Présentation du livre dirigé par Gérard-François Dumont, « La France en villes », Paris, Sedes, 2010, 352 p.
L’ouvrage analyse les concepts éclairant la notion de ville, en passant par une approche multiscalaire de l’armature urbaine de la France, un approfondissement des dynamiques des villes ou encore les enjeux de l’urbanisation outre-mer.
PUISQUEla France du XXIe siècle est essentiellement une France urbaine, La France en villes est le titre retenu pour le nouvel ouvrage dirigé par le recteur Gérard-François Dumont, Professeur à l’Université de Paris-Sorbonne. Réalisé en collaboration avec des enseignants-chercheurs de renom qui contribuent pour l’essentiel à la revue Population & Avenir qu’il dirige, le livre La France en ville est consacré à l’examen des processus à l’œuvre dans le phénomène d’urbanisation en France. Adapté à un large public, l’ouvrage aborde en détail les enjeux qui se posent dans les villes françaises aujourd’hui. En six parties, l’ouvrage analyse les concepts éclairant la notion de ville, en passant par une approche multiscalaire de l’armature urbaine de la France, un approfondissement des dynamiques des villes ou encore les enjeux de l’urbanisation outre-mer.
Cependant, c’est la partie consacrée aux « questions de gouvernance » qui doit tout particulièrement retenir l’attention de ceux qui s’intéressent à la géopolitique interne. En effet, le livre propose une analyse globale des enjeux de l’évolution des cadres institutionnels et des jeux d’acteurs qui marque la France en villes des années 2010.
Cette réflexion est fondée sur une approche extensive « rejetant le caractère normatif » de la notion de gouvernance, puisque Gérard-François Dumont la définit comme « l’ensemble des règles institutionnelles, des modes de fonctionnement des organes de décision, des procédés de préparation des décisions, des capacités de mise en réseau des différents acteurs institutionnels, politiques, économiques, sociaux ou associatifs, des aptitudes à partager des connaissances et des expertises, des modes de coordination, d’information et d’évaluation, le tout dans le but d’améliorer l’attractivité du territoire au profit de la population ».
Ce cadre d’analyse permet d’examiner plusieurs facettes de la gouvernance urbaine de la France. Le premier volet étudié est l’évolution des règles institutionnelles. Gérard-François Dumont aborde tout d’abord la réforme majeure de la période contemporaine : la décentralisation. Ayant « instauré un droit des villes à l’autonomie de gouvernance », selon Gérard-François Dumont, la décentralisation est présentée comme un élément déclencheur de la transformation du système décisionnel français. C’est la raison pour laquelle l’auteur consacre un développement détaillé à ce processus. Afin de mettre en exergue l’importance du caractère révolutionnaire qu’il attribue, avec raison à notre sens, à cette réforme des collectivités locales, l’auteur retrace l’évolution de la perception du fonctionnement du système urbain en France depuis l’Ancien Régime jusqu’à 1982, date de la mise en œuvre de la réforme en France. Démontrant en quoi la décentralisation a profondément modifié les rapports entre l’Etat et les collectivités locales en transformant les compétences des communes, notamment dans le champ de l’urbanisme, Gérard-François Dumont poursuit en analysant avec précision les phases de la mise en œuvre de la réforme depuis 1982.
L’analyse des enjeux de l’évolution des cadres réglementaires se poursuit avec l’étude de la mise en œuvre des structures de coopération intercommunale. Gérard-François Dumont et Laurent Chalard mettent ainsi en perspective le processus de « coopération horizontale entre communes » en France. Se penchant successivement sur « l’intercommunalité de gestion », puis sur « l’intercommunalité de projet » qui prend son essor avec la décentralisation, les auteurs démontrent que les différentes formes de coopération autorisées, puis largement encouragées financièrement par l’Etat central, sont une réponse de ce dernier à l’accroissement du champ d’intervention des communes. En effet, l’importance du rôle de l’acteur ville dans le développement local est devenue telle qu’une adaptation des cadres administratifs s’est révélée indispensable selon les auteurs.
Ces derniers n’en demeurent pas moins critiques quant aux modalités de mise en œuvre de cette adaptation réglementaire et à l’impact des recompositions territoriales engendrées par la mise en place des structures de coopération intercommunale. La promulgation des communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes qui structurent aujourd’hui le paysage géopolitique français pose plusieurs questions au rang desquelles les motivations réelles des élus, le rapport des citoyens face à ces nouveaux territoires ou encore l’efficacité de ces structures en terme de développement économique. Ce raisonnement, agrémenté de nombreux tableaux récapitulatifs des compétences de chaque établissement public étudié, conduit Gérard-François Dumont et Laurent Chalard à considérer le processus de mise en place des structures de coopération intercommunale comme une « révolution tranquille ».
Ayant abordé la transformation des cadres réglementaires français à travers la décentralisation et la mise en place des structures intercommunales, Gérard-François Dumont se tourne vers l’examen du champ de la coordination des politiques de développement économique en analysant ce qu’il qualifie de « devoir de gouvernance économique pour les villes ».
L’auteur attribue l’émergence de cet enjeu économique à deux facteurs essentiels. Le premier d’entre eux est la « totale inversion de la réglementation » identifiée par ses soins. Cette démonstration est effectuée en se fondant sur une analyse du processus sur le long terme. Gérard-François Dumont examine ainsi le passage, en une soixantaine d’années, d’une interdiction formelle d’agir dans le domaine économique pour les villes, sous le régime de la loi Le Chapelier, à une « plus large initiative […] en matière d’animation économique » offerte dans les années 1980.
Le second facteur est l’avènement « [d’]un environnement fondamentalement nouveau marqué par les processus de globalisation, d’internationalisation et de mondialisation ». Ce phénomène se traduit par des changements profonds dans la nature économique de la ville, mais aussi par l’émergence d’une demande nouvelle de la part des citoyens tout autant que par la reconnaissance du fait que la « réalité géoéconomique » des villes se joue pour une large part à l’échelle locale.
La nécessaire réorganisation de la stratégie de l’acteur ville face à ce nouveau contexte a, selon l’auteur, rendu inéluctable la mise en œuvre de nouvelles pratiques au sein de son territoire qui ne saurait échapper à la nécessité de se positionner dans une compétition devenue mondiale.
Au volet économique s’ajoute la prise en compte de l’intégration du concept de développement durable au sein de la ville et dans sa gestion. Gérard-François Dumont interroge la notion de durabilité de la ville. Alors que l’espace est devenu un nouvel enjeu où se développent des stratégies et des jeux d’acteurs soumis à ce nouvel impératif de taille, l’auteur prend le contre-pied du discours commun en affirmant, dans la première partie de son de son étude, que « les villes ont longtemps été « durables » sans le savoir ». Cette analyse historique est le point de départ d’un questionnement de l’application en France du concept de développement durable né en 1987 avec le rapport Brundtland. Ayant analysé les textes et procédures liés à l’application du principe dans la législation française, l’auteur démontre, en se focalisant sur l’exemple des Agendas 21, que la réussite de ces démarches est fondée sur la recherche de cohérence entre les divers documents de planification et la coopération de l’ensemble des acteurs. Gérard-François Dumont complète cet examen par la formulation de préconisations destinées à optimiser la gouvernance des villes pour les rendre conformes à la « logique de ville durable ».
Le livre consacre un dernier développement aux « quartiers de ville dans une situation spécifique » qui conduit à la mise en œuvre pour eux d’une gouvernance particulière : la politique de la ville. Julien Damon, professeur associé à Science Po, analyse les procédures liées à ce mode d’action spécifique sur les quartiers dits « sensibles ». L’auteur s’attache à mettre en perspective l’ensemble des lois et dispositifs visant à « réduire les difficultés des populations habitant ces territoires » depuis les années 1970, jusqu’au virage des années 2000 introduit par la loi pour la Solidarité et le Renouvellement Urbain (SRU) du 13 août 2000. Interrogeant l’essence même de ce type de politique publique à travers un développement accompagné de nombreux schémas de synthèse, l’auteur est conduit à formuler un bilan qu’il qualifie « d’incontestablement mitigé » tant l’évaluation de cette politique est complexe. Julien Damon démontre que cette complexité est liée au fait qu’en dépit de « l’incapacité de la politique de la ville à atteindre les objectifs fixés par les gouvernements successifs », cette dernière dispose tout de même d’une « capacité à permettre l’émergence de nouvelles modalités d’action ».
Outre cette riche partie sur les « questions de gouvernance », au cœur des évolutions géopolitiques internes, le livre La France en villes délivre une grille d’analyse des processus ayant engendré les recompositions territoriales qui façonnent la France urbaine d’aujourd’hui. Il en va de même pour les jeux d’acteurs dont la complexification croissante est largement étudiée avec un souci pédagogique qui transparaît dans les choix de présentation et d’illustration des démonstrations. Le lecteur appréciera notamment les 22 cartes, 23 tableaux, 18 figures et 41 encadrés, sans oublier un riche index géographique comportant plus de 450 entrées.
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