Igor Delanoë est docteur en histoire moderne et contemporaine de l’université Nice-Sophia Antipolis. Ses recherches portent sur les questions de sécurité et de défense russe, les intérêts de la Russie en Méditerranée et au Moyen-Orient, ainsi que la flotte de guerre russe. Chercheur associé au Harvard Ukrainian Research Institute (université de Harvard). Il enseigne actuellement l’histoire au Collège universitaire français de Saint-Pétersbourg (Russie).
Géopolitique et géostratégie des relations Russie - Communauté euro-atlantique. Alors que les rencontres diplomatiques au plus haut niveau se succèdent, l’auteur met la crise en perspective et réfléchit à une issue. Le consensus transatlantique et les sanctions n’ont jusqu’à présent permis aucune avancée en vue de résoudre la crise ukrainienne. Elles ont au contraire contribué à raidir l’élite politico-militaire russe autour d’un discours nationaliste.
Pour Igor Delanoë, il convient ainsi de désidéologiser les rapports UE-Russie, et en ce sens, réengager le dialogue avec Moscou dans le cadre de l’UEE pourrait permettre de régénérer une relation usée par une décennie d’incompréhension et de méfiance.
LA CRISE ukrainienne marque un tournant dans les relations qu’entretiennent la Russie et la communauté euro-atlantique depuis 1991 [1]. La crise ukrainienne a induit une profonde crise de confiance entre l’Union européenne (UE) et l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) d’une part, et la Russie d’autre part, et questionne l’avenir de leur partenariat. A l’exception du champ de la coopération scientifique et culturelle, presque tous les autres domaines de coopération entre Moscou et ses partenaires occidentaux ont été atteints par la crise : l’économie, avec les sanctions, la coopération militaire, la diplomatie, réduite à ses canaux élémentaires, et même la coopération en matière de sécurité nucléaire, pourtant une des clefs de voûtes des relations américano-russes depuis la disparition de l’URSS [2]. La crise ukrainienne consacre l’échec de l’intégration de Moscou dans l’espace sécuritaire euro-atlantique tout en jetant la lumière sur les incohérences de la politique européenne vis-à-vis de son voisinage oriental et l’incongruité de la politique d’extension de l’OTAN. Elle est le fruit d’une absence de gestion coordonnée entre Bruxelles et Moscou des différents défis posés par les pays du voisinage partagé [3] qui ont été le théâtre au cours des années 2000 d’une lutte à somme nulle pour l’influence entre Européens et Russes. Au-delà, la crise ukrainienne se déroule à un moment charnière pour l’identité des trois acteurs. L’UE doit faire face à la fois à une vague micronationaliste en Grande-Bretagne (Ecosse), en Belgique (Flandres) et en Espagne (Catalogne), et à des forces centrifuges avec les potentiels ‘Brexit’ et ‘Grexit’. Alors que la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) dirigée par l’OTAN depuis 2003 en Afghanistan s’est terminée en décembre 2014, le retrait du théâtre afghan repose avec plus d’acuité la question de la raison d’être de l’Alliance atlantique. La Russie semble pour sa part se tourner vers l’Asie et cherche à étoffer son partenariat non seulement avec Pékin, mais aussi avec Tokyo et Séoul. La crise ukrainienne et le fossé grandissant qui s’établit entre la Russie et la communauté euro-atlantique viennent ainsi catalyser un « pivot » asiatique russe amorcé dès le début des années 2010. Les incompréhensions entre Moscou et Occidentaux sont grandes, et la refondation des liens entre la Russie et la communauté euro-atlantique apparaît aujourd’hui comme un défi sécuritaire majeur et indispensable. Se pose ainsi la question de la nature des relations que souhaitent entretenir à l’avenir Russes et Occidentaux.
Les origines de la défiance
Peu après son arrivée au pouvoir en 2000 et avant les attentats du 11 septembre, Vladimir Poutine cherche à se rapprocher de l’UE et de l’OTAN, un choix qui ne s’en trouve que consolidé après les attaques du World Trade Center [4]. En 2002, le président russe tempère les réactions de son appareil sécuritaire au sujet d’une possible extension de l’Alliance aux pays Baltes, tandis que l’élargissement de l’UE à l’Est recevait un accueil neutre à Moscou [5]. Toutefois, l’idée d’insérer la Russie au sein d’un espace euro-atlantique élargi s’éloigne à partir de 2003 à mesure que surgissent des sujets de divergences avec Washington : retrait unilatéral des Etats-Unis du traité ABM (2002), invasion de l’Irak (2003), révolutions de couleurs en Géorgie (2003) et en Ukraine (2004), intégration des Etats baltes, de la Slovaquie, de la Slovénie, de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’OTAN (2004). A compter de la fin de la première moitié des années 2000, la sauvegarde du régime devient une priorité pour le Kremlin qui entend prévenir toute forme de soulèvement populaire du type de celui des révolutions de couleur. Vladimir Poutine, qui considère que les intérêts de la Russie n’ont pas été suffisamment pris en compte par la communauté euro-atlantique, place alors son pays sur une trajectoire indépendante de celle de l’Occident, et en 2007, le président russe critique fermement l’ordre mondial post-Guerre froide dans son discours, depuis devenu célèbre, prononcé à Munich. Le conflit russo-géorgien d’août 2008 et la crise syrienne qui éclate en 2011 constituent encore des dossiers sur lesquels Russes et Occidentaux entretiennent des approches divergentes. En 2013, c’est encore l’absence de dialogue effectif entre Moscou et Bruxelles combiné à une approche à somme nulle au sujet de l’Ukraine qui a conduit à une crise grave qui consacre désormais une forme de « schisme russo-occidental » [6].
La crise ukrainienne consacre en outre l’échec d’une stratégie russe qui consistait, dans ses relations avec Bruxelles, à privilégier ses liens avec Paris, Berlin et Rome.
Au terme des années 2000, le Kremlin a opéré un glissement vers une conception westphalienne de l’ordre international, fondée sur la non-ingérence dans les affaires des Etats souverains ainsi que sur l’équilibre entre les puissances, tout en revendiquant une « sphère d’influence » dans son « étranger-proche », ce que la communauté euro-atlantique a toujours refusé de lui reconnaître [7]. Ce glissement a pu d’autant plus s’opérer que vu de Moscou, la Russie semble être assimilée par Bruxelles et Washington à un objet de politique étrangère plus qu’à un partenaire stratégique avec qui l’on traite d’égal à égal. La crise ukrainienne consacre en outre l’échec d’une stratégie russe qui consistait, dans ses relations avec Bruxelles, à privilégier ses liens avec Paris, Berlin et Rome. Conscient des limites de sa propre puissance, le Kremlin défend un ordre mondial polycentrique où il trouverait toute sa place en incarnant une voie alternative, celle de l’Eurasie, qui lui permet d’escamoter l’éternelle dialectique russe entre l’Occident et l’Orient, entre l’Europe et l’Asie. En ce sens, le projet géopolitique porté par Vladimir Poutine d’Union économique eurasiatique (UEE), effective depuis le 1er janvier 2015, évite à la Russie d’être satellisée par l’UE et par la Chine, tout en offrant à Moscou la possibilité de traiter d’égal à égal avec Bruxelles et Pékin.
Le sauvetage de l’Ukraine : une opportunité de coopération
Convaincu d’avoir perdu l’Ukraine avec la chute de Viktor Ianoukovitch, Moscou a procédé à l’annexion de la Crimée en mars 2014 : cette annexion constitue un symptôme et non une cause de la crise que traversent les relations russo-occidentales. Il ne faut pour autant pas que les relations entre Moscou et l’Occident se réduisent à la crise ukrainienne, et que les sanctions ne deviennent un outil de politique étrangère occidentale vis-à-vis de la Russie. Le sauvetage de l’Ukraine pourrait constituer un champ de coopération entre Russes et Occidentaux et représenter une première étape vers la reconstruction de leurs relations.
L’Ukraine est au bord de la faillite économique : le PIB y a reculé de 8,2% en 2014, et les prévisions de la Banque Mondiale annonce encore une récession à -2,3% en 2015
Le temps joue contre l’Ukraine : les intérêts du pays ont depuis longtemps été sacrifiés sur l’autel de la bataille géopolitique que se livrent la Russie et la communauté euro-atlantique [8]. Pour autant, ni l’UE, ni le Kremlin, ne peuvent sauver à eux-seuls l’Ukraine. Le pays est au bord de la faillite économique : le PIB y a reculé de 8,2% en 2014, et les prévisions de la Banque Mondiale annonce encore une récession à -2,3% en 2015 [9]. Le Fond monétaire international (FMI) a accordé à l’Ukraine au mois d’avril 2014 une aide financière de $17 milliards, elle-même suivie par une aide macrofinancière européenne de €3 milliards, plus une aide au développement de €8 milliards accordée par différentes institutions de l’UE [10]. Toutefois, l’entrée en vigueur de l’accord d’association économique signé en juin 2014 par Kiev et Bruxelles est prévue pour le 31 décembre 2015 [11], et elle devrait induire des coûts de mise en conformité avec les normes et réglementations européennes que l’Ukraine ne pourra que très difficilement assumer. Les réformes structurelles qui devraient être entreprises vont accroître sensiblement l’impopularité du gouvernement ukrainien et celle du président Petro Poroshenko, déjà fortement affaibli et attaqué sur son aile droite par les éléments guerriers les plus radicaux qui appellent à une victoire complète sur les séparatistes, et qu’incarne notamment le premier ministre Arseni Iatseniouk. Le gouvernement ukrainien né des décombres de Maïdan n’est ainsi pas à l’abri lui-même de faire face à un soulèvement populaire à court ou moyen terme. Au plan énergétique, un arrangement temporaire a été trouvé par Bruxelles, Moscou et Kiev pour pourvoir l’Ukraine en gaz jusqu’au 31 mars 2015. Toutefois, dès le 1er avril, les tensions risquent de reprendre autour du tarif payé par les Ukrainiens à Gazprom, sans compter que le pays est toujours lié jusqu’en 2019 par un accord gazier signé en 2009 avec la Russie [12].
Toutefois, le défi le plus délicat qui attend Kiev est celui de ressusciter le projet de nation ukrainienne. Cette nation est aujourd’hui en train de se construire contre la Russie, mais Moscou ne constitue pour autant pas le principal obstacle à la réalisation de ce projet. Le déficit d’élite politique en Ukraine représente en effet un défi bien plus sérieux. La nomination de ministres d’origine américaine, lituanienne et géorgienne dans le second gouvernement Iatseniouk symbolise l’incapacité du pays à faire émerger une élite politique indigène et non oligarchique [13]. La confiscation du pouvoir par des oligarques kleptocrates et corrompus avaient servi de terreaux à Maïdan dont les espoirs ont néanmoins dû être déçus par l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités ukrainiennes. Le chantier de la cohésion nationale est immense : il s’agit de refonder le lien entre le centre (Kiev) et les périphéries (les régions). La fracture entre l’Ukraine de l’Ouest, nostalgique des années polonaises (1921-1939), et celle de l’Est, ancrée au passé soviétique, est plus grande que jamais [14]. La faiblesse du pouvoir central ouvre la voie à la féodalisation de l’Ukraine, surtout à l’Est, où les milices privées et les bataillons financés par des oligarques se substituent à l’autorité publique. L’amnésie autour de la fusillade intervenue sur la place Maïdan le 20 février 2014, et qui a précipité la chute de Viktor Ianoukovitch, et autour de l’incendie de la maison des syndicats à Odessa au cours duquel quarante séparatistes ont péri, est porteuse de germes pour de futures dissensions. La solution de la fédéralisation de l’Ukraine, tant décriée par l’UE et Washington à l’été 2014 au prétexte qu’elle émanait de Moscou, apparaît pourtant aujourd’hui comme la moins pire des solutions pour tenter de conserver l’Ukraine continentale dans ses frontières actuelles.
Echec et fin du Partenariat oriental ?
Le Partenariat Oriental (PO) est une initiative polono-suédoise lancé le 7 mai 2009 lors du sommet de Prague, et qui vise à accélérer l’association politique et économique avec les pays du « voisinage partagé ». Intervenant dans le contexte post conflit russo-géorgien d’août 2008 et suite à la crise gazière russo-ukrainienne de 2009, cette initiative doit aboutir à terme à l’établissement d’une zone de libre-échange approfondi et complet (ou Deep and Comprehensive Free Trade Area, DCFTA) mais n’inclus cependant pas de perspectives d’adhésion à l’UE [15]. Face à cette initiative, Moscou a mis en avant son projet d’intégration politique et économique, l’UEE. Il convient de souligner que la Suède, la Lituanie et la Pologne entretiennent tous, pour différentes raisons historiques, des relations compliquées avec la Russie, et que ces pays se sont retrouvées malgré cela depuis la fin des années 2000 à la tête de la principale initiative européenne en matière d’association politique et économique avec les Etats du « voisinage partagé » entre l’UE et la Russie. Dès lors, quelles pouvaient être les chances de succès d’une initiative polono-suédoise mise en œuvre sous présidence lituanienne et s’apparentant à un choix exclusif proposé à un Etat clef de la géopolitique russe comme l’Ukraine ? Le désintéressement de Bakou pour un plus grand rapprochement avec l’UE, le refus d’Erevan de signer l’accord d’association avec Bruxelles en septembre 2013 ainsi que la crise ukrainienne apportent une réponse partielle à cette question et signent l’échec du PO tout en étant symptomatiques de l’érosion du soft power européen.
Dans la perspective de reconstruire les relations entre la Russie et l’UE, il convient de réfléchir à des mesures préalables de confiance qui favorisent l’émergence des conditions nécessaires à la réactivation du dialogue bilatéral. A ce titre, une première étape pourrait consister en l’abolition du régime de visa qui permettrait une plus grande circulation des personnes entre la Russie et les pays de l’UE. La Russie s’est récemment déclarée favorable à la poursuite des négociations sur le sujet [16]. Une autre mesure consisterait à résoudre le double-standard concernant les minorités russes des pays Baltes. Les Russes, qui représentent environ 35% des 2 millions d’habitants de la Lettonie, environ 25% des 1,3 millions d’Estoniens et près de 6% de la population de la Lituanie ne disposent pas tous de la citoyenneté dans leur pays de résidence. En Lettonie, ce sont ainsi près de 270 000 personnes qui n’ont pas de citoyenneté, et ne peuvent donc pas voter et sont écartées de certains emplois, ce qui fait d’eux des citoyens de seconde zone [17]. Ce double-standard, tolérée par Bruxelles, alimente un profond mécontentement, si ce n’est un ressentiment, au sein de ces populations, tout en donnant du crédit aux discours des éléments russes les plus hostiles à l’UE.
‘Neither foes nor friends’ : la co-évolution comme modus vivendi
Depuis la « Maison commune européenne », appelée de ses vœux par Mikhaïl Gorbatchev à la fin des années 1980, jusqu’au concept d’espace sécuritaire commun de Vancouver à Vladivostok qui émerge au début des années 1990, les tentatives d’intégrer la Russie et l’Europe au sein d’un même espace politique et sécuritaire se sont avérées infructueuses. De même, l’idée de « grande Europe », de Lisbonne à Vladivostok a échoué, et le « pivot russe » vers l’Asie entamé dès 2012, tout relatif qu’il puisse être, pourrait ainsi plutôt annoncer la « grande Asie », de Shanghai à Saint-Pétersbourg. Il n’est pas dans l’intérêt de l’UE de voir la Russie s’isoler : a minima, un tel scenario condamnerait l’Ukraine à l’instabilité, et ferait peser de fortes tensions sur l’équilibre sécuritaire européen tout entier. Si les relations entre Washington et Moscou semblent compromises au minimum jusqu’à la fin du mandat de Barack Obama, la situation paraît en revanche plus ouverte en ce qui concerne les relations entre les Européens et les Russes.
Une co-évolution : les deux acteurs entretiennent une compétition dans leur voisinage partagé, mais en même temps, ils sont conscients de leur interdépendance.
Il convient cependant de désidéologiser les rapports qu’entretiennent Moscou et Bruxelles, et que l’UE conçoive une relation qui ne vise pas à terme à changer le paysage politique en Russie en faveur de ses intérêts. Ce schéma, proche de celui qui caractérise les liens entre Pékin et Washington dans le Pacifique, s’apparenterait à une co-évolution : les deux acteurs entretiennent une compétition dans leur voisinage partagé, mais en même temps, ils sont conscients de leur interdépendance [18]. Le réalisme, substitué à l’idéologie, permet en outre de surmonter le potentiel crisogène inhérent à leur lutte pour l’influence. Travailler sur les éléments de convergences permettrait de plus de sortir de la logique actuelle de « perdant-perdant » qui favorise les puissances américaine et chinoise, et conduit à marginaliser Russes et Européens. Aujourd’hui, la Russie est le troisième partenaire économique de l’UE : elle reçoit 7% des exportations européennes et compte pour 11% des importations de l’Union. Toutefois, 63% du commerce entre la Russie et ses partenaires européens sont représentés par les exportations des hydrocarbures, ce qui déséquilibre profondément les rapports économiques tout en faisant émerger un immense potentiel de commerce encore largement inexploité [19]. L’interdépendance énergétique structure les relations entre les pays européens et la Russie : 39% du gaz naturel importé par l’UE vient des champs gaziers russes, tandis que 50% du revenu fédéral et 70% des revenus des exportations totales de la Russie proviennent du secteur énergétique [20]. Même si l’on assiste à un déclin de la demande gazière européenne, croire que l’on pourra se passer à moyen et long terme du gaz naturel russe ou imaginer que l’on pourra le remplacer par le gaz naturel liquéfié (GNL) américain, relève du mythe [21].
Si Bruxelles et certaines capitales européennes rechignent à rouvrir les discussions avec le Kremlin dans un cadre bilatéral, travailler avec l’UEE permettrait en revanche de rouvrir le dialogue avec la Russie dans un cadre multilatéral. Ce serait en outre une reconnaissance explicite par l’UE de la capacité de la Russie à disposer de son propre mécanisme d’intégration régionale, et donc de transcender le jeu à somme nulle qui a jusqu’à présent prévalu dans les relations UE-Russie [22]. En matière sécuritaire, l’absence d’une architecture de sécurité européano-russe entretient une forme de logique de confrontations, dont le dossier le plus emblématique demeure celui du bouclier anti-missiles de l’OTAN (BMD). Le BMD dont des éléments de détections sont déployés en Turquie et dont les éléments intercepteurs sont en cours de déploiement en Roumanie, continue d’être perçu par Moscou comme un projet qui compromet la crédibilité de ses propre forces stratégiques. La création d’un centre de coopération conjoint pour la défense anti-missile, mis en œuvre par des spécialistes otaniens et russes, où les données d’alerte avancée pourraient être partagées, pourrait contribuer à diminuer sensiblement les tensions sur ce dossier. En outre, Moscou et la communauté euro-atlantique disposent d’une série d’intérêts sécuritaires convergents : la gestion de l’Afghanistan post-2014, la lutte contre le terrorisme international, la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs composants, les questions de désarmement, la lutte contre les trafics illicites internationaux.
Si les relations entre Moscou et la communauté euro-atlantique ne doivent se réduire à la crise ukrainienne, il apparaît cependant difficile de refonder une relation de confiance en l’absence de résolution de ce conflit. Le chantier de la refondation des liens entre la communauté euro-atlantique et la Russie paraît cependant très vaste tant la défiance est aujourd’hui grande. Et pourtant, Russes et Européens ont plus à perdre qu’à gagner à s’affronter sur l’Ukraine. Oser de nouvelles propositions qui ne soient pas le plus petit dénominateur commun aux Européens et aux Américains pour sortir de l’impasse ne signifie pas rompre la solidarité occidentale. Le consensus transatlantique et les sanctions n’ont jusqu’à présent permis aucune avancée en vue de résoudre la crise ; elles ont au contraire contribué à raidir l’élite politico-militaire russe autour d’un discours nationaliste. Il convient ainsi de désidéologiser les rapports UE-Russie, et en ce sens, réengager le dialogue avec Moscou dans le cadre de l’UEE pourrait permettre de régénérer une relation usée par une décennie d’incompréhension et de méfiance.
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[1] Par communauté euro-atlantique, nous entendons l’ensemble formé par les Etats membres de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique. Cet ensemble forme un groupe d’Etats qui, avec toutefois des nuances qu’il ne faut pas sous-estimer, a adopté une posture relativement homogène vis-à-vis de la Russie sur le dossier ukrainien.
[2] “Russia ends US nuclear security alliance”, The Boston Globe, 19 janvier 2015.
[3] Biélorussie, Moldavie, Ukraine, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan.
[4] Dmitri Trenin, “Russia’s Breakout from the Post-Cold War System. The Drivers of Putin’s Course”, Carnegie Paper, Moscou, décembre 2014, p. 7.
[5] Jeffrey Mankoff, “US-Russian Relations. The Path Ahead After the Crisis”, Potomac Paper, n° 22, décembre 2014, p. 8.
[6] Thomas Gomart, “Les conséquences du schisme russo-occidental”, Revue des Deux Mondes, février 2015, pp. 69-84.
[7] “U.S. rejects ’sphere of influence’ for Russia”, The New York Times, 7 février 2009.
[8] Igor Delanoë, « Les enjeux de la crise ukrainienne en mer Noire », Revue internationale et stratégique, Iris, n° 96, hiver 2014, pp. 39-47.
[9] Voir le site de la Banque Mondiale : http://www.worldbank.org/en/publication/global-economic-prospects/regional-outlooks/eca#2
[10] Jeffrey Mankoff, “US-Russian Relations. The Path Ahead After the Crisis”, art.cit., pp. 26-27.
[11] Les négociations entre l’Ukraine et l’Union européenne au sujet du DCFTA ont débuté en 2008. L’Ukraine a finalement signé le 27 juin 2014 le dernier volet économique de l’accord d’association qui prévoit la mise en place d’une zone de libre-échange avec l’UE au 31 décembre 2015. Le volet politique de l’accord a pour sa part été signé le 21 mars 2014.
[12] Aux termes de cet accord, Kiev s’est engagé jusqu’en 2019 à acheter annuellement 52 milliards de mètres cube (mmc) de gaz naturel à un prix alors fixé à $500 pour 1 000 mètres cube. Cet accord est assorti d’une clause selon laquelle l’Ukraine paye pour le volume, qu’elle le consomme ou non ; il s’agit de la clause « take it or pay for it anyway ». Kiev dispose d’une marge de manœuvre de l’ordre de 20%, et s’est donc engagée à acheter à Gazprom au minimum 41,6 mmc par an. “Gazprom insists Ukraine pay for 80% of contracted gas”, Ria Novosti, 12 janvier 2012.
[13] L’américaine d’origine ukrainienne Natalie Ann Jaresko a été nommée ministre des Finances. Alexandre Kvitachvili, géorgien d’origine ukrainienne, a été nommé ministre de la Santé. Enfin, Aivaras Abromavičius, lituanien d’origine ukrainienne, a reçu le portefeuille de ministre de l’Economie et du Commerce.
[14] Philippe Moreau Defarges, “Séparatismes européens, collusion et/ou collision”, in Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges, Ramses 2015, Paris, Dunod, Ifri, 2014, p. 214.
[15] Dominik Tolksdorf, « Le Partenariat Oriental de l’Union européenne », in Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges, Ramses 2015, op. cit., p. 222.
[16] « Abolition des visas Moscou prêt à reprendre le dialogue avec l’UE », Ria Novosti, 15 janvier 2015.
[17] “Disquiet in Baltics over sympathies of Russian speakers”, Reuters, 23 mars 2014.
[18] Ivan Krastev, Mark Leonard, « The New European Disorder », European Council on Foreign Relations, n° 117, novembre 2014, p. 6.
[19] Igor S. Ivanov (Ed.), Perspectives and Challenges for Building Greater Europe, Russian International Affairs Council, Moscou, Spetzkniga, 2014, p.15.
[20] Marie-Claire Aoun, “La Russie et l’Union européenne. Y a t’il encore un avenir pour un partenariat énergétique ?”, in Thierry de Montbrial et Philippe Moreau Defarges, Ramses 2015, op. cit., pp. 136-137.
[21] Voir sur le GNL, Leonardo Maugeri, “Falling Short : a Reality Check for Global LNG Exports », Discussion Paper, Harvard Belfer center for Science and International Affairs, n° 11, décembre 2014, 44 pages.
[22] Ivan Krastev, Mark Leonard, « The New European Disorder », art. cit., p. 7.
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