Géopolitique de la France en Europe. Présentation du livre de Christian Lequesne, La France dans la nouvelle Europe. Assumer le changement d’échelle, Coll. Nouveaux débats, Paris : Presses de Sciences Po, 2008, 148 p.
VOICI un livre fort, pour deux raisons.
Premièrement, l’auteur, directeur depuis janvier 2009 du Centre d’études et de recherches internationales (CERI), est un expert reconnu des questions européennes. Son analyse a été enrichie par plusieurs séjours hors de l’Hexagone, notamment à Prague puis à Londres. Ce qui l’a conduit à entendre le questionnement de nos partenaires au sujet des postures de Paris, parfois décalées.
Deuxièmement, Christian Lequesne s’autorise une grande franchise. Sans se cacher derrière des formules alambiquées à lire entre les lignes, il met les pieds dans le plat de nos certitudes.
Il s’agit aussi d’un livre utile.
En premier lieu parce qu’il explique pourquoi la France a eu du mal à s’adapter au passage d’une Union européenne de 12 à 15, 25 puis 27 Etats membres. Bref, combien Paris a peiné à prendre acte de la fin de la Guerre froide et à saisir la mesure de la reconfiguration géopolitique qui en résultait. L’auteur explique les raisons de la réserve, pointe les maladresses, date les faits majeurs. C. Lequesne précise, notamment, le projet défendu par Paris de fin 1989 à l’automne 1991 d’une Confédération européenne qui aurait été ouverte à l’URSS mais fermée aux Etats-Unis. Comment des pays d’Europe centrale et orientale à peine libérés de Moscou auraient-ils pu accepter cette perspective ? (Cf. pp. 46-50) Comment s’étonner, ensuite, que la voix de la Paris y pèse moins que celle de Washington ? L’auteur démontre encore combien les relations françaises à l’Europe communautaire demeurent ambigües, décortiquant le référendum de 2005 avec finesse.
En second lieu, C. Lequesne s’autorise à donner quelques conseils pour que la France trouve sa place dans une Union européenne qui a changé d’échelle. « Trouver sa place dans une Union européenne à vingt-sept nécessite […] d’être une force de proposition positive qui accepte la réalité de l’élargissement, et plus généralement, celle du monde tel qu’il est et non tel que la France l’a rêvé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. » (p. 123) Mieux vaut laisser la nostalgie de côté quand il s’agit de construire le futur. L’urgence est de savoir quoi dire d’utile et comment le construire avec des stratégies de coalitions adaptées à la nouvelle donne. « Apprendre à ne pas travailler seulement avec les grands Etats, mais aussi avec les petits et les moyens, est une tâche à laquelle la France doit s’atteler davantage. » (p. 127) Il importe d’avoir conscience de l’allergie de la plupart des pays membres à l’idée de tout « directoire » et de s’interdire de faire des déclarations tonitruantes finalement contre-productives. La priorité devrait être de mener un travail de bilatéralisme multiple pour optimiser les chances de peser sur les dossiers.
Bref, voici un livre fort utile, d’une lecture à la fois plaisante et féconde.
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