La prolifération nucléaire en Asie menace-t-elle l’avenir du TNP ?

Par Pierre VANDIER, le 1er octobre 2005  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Capitaine de frégate, Marine nationale, France, 12 e promotion du CID

L’Asie, par la présence de nombreux Etats nucléaires en prise à des tensions régionales parfois vives, met en lumière de façon éloquente les limites et les paradoxes de la dynamique initiée par le Traité de Non Prolifération nucléaire (TNP). Trente cinq ans après sa signature, le bilan du TNP en Asie est en effet assez mitigé. La prolifération nucléaire y a été importante ; la région concentre même tout le spectre des situations possibles face à l’acquisition d’armes nucléaires : pays détenteurs, pays proliférateurs, pays non adhérents au TNP, pays violateurs du TNP, pays « pacifistes », pays « du seuil »… Face à cette diversité de situations, quelle est la valeur actuelle et future de ce traité ? Est-il encore en mesure de limiter l’expression de la puissance entre nations ? Cette prolifération consacre t-elle l’inefficacité d’une lutte fondée sur un traité international ou au contraire, n’est-elle pas une invitation à le renforcer de dispositifs plus efficaces ?

Après avoir illustré les faiblesses du TNP à travers l’état des lieux de la prolifération en Asie, le Capitaine de frégate Pierre Vandier étudie les sources de tensions susceptibles de relancer une course aux armements nucléaires. Dans une troisième partie, l’auteur évalue l’avenir du Traité dans le dispositif de lutte contre la prolifération nucléaire tel qu’il est renforcé en 2005.

Ce mémoire de géopolitique a été rédigé au Collège Interarmées de Défense dans le cadre du séminaire “Géopolitique de l’Asie Orientale”, dirigé par Valérie Niquet, directeur de recherches à l’Institut de Recherche International et Stratégique (IRIS)

Introduction

ENTRE EN VIGUEUR le 5 mars 1970 pour une durée de 25 ans, le Traité de Non Prolifération Nucléaire (TNP) a été prorogé indéfiniment en 1995. Ce traité qui associe dans une dynamique commune les états détenteurs d’armes nucléaires (EDAN) et les états non détenteurs d’armes nucléaires (ENDAN) a aujourd’hui atteint une quasi universalité puisque seuls l’Inde, le Pakistan et Israël n’en sont pas signataires. Il constitue en cela le traité mondial avec la plus forte « adhérence »[i].

Au cours de la décennie 90, les annonces encourageantes de démantèlement de programmes militaires (Brésil, Afrique du Sud) et les succès enregistrés dans le contrôle des armes des républiques de l’Ex-Urss semblaient avoir affermi le poids politique de ce traité au point d’en faire une sorte de « norme de bonne conduite » internationale. En outre, les ambitions des états ayant enfreint le traité – Irak et Corée du Nord - semblaient sérieusement endiguées, les unes par le désarmement imposé après la première guerre du Golfe et les autres par un accord cadre conclu avec les Etats-Unis en 1994.

Néanmoins, au début des années 2000, la satisfaction fait peu à peu place à l’inquiétude avec la découverte - souvent fortuite - de viols patents du traité par des états signataires tant en ce qui concerne les ENDAN que les EDAN : existence de programmes militaires secrets en dépit des inspections, soutien plus ou moins direct à la prolifération. De surcroît, la mise au jour d’un véritable réseau de prolifération au Pakistan (filière du Dr Kahn et ses ramifications internationales) achèvent de convaincre la communauté internationale des limites de la lutte contre la prolifération telle qu’elle était définie par le TNP. L’affirmation forte de la nouvelle administration Bush[ii] de sa volonté d’assurer une lutte contre la prolifération - fusse-t-elle unilatérale - contre les « états-voyoux » semble manifester la prise de conscience américaine des limites de la lutte contre la prolifération telle que le TNP se propose de la réaliser.

L’Asie, par la présence de nombreux états nucléaires en prise à des tensions régionales parfois vives, met en lumière de façon éloquente les limites et les paradoxes de la dynamique initiée par le TNP. Trente cinq ans après sa signature, le bilan du TNP en Asie est en effet assez mitigé. La prolifération nucléaire y a été importante ; la région concentre même tout le spectre des situations possibles face à l’acquisition d’armes nucléaires : pays détenteurs, pays proliférateurs, pays non adhérents au TNP, pays violateurs du TNP, pays « pacifistes », pays « du seuil »,…

Face à cette diversité de situations, quelle est la valeur actuelle et future de ce traité ? Est-il encore en mesure de limiter l’expression de la puissance entre nations ? Cette prolifération consacre t-elle l’inefficacité d’une lutte fondée sur un traité international ou au contraire, n’est-elle pas une invitation à le renforcer de dispositifs plus efficaces ?

Après avoir illustré les faiblesses du TNP à travers l’état des lieux de la prolifération en Asie, nous étudierons les sources de tensions susceptibles de relancer une course aux armements nucléaires. Dans une troisième partie, nous évaluerons l’avenir du Traité dans le dispositif de lutte contre la prolifération nucléaire tel qu’il est actuellement renforcé.

1. La prolifération en Asie illustre les faiblesses originelles du TNP

1.1. Un traité original mais qui comporte des faiblesses conceptuelles

Dans les années 60, face aux risques d’une prolifération aussi rapide qu’anarchique, les principaux états détenteurs d’armes nucléaires se sont mis d’accord pour tenter, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, de dissuader les pays qui envisageaient d’acquérir ces armes de le faire.

La prolifération est en effet un phénomène indissociable de l’histoire des armes nucléaires. Avant même que les premières bombes aient été employées sur le Japon, des scientifiques américains et non des moindres[iii] ont milité pour la diffusion de cette technologie afin que, par « égalisation de la terreur », elles ne puissent pas être employées autrement que par leur effet dissuasif. A la faveur de cette sympathie intellectuelle pour la prolifération, le programme soviétique a ainsi pu être « accéléré » à la fin des 40 par des indiscrétions de certains scientifiques américains[iv]. Après le premier essai soviétique le 29 août 1949, la Chine bénéficie à son tour d’un « certain » appui soviétique entre 1957 et 1959. Elle réalise son premier essai le 16 octobre 1964.

De proche en proche, au gré des relations et des intérêts régionaux, il était légitime de craindre qu’ à la fin des années 60, une vingtaine d’états soient à court ou moyen terme détenteurs d’armes nucléaires, avec des risques importants de déstabilisation régionale ou « d’ascension aux extrêmes » non maîtrisée.

L’idée originale du TNP est d’avoir proposé l’abandon des prétentions nucléaires par les états non détenteurs moyennant des contreparties en apparence solides : un engagement solennel des pays détenteurs à travailler au désarmement nucléaire[v] mais surtout une garantie d’accès aux technologies du nucléaire civil.

Sur le plan politique, le TNP peut être lu selon deux grilles d’interprétation : d’un côté, il incarne la volonté partagée entre puissances nucléaires et instances internationales de mettre fin à des pratiques potentiellement créatrices de crises. L’accession généralisée de pays au rang de puissance nucléaire telle qu’on la constate dans les années 60 risquait en effet de rendre l’échiquier international aussi dangereux qu’incertain ; la perspective de voir se multiplier des « crises de Cuba » régionales n’étant guère réjouissante. Le consensus entre les puissances nucléaires officielles en ce domaine comporte cependant des faiblesses, comme le montre l’attitude de la Chine qui sera détaillée plus loin. D’un autre côté, le TNP entérine avec un « injuste pragmatisme » un état de fait - le statut de puissance nucléaire officielle de cinq états - en déniant au reste du monde la légitimité de l’accession à ce même statut. Nombre d’états ne vont cesser de s’appuyer sur ce paradoxe pour critiquer le TNP ou même justifier leur non adhésion.

Sur le plan technique, le TNP se propose implicitement de sanctuariser la technologie militaire. Il s’agit d’en contrôler la non diffusion grâce à un régime d’inspections placé sous l’égide de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), elle-même sous contrôle de l’ONU. Ce régime d’inspections est mis en place au terme d’accords conclus individuellement par chacun des états avec l’Agence. Ils ont pour objet de vérifier le strict usage civil des installations nucléaires que les états signataires voudront bien signaler. Techniquement, il s’agit essentiellement de contrôler le « cycle du combustible [vi] » afin de garantir qu’aucun détournement de matière fissile n’est constaté.

Le TNP est par conséquent comparable à une « fusée à deux étages », le premier étant chargé de mettre en place l’idée politique de la non prolifération sur la scène internationale et le second, le régime d’inspections, étant chargé de lui donner sa crédibilité technique.

En pratique, ce traité se heurte à un certain nombre de difficultés importantes.

En premier lieu, la sanctuarisation des technologies est extrêmement difficile à garantir. Sur un plan technique, il devient en effet de plus en plus difficile de tracer une limite simple entre la technologie militaire et civile, la seconde pouvant servir à camoufler efficacement la première[vii]. L’évolution des technologies nucléaires, notamment vers la miniaturisation, les progrès considérables de l’informatique, la diffusion inévitable de ces technologies à d’autres secteurs de l’industrie sont autant de limites à l’efficacité du concept de sanctuarisation, concept qui est encore plus fragile lorsqu’il vise à protéger des savoir-faire mis en œuvre ou développés par le génie nucléaire civil lui-même. Des réacteurs expérimentaux peuvent facilement servir à former des ingénieurs sur des technologies militaires, voire, le moment opportun servir de base à un programme militaire. Les révélations récentes de l’existence d’un programme relativement avancé à Taiwan illustrent bien ce point. De même, la recherche dans le domaine du retraitement des déchets nucléaires ou de la surgénération permet en pratique à des états d’acquérir légalement des savoir-faire directement applicables dans le domaine militaire.

En deuxième lieu, la mise en place des contrôles repose sur un processus déclaratoire des états qui indiquent aux autorités de contrôle le nombre et la nature de leurs installations. Le risque inévitable est par conséquent de voir des centres secrets continuer à fonctionner en dépit de contrôles « efficaces et transparents ». Dans leur forme initiale, les contrôles effectués par l’AIEA ne présentent en fait aucune garantie d’exhaustivité. Jusqu’en 1997[viii], le périmètre des activités nucléaires soumises à obligation de déclaration restait en effet assez modeste. Plusieurs états on su profiter de ce flou.

Enfin, l’association d’un volet politique à un régime technique permet en pratique à un état d’adhérer officiellement au TNP tout en effectuant de nombreuses manœuvres dilatoires vis-à-vis du régime d’inspections dont la signature puis la ratification et enfin la réalité de l’application peuvent prendre des années. A cet égard, les difficultés rencontrées par l’ONU pour faire adopter le protocole additionnel, mis en place en 1997 par les états signataires du TNP, sont représentatives du double jeu mené par de nombreux états qui souhaitent garder une « certaine liberté » dans leurs activités nucléaires.

Au bilan, le TNP est d’abord un traité politique dont l’efficacité repose surtout sur la bonne foi des parties signataires : d’un côté, les EDAN doivent réellement ne pas diffuser de la technologie militaire sous couvert d’activités civiles et de l’autre les ENDAN ne doivent pas chercher à développer des activités militaires dérivées de programmes civils utilisés comme paravents. Dans la zone asiatique, les trente-cinq années d’existence du TNP illustrent clairement ces nombreuses limites comme le montre l’état des lieux ci-après.

1.2. Les limites de l’universalité du TNP : L’Inde et le Pakistan

Entre 1974 et 1998, deux états asiatiques importants – l’Inde et le Pakistan - ont accédé au statut de puissance nucléaire en dépit de l’unanimité politique qui couronnait le TNP. Pays non adhérents au TNP, l’Inde et le Pakistan ont développé des programmes nucléaires complets qui leur ont permis de mettre au point des armes dans un climat de forte tension régionale notamment autour de la question du Cachemire.

Le programme indien

Le programme nucléaire militaire indien a essentiellement été motivé par la volonté de New Delhi de contrebalancer la puissance chinoise qui peinait à reconnaître son rôle régional. La douloureuse défaite militaire de 1962 contre la Chine a en cela clairement joué un rôle accélérateur. Le programme indien a, dans un premier temps, reçu l’aide des Etats-Unis par le biais de l’accord « Atoms for peace » mis en place par l’administration Eisenhower à la fin des années 50, avec la vente d’un réacteur expérimental canadien et la mise à disposition d’eau lourde américaine. En 1964, toujours avec l’aide américaine, une usine de retraitement de plutonium entre en service. A partir de 1965, les Etats-Unis se désengagent de l’Inde mais l’URSS prend immédiatement le relais. L’aide soviétique à la nucléarisation de l’Inde est en effet motivée par la volonté de limiter la montée en puissance du cousin communiste qui, depuis 1964, s’émancipe clairement de l’ombre russe. En 1974, l’Inde procède à ses premiers essais nucléaires dans le désert du Rajasthan.

En 1975, considérant que le TNP n’a pour autre objectif que de consolider les positions des cinq EDAN, l’Inde refuse de le signer. Elle conservera la même attitude en 1995 arguant de la poursuite des essais nucléaires par la France et par la Chine[ix] .

Le programme pakistanais

Le projet pakistanais apparaît assez clairement comme mimétique de celui de l’Inde. Ayant connaissance les ambitions indiennes, les autorités pakistanaises vont suivre avec attention les progrès de leurs voisins et s’employer à rattraper leur retard. Quelques années après New Delhi, Islamabad obtient des américains une aide directe à travers la livraison en 1960 d’un réacteur de recherche ; le Pakistan Atomic Research Reactor (PARR-1). Le désagréable souvenir de la seconde guerre indo pakistanaise de 1971 qui tourne clairement en la défaveur du Pakistan va conduire ce pays à pousser les feux de son programme militaire. En 1971, il acquiert un réacteur canadien à eau lourde de 140 MW et, avec le soutien de la France et de la Belgique[x], construit une unité de retraitement du plutonium. Après l’essai indien de 1974, le Pakistan voit les aides étrangères renforcées avec notamment l’accès aux technologies européennes de centrifugation.

A partir de 1975, les occidentaux cessent leur soutien dès lors que le Pakistan indique clairement son intention de ne rejoindre le régime international de lutte contre la prolifération. Néanmoins, les acquisitions secrètes de technologies se poursuivent, notamment en Europe[xi], obligeant les occidentaux à mettre en place des systèmes de surveillance des exportations plus ou moins efficaces.

En 1979, à la faveur de l’invasion soviétique en Afghanistan et compte-tenu de sa position géostratégique décisive dans le conflit mené par l’URSS, le Pakistan parvient à desserrer l’étau. Les Etats-Unis mettent alors en place des programmes d’aide militaire avec la bénédiction de la Chine qui s’inquiète également de la pression soviétique. Pékin à partir de ce moment va développer un partenariat serré avec Islamabad[xii] et accompagner son « passage à l’acte » qui se produit en 1985 avec une première série d’explosions « froides[xiii] ». Le premier test réel intervient en 1998 en réponse à une nouvelle série de trois essais indiens.

Une prolifération exemplaire

La prolifération indopakistanaise est un exemple assez remarquable d’interaction entre deux types d’intérêts : ceux, nationaux, de puissances régionales et ceux des grandes puissances qui s’affrontent sur l’échiquier mondial. D’une part, des tensions régionales ont en effet continuellement avivé le besoin de recourir à des garanties sécuritaires que seules des armes nucléaires crédibles pouvaient offrir. D’autre part, la nucléarisation de l’Inde et du Pakistan n’aurait pas été possible – ou du moins aurait été beaucoup plus lente - sans le soutien et la bienveillance des puissances nucléaires qui ont eu recours à la prolifération comme un mode d’action de leur stratégie globale. A l’échelle de l’Asie, une course aux armements - comparable à celle constatée entre les deux grands - s’est développée sans que le TNP soit en mesure d’y mettre un terme. Les enjeux régionaux tels qu’ils ont été perçus par Islamabad et New Delhi étaient suffisamment sérieux pour qu’une éventuelle notoriété sur la scène internationale ne soit que de peu de poids. L’adhésion au TNP n’étant pas obligatoire, il était dès lors plus efficace pour l’Inde et le Pakistan de conserver leur liberté que de se lancer dans une invocation complexe de l’article 10 du TNP après l’avoir signé, sachant que pour l’Inde, le recours au CSONU revenait à se soumettre aux oukases chinoises.

Au bilan, l’aventure nucléaire indo-pakistanaise constitue sinon l’échec au moins la limite de la capacité d’influence d’un tel traité sur les politiques régionales d’états dont la précarité des situations géostratégiques les invite à refuser toute entrave juridique à leur sécurité. Elle signifie en fait l’échec du TNP en tant que système de sécurité international unanimement accepté. L’importance stratégique décisive des armes nucléaires et leur rapport « efficacité/prix » imbattable pour des pays relativement pauvres marquent clairement les limites de l’approche politique de ce traité qui repose essentiellement sur l’adhésion volontaire à un code de bonne conduite. Au-delà de la stricte volonté nationale de chacun des deux candidats, l’attitude des puissances nucléaires, notamment russe et chinoise, s’est révélée déterminante pour franchir le « Rubicon » du nucléaire. La nucléarisation indopakistanaise constitue en fait une prolifération caractérisée d’EDAN qui ont pu profiter du statut « hors TNP » des deux pays pour achever ce qu’elles avaient commencé dans les années 60.

1.3. Les limites politiques du TNP : les ambiguïtés chinoises

Traité fondé sur un engagement réciproque des EDAN vis-à-vis des ENDAN, l’application du TNP est, dans la pratique, contrôlée par le Conseil de Sécurité de l’ONU (CSONU). C’est véritablement cette instance qui apprécie les rapports de l’AIEA, qui est saisie en cas de crise, - notamment lorsqu’un état invoque l’article 10 - , et qui prend les mesures « appropriées ». Au sein du CSONU, les cinq membres permanents qui ont droit de veto, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine et la France, ont tous la particularité d’être puissances nucléaires. Cette situation consacre en cela le rôle et la responsabilité particulière des états nucléaires dans la sécurité mondiale. Compte-tenu des rapports de puissance entre ces nations, il est difficile de concevoir qu’il puisse régner au sein de cette instance un véritable « état de droit » dans le domaine nucléaire en faisant abstraction des intérêts qui s’y expriment. Avec les possibilités de blocage offertes par le droit de veto, la mise en œuvre de sanctions à l’encontre d’un pays proliférateur devient rapidement difficile - voire impossible – surtout lorsque ces sanctions affaiblissent un allié direct ou mettent en lumière les pratiques proliférantes d’un membres. La période de la guerre froide jusqu’à l’effondrement soviétique en 1989 a ainsi été marquée par un jeu de puissance qui a très clairement limité les ambitions du TNP. Il a été et il est encore très difficile d’obtenir du conseil de sécurité des résolutions fortes contre un état proliférateur et encore plus contre un état proliférant membre du TNP.

A ce titre, le cas de la Chine illustre parfaitement l’ambivalence possible dans la lutte contre la prolifération. D’un côté la Chine, qui a rejoint le TNP en 1992, se fait officiellement la promotrice du désarmement et de la lutte contre la prolifération à travers une attitude très déclaratoire[xiv] . Mais de l’autre, il est clair qu’elle a discrètement mené des activités contraires à cette position, y compris dans un passé récent[xv].

La position chinoise vis-à-vis de la Corée du Nord, illustre également très bien cette ambivalence. Les bases technologiques du programme militaire de Pyongyang ont en effet très probablement été fournies par Pékin avec une aide possible de l’URSS. Plusieurs documents du Département d’Etat américain font état de pressions discrètes de Washington sur Pékin dès 1984 – avant que Chine se rallie au TNP - pour empêcher l’acquisition par Pyongyang de matériels « sensibles[xvi] ». Après la signature chinoise du TNP en 1992, le soutien direct de la Corée du Nord par la Chine semble avoir cessé, en revanche, l’assistance au contournement des dispositifs occidentaux de contrôle des exportations semble bien s’être poursuivie, comme l’atteste l’arraisonnement en avril 2003 d’un navire, provenant d’Allemagne et à destination de la Chine, transportant des tubes d’aluminium en fait destinés au programme d’enrichissement Nord Coréen.

Sur le plan diplomatique, la Chine joue actuellement un rôle de premier plan vis à vis de la dictature Nord-Coréenne en animant la mission de bons offices des « Six Party Talks » destinés à renouer les fils du dialogue rompu après la crise de 2002. Grâce à la proximité des deux pays depuis l’épisode de la guerre de Corée, Pékin peut aujourd’hui jouer de sa familiarité avec Pyongyang pour s’ériger en partenaire incontournable de la crise nucléaire coréenne. L’efficacité de cette mission reste cependant très limitée si on en juge par le peu d’avancées enregistrées par ce forum. Therèse Delpech[xvii] explique l’attitude chinoise par la volonté de Pékin d’utiliser la question nucléaire coréenne comme moyen de négociation politique vis à vis des américains, notamment au sujet de la question taiwanaise. En fait d’une manière générale, Pékin a beaucoup de mal à renoncer à des alliances avec des pays fortement marginalisés et peu contrôlables mais susceptibles de gêner l’action des Etats-Unis où que ce soit.

L’ambiguïté du rôle de la Chine dans la lutte contre la prolifération révèle ainsi assez nettement les limites politiques du TNP : quelle est la valeur intrinsèque d’un traité quand un signataire influent le contourne et verrouille les éventuelles sanctions qui pourraient être prises pour face à cette attitude ? Le bilan de la prolifération en Asie est à cet égard assez préoccupant.

1.4. Les limites de la crédibilité technique du TNP

1.4.1.- Le cas Nord Coréen

L’Asie illustre également avec relief les limites techniques du TNP. Le principe technique du TNP est bien de vérifier in situ la sanctuarisation effective de la technologie civile grâce à des inspections menées par l’AIEA sur les installations déclarées. Le traité prévoit que ces inspections soient négociées, c’est-à-dire soumises à la bonne volonté du pays visité. L’exemple de la Corée du Nord explicite clairement tout le parti qu’un état rétif peut tirer de cette faiblesse en jouant des limites inévitables de contrôles superficiels.

En 1985, la dictature communiste de Pyongyang a en effet signé le TNP mais les négociations avec l’AIEA relatives à la signature de l’accord d’inspections vont durer 7 ans. Il faudra attendre le 9 avril 1992 pour que le protocole permettant à l’agence de débuter son travail sur les sites déclarés soit enfin signé.

Dès septembre 1992, l’AIEA découvre des anomalies dans les déclarations initiales et demande des clarifications. L’annonce d’inspections complémentaires de l’AIEA sur les sites de stockage de matière fissile provoque une crise qui conduit le régime Nord Coréen à annoncer son retrait du TNP, arguant de l’article 10, sans toutefois notifier au conseil de sécurité de l’ONU les « événements extraordinaires compromettant les intérêts suprêmes du pays[xviii] ». La crise est cependant contenue grâce à l’implication directe des Etats-Unis qui signent en octobre 1994 avec la Corée du Nord l’« agreed framework », négociée par l’ex-président Carter au nom de l’administration Bush « senior ». Cet accord prévoit, dans un cadre régional, d’importantes contreparties sécuritaires et économiques à l’abandon du programme militaire de Pyongyang. Ce sont les accords KEDO (Korean Energy Development Organisation) signés en 1995 qui apportent à la Corée du Nord un soutien économique et technologique important à travers la fourniture de pétrole mais aussi la construction de deux réacteurs nucléaires civils modernes. Le Japon, la Corée du Sud et les Etats-Unis sont les principaux pourvoyeurs de fonds de ce programme.

Tout au long des années qui suivront la signature des accords, la Corée du Nord réussira cependant à systématiquement contourner les inspections et à poursuivre une politique de détournement de matière fissile de ses réacteurs civils existants en vue de rassembler la quantité de plutonium nécessaire à la fabrication de bombes. L’apparente normalisation des relations américano-coréennes suite aux accords de « l’agreed framework » donne le sentiment que la Corée se conforme au TNP. Ce n’est qu’en 2002, lorsque la Corée du Nord révèle avoir poursuivi un programme d’enrichissement en marge des activités officiellement gelées, que la communauté internationale prend la mesure des contournements accomplis pendant 6 ans.

En l’absence de ratification par la Corée du Nord du protocole additionnel du TNP, les inspections de l’AIEA se sont limitées aux rares sites « officiels » quand elles n’ont pas été entravées par le régime. La vérification de la réalité du respect des prescriptions du TNP n’a pu réellement être efficace dans ce contexte. Le directeur général de l’AIEA, M. Elbaradai « appelle d’ailleurs régulièrement au renforcement de la coopération avec l’Agence et les services du renseignement »[xix]. Dans le cas précis de la Corée du Nord, ce seront les révélations récurrentes des services secrets américains qui, plus que l’AIEA localement mise dans l’incapacité de faire son travail par la dictature militaire, permettront de mettre à jour sa duplicité.

Sur le plan technique, la faiblesse du TNP est bien l’inaptitude de l’AIEA à véritablement garantir la sanctuarisation la technologie militaire. Ses contrôles sont limités à des sites déclarés et visent essentiellement au suivi des stocks de matière fissile. De plus, l’AIEA ne dispose pas de ses propres moyens pour vérifier les déclarations des états et doit par conséquent s’en remettre pour cela aux grandes puissances (satellites, agents,…) dont les révélations sont rarement dénuées d’arrières pensées.

1.4.2. Le programme secret de Taiwan

Le cas de Taiwan est tout aussi exemplaire. Si la république « dissidente » n’a pas réellement approché le statut de puissance nucléaire, les récentes révélations faites au sujet de son programme nucléaire au cours des années 70- 90 illustrent parfaitement les possibilités de dissimulation d’un pays pourtant soumis au régime d’inspections de l’AIEA.

En 1964, après le premier essai nucléaire de la République Populaire de Chine, les responsables taiwanais lancent un programme secret d’armes nucléaires derrière le paravent d’un programme civil. En 1969, Taiwan achète à cette fin un réacteur de recherche canadien et de la matière fissile aux Etats-Unis. Elle développe en parallèle dans son Institut de Recherche Nucléaire (INER) une usine de production de combustible, une unité de retraitement et une unité de chimie du plutonium qui fonctionne à partir de 1972.

Simultanément, Taiwan mène avec l’AIEA des pourparlers en vue de la mise en place d’inspections de son programme. Il ne peut être question de signature du TNP puisque Taiwan n’est pas reconnu comme un état par l’ONU du fait du veto de la Chine. Les négociations conduisent cependant à des inspections à partir de 1970. Menées avec trop peu d’inspecteurs qualifiés, avec peu de marges de manœuvre, ces inspections n’aboutissent pas à une vision claire des activités taiwanaises. A partir de 1975, l’AIEA suspecte cependant l’existence d’activités douteuses sous la couverture de l’INER.

En 1976, une nouvelle série d’inspections a lieu, mais en dépit de visites approfondies de l’INER, elles ne parviennent pas à déterminer si de la matière fissile a été ou non détournée. Des révélations des services secrets américains font cependant état d’indices de l’existence d’un programme de retraitement secret de combustible. Sous la pression conjointe des Etats-Unis et de l’AIEA, Taiwan finit en 1977 par remettre une partie du combustible irradié et, en 1978, démantèle son laboratoire de chimie du plutonium.

Les négociations se poursuivent dans les années 80, cette fois directement avec les Etats-Unis afin de renvoyer aux Etats-Unis l’intégralité de la matière fissile irradiée possédée par les taiwanais. Des accords sont conclus en 1985 et permettent la restitution de plusieurs dizaines de kilogrammes de plutonium contenus dans du combustible usagé.

En 1988, la défection d’un ancien directeur adjoint de l’INER[xx] permet aux américains de découvrir l’ampleur des détournements de matière réalisés par le programme secret, effectivement destiné à mettre au point des armes nucléaires portées par des missiles balistiques de type Skyhorse par ailleurs fournis par les Etats-Unis pour la défense de l’île.

Au bilan, les pressions politiques très fortes de Washington ont fini par avoir raison de la volonté taiwanaise. La capacité de renseignement américaine, bien implantée à Taiwan, a joué un rôle décisif à la fois dans la connaissance de la volonté politique de Taipei et dans celle la réalité technique du programme militaire. Si les inspections de l’AIEA ont pu mettre en lumière des incohérences ou des zones d’ombre, les moyens dont disposent l’Agence ne lui permettent clairement pas de confirmer ces intuitions et de parvenir à posséder des preuves. Le principe d’un contrôle technique du TNP par des inspections ciblées sur des installations déclarées montre aussi dans ce cas sa grande faiblesse.

1.5. Le programme Sud Coréen

Au début des années 70, après que le président Nixon ait retiré de façon unilatérale deux divisions d’infanterie de Corée du Sud, les dirigeants coréens se sont discrètement lancés dans un programme d’acquisition d’armes nucléaires. L’implication très ferme de la diplomatie américaine en la personne d’Henry Kissinger, avec la menace de rompre les traités d’alliance entre les deux pays, a conduit Séoul à renoncer officiellement à ce programme et permis l’adhésion de la Corée du Sud au TNP en 1975.

En dépit de cette adhésion, les scientifiques sud-coréens n’ont pas cessé leurs expérimentations d’autant que leur pays s’est rapidement lancé dans un ambitieux programme électronucléaire soutenu par le Canada. Tout au long des années 80 puis 90, les scientifiques sud-coréens ont poursuivi des travaux assez poussés dans la maîtrise du cycle du combustible que la signature (en 1999) puis la mise en place du protocole additionnel leur a obligé de révéler récemment[xxi]. Au cours de cette vingtaine d’années, Séoul a lui aussi bien réussi à profiter des limites et imperfections du TNP pour poursuivre son programme secret et le mener à un niveau d’avancement tout à fait intéressant.

Le cas sud-Coréen démontre une fois encore la faiblesse des garanties offertes par l’AIEA qui, compte-tenu de son cadre opératif restreint, n’a pas été en mesure de réellement contrôler les activités de ce pays.

1.6. Un pays “du seuil”, le Japon

Le pacifisme fait partie de la constitution japonaise, votée en 1947, qui interdit officiellement à l’archipel de recourir à la force et de se doter de forces armées. Pourtant, la réalité des compétences techniques acquises par le Japon depuis les années 50 laisse clairement supposer que ce pays pourrait facilement parvenir au statut de puissance nucléaire sous un faible préavis. En janvier 1994, le directeur du Japan Atomic Industrial Forum (JAIF) déclarait en effet que « son pays disposait du potentiel techno-scientifique nécessaire pour acquérir une bombe nucléaire »[xxii].

Objet d’un large consensus dans l’opinion publique, le programme nucléaire japonais a été lancé dans les années 50 pour faire face à l’absence de toute ressource énergétique sur l’archipel. Ce programme mené conjointement par plusieurs organismes[xxiii] comprend 4 étapes qui planifient sur 40 ans la progressive maîtrise nippone du fait nucléaire civil. Le Japon est devenu aujourd’hui la troisième puissance électronucléaire du globe (45 000 MW en 1997) avec 47 centrales en fonctionnement. On y dénombre 49 centres de recherche fondamentale ou appliquée, deux types avancés de réacteurs et deux surgénérateurs (filières abandonnées par les Etats-Unis et la France). Avec l’aide des Etats-Unis, le Japon est de plus en train de développer une installation spéciale de retraitement pour séparer le plutonium à haute teneur. Le Japon est ainsi devenu le pays le plus avancé pour l’utilisation du MOX, combustible constitué d’un mélange de plutonium et d’oxyde d’uranium destiné à être brûlé dans les réacteurs civils.

Doté d’une constitution explicitement pacifiste, le Japon a toujours clamé la stricte orientation civile de son programme. Le chemin vers la ratification du TNP n’a cependant pas été aussi facile qu’il y paraît. Le TNP est un sujet que le Japon a cherché à esquiver jusqu’à sa ratification en 1969 par la RFA. Signé en 1970, le TNP n’a été ratifié au Japon qu’en 1976 du fait de profondes réticentes du ministère nippon des affaires étrangères. La ratification n’est intervenue qu’après l’obtention d’importantes garanties, notamment une grande liberté de manœuvre pour le développement de la maîtrise du cycle du combustible. Lors de sa conférence de prorogation en 1995, le Japon a veillé à ce que ses garanties soient reconduites.

Depuis les origines, la politique nucléaire de l’Etat japonais s’est en effet fixée pour objectif la maîtrise de toutes les étapes du cycle du combustible. Cette ambition permet en pratique d’acquérir des savoir-faire qui présentent la particularité d’être utilisés à la fois par les filières civiles et militaires. L’enrichissement de l’uranium est en effet un processus commun à la fabrication de combustible pour les centrales civiles et à celle de charges militaires de bombes de type « A ». Seul diffère le niveau d’enrichissement, plus faible pour le combustible civil. De même, le retraitement du plutonium est un processus commun au retraitement des déchets en vue d’un recyclage du combustible en MOX et à la constitution des armes nucléaires de type « H » (à fusion). Le principe implicite du TNP de sanctuarisation de la technologie nucléaire militaire se trouve profondément fragilisé par une telle ambition. En dépit d’une stricte transparence vis-à-vis de l’AIEA, un pays qui possède de tels savoir-faire accède en fait au statut de puissance nucléaire virtuelle[xxiv]. Face à des circonstances « exceptionnelles », il lui serait possible en très peu de temps – dans le cas du Japon, ce délai est estimé de 6 à 18 mois – de faire basculer son programme du domaine civil au domaine militaire.

Le Japon illustre parfaitement un type de prolifération non prévu par le TNP, celle de la prolifération par le haut d’états « high tech » qui, peu à peu, parviennent à maîtriser tous les savoir-faire indispensables à la construction d’armes nucléaires par le biais des recherches amont. L’enjeu du réacteur expérimental de fusion nucléaire (Tomahawk) dont la localisation en France à Cadarache ou au Japon fait l’objet d’un âpre débat illustre clairement cette approche. La maîtrise des technologies des lasers « haute puissance » comme celles de la fusion contrôlée sont elles aussi des briques essentielles de la capacité de fabrication future d’armes nucléaires[xxv].

1.7. Bilan

En 35 ans de règne, le bilan du TNP en Asie est assez mitigé : cette région du monde compte en effet :

une puissance nucléaire officielle membre du TNP, la Chine dont le comportement vis-à-vis de la prolifération nucléaire comporte de profondes ambiguïtés,

deux puissances nucléaires avérées, non membres du TNP, l’Inde et le Pakistan, la seconde ayant été convaincue d’avoir vigoureusement proliféré dans un passé récent, notamment vers le Proche-Orient et la Méditerranée,

une puissance nucléaire présumée, la Corée du Nord, en situation de parfaite illégalité vis-à-vis du TNP mais ne faisant pas l’objet de sanctions internationales de la part de l’ONU,

une puissance nucléaire « virtuelle », le Japon qui, bien que membre du TNP, possède l’ensemble des briques technologiques élémentaires pour pouvoir disposer avec un faible préavis d’armes nucléaires balistiques.

La période a également été marquée par le développement de programmes secrets (Taiwan, Corée du Sud) qui ont été abandonnés, plus sous la pression unilatérale des Etats-Unis, par ailleurs garants de leur sécurité, que sous l’effet de pressions de la communauté internationale.

Si le mérite du TNP est d’avoir donné un cadre légal à la lutte contre la prolifération et mis les instances internationales au premier plan dans la limitation de la course aux armements, il faut cependant faut bien admettre que les limites politiques et techniques de ce traité en affaiblissent clairement la crédibilité. La « fusée à deux étages » s’est montrée en pratique bien difficile à piloter.

Sur le plan politique, le TNP a été mis en place en 1975, à une époque à la quelle la prolifération était particulièrement active. Au-delà d’une attitude de façade, les EDAN ont mis un certain temps à mettre fin à leurs pratiques, certains n’y ayant jamais véritablement renoncé. Cette situation a bien évidemment profité à plusieurs puissances qui y ont vu une certaine une hésitation des « grands » à abandonner la realpolitik au profit d’une pseudo transparence internationale. Les contradictions - voire la duplicité - de leur attitude a permis à ces états de poursuivre leur progrès en dépit du rythme exceptionnel d’adhésions au traité. L’effet d’entraînement de la signature du traité a ainsi assez bien fonctionné mais les manœuvres dilatoires ou les stratégies de contournement mises en place par de nombreux états « du seuil » ont permis d’en contourner facilement les dispositions les plus contraignantes.

Sur le plan technique, la faiblesse du traité tient principalement au manque d’efficacité de ses contrôles qui échoient à une agence sans véritable pouvoir politique. La difficulté de cette agence à apporter de véritables preuves, sa dépendance vis-à-vis des structures de renseignement nationales – notamment américaine – et la faiblesse de ses moyens ont grandement limité l’efficacité des garanties qu’elle fournit au TNP.

Au bilan, le contrôle de l’émergence de puissances nucléaires en Asie, région sous tension, semble nettement plus avoir été le fruit des politiques régionales des grandes puissances que celui du respect d’un cadre juridique international.

2. LES RISQUES REGIONAUX DE LA REPRISE D’UNE COURSE AUX ARMEMENTS NUCLEAIRES

Traité imparfait, l’avenir du TNP dépend à la fois de son efficacité technique et du contexte dans lequel il est mis en œuvre. Bien que son histoire ait mis en lumière, tout au long de ces 35 dernières années, de graves faiblesses, sa capacité à faire référence dans la maîtrise de la prolifération nucléaire dépend intimement de l’avenir des ambitions régionales qui, si elles sont exacerbées par des menaces trop précises, peuvent relancer une course aux armements nucléaires. Cette course est déjà assez vive sur le plan des armes classiques[xxvi], il n’est pas impossible qu’elle se prolonge dans le domaine nucléaire qui offre un « pouvoir égalisateur du faible au fort » très attrayant.

Pour former une appréciation sur l’avenir du traité, il convient par conséquent de mesurer les risques régionaux qui pourraient conduire à en affaiblir voire à totalement en ruiner la valeur politique.

2.1. La montée en puissance de la Chine comme facteur de tension

Après avoir connu une période d’affrontement des deux blocs, américain et soviétique, l’Asie est marquée, depuis l’effondrement de l’URSS, par un retour à une dynamique beaucoup plus régionale dans les relations inter étatiques. Depuis la fin des années 80, la Chine a en effet repris une place déterminante dans le jeu régional, profitant à la fois d’un climat plus apaisé sur sa frontière ouest et nord, d’un dynamisme intérieur puissant et un relatif désengagement américain, au moins dans la décennie 90.

L’approche chinoise actuelle semble mue par une volonté de reprendre un certain degré de contrôle sur ses voisins. Elle peut rappeler d’une certaine manière la domination que l’empire chinois exerçait sur la région avant l’ère coloniale. Elle se traduit à travers deux réalités : d’une part la revendication d’une parité stratégique avec les Etats-Unis dans la région et d’autre part, la mise en place d’un certain contrôle sur les puissances régionales qui, pour beaucoup, ont jusqu’alors essentiellement compté sur les Etats-Unis pour assurer leur défense vis à vis du bloc communiste. « Après avoir été plutôt calme dans les années 80, le pourtour de la Chine est redevenu une zone dangereuse (principalement à l’est et au sud). Ces risques ne proviennent pas simplement du fait que la politique chinoise est plus exigeante et plus impatiente. Ils viennent aussi du fait de ce que Pékin marque la hausse de ses ambitions par des gestes forts, parfois militaires, qui peuvent paraître brutaux et provoquer des mouvements de panique lesquels, en retour, peuvent illusionner les dirigeants chinois sur l’efficacité de leur politique. [xxvii] ».

Depuis 1990, la Chine a en effet pris plusieurs initiatives qui indiquent à la fois cette volonté de reprendre une forme de contrôle de sa périphérie mais aussi une certaine inquiétude face aux changements de la politique américaine depuis l’effondrement de l’URSS.

Parmi elles il faut citer :

un programme d’augmentation numérique (contraire aux engagements du TNP) et qualitatif de son arsenal nucléaire, la thèse chinoise étant que ses capacités demeurent très en deçà de celles des grandes puissances nucléaires,

une pression accrue sur Taiwan avec notamment des manœuvres militaires en 1995 et 1996 qui ont motivé une forte réaction américaine[xxviii],

un soutien discret mais efficace dans le domaine balistique et ou nucléaire à ses alliés régionaux, le Pakistan et la Corée du Nord.

une pression discrète mais ferme à l’égard du Japon qui apporte de son côté une aide substantielle au programme américain de bouclier anti-missile.

Sur le plan de ses forces nucléaires, la Chine souffre d’une infériorité technique importante. Elle ne dispose de la technologie du mirvage[xxix] qu’avec ses derniers missiles DF31 mis en service en 2003[xxx] alors même que son parc de têtes nucléaires reste modeste (400 têtes, soit le volume équivalent au parc français, à mettre en rapport avec les 10 000 têtes américaines). Le maintien de la crédibilité de sa dissuasion est par conséquent un enjeu important pour elle, notamment en réponse à l’effort américain pour mettre en place une défense anti-balistique dans la région. Sa prolifération « interne » peut être ainsi interprétée comme un effort de maintien du seuil de crédibilité de sa dissuasion.

Sur un plan régional, la Chine se trouve face à la difficulté de réellement pouvoir contrebalancer la suprématie de la puissance américaine et de parvenir à instaurer avec elle un véritable dialogue stratégique. L’attitude qu’elle a adoptée dans la crise Nord-Coréenne s’inscrit dans cette perspective : en maintenant l’abcès Nord Coréen, la Chine s’offre une dissuasion indirecte qui lui permet de faire régner une menace diffuse - mais réelle - sur la région et d’asseoir sa position vis à vis des Etats-Unis. Le « jeu » nucléaire de la Chine lui donne une sorte monnaie d’échange sur la scène internationale : en apportant un certain contrôle sur son voisin avec lequel elle a noué une relation privilégiée, elle peut exiger de la communauté internationale quelques contreparties. Certains spécialistes évoquent ainsi un lien possible en entre la question Nord-Coréenne et d’éventuelles concessions sur la question taiwanaise.[xxxi]

Les marges de manœuvre chinoises sont cependant réduites. Le risque de voir l’un des pays de la région prendre peur face au jeu dangereux du pseudo contrôle de la Corée du Nord est élevé. L’émoi provoqué par le tir d’un missile Nord-Coréen en 1998 au dessus du Japon a provoqué une prise de conscience de la grande vulnérabilité nippone au chantage de Pyongyang. Un des rapporteurs des négociations des « Six Party Talks » qualifie même cette crise de « chance » pour le Japon En janvier 2003, le ministre de la défense, Mr. Shigeru Ishiba, a ainsi pu déclarer à la Diète que « son gouvernement ne repousserait pas plus longtemps l’idée d’une action préemptive contre la Corée du Nord si celle-ci devenait nécessaire [xxxii] ». Dix ans plutôt, une telle déclaration aurait valu à son auteur une démission fracassante…

Au-delà des déclarations, les inévitables réactions à la démonstration de puissance chinoise ont été de renforcer les garanties américaines[xxxiii], ce qui in fine était sans doute l’effet inverse de celui qui était recherché.

Dans ce contexte, le TNP constitue pour la Chine une indispensable ligne de « bonne conduite » utile pour « souffler le froid » et apaiser une partie des craintes suscitées par sa politique régionale. Pékin peut ainsi régulièrement s’associer aux initiatives occidentales, utiles pour faire bonne figure sur la scène internationale. Ruiner le TNP la conduirait à devoir se dévoiler, ce qui ne semble pour l’instant pas être son objectif.

Au bilan, l’attitude chinoise ne semble pas directement menacer l’existence du TNP. En revanche, les excès ou les dérapages que la Chine peut être amenée à commettre dans l’affirmation de son hégémonie régionale sont, eux, bien de nature à provoquer des réactions fortes de ses voisins, avec le risque de les voir se lancer dans des programmes nucléaires militaires. Ce pourrait être le cas du Japon, si la situation venait à profondément se dégrader.

2.2. Les inquiétudes japonaises

Dans un contexte de tension croissante vis-à-vis de la Chine, le Japon se trouve en première ligne compte-tenu du rôle que ce pays joue dans la politique régionale américaine. Le Japon constitue en effet un point d’appui majeur des Etats-Unis dans leur politique asiatique. Depuis la reddition de 1945, le sort du Japon a été intimement lié à celui de son « protecteur américain » qui, après l’avoir écrasé, l’a relevé. Dans l’opposition bipolaire de la guerre froide, le Japon a ainsi joué un rôle capital de môle défensif face au communisme. Compte-tenu de sa position géographique, il a constitué un verrou des accès maritimes tant chinois que soviétique qui explique l’implication américaine. La réorganisation récente des forces américaines dans le Pacifique confirme encore plus ce rôle prééminent.

Doté d’une constitution « pacifiste » héritée de la capitulation de la deuxième guerre mondiale, le Japon n’entretient aujourd’hui qu’une armée d’autodéfense qui s’est cependant progressivement étoffée au point de (re)devenir sur le plan naval la troisième marine mondiale. La puissance économique du Japon, ses intérêts maritimes régionaux et le soutien historique des Etats-Unis expliquent dans une large part la puissance de cette force d’autodéfense. Celle-ci a cependant aujourd’hui tendance à progressivement s’émanciper comme l’atteste la participation nippone à la campagne américaine en Irak en 2003, dans des tâches néanmoins limitées au soutien.

Officiellement, la sécurité du Japon repose sur l’allié américain, comme le rappelle régulièrement le premier ministre Koizumi : « Il n’y a pas d’autre pays que les Etats-Unis qui puisse défendre le Japon »[xxxiv]. Néanmoins, l’accroissement de la pression chinoise et Nord-Coréenne sur le Japon commence à un provoquer une prise de conscience de sa vulnérabilité et de son rôle de point de focal des stratégies indirectes à l’œuvre dans la région. Cette prise de conscience se traduit par exemple par une augmentation régulière du pourcentage de japonais favorables à un amendement de la constitution destiné à mettre fin au statut limité des forces d’autodéfense japonaises[xxxv].

Sur le plan nucléaire, le Japon affiche, du fait de sa constitution, un discours anti-nucléaire sur la scène internationale (désarmement, non prolifération, prohibition des armes nucléaires) et une adhésion sans faille aux régimes de non prolifération internationaux. Il profite de facto du parapluie nucléaire américain selon une stratégie assez analogue à celle qui couvrait l’Europe face à l’URSS pendant la guerre froide. Tant que les garanties américaines sont élevées, il ne semble pas qu’il y ait pour le Japon un intérêt à rompre avec la politique actuelle et à se doter d’armes nucléaires. L’effort substantiel de coopération du Japon au projet de bouclier anti-missile atteste au contraire une volonté de se protéger en n’ayant pas directement recours au jeu complexe de la dissuasion nucléaire.

Certains analystes ont pourtant évoqué la possibilité d’un « passage à l’acte » japonais[xxxvi]. Comme la France en son temps, le Japon pourrait en effet, si les circonstances le rendaient nécessaire, développer un concept de dissuasion « du faible au fort » reposant sur une force sous-marine. Techniquement, l’acquisition de cette capacité ne devrait pas poser de grandes difficultés à Tokyo. Politiquement, elle semble beaucoup moins réaliste car la mise sur pied d’une capacité nucléaire pour le Japon imposerait un double virage, interne à travers une modification profonde du consensus pacifiste et externe avec l’émancipation vis-à-vis du parapluie américain. Elle demanderait de surcroît un effort important de la part de Tokyo pour mettre en place et faire accepter une politique de dissuasion.

Le scénario selon lequel le Japon, à la faveur d’un dérapage chinois ou Nord Coréen déciderait d’invoquer l’article 10 du TNP semble par conséquent aujourd’hui peu crédible. L’effort occidental, motivé par les attentats du 11 septembre, pour améliorer la lutte contre la prolifération milite au contraire pour que le Japon s’associe au renforcement des garanties du TNP et exerce ainsi une pression indirecte sur ses turbulents voisins sous couvert du parapluie américain.

2.3. L’épine Nord Coréenne : le risque d’un dérapage

L’affaire Nord-Coréenne représente en revanche un danger important pour la survie du régime de non prolifération dans sa forme actuelle. Le programme nucléaire Nord-Coréen constitue en effet une transgression caractérisée et répétée d’un traité international sans que de véritables sanctions soient prises à l’encontre de cet état.

Le choix d’un règlement bilatéral – « l’ agreed framework », hors du cadre onusien a pu présenter l’avantage de proposer une feuille de route taillée sur mesure, correspondant à une négociation à la fois rapide, crédible et assortie de véritables contre parties économiques, atouts que l’ONU aurait eu des difficultés à mettre en avant.

Cependant l’échec consommé de cette option, mis en évidence dans les années 2000, n’a pas produit de réaction de l’instance internationale qui continue d’accepter des tentatives de règlement « à l’amiable », les « six party talks », dont les fruits sont bien lents à émerger. La passivité de l’ONU face à la crise Coréenne pourrait par conséquent bien constituer un affaiblissement important du TNP. Selon le récent rapport de la commission étrangère du Sénat[xxxvii], « en annonçant, le 10 janvier 2003, son retrait du TNP – le premier dans l’histoire du traité - la Corée du Nord n’a pas respecté les formes requises, mais elle a surtout enfreint un principe essentiel de tout ordre juridique, en se déliant d’un engagement après l’avoir violé. Ce retrait n’a pas entraîné de réaction spécifique des trois Etats dépositaires du TNP (Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni), pas plus que du Conseil de sécurité des Nations-Unies. L’absence de réaction internationale, comme l’enlisement des pourparlers à six, semblent conforter la Corée du Nord dans cette politique du fait accompli, avec la faculté de chantage que lui procure désormais la possession présumée d’une arme nucléaire . Ce précédent est dangereux parce qu’il pourrait convaincre certains pays que le coût politique d’un retrait n’est pas nécessairement insupportable, ce dernier pouvant même servir de monnaie d’échange pour la satisfaction de revendications politiques ou économiques. On pense en particulier à l’Iran, où certaines voix parmi les plus radicales s’expriment parfois en ce sens, bien qu’aujourd’hui ses dirigeants ne semblent pas prêts à courir ce risque. Ce retrait contribue, d’une manière plus générale, à fragiliser le TNP dont la quasi-universalité ne doit pas faire oublier qu’il demeure la cible de toutes sortes de critiques ».

De surcroît, le virage de l’administration Bush (initié avant le 11 septembre 2001) est inquiétant pour l’avenir du TNP en tant que régime fondé des bases juridiques. La nouvelle politique américaine est en effet fondée sur une approche ambiguë - la définition arbitraire d’états voyous ou dictatoriaux - et l’affirmation d’une volonté très ferme - si nécessaire unilatérale - de garantir la sécurité des Etats-Unis par la force. « L’empressement de plusieurs pays à rallier la guerre au terrorisme a contribué à diluer la définition de la menace. Le projet américain risque ainsi d’être mis au service d’autres politiques. […]. La trop vague définition américaine de « terrorisme de portée planétaire » est venue fort à propos légitimer leurs entreprises respectives… »[xxxviii]. Cette politique pragmatique risque bien d’affaiblir sérieusement un système sécurité cautionné par une instance internationale qui n’aurait alors plus d’autre rôle que d’assurer une tribune à des pays souhaitant faire reconnaître leur bonne conduite.

L’affaire Nord-Coréenne constitue ainsi une sorte de test, à la fois pour le TNP - mais aussi pour l’ONU- de la validité réelle d’un régime de non prolifération fondé sur des bases juridiques. Ce qui est en jeu est en fait la capacité de la communauté internationale à faire respecter un traité dont elle est dépositaire et plus largement à faire respecter le droit international dont elle est la garante.

2.4. Incertitudes indo-pakistanaises

Au terme d’une course aux armements, l’Inde et le Pakistan sont parvenus à mettre en place une relative parité stratégique sur le plan nucléaire. La capacité du Pakistan à « répondre » aux essais indiens par une série analogue de tirs indique que ses capacités ont atteint un niveau de maturité suffisant pour que se développe entre les deux pays une forme de dissuasion mutuelle. Les récentes initiatives prises à partir de l’été 2004 dans le domaine de la notification réciproque des essais de missiles balistiques semblent indiquer entre les deux pays une volonté d’apaisement et de maîtrise des phases de montée en puissance. La prolifération nucléaire aura vraisemblablement permis d’apaiser le dialogue entre eux et de les faire renoncer chacun à une politique de coup de force ou d’intimidation.

Cela étant, la position « hors TNP » de ces deux pays - devenus de facto des puissances nucléaires - crée une brèche dans le régime universel du TNP qui pourrait à la longue se révéler problématique puisque les activités de ces états ne font l’objet d’aucun contrôle. La découverte de filières de prolifération via des réseaux para-étatiques comme la celui du Dr Abdul Kahn au Pakistan montre le danger de laisser perdurer cette situation qui, de proche en proche, affaiblit le traité et pousse certains états à développer une lutte contre la prolifération « hors TNP ». A l’image de sa dimension technique qui ne s’intéresse qu’aux installations déclarées, il serait à terme dangereux que le TNP ne couvre que les états nucléaires « déclarés » et laisse à une partie de la communauté internationale le soin de lutter contre la prolifération par d’autres moyens, avec le risque que la légitimité de ces entreprises soit brouillée.

Une invitation pressante de l’ONU au Pakistan et à l’Inde de rejoindre le TNP est sans doute une étape indispensable pour raffermir le TNP. Elle pourrait être le préalable à l’établissement d’un certain nombre de relations diplomatiques ou commerciales entre ces pays et le reste de la communauté internationale.

2.5. Le rôle déterminant des Etats-Unis

Après l’écrasement du Japon et sa rapide reconstruction pendant la période 1945-1948 sous l’impulsion du général Mac Arthur, les Etats-Unis ont semblé vouloir renouer avec la doctrine Monroe en entamant un repli stratégique dans la région. Cette attitude a été illustrée par la célèbre déclaration de Dean Acheson qui déclare le 12 janvier 1950, devant le club national de la presse : « Le périmètre de défense des États-Unis va des îles Aléoutiennes au Japon », excluant ainsi la Corée et Taiwan.

L’invasion de la Corée et la longue guerre qui s’en est suivie ont marqué un revirement durable des Etats-Unis et une prise de conscience de l’importance des enjeux stratégiques asiatiques pour leur sécurité. Formalisée à travers la théorie des dominos, la politique américaine a tout d’abord consisté à affermir ses positions face aux menées déstabilisatrices de l’URSS. Elle a motivé la mise en place d’accords de défense et de forces conventionnelles et nucléaires dans plusieurs pays de la région (le Japon, Taiwan, la Corée du Sud) ainsi qu’un engagement massif dans la guerre du Vietnam.

Dans la logique de guerre froide, les Etats-Unis ont su tirer parti de la position particulière de la Chine vis-à-vis de l’URSS comme l’attestent la « normalisation » avec Pékin concrétisée par le voyage d’Henry Kissinger en 1972 (« La semaine qui a changé le monde »). Dans le domaine nucléaire, les Etats-Unis ont, tout au long de la période 1950 – 1991, exercé un fort contrôle sur les activités de leurs alliés qu’ils ont fortement incité à ne pas développer d’armes au fort potentiel déstabilisateur. De façon récurrente ils ont été amenés à ré affermir leurs alliances afin de se poser en véritables garants des pays les plus menacés : Taiwan, la Corée du Sud et le Japon.

A partir de la chute de l’URSS, les Etats-Unis ont pris conscience du rôle nouveau joué par la Chine. Comme le résume Zbigniev Bzrezinski[xxxix] « Le premier objectif de la politique chinoise est dirigé contre les Etats-Unis et vise à réduire la prépondérance américaine tout en évitant un affrontement militaire qui anéantirait les efforts qu’elle déploie pour accéder au rang de puissance économique. Le second objectif contraint la Chine à mettre en œuvre une géostratégie régionale qui évite tout conflit sérieux avec ses proches voisins tout en poursuivant sa quête de suprématie sur la zone. »

La confrontation sino-américaine a pris une forme indirecte tout au long de la décennie 90. Avec l’attitude pressante de la Chine vis-à-vis de Taiwan, notamment dans le domaine militaire, les Etats-Unis ont été amenés à devoir exécuter des démonstrations de force explicites comme ce fut le cas en 1998. Suite à des tirs de missiles exécutés par l’armée populaire de Chine à proximité de l’île, les Etats-Unis envoyèrent un porte-avions nucléaire sur zone comme gage de leur soutien à l’indépendance de Taiwan.

L’affaire Nord-Coréenne est beaucoup plus complexe car à la fois plus grave et en apparence moins contrôlée par la Chine. La tentative de règlement bilatéral de l’ « agreed framework » de 1994 matérialise cette tentative américaine de découpler la question Coréenne de son influence chinoise. La crise de 2003 consacre l’échec de cette approche et marque le retour indiscutable de la Chine dans le processus de normalisation.

La position américaine face à une prolifération sinon voulue par la Chine tout du moins consentie est aujourd’hui assez fragile. La stratégie préemptive telle qu’elle a été formulée par l’administration Bush marque la limite des effets de la dissuasion classique et la nécessité de formuler des menaces plus précises. Les manœuvres « Summer Pulse » qui ont regroupé un total de 7 porte-avions nucléaires au large de la Chine en juillet 2004 s’inscrivent nettement dans cette nouvelle ligne. En dépit des difficultés rencontrées dans la stabilisation de l’Irak, les Etats-Unis souhaitent faire la démonstration que leur capacité d’action reste inaltérée et que les garanties qu’ils offrent à leurs partenaires dans la région asiatiques ne sont nullement affaiblies par l’instabilité au proche-orient.

3. L’ADAPTATION de LA LUTTE CONTRE LA PROLIFERATION

Après la première guerre du Golfe en 1991 mais surtout après le 11 septembre 2001, les états occidentaux ont pris conscience de la nécessité de renforcer leur lutte contre la prolifération nucléaire, et plus généralement contre les armes dites « de destruction massive ». Les contournements flagrants du TNP puis la mise en évidence de possibles connexions entre réseaux terroristes et réseaux de prolifération nucléaire ont apporté à la lutte contre la prolifération un important renfort de mobilisation, de légitimité et de moyens. Les efforts portent actuellement sur deux types d’initiatives : un affermissement du rôle de l’ONU et une meilleure coordination entre états occidentaux pour contrôler la diffusion de la technologie.

3.1. Le renforcement du rôle de l’ONU

Le protocole additionnel
Face à des faiblesses conceptuelles et techniques profondes, l’adaptation du TNP était devenue incontournable. C’est à partir des leçons tirées du cas irakien qu’a été lancé le programme « 93+2 ».

Ce programme a pour objectif « de doter l’AIEA de réels moyens de vérification à l’égard d’un Etat dissimulant des matières nucléaires, des installations ou des programmes pouvant dériver vers un usage militaire. Il passe par la souscription d’un protocole additionnel donnant à l’AIEA des prérogatives beaucoup plus étendues que l’accord de garanties.

Le protocole additionnel comporte deux types de moyens nouveaux : il étend considérablement le champ des activités qui doivent être déclarées, qui n’est plus limité à celles impliquant des matières nucléaires, mais couvre aussi les programmes de recherche publics et privés, les exportations et importations d’équipements nucléaires ainsi que l’ensemble des opérations liées au cycle du combustible ; il permet aux inspecteurs de l’AIEA d’effectuer des contrôles, des mesures ou des prélèvements aux fins d’analyse hors des installations déclarées, par exemple dans des centres de recherche, des réacteurs arrêtés ou des usines fabriquant des produits susceptibles de servir dans un programme nucléaire »[xl].

Dans la zone asiatique, seuls la Chine (décembre 1998) et le Japon (décembre 1998) sont actuellement signataires de ce protocole.

La saisine automatique du conseil de sécurité et la mise en place de sanctions
Pour faire face au blocage du conseil de sécurité, l’idée d’une saisine automatique a été proposée par la France : « La situation la plus grave est celle d’un retrait du TNP, surtout si, comme dans le cas de la Corée du Nord, elle survient après une violation du traité. Il est particulièrement choquant qu’en raison des réticences chinoises, appuyées par les autorités russes, le Conseil de sécurité n’ait pas pu statuer sur une question aussi grave, mettant en cause la paix et la sécurité internationale » [xli]. La France a en outre suggéré qu’en cas de retrait du TNP, l’Etat concerné soit tenu de ne plus faire usage des matières, installations, équipements ou technologies acquis auprès d’un pays tiers, de les restituer, de les geler ou de les démanteler sous contrôle international et que soient suspendues toutes les coopérations nucléaires dans le domaine civil. Ces mesures sont encore au stade de la proposition. Le temps nécessaire pour mettre en place ces évolutions étant important – si l’on s’en réfère à l’exemple des accords « 93+2 » -, le risque que l’état de droit ait encore un important temps de retard sur l’état de fait est bien réel.

La résolution 1540
Dernier volet du renforcement de l’implication de l’instance internationale la résolution 1540, votée à l’unanimité en avril 2004 indique une prise de conscience claire des graves menaces pour la paix et la sécurité internationales présenté par une prolifération qui tend à échapper au contrôle des états. Elle demande notamment aux états de coopérer afin de créer des contrôles internationaux permettant de contrôler les exportations et de mettre en place des sanctions aux infractions.

3.2.Les initiatives hors ONU

Le second volet du renforcement du régime de non prolifération est la mise en place de dispositions complémentaires entre pays développés pour renforcer rapidement certains aspects défaillants du TNP. La mobilisation générale décrétée par les Etats-Unis contre le terrorisme a contribué à renforcer de façon très importante la volonté politique occidentale de parvenir à éviter l’emploi des ADM par des organisations échappant à tout contrôle. Les attentats en Europe (Madrid, Istanbul) ont rapidement rallié l’Union Européenne à cette cause. On assiste ainsi à de nombreuses initiatives parmi lesquelles :

la PSI : Proliferation Security Initiative, lancée par G.W. Bush en mai 2003. Elle institue une coopération entre pays pour intercepter des chargements d’armes de destruction massive, de leurs vecteurs ou d’équipements et matériels contribuant à leur fabrication, provenant ou à destination de pays ou d’entités suscitant des préoccupations dans ce domaine. Ces interceptions peuvent s’effectuer par une large gamme de moyens, préventifs ou coercitifs et peuvent porter sur des transports maritimes, terrestres ou aériens. Une déclaration sur les principes d’interception a été adoptée à Paris en septembre 2003. Elle précise le cadre dans lequel s’inscrit la PSI et ses objectifs. L’un d’entre eux est d’obtenir la coopération d’un maximum d’Etats dont les navires, le pavillon, les ports, les eaux territoriales, l’espace aérien ou le territoire peuvent être utilisés par des acteurs de la prolifération. Un an après son lancement, 62 Etats ont participé au début du mois de juin à la dernière réunion autour de la PSI.

le Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive. Cette initiative du G8 peut être considérée comme une continuation et un élargissement du programme américain de réduction concertée de la menace (cooperative threat reduction), ou programme « Nunn-Lugar », du nom des deux sénateurs qui l’ont initié en 1991. Il vise à mettre en place diverses actions de coopération pour contenir la menace que représentent les stocks d’armes de destruction massive excédentaires ou les matières nucléaires non sécurisées en Russie et pour reconvertir les scientifiques[xlii].

la Stratégie Européenne de Sécurité[xliii] qui a été adoptée le 12 décembre 2003. Ce texte adopté par le Conseil Européen manifeste la volonté des états membres de l’UE de renforcer leur coopération en vue de mieux contrôler les transferts de matière et de technologie pouvant servir à construire des ADM. Elle inclut notamment une clause standard de non prolifération destinée à être incluse dans les accords de coopération entre l’Union européenne et les Etats tiers. Il s’agit là d’une innovation importante puisqu’en cas de non-respect par l’Etat-tiers de ses engagements de non-prolifération, la suspension de l’accord pourra être décidée comme mesure ultime.

3.3. Bilan : un TNP renforcé ?

Par l’ensemble des mesures détaillées précédemment, la communauté internationale a clairement manifesté sa volonté de renforcer le régime de non prolifération, notamment à partir de 1995. Cependant, une seule de ces mesures renforce directement le TNP – le protocole additionnel –, les autres étant des initiatives indépendantes auxquelles un nombre plus restreint d’états adhèrent. Le TNP en sort-il par conséquent véritablement renforcé ?

Sur un plan politique, les nombreuses initiatives prises hors de l’ONU attestent de la prise de conscience de nombreux états de la nécessité de limiter autant que possible la poursuite de la nucléarisation du monde compte-tenu de l’instabilité qui a suivi l’effondrement soviétique et la montée du terrorisme international. Le TNP qui pouvait à ses débuts être considéré comme un arrangement entre « puissants » et « faibles » se trouve en quelque sorte re-légitimé par un panel plus vaste d’accords internationaux qui comblent avec pragmatisme et souplesse les pesanteurs ou les blocages de l’ONU. Ces accords qui se développent entre de nombreux états non nucléaires (par exemple au sein de l’Union Européenne) pour surveiller la diffusion et l’emploi de la technologie nucléaire attestent d’un assentiment profond aux fondements du TNP comme instrument d’une meilleure stabilité mondiale. L’association aujourd’hui faite entre la menace terroriste et la menace de la prolifération nucléaire semble élargir encore la légitimité de cette lutte. Le TNP devient ainsi une sorte de pierre angulaire d’un édifice plus vaste, adapté aux besoins et aux réalités des états. La résolution 1540 d’avril 2004 constitue en cela le plan d’ensemble d’une approche qui n’est pas seulement fondée sur un traité formel mais sur des coopérations effectives entre états.

Sur un plan technique, le protocole additionnel élargit grandement le spectre des inspections. Il rend en cela éminemment plus complexe la tenue d’une double langage par un état : adhésion au TNP d’un côté et conduite d’un programme militaire de l’autre. Le seuil de mise en garde de la communauté internationale va progressivement devenir très bas. Par ailleurs, les autres initiatives internationales apportent une réelle plus value dans le domaine du contrôle des transports maritimes ou aérien comme dans l’ échange de renseignements, domaine dans lequel il était peu crédible d’espérer de réels progrès dans le cadre de l’ONU. Seuls des échanges bilatéraux entre partenaires dûment identifiés peuvent en effet réellement être envisagés pour lutter contre les entreprises de dissimulation d’achats et de transports.

Au bilan, si le TNP occupe aujourd’hui une place relative moins importante dans le dispositif de lutte contre la prolifération, il se trouve légitimé par les nombreuses initiatives qui le complètent. Les états ont su prendre des mesures qui en atténuent les faiblesses originelles avec pragmatisme.

4. Conclusion

Après 35 années d’existence, le bilan du TNP est très contrasté. Les états qui avaient la ferme résolution d’acquérir des armes nucléaires ont pu le faire, en dépit de l’unanimité politique qui entoure ce traité. L’Asie, région sous tension géopolitique constante depuis 1945, met ainsi en évidence une subordination très nette du droit international aux intérêts des puissances.

Dans ce cadre, la contribution américaine au contrôle global de la zone peut être considérée comme avoir été - et être encore - décisive. En effet, par le poids de leur outil diplomatique et militaire, les Etats-Unis se montrent en mesure d’apporter un rééquilibrage des rapports de puissance régionaux. Ils exercent ainsi un contrôle de leurs alliés et font planer une menace crédible sur leurs adversaires, stratégie qui a permis jusqu’à présent de verrouiller le jeu régional. En jouant des garanties sécuritaires qu’ils apportent (notamment à Taiwan, à la Corée du Sud et au Japon), ils sont parvenus à les dissuader de franchir le seuil fatidique.

La menace que les Etats-Unis font peser sur leurs adversaires semble cependant trouver actuellement ses limites, ces derniers sont en effet en passe de réussir à mettre en place dans la région de profonds germes d’instabilité. Le jeu très ambigu de la Chine et de la Corée du Nord impose de facto les Etats-Unis à s’engager de façon plus appuyée pour défendre leurs alliés, avec un risque latent de « découplage nucléaire », comme cela avait été le cas lors de la guerre des euromissiles en Europe dans les années 80 : à mesure que les risques régionaux augmentent, il est possible que l’engagement américain ne soit plus aussi sûr et que certains pays – au premier rang desquels le Japon – soient tentés d’assurer eux-mêmes leur ultime protection. Ce découplage est probablement un des objectifs de la politique chinoise actuelle. L’approche du « bouclier anti-missile » constitue en cela une réponse à cette montée des enchères qui permet en théorie d’augmenter la protection des pays menacés sans les pousser à entrer dans le jeu complexe d’une dissuasion nucléaire régionale. Encore faut-il que ce bouclier soit crédible, ce qui à l’évidence n’est pas le cas…

Dans cet environnement, l’avenir du TNP peut apparaître comme bien fragile. Comme le souligne Sbigniev Brzezinski : « Seuls des accords diplomatiques régionaux sont susceptibles de porter un coup d’arrêt à la prolifération nucléaire dans cet environnement conflictuel. Les nations concernées renonceront à l’arme nucléaire à la seule condition que d’autres formules garantissent leur sécurité : ou bien une alliance contraignante avec un partenaire disposant de l’arme nucléaire, ou bien un dispositif international crédible [xliv] ». Partant des mêmes bases de réflexion, Alexandre Adler annonce[xlv] même que « La troisième certitude de demain a trait tout simplement à la fin de la politique de non prolifération nucléaire ».

En dépit de ces forces de fragilisation, le TNP bénéficie pourtant d’un renforcement à la fois direct – par l’adaptation de ses dispositions et de ses contrôles – et indirect par la série d’initiatives sécuritaires lancées par les états occidentaux après le 11 septembre 2001. Les attentats terroristes ont conduit à une prise de conscience mondiale des dangers de la situation actuelle et de la nécessité de prendre toutes les mesures possibles pour mieux contrôler la diffusion des armes de destruction massive. De façon assez pragmatique, ces mesures complètent le TNP dans les domaines dans lesquels il était illusoire de le voir progresser de façon substantielle. Grâce à elles, le régime de non prolifération ne se trouve plus dans la situation de « gardien du temple » mais comme élément d’un ensemble plus vaste de dispositions multinationales qui font l’objet d’un consensus assez large.

Ce consensus cache cependant une réalité qui reviendra tôt ou tard sur le devant de la scène : le fait nucléaire est un outil dont il est difficile de se départir pour la défense de ses intérêts de puissance. Aucun des cinq EDAN officiels n’envisage un seul instant de se départir de cet atout pour assurer sa propre sécurité. Dès lors, il est assez irréaliste d’imaginer que, sur le long terme, certains états puissent renoncer définitivement à acquérir des armes nucléaires comme les cas de la Corée du Nord et de l’Iran l’illustrent. Le TNP qui est « le pire des régimes à l’exception de tous les autres »[xlvi] a cependant quelques mérites : celui d’avoir permis de poser la problématique de la prolifération à un niveau international et surtout d’avoir servi à augmenter considérablement le coût politique du « passage à l’acte ». Pour ces deux raisons on peut penser qu’il a encore une certaine utilité qui devrait lui permettre de survivre quelques temps…

Manuscrit clos en mars 2005.

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Notes

[i] La Corée du Nord a annoncé en 2003 son retrait du TNP.

[ii] Discours de l’état de l’union. G. W. Bush – 29 janvier 2002 - http://usinfo.state.gov/francais/f2013001.htm

[iii] François de Closets relate l’intervention d’Albert Einstein auprès de W. Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale afin que les secrets nucléaires soient diffusés aux soviétiques. F. de Closets - « Ne Dites pas à Dieu ce qu’il doit faire ». Seuil, 2004.

[iv] R.J. Oppenheimer a été soupçonné en 1953 d’avoir eu des contacts avec les soviétiques. Il a été démis de ses fonctions et n’a plus accès à aucun secret militaire. (http://www.seminaire-sherbrooke.qc.ca/ hist/hist5/travaux/biog/OP/Oppenheimer.htm)

[v] « L’assemblé générale prie la conférence des dix-huit puissances sur le désarmement et les Etats dotés d’armes nucléaires de poursuivre d’urgence des négociations en vue de prendre des mesures efficaces pour faire cesser la course aux armements à une date rapprochée et au désarmement nucléaire et à un relatif au désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace ». 1672ème séance plénière de l’AG de l’ONU. 12 juin 1968. Cet aspect du traité est jugé par certains états – notamment le Japon- comme étant prioritaire à la lutte contre la prolifération plutôt mise en avant par les puissances nucléaires

[vi] Le cycle du combustible correspond à l’ensemble des opérations industrielles liées à l’exploitation de l’uranium et de ses produits de fission, depuis l’enrichissement du minerai jusqu’au traitement des déchets.

[vii] A titre d’exemple, l’administration Bush a ainsi récemment reproché à l’administration Clinton d’avoir vendu des super-ordinateurs CRAY à la Chine qui annonçait soi-disant les utiliser pour son système météorologique. http://www.newsmax.com/archives/ articles/2002/10/3/190315.shtml

[viii] En mai 1997, le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA) a concrétisé trois années et demi d’efforts intensifs élaborer un programme de garanties renforcées et plus efficientes appelé « Programme 93+2 ». M. Elbaradai dans une interview accordée à M. Xavier de Villepin fait part de ses préoccupations face aux difficultés de mise en place de ce protocole dans de nombreux pays. Rapport d’information du Sénat n°388. p 40 et suivantes.

[ix] La France a repris une dernière série d’essais nucléaires dans le Pacifique en 1995. La Chine a pour sa part réalisé un essai seulement 5 jours après la signature de la prorogation illimitée du TNP.

[x] Les entreprises « Belgonucléaire » et « Saint-Gobain Techniques Nouvelles ».

[xi] Plusieurs industriels allemands seront ainsi condamnés pour avoir poursuivi des livraisons de matériels sensibles après la signature du TNP par la RFA en 1969.

[xii] Une dépêche de Reuters parue en mars 2004 fait notamment état de révélations contenues dans des documents déclassifiés par le département d’état américain : « en dépit de sa signature du TNP, la Chine aurait entretenu des relations suivies avec le Pakistan pour l’aider à mettre au point son programme d’armes nucléaires » ; http://in.news.yahoo.com/040306/137/2buke.html. Ces informations sont également reprises dans un rapport du congrès américain : http://www.fas.org/spp/starwars/crs/980717CRSWeapons.htm

[xiii] On appelle explosion froide un essai technique qui n’aboutit pas à une explosion de matière fissile. Il n’est pas détectable par les sismographes ; il n’a par conséquent pas de valeur véritablement politique.

[xiv] “China supports the Conference on Disarmament in its efforts to start substantive work on the following four topics : nuclear disarmament, the Fissile Material Cut-off Treaty (FMCT), security assurances to non-nuclear-weapon states, and prevention of an arms race in outer space.China consistently stands for complete prohibition and thorough destruction of nuclear weapons”. Popular Republic of China White Paper 2004.

[xv] « La Chine a en effet contribué, par le passé, à la prolifération nucléaire, notamment vers le Pakistan. Certains analystes doutent que son adhésion au TNP, en 1992, ait été immédiatement suivie d’une interruption de toute exportation. La Chine est aussi actuellement la seule puissance nucléaire reconnue à développer qualitativement et quantitativement son arsenal nucléaire, ce qui n’est guère compatible avec l’engagement de désarmement souscrit dans le cadre du TNP Rapport d’information du Sénat n° 388 de la session ordinaire 2003-2004 sur la Prolifération Nucléaire. p 24.

[xvi] North Korea and Nuclear Weapons : The Declassified U.S. Records. The National Security Archive. http://www2.gwu.edu

[xvii] Rapport d’information du Sénat n° 388 de la session ordinaire 2003-2004 sur la Prolifération Nucléaire. page 93 et dans « Pyongyang – Pékin : Les maîtres de l’ambiguïté » - Politique Internationale – Novembre 2004.

[xviii] C’est précisément l’absence de notification de ces événements à l’ONU qui constitue aujourd’hui le caractère illégal du retrait du TNP de la Corée annoncé en 2002.

[xix] Rapport d’information du Sénat n° 388 de la session ordinaire 2003-2004 sur la Prolifération Nucléaire. page 10

[xx] L’ensemble de l’histoire de ce programme est détaillée dans : Bulletin of the Atomic Scientists janvier/février 1988 : « Taiwan : Nuclear Nightmare averted » http://www.fas.org/nuke/guide/taiwan/nuke/

[xxi] South Korea’s nuclear surprise – Bulletin of the Atomic Scientists – Fev 2005. http://www.thebulletin.org/article.php?art_ofn=jf05kang

[xxii] In « Le Nucléaire japonais ». Revue Hérodote n°97/2000.

[xxiii] la Science and Technology Agency (STA), la Japan Atomic Energy Commission et le Japan Atomic Industrial Forum

[xxiv] MAZARR, Michael J. “The Challenge of Virtual Nuclear Arsenals”. St Martin’s Press, NY 1997. http://www.csis.org/pubs/wr_vna.pdf

[xxv] Depuis la ratification du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN), la France développe pour sa filière militaire le laser mégajoule afin de continuer la mise au point de armes futures.

[xxvi] Asia has generally been the second largest arms market in the developing world. Yet in 2000-2003, Asia ranked first, accounting for 50.8% of the total value of all arms transfer agreements with developing nations ($33.8 billion in current dollars). In the earlier period, 1996-1999, the region accounted for 36.8% of all suchCRS-24 agreements ($28.6 billion in current dollars), ranking second. CRS Report for Congress Conventional Arms Transfers to Developing Nations, 1996-2003August 26, 2004 Richard F. Grimmett.

[xxvii] DOMENACH, Jean-Luc « Où va la Chine » - p. 250.

[xxviii] 1995 : A l’arrivée au pouvoir de Jian Zeming, l’armée chinoise tente de faire le « coup de force » sur Taiwan. A l’automne ; elle organise de puissantes manœuvres afin d’influencer les 1eres élections présidentielles taiwanaises. Des tirs de missiles à proximité de la péninsule conduisent les USA à déployer deux porte-avions nucléaires. « Lee Teng Hui est réélu président, signifiant l’échec des pressions chinoises. La crise a été dépassée grâce à la fermeté et au calme des électeurs taiwanais. Les gesticulations continentales ont finalement réduit les divisions de l’électorat taiwanais en identifiant la défense de l’île et celle de la démocratie. ». DOMENACH, Jean Luc. Op.cit

[xxix] Mirvage : néologisme venant de MIRV : Multiple Reentry Vehicule : technologie qui consiste à mettre plusieurs têtes nucléaires sur un même missile balistique afin de réduire les chances d’interception de ces têtes lors de leur rentrée dans l’atmosphère.

[xxx] Selon http://www.fas.org/nuke

[xxxi] « Loin d’être une simple figure de style, le lien entre la Corée du Nord et Taiwan a une longue histoire. Une histoire presque aussi longue que le régime communiste à Pékin. […]. Aujourd’hui, la situation a considérablement évolué, mais le changement n’entame en rien la détermination de Pékin à tout mettre en œuvre pour « récupérer » Taiwan. […] Or qui peut s’opposer à cette récupération sinon Washington ? A vrai dire, personne. Thérèse Delpech- Pyongyang – Pékin : Les maîtres de l’ambiguïté – Politique Internationale n° 105-2003.

[xxxii] ROK Joint Conference on Disarmament and Non-proliferation Issues, Jeju Island, Republic of Korea, 3-5 December 2003 “Thank You, Dear Leader !” A Political Perspective from Japan Akio Takahata Editorial Writer The Mainichi Shimbun, Japan

[xxxiii] L’agitation Nord-Coréenne a très certainement renforcé la dynamique du projet de défense anti-missile auquel le Japon apporte une participation substantielle. En 2004, le budget alloué par le Japon a ainsi été porté à 1,2 milliards de dollars, soit neuf fois plus que le total investi entre 1999 et 2003.

[xxxiv] L’alliance nippo-américaine repose sur le Mutual Security Treaty signé en 1951.

[xxxv] A Foreign Affairs article by Eugene Matthews points out that Japan’s public view has jumped from 41% to 47% in one year, which urges amending constitution so as to recognize the Self Defence Forces formally as our Armed Forces. The author also suggests that the remarks by such political hardliners as Mr. Ishihara, Governor of Tokyo, or PM Koizumi, are not seen as heretics in Japanese daily politics any more.

[xxxvi] Endicott,J, “Japan’s Nuclear Option. Political, technical and Strategic Factors”. Preagers Publishers, 1995.

[xxxvii]Rapport d’information du Sénat n° 388 de la session ordinaire 2003-2004 sur la Prolifération Nucléaire. p 15

[xxxviii] BRZEZINSKI, Zbigniev, « Le vrai choix », Odile Jacob 2004 . p 55.

[xxxix] BRZEZINSKI, Zbigniev, Le grand Echiquier, Bayard Editions, 1997

[xl] Rapport d’information du Sénat n° 388 p 6.

[xli] idem

[xlii] http://www.nunn-lugar.com

[xliii] http://ue.eu.int/uedocs/cmsUpload/st15708.en03.pdf

[xliv] BRZESINSKI, Zbigniev, « Le vrai choix » Odile Jacob 2004. p 114.

[xlv] ADLER, Alexandre, Le Figaro 10/11/2004.

[xlvi] Rapport d’information du Sénat n° 388 de la session ordinaire 2003-2004 sur la Prolifération Nucléaire p16


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