Les Roms sont 10 à 12 millions en Europe, mais qui sont-ils ? L’auteur présente leur histoire et le fracas des échelles entre l’Union européenne et les pays d’origine ou de passage.
Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, le Diploweb.com publie cette étude inédite d’une conférencière du 7e Festival de Géopolitique de Grenoble : "A quoi servent les frontières ?" . Celui-ci vient de se terminer sur l’annonce du thème de l’année prochain Festival de Géopolitique : l’Afrique.
Les Roms sont une minorité qui fait couler beaucoup d’encre, rejetée par les pays d’origine mais également par les pays d’accueil. Quelles sont ses origines et pourquoi est-elle aujourd’hui confrontée à une situation difficile ?
Pour ceux qui ignorent l’étymologie du mot, "Rom" signifie "homme" en romani et désigne une branche de la population tzigane. Les Tziganes quittent l’Inde vers l’an Mille et arrivent en Europe entre le XIIème et le XIVème siècle. Les Tziganes ont différentes appellations en fonction de la direction choisie : Manouches ou Sinté en Europe du Nord, Roms en Europe Centrale, Gitans ou Kalés pour l’Europe Méditerranéenne. Jusqu’au milieu du XXème siècle, les Roms sont persécutés et discriminés en Europe. Louis XIV les condamne à vie aux galères, sans procès. Dans certaines provinces roumaines ils sont réduits en esclavage. A partir de 1933, ils subissent les persécutions nazies et furent victimes du génocide tzigane perpétré par l’Allemagne nazie et la Croatie oustachie.
Les changements géopolitiques survenus dans les pays de l’Est à la fin des années 1990 ont accentué la crise économique et fragilisé la situation des Roms.
Le traitement des Roms comme citoyens de seconde catégorie continue après la Seconde Guerre mondiale, partout en Europe. Les changements géopolitiques survenus dans les pays de l’Est à la fin des années 1990 ont accentué la crise économique et fragilisé la situation des Roms qui sont parmi les premiers touchés par le chômage. Ce qui explique la condition actuelle de cette minorité : discrimination, faible éducation, chômage massif...
En 2015, les Roms constituent la plus grande minorité ethnique d’Europe géographique avec une population estimée entre 10 à 12 millions de personnes sur le continent européen, d’après le Conseil de l’Europe. Environ 6 millions vivent au sein de l’Union européenne et sont citoyens européens. Les pays de l’UE avec un grand nombre de roms sont la Roumanie (2 000 000), la Bulgarie (800 000) et la Hongrie (500 000 à 600 000). Selon le Conseil de l’Europe, en France il y a 15 000 Roms qui vivent depuis une vingtaine d’années, c’est-à-dire depuis la chute du communisme dans les pays de l’Est. Cela s’explique par le fait qu’après l’effondrement du communisme, la plupart des Roms ont perdu leur travail et leur revenu dans leurs activités traditionnelles : démarcheurs, ferrailleurs, réparation d’outils domestiques, etc. Ces niches traditionnelles disparaissent parce qu’elles sont peu rentables.
Effet de l’appauvrissement des Roms : l’impossibilité de scolariser les enfants et les difficultés dans l’accès au logement et aux soins de santé. Parallèlement aux difficultés dans l’accès à l’éducation et à l’emploi, l’assimilation de la population rom à la population majoritaire des pays dans lesquels ils vivent a eu pour effet un sentiment d’hostilité à l’égard des Roms. L’absence de perspectives économiques et le souhait d’une vie meilleure ont pour conséquence l’émigration des Roms vers l’Europe de l’Ouest à partir des années 1990.
La France semble être un des pays préférés par les Roms en raison de sa proximité géographique avec la Roumanie et la Bulgarie comme de son origine latine.
Les Roms constituent 80% de la population vivant dans des bidonvilles en France.
Selon le Ministre de l’Intérieur, en 2014 il y avait 400 campements de Roms, dont les deux tiers installés en Ile-de-France. La solution trouvée par les autorités françaises est l’expulsion des personnes vivant dans ces camps. L’année 2014 s’est soldée par 13 483 expulsions, selon le European Roma Rights Centre (ERRC) et la Ligue des Droits de l’Homme (LDH). Ce qui signifie pour Philippe Goossens, rapporteur à la LDH, 80% de la population vivant dans des bidonvilles en France. Les expulsions de campements de Roms sont décidées par la justice. Ensuite les maires font appel aux forces de l’ordre pour procéder aux expulsions.
Après l’arrivée au pouvoir de François Hollande (mai 2012), le gouvernement publie une circulaire le 26 août 2012 qui propose des solutions de relogement en cas d’évacuations de campements illicites. En fait, il existe un vrai décalage entre le texte de loi et la réalité du terrain : seule une partie des maires propose des solutions de relogement aux personnes expulsées.
Malgré l’existence d’un problème social réel, les Roms se retrouvent souvent instrumentés dans le discours des hommes politiques de droite comme de gauche, surtout à l’approche des élections municipales ou nationales. On se souvient des propos de Manuel Valls, à l’automne 2013 "les Roms ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner" qui ont suscité des critiques de la part de la société civile et des prises de position dans le champ politique. A la suite de cette déclaration, le gouvernement a nuancé son discours en déclarant que la politique menée à l’égard des Roms "doit marcher sur deux jambes : lutte contre les occupations illégales de terrain mais aussi accompagnement de ces familles".
Mais ce n’est pas la première fois que les autorités françaises envisagent des solutions à l’égard de cette minorité ethnique.
L’ancien président de la France, alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait décidé en 2005 l’instauration d’un dispositif qui permettait à tout ressortissant de l’UE en "grande précarité" de toucher 300 euros par adulte et 100 euros par enfant pour rentrer dans son pays d’origine. Ces retours au pays étaient enregistrés comme des expulsions du territoire français. Mais cette mesure s’est avérée utile juste pour justifier l’efficacité de la politique de lutte contre l’immigration irrégulière. En réalité, les Roms retournaient dans leur pays d’origine pour passer des vacances et acheter des cadeaux à leurs familles et après quelques semaines ils repassaient la frontière dans l’autre sens.
Carte extraite d’un article de Samuel Delépine, Tsiganes d’Europe. Une minorité en danger ?
Il ne reste à la France mais aussi aux autres pays d’accueil et d’origine des Roms qu’à coopérer pour trouver ensemble une solution pour l’intégration de cette population défavorisée. En décembre 2013, le Conseil européen a adopté une recommandation relative à des mesures efficaces d’intégration des Roms dans les Etats membres qui vise l’accès à l’emploi, à l’éducation, au logement et aux soins de santé, mais également le financement et la lutte contre les discriminations. Un an plus tard, Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme a déclaré : "Il faut que les autorités nationales et locales œuvrent à une image plus positive des Roms et développent des initiatives constructives, de longue durée, pilotées par des Roms pour mettre un terme à leur exclusion".
Comment mettre en œuvre ces recommandations de l’UE pour arriver à un résultat rapide et efficace, tant pour les pays d’accueil que pour la minorité rom et les pays d’origine ? Il ne faut pas oublier que les pays d’origine ont accès à des Fonds structurels pour favoriser l’intégration économique et sociale des Roms. Mais ces fonds sont parfois détournés de leur objectif initial, ce qui justifie le suivi de ces fonds. En plus, dans les États membres regroupant des populations Roms importantes, l’intégration des Roms produira des effets bénéfiques non seulement en matière sociale, mais également sur le plan économique.
L’association dans le discours public entre les Roms et la population majoritaire du pays d’origine entretient le racisme. Le remplacement du mot "Roms" par "Bulgares" ou "Roumains" permet aux médias et à la société de repousser le problème vers l’Europe de l’Est et d’accuser ces pays d’absence de volonté d’intégration des Roms, sans pour autant trouver une réelle solution à cette problématique.
Enfin, les échanges multilatéraux d’expériences et coopération entre les Etats membres d’origine des Roms et les Etats membres de résidence doivent continuer et s’intensifier afin de favoriser l’intégration de cette minorité ethnique, à l’image de la ville de Lyon qui finance un projet de réinsertion à Trinca, en Roumanie « pour fixer les Roms dans leur pays d’origine et éviter qu’ils ne reviennent », selon le maire PS Gérard Collomb.
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