen Somoza, la fameuse formule : « He’s a bastard, but he is our bastard » [1].
Souvent les militaires au pouvoir ou contrôlant ces pays ont été formés dans les écoles et académies militaires situées aux Etats-Unis. L’une des plus notoirement connues est la fameuse Ecole des Amériques, située à Fort Bragg, qui est passée à la postérité comme étant l’un des lieux où ces militaires avaient été initiés aux techniques de guerre sale, qui incluaient la disparition forcée. Les recherches menées sur le « Plan Condor », qui a été une vaste coordination entre des dictatures de la Cône Sud de l’Amérique pour kidnapper, torturer et faire disparaître de nombreux opposants politiques, ont mis en évidence le rôle joué dans cette affaire par les militaires formés dans cette école.
La politique américaine de cette époque a aussi conduit à des interventions armées des forces américaines sur le territoire de plusieurs Etats du continent américain. Ces interventions suivies d’occupation pendant des périodes plus ou moins longues ont été légions. Indépendamment du type d’intervention considéré, les Etats-Unis ont mené plus d’une cinquantaine de ces opérations au total ; et concernant certains pays, plus d’une fois [2]. La plupart de ces interventions, indépendamment de l’argumentation présentée lors pour les justifier, ne visaient fondamentalement qu’à maintenir ou renforcer le contrôle des Etats-Unis sur les pays dans lesquels elles avaient lieu.
Sur le plan économique
L’influence américaine sur les économies de ces pays a été aussi très pesante. D’abord les intérêts économiques américains dans ces pays étaient souvent défendus et protégés militairement. Tout au moins, ils bénéficient d’un appui politique ferme qui leur permettait souvent d’exercer un poids considérable sur les gouvernements des pays du continent américain dans lesquels ils étaient installés.
Souvent, ces intérêts économiques américains et les dictatures de cette région nouaient des alliances objectives visant à combattre les revendications sociales des travailleurs et les organisations qui les portaient, telles les syndicats. Emblématiques de cette domination qu’ont exercé ces intérêts sur les pays du continent sont les compagnies exploitant la filière bananière sur le continent américain parmi lesquelles les deux plus connues sont la United Fruit Company et la Standard Fruit Company. Ces compagnies américaines ont eu une telle emprise sur ces pays que leurs agissements ont inspiré le concept de république bananière, inventé par l’écrivain américain O. Henry dans son roman intitulé Cabbages and Kings, publié en 1904 [3].
Le pouvoir exercé par ces compagnies sur ces pays venait du fait qu’elles avaient créé ou mise en place de vastes structures et infrastructures économiques comprenant des plantations, des installations portuaires, des hôpitaux ou des écoles qui employaient des dizaines de milliers de personnes dans nombreux de ces pays. Ces structures étaient organisées pour monopoliser la production de bananes qui devaient par la suite être acheminées vers les Etats-Unis. [4]
Outre l’agro-industrie, l’emprise des intérêts économiques américains sur les économies des pays du continent américain s’est étendue à beaucoup d’autres secteurs notamment celui de l’exploitation minière ou des télécommunications. La dépendance économique de ces pays vis-à-vis des Etats-Unis se reflétait à travers les relations commerciales entre eux et se renforçait en raison du fait que les économies des pays de cette région étaient grandement dépendantes de l’exportation de matières premières agricoles ou minières vers les Etats-Unis. Ainsi par exemple, au début des années 1920, 50% des exportations des pays de l’Amérique du Sud sont destinées au marché américain.
L’histoire des relations des Etats-Unis avec leurs voisins américains est aussi tissée d’une longue tradition de résistance et de lutte contre l’hégémonie américaine dans la région, presqu’essentiellement nourrie par l’action de divers mouvements de gauche. Sur le plan politique, cette lutte a principalement pris la forme du combat contre les dictatures de droite successivement installées et qui ont pu perdurer dans ces pays grâce au soutien tant politique, militaire et économique des Etats-Unis d’Amérique. C’est donc une lutte qui a été d’abord menée au niveau interne de ces pays contre les groupes dominants locaux qui ont toujours noué des alliances avec le puissant voisin.
Sur le plan économique, la résistance des pays du continent s’est aussi déroulée dans le même cadre interne et a été menée par des mouvements paysans et ouvriers, encadrés par des groupes politiques majoritairement de gauche ou encore sous l’impulsion des idées développées par le courant de la théologie de libération. Elle a été parfois marginalement menée par des élites économiques internes soucieuses de protéger leur situation de rente et les privilèges qu’elles détenaient contre l’envahissement des intérêts économiques américains qui voulaient les bousculer.
Si ces diverses formes de lutte n’ont pas connu de grands succès, ou tout au plus de façon épisodique et temporaire, il y a quand même eu de « petites » victoires qui ont eu un grand retentissement du point de vue symbolique. Au nombre de celles-ci, il convient de souligner l’avènement au pouvoir de Salvador Allende au Chili le 3 novembre 1970 et de Fidel Castro à Cuba en février 1959 [5]. La première expérience, comme on le sait, a fini dans une tragédie meurtrière suite au coup d’Etat du général Augusto Pinochet le 11 septembre 1973, aidé par les services secrets américains, qui a entrainé le suicide d’Allende et la mort de milliers de Chiliens. La seconde, la révolution cubaine, a créé une réalité que les Américains ont toujours refusé d’accepter. Pour ces derniers, le problème cubain a non seulement été un contentieux bilatéral, mais avec le temps est devenu une pierre d’achoppement dans les relations entre les Etats-Unis et ses voisins hémisphériques.
En effet, malgré l’embargo mis en place par les Etats-Unis d’Amérique contre Cuba depuis le 3 février 1962 et plusieurs actions secrètes, dont la fameuse affaire de la Baie des Cochons de 1961, les Etats-Unis n’ont jamais pu venir à bout du régime de Fidel Castro. La crise des missiles de 1962 et l’exclusion de Cuba de l’Organisation des Etats américains (OEA), orchestrée par les Etats-Unis en 1962, n’ont servi qu’à renforcer l’hostilité réciproque entre les deux pays. Les mesures drastiques prises par les Américains contre Cuba ont été globalement maintenues jusqu’à récemment [6] ; et cela malgré les appels répétés des dirigeants du continent pour une abolition desdites mesures. L’administration d’Obama a certes décidé d’un allègement de l’embargo contre l’ile. Cependant, elle a clairement fait savoir que malgré la politique d’ouverture et de dialogue qu’elle compte mener, la levée totale de l’embargo n’est pas à envisager dans un proche avenir.
La fin de la Guerre froide (1990) a opéré le premier véritable tournant dans les relations entre les Etats-Unis et le reste du continent. La fin de l’Union soviétique (1991) entraina de la part des Etats-Unis un desserrement de l’étau du contrôle politique qu’ils maintenaient sur la nature des régimes en place dans les pays faisant partie de ce qu’ils ont toujours considéré comme leur zone d’influence exclusive. Ainsi, la vague de démocratisation commencée dans les années 1970 et 1980, qui avait vu la fin de plusieurs régimes dictatoriaux sur le continent (Argentine, Brésil, Paraguay, Guatemala, etc.), a pu s’amplifier en emportant les derniers régimes non démocratiques de cette région. Le communisme ne représentant plus une menace du point de vue des Américains, plusieurs de ces régimes avaient perdu de leur intérêt et même de leur raison d’être pour les Etats-Unis.
La démocratisation politique a permis au fort ressentiment anti-américain très répandu sur le continent américain de trouver une expression politique à travers les urnes. Ce phénomène qui s’est particulièrement accentué au cours de la dernière décennie est à la base de l’accession au pouvoir de plusieurs personnalités qui ont explicitement remis en question l’influence américaine non seulement dans leurs propres pays, mais aussi à l’échelle du continent. La figure la plus emblématique d’un tel phénomène est l’actuel président vénézuélien Hugo Chavez, au pouvoir depuis le 2 février 1999. Ce dernier par ses déclarations, ses initiatives tant politiques qu’économiques ne cesse d’inviter les leaders du continent américain à se dresser contre l’influence américaine dans cette région. Utilisant les ressources financières engrangées lors de la flambée des prix des produits pétroliers, il s’est lancé dans des programmes de coopération Sud-Sud avec plusieurs pays de la région dont Cuba, Haïti ou encore le Nicaragua.
L’une des composantes phares de cette coopération est le programme Petro caribe, à travers lequel le Venezuela fournit du pétrole à des pays du continent à des conditions financières avantageuses. Avec son projet de création d’une zone d’intégration économique regroupant l’ensemble des pays de cette région, l’Alternative Bolivarienne pour les Amériques (ALBA), lancé en 2004 avec Fidel Castro, Hugo Chavez présente une alternative visant justement à contrecarrer le projet américain similaire de mise en place d’une vaste Zone de libre échange économique des Amériques (ZLEA). Plusieurs chefs d’Etat issus de la gauche dont Evo Morales en Bolivie ou encore Rafael Correa en Equateur sont ouvertement favorables aux plans et projets de Chavez pour qui ils représentent d’importants soutiens politiques.
De plus, dans le domaine économique, les Etats du continent américain ont aussi graduellement diversifié leurs échanges économiques et commerciaux en développant des partenariats économiques avec d’autres puissances économiques du monde. C’est ainsi que l’Union européenne (UE), le Japon ou encore de plus en plus la Chine depuis quelques années ont pu accroitre leurs échanges avec les pays du continent américain.
Ainsi en 2008, les échanges bilatéraux entre l’UE et l’Amérique latine/Caraïbe se sont chiffrés à 160 milliards de dollars américains. En progression constante depuis plusieurs années, le volume et le montant de ces échanges font de l’UE le deuxième partenaire économique des pays de cette région, en même temps que celle-ci représente le premier pourvoyeur d’investissement étranger pour cette région [7]. En fait, cette dernière a souhaité développer un véritable partenariat stratégique avec l’UE dans le but déclaré de contrecarrer l’hégémonie américaine et contribuer à l’établissement d’un monde multipolaire [8]. D’où la tenue régulière de sommets entre les deux partenaires depuis 1999.
Quant au Japon, même si le volume de ses échanges commerciaux avec les pays latino-américains et de la région Caraïbe reste faible en comparaison avec ses relations commerciales avec d’autres régions du monde, il n’en demeure pas moins que ceux-ci ont recommencé à croitre depuis le début 2000 par rapport à ce qu’ils étaient au cours des décennies 1970-1990 [9]. Ainsi selon les données établies par le Ministère japonais des finances, les exportations de l’Amérique latine vers le Japon se sont chiffrées à 177 milliards de dollars américains en 2003, en augmentation globale moyenne de plus de 20% par rapport à l’année précédente [10].
La percée chinoise dans ces pays du continent américain est très significative depuis ces dernières années. A la recherche de nouveaux débouchés pour ses investissements, de nouveaux marchés pour ses produits et aussi de matières premières pour entretenir sa croissance, la Chine se tourne de plus en plus vers l’Amérique latine et la région Caraïbe [11]. Les relations économiques entre ces deux partenaires sont à un niveau assez faible en comparaison avec les Etats-Unis. Cependant, celles-ci se développent à un rythme exponentiel [12].
Pour bien montrer l’intérêt politique qu’ils accordent à leurs relations avec l’Amérique latine, plusieurs hauts dirigeants chinois ont visité des pays de la région au cours des dernières années. En février 2009, une visite de haut niveau a été faite par le vice-président chinois, Xi Jinping dans cinq pays de l’Amérique latine/Caraïbe (Venezuela, Brésil, Jamaïque, Colombie, Mexique). L’intérêt stratégique de la Chine pour cette région n’a pas échappé à l’attention de certains observateurs qui pensent que Washington devrait garder un œil vigilant sur l’évolution de cette tendance
[13]
Cette diversification des relations économiques qui s’est faite au détriment de l’influence prépondérante des intérêts économiques américains a eu pour conséquence un affranchissement substantiel des pays de cette région de la tutelle économique exercée sur eux par les Etats-Unis d’Amérique pendant une bonne partie du XXème siècle. De plus, l’émergence économique de certains pays en Amérique latine, notamment le Brésil et dans une moindre mesure l’Argentine ou le Chili, qui ont su profiter de la mondialisation, a aussi permis au continent d’affirmer de plus en plus son autonomie vis-à-vis de l’hégémonie américaine. Enfin, la coopération économique entre ces pays va grandissante et s’est institutionnalisée à travers des structures d’intégration régionale telles le MERCOSUR ou la Communauté andine (ancien Pacte andin jusqu’en 1996), leur permettant ainsi d’avoir des options alternatives par rapport au marché américain.
C’est donc dans un contexte géopolitique et géoéconomique très différent de celui du siècle dernier que s’inscrit cette volonté de l’administration d’Obama de remodeler les relations historiques qu’a entretenues son pays avec ses voisins du continent américain. Les mouvements de fond qui sont en train de provoquer des transformations majeures de la scène internationale conjugués avec le vieux fonds de ressentiment, voire d’hostilité que cultivent beaucoup de pays de cette région à l’encontre des Américains en raison de cette histoire particulière et complexe liant les Etats-Unis et les pays de l’Amérique latine/Caraïbe ont favorisé les rapports nouveaux caractérisés par une volonté d’autonomie et de distanciation de ces derniers par rapport au grand voisin du Nord [14].
Dans un climat d’influence déclinante des Etats-Unis sur ses voisins continentaux, la proposition de B. Obama de traiter d’égal à égal avec ses voisins de la région ne devrait pas être comprise comme une offre partant d’un élan de générosité. Elle constitue une prise de conscience de la part des nouveaux dirigeants américains des changements s’opérant à grande vitesse dans leur environnement immédiat. Elle peut aussi s’analyser comme une tentative par ces derniers de conserver leur influence dans la zone sur de nouvelles bases qui tiennent compte des nouvelles données géopolitiques de l’Amérique latine/Caraïbe.
Son inflexion sur la question cubaine, même si elle s’explique aussi en grande partie par le fait que la nouvelle administration veut se démarquer de l’intransigeance des administrations américaines passées, constitue une approche pragmatique basée sur une lecture politique réaliste. Comme l’a reconnu Barack Obama lui-même, la politique des anciennes administrations par rapport à Cuba a été un échec. B. Obama ne veut donc pas qu’une position politique inefficace continue à entretenir un malaise entre les Etats-Unis et leurs voisins continentaux qui ne cessent de demander avec de plus en plus d’insistance et de vigueur la fin des mesures américaines frappant Cuba, notamment l’embargo.
Cette nouvelle approche des Etats-Unis dans ses relations avec l’Amérique latine/Caraïbe va-t-elle contribuer à stopper la tendance déclinante de l’influence américaine dans cette région ? Cette dernière semble plutôt s’inscrire dans le contexte beaucoup plus global de la mise en place d’un monde multipolaire dans lequel certains des Etats autrefois soumis à cette influence américaine, notamment le Brésil, aspirent à occuper une place en tant qu’acteurs mondiaux globaux.
[1] Traduction française : “Il est un salaud, mais c’est notre salaud”.
[2] Pour une liste de ces interventions, voir la page internet : http://www2.truman.edu/~marc/resources/interventions.html. Voir aussi à ce sujet, Richard Grimmet, Instances of Use of Armed Forces Abroad, 1798-2001. CRS Report for Congress, 2002.
[3] De son vrai nom, William Sydney Porter, l’auteur américain O. Henry s’est en effet inspiré des agissements de la compagnie américaine Cuyamel Fruit au Honduras au début des années 1900 pour écrire son roman pendant qu’il se trouvait caché dans ce pays. Il faut souligner que plusieurs figures importantes de la littérature latino-américaine, telles Pablo Neruda (United Fruit Company), Gabriel Garcia Marquez (Cent ans de solitude) ou encore Miguel Angel Asturias (le Pape vert, l’Ouragan ou encore les Yeux des enterrés) ont aussi dénoncé dans leurs œuvres la domination des économies de l’Amérique latine par les intérêts économiques américains liés au secteur agro-industriel de la banane.
[4] Il existe bon nombre d’ouvrages sur le thème de l’ampleur de la domination économique exercée par ces compagnies sur l’Amérique latine et centrale. A titre indicatif, les suivants peuvent être consultés : 1) Charles D. Kepnel, Jr. et J. Henry Soothill, The Banana Empire : A Case Study of Economic Imperialism, New York, NY : Russell & Russell, 1967, 392 p. ; 2) Paul J. Dosal, Doing Business with the Dictators : A Political History of United Fruit in Guatemala, 1899-1944, Wilmington, DE : SR Books, 1994, 256 p. ; 3) Steve Striffler, In the Shadows of State and Capital : The United Fruit Company, Popular Struggle, and Agrarian Restructuring in Ecuador, 1900-1995, Durham, NC : Duke University Press, 2002, 242 p.
[5] Il convient aussi de citer en ce sens, la révolution menée au Nicaragua par les Sandinistes, qui a porté au pouvoir, le 19 juillet 1979, la junte présidée par Daniel Ortega. La révolution sandiniste sera vigoureusement combattue par les Américains qui ont financé, entrainé et armé dans les années 1980, des éléments de l’ancienne armée de l’ancien dictateur Somoza connus sous le nom de contras.
[6] Il convient de faire remarquer que les mesures américaines ont été à divers moments assouplis, notamment sous la présidence de Bill Clinton.
[7] Pour un bref résumé des échanges économiques entre l’Union européenne et l’Amérique latine/Caraïbes, lire « Échanges commerciaux entre l’UE et la région Amérique latine/Caraïbes : faits et chiffres », MEMO/08/303, Bruxelles, 13 mai 2008. Mémo publié par la Commission européenne et disponible en ligne : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=MEMO/08/303&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en. (consulté le 20 avril 2009).
[8] Lire à ce sujet, Mario Carranza, “Toward a Strategic Partnership ? The European Union and Latin America in the Post-September 11th era”. Disponible en ligne : http://www.nuso.org/upload/anexos/foro_200.pdf.
[9] Lire à ce sujet, Eric Boulanger, « Les firmes japonaises en Amérique latine : une présence discrète dans l’arrière-cour des Américains… et des Chinois ? », Observatoire des Amériques, No 26, aout 2005. Disponible en ligne : http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/Chro_boulanger_05_26.pdf. (consulté le 20 avril 2009).
[10] Idem, p. 5.
[11] Lire à ce sujet, Alex Pasternack, “China Goes to Latin America For Oil, Minerals — and Water”, Huffington Post, 23 avril 2009 ; Economic Commission on Latin America and the Caribbean, “China’s and India’s trade relations with Latin America and the Caribbean : opportunities and challenges”, in Latin America and the Caribbean in the World Economy • 2005-2006, Chap. II. Disponible en ligne : http://www.eclac.cl/publicaciones/xml/0/26620/CII_China_India_%20Latin_america_world_economy_2005.pdf
[12] Les échanges économiques entre la Chine et l’Amérique latine ont été multipliés par 10 au cours de la décennie 1997-2007 pour atteindre le chiffre de 102 milliards de dollars américains en 2007, selon les données fournies par M. William Tattliff, « China’s Latin America Tango : A Partnership With Benefits for Both Sides », Wall Street Journal, 27 novembre 2008.
[13] Lire à ce sujet Mohan Malik : « China’s Growing Involvement in Latin America, 12 juin 2006. Disponible en ligne sur le site de l’organisation Pinr Power and Interest News Report HTTP ://WWW.PINR.COM/REPORT.PHP ?AC=VIEW_REPORT&REPORT_ID=508&LANGUAGE_ID=1.
[14] lire à ce sujet, Cintia Quiliconi, « US - L a t i n a m e r i c a n T r a d e R e l a t i o n s : P a t h t o t h e F u t u r e o r D e a d e n d S t r e e t ?”, Center for Policy Studies, Central European University, 2005, pp. 16-20. Disponible en ligne : http://www.flacso.org.ar/rrii/publicaciones/us-latin-america-trade.pdf.
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