Docteur en science politique. Enseignante, Université Nationale Kirghize, Faculté des relations internationales. Enseignante, Académie d’administration publique auprès du Président de la République Kirghize. Chercheur, Institut National des Études stratégiques auprès du Premier ministre de la République Kirghize.
Géopolitique de l’OCS. A quel type d’organisation internationale appartient l’OCS et quels sont ses buts d’existence ?
Résidant en Asie centrale - en République Kirghize - Jildiz Nicharapova répond à ces questions, directement en français. L’auteur présente successivement les termes du débat, les raisons d’existence de l’OCS, la part de l’anti occidentalisme, le degré d’intégration et les formes de coopération. Un texte de référence.
FONDÉE le 15 juin 2001, l’Organisation de Coopération de Shanghai est une organisation régionale qui compte six pays-membres, à savoir la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, la Russie et le Tadjikistan et cinq pays observateurs comme l’Afghanistan, l’Inde, l’Iran, la Mongolie et le Pakistan et trois partenaires au dialogue comme la Biélorussie, le Sri-Lanka et la Turquie. Malgré son apparition récente, l’OCS est devenue une organisation « efficace » dans la région et une organisation « dangereuse » pour les « autres ». [1]
L’Organisation de coopération de Shanghai est une structure complexe, couvrant un large éventail de domaines : politique, économique, culturel, sécuritaire, humanitaire.
Les pays de l’OCS (les pays-membres, les pays-observateurs, les partenaires de dialogue) couvrent un territoire supérieur à 39,19 millions de km2, c’est 25% de la Terre (terre ferme), avec une population de 3,138 milliards d’habitants, 50% de population du monde, 25% du marché mondial, 25% PIB mondial. [2] Sur ce plan l’OCS est la deuxième plus grande organisation dans le monde après l’ONU. L’OCS est aussi la seule organisation de sécurité où la Chine est membre et les États-Unis ne participent pas. [3] Les membres de l’OCS regroupent 25 % des ressources mondiales de pétrole, 50 % du gaz naturel, 35 % du charbon, et 50 % de l’uranium. [4] L’Organisation de coopération de Shanghai est une structure complexe, couvrant un large éventail de domaines : politique, économique, culturel, sécuritaire, humanitaire.
L’union des grandes puissances mondiales, sur le plan économique et géopolitique, comme la Russie, la Chine et les pays d’Asie centrale, riches en ressources naturelles, fait l’objet de divers débats dans le monde politique. Dans quel but ces pays se sont-ils réunis et dans quel contexte cette Organisation a-t-elle été créée ? Comment s’est-elle développée ? Enfin, à quel type d’organisation internationale peut-elle être rattachée et quels sont ses objectifs principaux ?
Marlène Laruelle et Sébastien Peyrouse y voient un mécanisme de coopération entre les États ayant une longue tradition d’inimitié, d’autres l’analysent comme une nouvelle alliance contre l’Occident entre Pékin, Moscou et quatre pays d’Asie centrale, voire comme « l’expression de l’hégémonisme russo-chinois au cœur du vieux continent ». [5] L’OCS a annoncé dès ses débuts qu’elle ne s’inscrivait contre aucune organisation ou un État étranger. Mais selon ces deux spécialistes cités ci-dessus, l’OCS a rapidement fait figure d’organisation antioccidentale, tant qu’elle a été fondée lors des attaques de l’OTAN contre la Serbie [6] et du bombardement de l’ambassade chinoise à Belgrade, [7] qui avaient « suscité les foudres de Moscou et de Pékin font la Déclaration de Douchanbé en 2000 affirme que l’organisation a pour but de s’opposer à toute intervention sans l’aval de l’ONU et aux ingérences dans les affaires internationales prétexte de défense des droits de l’homme » ; selon les auteurs c’était une allusion directe à la politique américaine dans la région. [8]
Les pays membres de l’OCS déclarent qu’ils se sont réunis pour faire face aux menaces communes devant les problèmes frontaliers qui se sont posés de 1991 à 2001, puis devant une menace terroriste de 2001 à 2005 et à partir de 2005 pour développer une coopération économique et humanitaire nécessaire et bien sûr pour garantir la sécurité dans l’espace de l’OCS.
Les Chinois parlent même souvent d’une intégration dans le cas de l’OCS, avec les buts finaux de création d’une zone de libre-échange, de libre circulation avec un système de transport unique. La version occidentale, celle des Américains, est différente. Pour eux, ces deux grandes puissances se sont associées face à l’influence américaine grandissante dans la région après le 11 septembre 2001. Les six pays membres nient avoir formé une alliance anti-occidentale mais beaucoup d’analystes estiment que l’OCS s’affirme progressivement comme un contrepoids à l’expansion américaine dans la région. [9] L’analyste militaire russe Alexandre Golts souligne toutefois que l’OCS est loin d’être une organisation monolithique : « La Chine y voit une chance d’étendre son influence en Asie. Pour la Russie, c’est la recherche d’alliés. Et les pays d’Asie centrale cherchent des bénéfices économiques ». [10]
Née en 1996 sous le nom de Cinq de Shanghai (Russie, Chine, Kazakhstan, Kirghizistan et Tadjikistan), elle a pris sa forme définitive en juin 2001 lorsqu’elle a intégré en son sein un sixième membre : l’Ouzbékistan. Depuis quelques années, les activités de l’OCS se sont démultipliées. Dans un premier temps, l’organisation avait une fonction principalement stratégique de démilitarisation et de délimitation des frontières entre États membres. [11] Les problèmes frontaliers datent de l’époque soviétique et concernent des territoires disputés avec les Chinois, qui s’étendent entre le Kirghizistan, le Kazakhstan, le Tadjikistan. La désintégration de l’Union soviétique en 1991 remit la question des frontières à l’ordre du jour surtout avec la renaissance du séparatisme au Xinjiang et au Tibet. Le retrait des troupes russes sur les frontières d’Asie centrale a permis aux séparatistes du Xinjiang de se fournir en armes dans les pays voisins. [12]
A partir de 2001, l’OCS s’est fixée comme objectif la lutte contre le terrorisme, l’islamisme et le séparatisme. Tous les pays-membres de l’OCS ont rencontré les problèmes du terrorisme et de l’islamisme. Après la chute de l’URSS, les islamistes d’Asie centrale ont tenté plusieurs fois de construire un régime islamique, un État qui se fonde sur les principes de la Charia et du Coran - un Califat. La Chine et la Russie ont connu le problème du séparatisme national avec ses populations musulmanes :les problèmes du Xinjiang en Chine et de la Tchétchénie en Russie. L’obtention de l’indépendance des pays d’Asie centrale après la chute de l’URSS a provoqué le souhait des nations musulmanes de la Russie et de la Chine de l’obtenir aussi. [13]
Depuis l’apparition de l’OCS, il y a des opinions différentes concernant cette structure. A partir de 2005, l’OCS a été dénommée comme « Un nouveau pacte de Varsovie », « OTAN orientale », « Club des dictateurs ». [14] L’OCS est vue comme une organisation de coopération tandis que les autres la voient comme une organisation d’intégration régionale. Les uns estiment qu’elle est une structure politico-militaire, [15] les autres y voient une structure de sécurité régionale. Dans les dernières années beaucoup estiment cette structure comme une organisation de coopération économique et humanitaire voire une organisation d’intégration.
Alexandre Knyazev apprécie l’OCS comme un simple club de discussion, soit un Forum mais pas vraiment une organisation. [16]
Les opinions pareilles existent quant aux buts d’existence de l’OCS. Selon les pays occidentaux, le but d’existence de l’OCS est à contrebalancer l’OTAN et les États-Unis dans la région d’Asie centrale. La Chine et la Russie contestent la politique des États-Unis dans le monde. Elles contestent également l’idée d’unipolarité, en disant que le monde est multipolaire, il n’a jamais été unipolaire. [17] Ces deux pays veulent faire face ensemble aux influences occidentales dans le monde.
Mais les pays-membres de l’OCS nient avoir créé une organisation antioccidentale. Selon les pays participants, l’OCS a été créée pour garantir la sécurité régionale, renforcer la coopération politique, humanitaire, économique entre ses pays-membres. Les pays-membres estiment que la coopération entre eux est indispensable. Ils préfèrent lutter ensemble contre les menaces communes ce qui est plus efficace que de lutter séparément.
Nous répondrons à la problématique suivante : à quel type d’organisation internationale appartient l’OCS et quels sont ses buts d’existence ?
Pourquoi les pays-membres coopèrent-ils au sein de l’Organisation ? Pourquoi coopèrent-ils dans des domaines dont ils ont établi les règles de coopération et sur quelles questions spécifiques ont-ils choisi de répondre ? Quels sont ses raisons d’existence, ses buts et ses objectifs ? Et quelles sont ses promesses (potentiels) et ses limites ?
Selon la « théorie » des organisations internationales, à quel type d’organisation internationale l’OCS peut-elle appartenir ? Une Organisation de coopération ou d’intégration ? On peut se demander quels sont les véritables objectifs d’une telle organisation. Est-ce que l’OCS a pour but de contrebalancer l’Occident ou y a-t-il d’autres raisons à son existence ? Quelles sont ces raisons ? Est-elle vouée à exercer un simple rôle fonctionnel et régional à la manière des organisations déjà existantes comme OTSC, OCE, CEI, etc., ou veut-elle se hisser au rang d’une puissance mondiale ?
Les objectifs de cette structure sont-ils de servir aux grandes puissances comme la Russie et la Chine ou bien sert-elle aussi aux "petits pays" d’Asie centrale ? Les pays-membres ont-ils des objectifs communs ou poursuivent-ils, à travers l’organisation, des objectifs égoïstes et nationaux ? Est-ce que l’OCS est un instrument utilisé par les pays pour atteindre leurs intérêts nationaux ou ont-ils une volonté commune de s’unir et de se développer ensemble, d’être une force dans un monde « injuste » ? Ainsi, l’OCS est une organisation ambitieuse qui a pour objectif de devenir une force. Dans ce cas, quels sont les potentiels et les limites de l’OCS ?
Nous soutenons deux hypothèses.
La première hypothèse, l’OCS est une organisation de coopération régionale comme beaucoup d’autres organisations régionales déjà existantes (OTAN, OTSC, CEI, etc.) Selon la théorie des relations internationales, l’Organisation de coopération de Shanghai est une structure réaliste, qui est un instrument de politique étrangère des pays-membres pour atteindre ses objectifs en commun, tels que la résolution des problèmes suivants : la sécurité régionale, le développement économique et la collaboration politique. Souvent on parle des intérêts divergents nationaux et égoïstes de chaque pays de l’OCS.
Pour les grandes puissances comme la Russie et la Chine, le but principal de l’OCS est l’Asie centrale. Les analystes occidentaux parlent souvent de « l’OTAN orientale », qui a été créée pour contester le rôle des pays et des structures occidentaux dans la région ou dans le monde. Ainsi, la Chine et la Russie arrivent à s’accorder sur beaucoup de questions internationales, elles critiquent souvent les activités de certains pays occidentaux. Nous pouvons estimer que l’OCS peut servir à ces deux pays comme un lieu où se mettre d’accord sur beaucoup de questions. Pour les pays d’Asie centrale, c’est le développement économique et la garantie de sécurité régionale, conséquence de l’aide des grandes puissances.
La deuxième hypothèse, l’OCS est une organisation néo-réaliste ou même néo-libérale étant donné que de simple coopération elle se transforme en une organisation d’intégration régionale, qui conduit à l’apparition d’une nouvelle région unique (unifiée) et qui se dirige vers le régionalisme. Actuellement, dans le cadre de l’OCS, on dénombre 85 projets économiques et humanitaires : transport, énergie, sécurité, action humanitaire, commerce, agriculture, tourisme, etc.
Dans ce cas, on peut s’attendre à l’émergence d’une nouvelle région unifiée. Les objectifs principaux de l’OCS sont la garantie de sécurité régionale, le développement politique et économique des pays-membres de l’OCS et la création d’une région économique unifiée. Cette hypothèse reflète l’aspiration des pays-membres au régionalisme politique, économique et sécuritaire, pour édifier une zone unifiée dans le but d’atteindre des objectifs collectifs dont la réalisation n’est pas possible séparément. C’est pourquoi les États se mettent ensemble pour assurer la prospérité et le développement régional.
Il en découle que l’OCS est vue comme une communauté de sécurité qui règle le problème des relations russo-chinoises, alors que ces pays étaient anciennement des concurrents. Grâce à l’OCS, elles arrivent au compromis sur beaucoup de questions internationales, notamment sur l’Asie centrale. L’idée principale de communauté de sécurité est basée sur le fait que la guerre et les conflits deviennent improbables entre ses membres. C’est un aspect très important pour les relations russo-chinoises, qui étaient en situation de « guerre » encore récemment, en 1969, au sujet de leurs frontières. Grâce à l’OCS les deux puissances régionales deviennent des partenaires indispensables. Cet aspect est important pour les pays d’Asie centrale qui craignent toujours d’être envahis par leurs grands frères-voisins. S’ils se réunissent, la guerre, les conflits, l’invasion, la domination deviennent impensable à leurs yeux.
Certains pays-membres pensent que l’OCS est bien une organisation d’intégration, et c’est surtout les Chinois qui parlent ainsi. Mais les autres membres jugent l’OCS comme une organisation de coopération, et pensent que l’OCS ne deviendra jamais une structure d’intégration.
En général il s’agit de problème d’identification et de classification de l’OCS. Jusqu’aujourd’hui il n’y a aucun travail scientifique qui est consacré à cet aspect : une étude théorique de l’OCS. En réalité c’est une organisation mixte comme l’a identifiée Mouratbek Imanaliyev en 2010. C’est une structure qui s’occupe de toutes les questions concernant ses pays-membres. Il y a Mouratbek Souyounbayev et Marat Kazakpayev les experts kirghizs qui la voient comme une organisation militaire. Les russes voudraient aussi que l’OCS devienne une structure sécuritaire. Les Chinois, les spécialistes comme Liu Huqin, Chen Yurong et beaucoup d’autres déclarent surement qu’elle est une structure de coopération économique. [18] Ils sont surs que l’OCS peut devenir une structure d’unification économique dans la région. Et bien sûr, c’est une organisation de coopération humanitaire. [19]
« Dans l’OCS, un grand gagnant - la Chine, un perdant - la Russie, et de grands perdants - les pays d’Asie centrale », c’est la définition de l’OCS donnée par un diplomate français. [20] A qui sert-elle ? Quels buts poursuit-elle ?
L’OCS est caractérisée par sa nature ambiguë. Cela concerne des questions de théorie et des questions d’identification. A quel type d’organisation internationale appartient-elle ? De coopération ou d’intégration ? Les uns disent qu’il s’agit d’une organisation de coopération et que l’OCS ne peut être une organisation d’intégration. [21] D’autres l’estiment sans ambiguïté comme une structure d’unification économique. [22] Il n’existe pas de réponse claire à ce débat.
La deuxième interrogation découle de ce problème, est-ce qu’elle sert les intérêts des grands pays comme la Russie et la Chine (coopération), ou à tous ses pays-membres (intégration) ? Étant donné que, s’il s’agit d’une collaboration, certains pays peuvent poursuivre leurs propres intérêts nationaux tout en participant à l’OCS. Dans le cas d’intégration, les pays ont des intérêts communs et l’OCS existe pour les intérêts et pour le bénéfice de tous ses pays-membres.
Nous avons divisé les buts d’existence de l’OCS en deux groupes. Les premiers sont les buts déclarés officiellement par les pays-membres de l’OCS. Le deuxième groupe est consacré aux points des vues des États étrangers, c’est-à-dire comment ils voient l’OCS.
Selon la Charte de l’OCS qui a été adoptée à Saint-Pétersbourg en juin 2002, les buts principaux de l’organisation sont de renforcer la confiance mutuelle, l’amitié et le bon voisinage entre les États membres dont les relations antérieures n’étaient pas toujours bonnes. A certaines époques ils étaient même considérés ennemis. Grace à l’OCS les pays sont devenus des partenaires. Un des buts de la création de l’OCS était d’établir une confiance entre les États. Sur ce plan, l’OCS a réussi. M. Loukine, lors du notre rencontre à Moscou, à notre question « est-ce qu’il y a une confiance entre la Russie et la Chine ? a répondu que par rapport aux années passées la confiance a vu le jour entre ces deux pays. [23]
La consolidation de la coopération multidisciplinaire pour le renforcement de la paix, de la sécurité et de la stabilité dans la région et la promotion d’un nouvel ordre politique et économique international démocratique et raisonnable sont un des objectifs d’existence de l’OCS.
Les pays-membres se sont réunis pour contrecarrer conjointement le terrorisme, le séparatisme et l’extrémisme dans toutes leurs manifestations, de lutter contre le trafic illicite des narcotiques, des armes et d’autres types d’activités criminelles de caractère transnational, et également contre les migrations illégales. Les pays participants encouragent une coopération régionale efficace dans des sphères telles que la politique, le commerce et l’économie, la défense, l’application des lois, la protection de l’environnement, la culture, les sciences et les technologies, l’éducation, l’énergie, les transports, les finances, et également d’autres sphères d’intérêt commun ;
La coopération au sein de l’OCS facilite une croissance économique équilibrée, le développement social et culturel dans la région. C’est grâce à une action commune, dont la base est une association équilibrée, qu’il est possible de parvenir à une augmentation régulière du niveau de vie et des conditions de vies des populations des États membres.
Ces dernier temps, les pays coordonnent les approches de l’intégration dans l’économie globale et essaient de favoriser les droits de l’homme et les libertés fondamentales selon les engagements internationaux des États membres et de leur législation nationale. L’OCS maintient et développe des relations avec d’autres États et organismes internationaux ; coopère à la prévention des conflits internationaux et à leur règlement pacifique ; recherche conjointement des solutions aux problèmes qui pourraient surgir au XXIème siècle. [24]
Alexandre Loukine estime que l’un des principaux objectifs de l’OCS est l’intensification de la coopération en Asie centrale. Les membres de l’OCS partagent les objectifs généraux suivants : 1) maintien de la stabilité politique dans les pays de la région, et 2) préservation des régimes laïques au pouvoir comme alternative à l’islamisme radical, et 3) développement économique rapide des pays d’Asie centrale en tant que base de la stabilité politique. Pour atteindre ces objectifs, la Russie coopère activement dans le cadre de l’OCS avec la Chine et Pékin reconnaît les intérêts traditionnels russes dans la région, Moscou se félicite de la stabilisation de la présence économique chinoise. Cependant, certains en Russie redoutent l’accroissement rapide du rôle économique de la Chine en Asie centrale. [25]
L’OCS a été créée pour garder l’Asie centrale dans la zone d’influence russo-chinoise.
Jusqu’en 2005 l’OCS était considérée comme une structure de sécurité et comme une structure antioccidentale. L’adjoint du secrétaire général de l’OCS sur les questions politiques en 2011, M. Konarovskiy a dit que : « La création de l’OCS a été dictée par la situation internationale. L’OCS est une voie vers la multipolarité, vers un ordre mondial plus juste ». [26] Ces mots reflètent un des buts d’existence de l’OCS. Ici s’ajoute les points de vue de Primakov qui a dit que le monde n’a jamais été unipolaire. [27]
L’Occident commence à parler de l’OCS, après le sommet d’Astana de 2005, comme d’une organisation créée contre les États-Unis et l’OTAN. Et la raison principale en est l’adhésion de l’Inde, de l’Iran et du Pakistan à l’OCS [28], mais aussi la déclaration d’Astana où les pays de l’OCS demandent aux États-Unis de définir la date de la fin des activités des bases militaires stationnées sur le territoire des pays membres de l’OCS. A ceci s’ajoute les déclarations des chefs de certains pays de l’OCS sur le respect de non-ingérence dans les affaires intérieures des pays indépendants etc. « Les États membres de l’OCS estiment que les participants à la coalition anti-terroriste doit définir une date limite pour l’utilisation temporaire des infrastructures et de leur présence militaire sur le territoire de tout État membre de l’OCS ». [29]
En 2005 lors de la rencontre d’Islam Karimov avec Hu Jintao, le président ouzbek, dans une attaque apparente contre l’Occident, a déclaré que des forces extérieures avaient cherché à semer le trouble. (Ils) « visent à créer une situation d’instabilité que l’on appelle manipulable et nous imposer leur propre modèle de développement », a-t-il dit. Hu Jintao, qui a cordialement reçu Islam Karimov en visite d’État après les violences d’Andijan, a déclaré que les États d’Asie centrale doivent choisir leur propre voie. « Les peuples d’Asie centrale sont les seuls maîtres de leur destin », a-t-il dit, parlant avec l’intermédiaire d’un interprète russe. « Ils sont sages et assez libres pour mettre leurs propres maisons en ordre ». [30]
Après le sommet d’Astana l’OCS est vue comme une structure qui pourrait être un concurrent des États-Unis ou de l’OTAN sur la scène internationale.
Dans la Déclaration russo-chinoise lors du sommet d’Astana ces deux pays ont déclaré « Nous devons respecter les traditions historiques des États multinationaux, afin de promouvoir la coexistence pacifique et le développement commun de diverses nations et aussi soutenir leurs efforts pour protéger leur unité nationale. Toute action visant à diviser les États souverains et de semer la discorde ethnique n’est pas recevable. Nous ne pouvons pas ignorer les processus objectifs de développement social des États souverains et leur imposer de l’extérieur un modèle d’ordre social et politique. » Les deux pays soulignent la nécessité d’accélérer la coopération culturelle en vue de rejeter la culture occidentale et de développer les cultures des pays de l’OCS. Les chefs d’États mettent l’accent sur le fait que la variété des cultures et des civilisations dans le monde est une valeur humaine. Le droit de chaque peuple à sa propre voie de développement doit être pleinement garanti. Il ne faut pas imposer de modèle de développement aux peuples.
Après le sommet d’Astana l’OCS est vue comme une structure qui pourrait être un concurrent des États-Unis ou de l’OTAN sur la scène internationale. Beaucoup des gens ont réellement pris l’OCS en sérieux. Les pays du monde attendaient le sommet de l’OCS chaque année avec impatience et prudence. Beaucoup ont estimé que l’OCS est réellement une force sur la scène internationale, que le monde peut devenir bipolaire comme avant. Mais depuis 2005 l’OCS cesse de faire des grandes déclarations comme avant. Les spécialistes pensent que ni la Chine ni la Russie n’ont pas d’intérêt à contrebalancer à l’Occident. Surtout la Chine qui a des liens commerciaux importants avec les États-Unis et les pays occidentaux.
Le coordonnateur national russe à l’OCS, Kirill Barskiy, a déclaré qu’il est à noter que l’OCS n’est pas une alliance militaro-politique et n’a pas l’intention de le devenir, et que l’action entre les ministères de la Défense est un développement relativement exceptionnel à des fins antiterroristes. L’OCS n’est pas dirigée contre des pays tiers, étrangers à ses approches idéologiques ; elle est confrontée à des questions d’actualité du développement international et régional. Il s’agit d’un sigle nouveau dans la politique mondiale. L’OCS est juste un exemple qui montre que les associations, mais pas les blocs militaires, peuvent garantir la sécurité internationale. [31] C’est une déclaration officielle, mais qui diverge avec le point de vu des experts.
De l’autre côté « Il y a un antiaméricanisme dans l’OCS. Ni la Chine, ni la Russie ne rejettent cette idée » [32] a dit Mouratbek Imanaliyev lors de son intervention à l’Université nationale kirghize à Bichkek le 8 avril 2013. Étant donné que Mouratbek Imanaliyev a été deux fois ministre des affaires étrangères du Kirghizstan et le secrétaire général de l’OCS entre 2010-2013, son opinion est des plus pertinentes en relation avec notre sujet.
Une autre question se pose, cet antiaméricanisme sert-il les intérêts de tous les pays-membres de l’OCS ou seulement aux intérêts de la Chine et de la Russie ? Est-ce que les pays d’Asie centrale sont aussi anti américains ou non ? La Chine et la Russie n’imposent-elles pas aux pays de la région leur antiaméricanisme ?
Dans les années 2005-2010 l’OCS était très discutée par des pays du monde. Mais pour aujourd’hui elle cesse d’être une structure intéressante, elle est vue plutôt comme une structure vide, déclarative, inefficace et non viable.
Pendant mes recherches sur le terrain, au Kirghizstan et au Kazakhstan en février-avril 2010, beaucoup d’experts kirghiz et kazakhs ont exprimé l’opinion que l’OCS n’est qu’un mode de coopération et qu’elle ne pourra jamais devenir une région. Selon Mourat Souyounbayev [33], expert kirghiz et Sanat Kushkumbayev [34], expert kazakh, la première raison de cette impossibilité est la taille de l’OCS. « Comment un si vaste espace peut-il devenir une région ? Il couvre presque la moitié du monde. » [35] Et deuxièmement, selon Mourat Souyounbayev, l’aspect culturel ne permettra pas à l’OCS de devenir une « région ». L’OCS inclut presque toutes les civilisations existantes : chrétienne, bouddhiste, musulmane, confucéenne etc. M. Souyounbayev a cité le cas de l’Union européenne et c’est grâce à l’appartenance à une même culture que les pays européens arrivent à construire une telle union, devenue maintenant une région. Les pays membres de l’UE ne peuvent pas risquer leur avenir en acceptant la Turquie comme membre, parce que la Turquie appartient à une autre culture, étrangère à la culture européenne.
« Nous ne pouvons même pas parler d’une « intégration » dans le cas de l’OCS, c’est impossible. L’OCS est une organisation régionale politico-militaire. Elle ne deviendra jamais une organisation économique » [36]selon Mourat Souyounbayev.
Dans le cas de l’OCS, la transmission des pouvoirs étatiques à l’OCS n’est pas concevable.
D’autres experts comme Marat Kazakpayev estiment qu’à la vue des inégalités politique et surtout économique, l’OCS ne peut pas être une organisation d’intégration. Il y a la Chine et la Russie, ces géants politiques, économiques et militaires qui ne peuvent pas être comparés aux États d’Asie centrale comme le Tadjikistan et le Kirghizstan. Selon la théorie des régimes, ancienne théorie des organisations internationales, l’intégration doit être construite entre des pays qui ont les mêmes niveaux de développement politique et économique. Dans ce cas et à cause des intérêts divergents des pays participants de l’OCS, l’intégration est impossible. Dans sa définition classique l’intégration est une unification. Les pays s’unissent et donc transmettent certains pouvoirs étatiques aux organisations régionales ; c’est le cas de l’Union européenne. Mais dans le cas de l’OCS, la transmission des pouvoirs étatiques à l’OCS n’est pas concevable.
L’existence de structures parallèles régionales comme la CEE, l’OTSC et l’Union douanière mettent en question l’avenir, les perspectives et l’utilité de l’OCS. Pourquoi créer des structures doublon de l’OCS ? L’OCS est compétente dans tous les domaines, mais la Russie et le Kazakhstan essaient de mettre en place et d’élargir l’Union douanière. Au sujet de l’Union douanière, la Chine est sujet d’inquiétude. Les experts kazakhs disent même que l’Union douanière est un instrument russe pour contrebalancer la Chine. La Russie et certains pays d’Asie centrale redoutent l’influence croissante de la Chine dans la région. [37]
Il n’existe pas de projets multilatéraux au sein de l’OCS et cela prouve qu’il n’y aura pas d’unification économique de l’OCS. Sur ce sujet, Alexandre Loukine disait que l’économie était l’axe le plus faible et que, dans ce domaine, les programmes multilatéraux de l’OCS sont pratiquement absents. La coopération est plutôt bilatérale. Elle aurait pu, en principe, se développer sans l’OCS. Le président Dmitriy Medvedev s’est exprimé sur la nécessité de renforcer la coopération économique lors des sommets d’Ekaterinbourg (2009) et de Tachkent (2010). [38]
Selon des experts chinois [39], les conditions favorables à l’intégration des pays de l’OCS existent. Une des conditions favorables est la proximité géographique des pays membres de l’OCS. Ces pays sont liés géographiquement et ont des frontières communes. Il est possible de construire des autoroutes qui relieront tous les pays de l’OCS. Cela facilitera la libre circulation des personnes et des biens. Les pays seront alors physiquement liés.
On peut aussi construire, sans obstacles, des gazoducs et des oléoducs ou construire des lignes d’électricité. Une autre condition propice à l’unification de l’OCS a son origine dans la complémentarité économique des pays participants. Il y a les pays consommateurs de ressources énergétiques comme la Chine, le Kirghizstan et le Tadjikistan et les pays producteurs comme la Russie,le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Il y a des pays riches en ressources d’eau, le Kirghizstan et le Tadjikistan, qui peuvent garantir l’eau et l’électricité aux pays comme le Kazakhstan, l’Ouzbékistan et la Chine. La Russie a besoin de la main-d’œuvre que la Chine, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan peuvent fournir.
Sur le plan économique, les pays membres de l’OCS deviennent des partenaires économiques indispensables et qui occupent les premières places dans la coopération économique.
Une condition importante pour faire de l’OCS une structure d’intégration réside dans la volonté et le désir de coopération des pays-membres. La Russie et la Chine sont devenues des partenaires numéro un l’une et l’autre. Elles sont d’accord sur les questions internationales importantes. Elles ont trouvé un consensus en Asie centrale. Elles ont des intérêts communs pour coopérer intimement sur les plans politique, économique, géopolitique, militaire.
Tous les pays participants à l’OCS ont exprimé qu’ils étaient favorables à l’unification au sein de cette structure. L’OCS répond aux intérêts nationaux de tous les États. Mais dans la réalité, les projets économiques communs qui visent à unifier les pays de l’OCS ne se réalisent pas. Leur financement n’est toujours pas assuré.
D’autre part, la création de l’Union douanière met en question l’utilité et l’avenir de l’OCS. L’OTSC s’occupe de la sécurité régionale et l’UD s’occupe des questions économiques. Alors, il ne reste que la sphère humanitaire pour l’OCS. Sur le plan humanitaire l’OCS réalise avec grand succès les projets communs comme l’Université de l’OCS, la santé, le Conseil des affaires de l’OCS coordonne les projets sur ce champ.
Selon la théorie de coopération, les pays coopèrent avec les autres pays afin d’atteindre leur objectif national. Parfois, les pays-membres d’une structure de coopération peuvent avoir des intérêts divergents et égoïstes. Ceci peut concerner l’OCS aussi. Pour répondre à cette question il faut analyser les intérêts des pays participants.
Russie : Ses objectifs stratégiques possèdent différents axes. Tout d’abord, la Russie veut éviter toute création de systèmes de sécurité en Asie centrale dont elle serait exclue et s’oppose à la présence militaire d’États tiers. En outre elle veut s’assurer une position capitale dans les secteurs clés de l’économie afin de conserver un bon fonctionnement de ses couloirs de transport et de communications, y compris pour le carburant et l’énergie.
Ensuite, elle tend à protéger les droits et les intérêts des compatriotes russes vivant dans la région et souhaite renforcer la place de la langue et de la culture russe en Asie centrale. Enfin, elle veut renforcer la structure multilatérale avec la participation de la Fédération de Russie.
La Chine a créé l’OCS comme instrument de contrôle de l’Asie centrale et elle vise à devenir le leader absolu dans l’organisation. La Russie a également son outil d’influence et de contrôle sur l’Asie centrale dans la sphère politico-militaire, à savoir l’OTSC, ainsi que, dans le domaine économique - l’Union douanière. Comme le dit Moldaliyev [40], l’OCS est un instrument pour la Russie de contrôler la Chine en Asie centrale et représente la voie d’un consensus avec la Chine.
L’Organisation de coopération de Shanghai a manifestement trois fonctions importantes pour la Russie, correspondant à des axes clefs de sa politique étrangère générale, à savoir démontrer sa capacité à rallier autour d’elle des États désireux de faire front commun face à « l’arrogance » des valeurs occidentales et de l’hyper puissance américaine, consolider son influence dans les républiques ex-soviétiques d’Asie centrale et se doter d’un outil supplémentaire pour canaliser les effets de la montée en puissance économique et politique du redouté voisin chinois, en particulier dans cette zone sensible de son ancien empire. [41]
Au sein de l’OCS, la Russie bloque les projets et les intentions des autres pays-membres sur le futur développement de l’Organisation. La Russie bloque la création de mécanismes de financement des projets communs : le compte spécial, la banque de l’OCS. La Russie ne perçoit pas l’OCS comme une organisation d’intégration économique. Selon l’opinion des experts et des hommes politiques russes au sein de l’OCS, l’idée de création d’une zone de libre échange ou d’un système de transport unique n’est pas réalisable.
Les désaccords entre la Russie et la Chine ont pour conséquence que l’OCS ne peut pas se développer pleinement.
La Russie voit d’un mauvais œil les propositions chinoises de financement des projets pour le développement des pays de la région. Elle a montré une première fois son opposition en 2004 quand la Chine a donné 900 millions de dollars. En 2011, la Chine a remis sur la table l’idée de création du compte spécial de l’OCS et elle a également proposé 10 milliards de dollars pour la réalisation des projets communs.
La Russie préfère activer les choses au sein des autres structures comme l’OTSC ou l’Union eurasiatique où elle sera certainement un leader absolu. La grande inquiétude pour la Russie est qu’un jour la Chine devienne leader dans l’OCS et dans la région d’Asie centrale. La Russie essaie de créer sa propre structure pour y devenir un leader absolu. A cette fin, elle créer l’Union douanière et ensuite une Union eurasiatique économique. [42]
Les désaccords entre la Russie et la Chine ont pour conséquence que l’OCS ne peut pas se développer pleinement. Dans l’OCS, pour l’instant, les intérêts nationaux des pays dominent. [43]
Chine : Avec la formation de l’Organisation de coopération de Shanghai, Pékin espère visiblement une plus grande stabilité et la sécurité de ses frontières, ainsi que celles de la région dans son ensemble. La proximité de la population d’Asie centrale avec les minorités chinoises du Xinjiang, au regard de l’origine ethnique, de religion, de la culture, de l’histoire et des coutumes, constitue un autre facteur important qui contribue à asseoir les liens entre la Chine et les pays limitrophes de la région.
La création de l’OCS, est décrite par Pékin comme un instrument de promotion stratégique et de percée diplomatique en Asie centrale. La Chine a créé un mécanisme pour assurer la sécurité, doté d’un canal institutionnalisé pour participer aux affaires de la région et développer une coopération avec les pays d’Asie centrale. Par ailleurs, la création de l’OCS correspond à la réalisation d’un compromis et d’un équilibre stratégique entre la Chine et la Russie. Cette reconnaissance mutuelle de leurs intérêts et la mise en œuvre d’une coopération stratégique dans la région se reflète dans pratiquement tous les documents signés par l’OCS.
Dans le cadre de sa participation à l’OCS, Pékin peut poursuivre différents objectifs. En effet, la Chine est un participant régional, économique et politique dans le processus de coopération en Asie centrale. Elle a aussi la possibilité de promouvoir une coopération globale dans le cadre de l’OCS. Elle bénéficie de la possibilité de renforcer les relations entre l’OCS et d’autres structures internationales présentes dans la région comme la communauté économique eurasiatique ou l’OTSC. L’OCS permet également de tenir les États de la région et la Russie à l’écart de l’Occident, et de réaliser un équilibre géopolitique avec Moscou.
La Chine pourrait cependant, par le biais de l’OCS, devenir un centre de gravité dominant de la coopération régionale, tout en évitant les défis que feraient peser d’éventuels concurrents. Une intensification du processus d’intégration de l’OCS devrait conduire à la domination de la Chine dans la région et à son expansion culturelle dans les pays d’Asie centrale. La Chine prévoit de poursuivre des processus d’institutionnalisation de l’OCS en élargissant les compétences des organes existants.
La Chine devance la Russie au regard de nombreux indicateurs économiques, jusqu’à devenir le moteur de l’économie centre asiatique. [44] Toutefois, si, économiquement parlant, la Chine détient un avenir prometteur, le renforcement de sa position politique est un sujet de discussion, notamment du fait de la concurrence avec Moscou.
Asie centrale : Quels buts poursuivent les pays d’Asie centrale en participant à l’OCS ? Sont-ils des membres volontaires ou leur participation a-t-elle été dictée par la Chine et la Russie ? Jouent-ils un rôle à l’OCS ou pas ? Quels bénéfices tirent-ils de l’OCS ? Est-ce que les pays d’Asie centrale poursuivent des intérêts nationaux en participant à l’OCS ou l’OCS est un espoir général pour construire une région sécuritaire avec un développement économique et politique ? Est-ce que les intérêts des « grands » et des « petits » sont convergents ? Ou les « petits » sont des pions dans l’échiquier ?
La Chine et la Russie accusent les pays d’Asie centrale de poursuivre leurs intérêts nationaux en participant à l’OCS. Ils veulent se développer à l’aide des grands pays comme la Chine et la Russie. Mais pourtant ils poursuivent la politique multi vectorielle dans leur politique extérieure. Ils utilisent les soutiens financiers de la Chine et de la Russie mais ne sont pas actifs à l’OCS. Elles accusent aussi les États de la région de ne pas avoir une idée concrète sur le développement de l’OCS. Les pays d’Asie centrale ne sont pas capables d’utiliser les aides que donnent la Chine et la Russie.
L’OCS est une structure importante de sécurité régionale pour les pays d’Asie centrale. Ils luttent ensemble contre les menaces communes depuis 1996 et l’OCS a prouvé son efficacité et sa nécessité au cours de son existence.
La nécessaire réponse aux différentes menaces intensifie le processus d’intégration en Asie centrale, mettant l’accent sur la coopération militaro-politique et l’assurance de la sécurité. En effet, la nature transnationale de ces menaces et le faible niveau d’autonomie de chacun des États d’Asie centrale font que les problèmes complexes de la région ne peuvent être traités isolément. Dans ce contexte, il est nécessaire de souligner la valeur de l’OCS qui démontre une nouvelle approche dans la résolution des problèmes des pays d’Asie centrale, y compris dans le domaine de la sécurité régionale.
Selon les États membres de l’OCS, les menaces d’aujourd’hui proviennent des « cinq maux » : l’extrémisme, le terrorisme, le séparatisme, le trafic de drogues et l’immigration clandestine. Les efforts d’intégration de l’OCS sont principalement dirigés vers la lutte commune contre ces menaces. En même temps, à l’intérieur de la coopération, commence progressivement à se développer l’intégration économique.
L’Organisation de coopération de Shanghai est une structure intégrée couvrant un large domaine : la politique, l’économie, la culture, la sécurité. À l’heure actuelle, les principales caractéristiques de l’OCS sont la lutte contre la menace terroriste et le développement de la coopération économique. L’OCS a un potentiel important pour la lutte contre le terrorisme. Tous ces domaines répondent aux intérêts des pays d’Asie centrale.
La coopération économique dans l’OCS est aussi importante pour les pays d’Asie centrale. [45] Conformément aux accords conclus par les États membres, la coopération économique régionale au sein de l’OCS se fait selon les principes de continuité et de l’avantage mutuel. Dans la première phase, l’élimination des obstacles crée des conditions de confort pour les activités commerciales et d’investissement. Dans la deuxième phase, les priorités de coopération économique et technique sont établies afin de réaliser un développement commun. La phase finale doit être progressive avec la réalisation de la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des technologies qui sert de base pour une zone de libre-échange et un marché commun. [46]
L’Organisation de Coopération de Shanghai a déjà apporté une visibilité et des progrès dans la coopération économique. Les parties intéressées sont pleinement conscientes des avantages de ce processus qui a commencé dans des domaines prioritaires tels que la politique douanière, la qualité des produits, le commerce et la promotion des investissements. À cet égard, le premier ministre chinois Wen Jiabao déclare que « le plus important pour l’OCS, c’est l’économie ... L’OCS connaît une nouvelle phase de développement qui nous permettra de créer les conditions les plus favorables pour l’investissement et le commerce ». [47]
La collaboration économique dans l’OCS est très pertinente pour le Kirghizstan. C’est ce que les hommes politiques du pays ont déclaré maintes fois. Kourmanbek Bakiyev y a attaché de l’importance. Omurbek Babanov, premier ministre à son époque, a aussi déclaré que la coopération économique a une pertinence pour son pays. [48] Almazbek Atambayev, le président actuel du pays, estime aussi que l’économie est très importante dans l’OCS. [49] Dernièrement, à Astana l’actuel premier ministre du Kirghizstan Joomart Otorbayev a encore une fois répété que la coopération économique est très importante pour son pays. [50]
Le développement des économies en étroite alliance avec les géants économiques comme la Chine et la Russie sera plus rapide que ce qu’il serait possible seul pour les pays de la région estime Mouratbek Imanaliyev. Il poursuit en disant qu’une coopération économique active et productive dans le cadre de l’OCS peut permettre aux pays d’Asie centrale de développer leur économie nationale. [51]
Mais il souligne que, de toute évidence, le développement de l’OCS dépend largement de la Russie et de la Chine. Il semble que les pays d’Asie centrale doivent être plus actifs dans l’OCS, ils doivent non seulement exprimer leurs opinions et leurs intentions, mais aussi être plus actifs dans leur mise en œuvre. Dans ce cas, l’Organisation de coopération de Shanghai peut devenir dans l’avenir une organisation interétatique la plus prometteuse et efficace pour les pays d’Asie centrale. [52]
Ainsi nous pouvons confirmer que l’OCS est bien un nouveau mode de coopération. Elle est une organisation intergouvernementale, régionale, qui s’occupe de questions de sécurité régionale, de collaboration politique, économique, humanitaire. L’accroissement du commerce, des échanges et des investissements entre les pays laisse supposer que l’OCS dans l’avenir peut devenir une structure d’intégration. Les projets communs prometteurs qui vont se réaliser amèneront à une coopération économique forte mais sans les transferts de souveraineté parce que les pays d’Asie centrale sont sensibles aux questions de souveraineté.
C’est l’idée et le désir de la Chine de faire de l’OCS une organisation d’intégration. Mais les autres membres ne le souhaitent pas car ils craignent de tomber sous l’influence chinoise.
Il y a d’autres définitions de l’intégration comme Karl Deutsch définit « l’obtention, au sein d’un territoire, d’un sens de la communauté et d’institutions et de pratiques suffisamment fortes et diffusées pour assurer, pendant un long moment, les attentes de changement pacifique parmi la population concernée ». « L’intégration au sein de l’OCS n’est pas une véritable intégration », un expert ouzbek, Vladimir Paramonov, caractérise ainsi l’OCS. L’intégration dans l’OCS ne correspond pas à la théorie ou à des exemples dans le monde.
C’est l’idée et le désir de la Chine de faire de l’OCS une organisation d’intégration. Mais les autres membres ne le souhaitent pas car ils craignent de tomber sous l’influence chinoise. Pourtant les hommes politiques de la Russie et des Républiques d’Asie centrale font des déclarations officielles disant que l’OCS est une organisation d’intégration et que leur pays soutient cette unification. Il y a aussi des documents officiels signés par tous les pays-membres qui mènent l’OCS vers l’unification économique. Les projets communs existent, par exemple l’Université de l’OCS qui est soutenu par tous les pays qui vise une intégration dans le champ de l’éducation. Une véritable intégration, selon la théorie, construit des structures supranationales qui prennent les décisions aux noms de ses États membres. Mais ce n’est pas applicable à l’OCS. Nous pouvons étudier l’OCS à l’aide d’une autre théorie comme celle des niveaux d’intégration : forte intégration, faible intégration ou par définition proposée par Karl Deutsch que nous avons cité ci-dessus. Même si dans l’avenir l’OCS devenait une structure d’intégration, elle serait un nouveau mode d’intégration. Sinon nous pouvons dire que l’OCS comme son nom le dit est une organisation de coopération.
Il y a eu des doutes concernant les perspectives et l’avenir de l’OCS. Maintenant beaucoup croient à l’avenir brillant de l’OCS. Le fait qu’elle existe toujours et devient une organisation importante pour ses pays-membres, prouve son efficacité, sa nécessité, l’utilité de l’OCS pour ses pays-membres. Les « petits pays » d’Asie centrale sont des partenaires égaux de la Chine et la Russie, et ont les mêmes voix. C’est un élément qui attire les « petits pays » à participer à l’OCS.
Dans les derniers temps nous observons l’apparition de l’Union douanière et du projet de Route de la Soie, mais ces deux n’empêchent pas l’existence ou le développement de l’OCS. L’Union douanière est une organisation qui réunit uniquement les pays post-soviétiques sans la Chine et le projet de la Route de la Soie est un projet non multilatéral mais plutôt bilatéral. Alors, les pays-membres de l’OCS ont besoin de dialoguer, coopérer et de résoudre les problèmes communs dans la région. Sans doute l’OCS a un avenir.
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[1] Critiques réguliers de la part des États-Unis et certains experts européens.
[2] Itar-Tass, le 5 décembre 2012, les pays-membres, les pays-observateurs et les partenaires de dialogue inclus.
[3] Oldberg (I.), “The Shanghai Cooperation Organization : Powerhouse or Paper tiger ?” Defence Analysis, Stockholm, juin 2007, 59p.
[4] Itar-Tass, le 5 décembre 2012, les pays-membres, les pays-observateurs et les partenaires de dialogue inclus.
[5] Laruelle (M.), Peyrouse (S.), « Recomposition géopolitique sur le vieux continent ? L’Organisation de coopération de Shanghai ». La Revue internationale et stratégique, n°72, hiver, 2008-2009, p : 181-190.
[6] Engagés sans autorisation du Conseil de sécurité, au nom de l’ingérence humanitaire, les bombardements aériens commencés le 23 mars 1999 ne devaient durer que trois jours. Leurs objectifs étaient la destruction : au Kosovo des capacités de coercition des forces militaires et paramilitaires du Président Slobodan Milosevic ; en Serbie des infrastructures.
[7] Le bombardement de l’ambassade de Chine à Belgrade par l’OTAN le 7 mai 1999 par erreur.
[8] Laruelle (M.), Peyrouse (S.), « Recomposition géopolitique sur le vieux continent ? L’Organisation de coopération de Shanghai ». op.cit.
[9] « La Chine, la Russie et l’Asie centrale se réunissent pour contrer les USA », Aujourd’hui la Chine, le 16.08.07.
[10] op.cit.
[11] Laruelle (M.), « Asie centrale : le « retour » de la Russie ». Politique internationale, n°115, printemps 2005, p : 377-391.
[12] Orozbek Moldaliyev, entretien réalisé en février 2009 à Bichkek.
[13] Orozbek Moldaliyev, entretien direct à Bichkek en 2010.
[14] Les experts et les hommes politiques américains.
[15] Mourat Souyounbayev.
[16] Alexandre Knyazev, entretien direct réalisé en janvier 2011 à Bichkek.
[17] Primakov (E.), Le monde sans la Russie ? Paris, Economica, 2009, 201p.
[18] Entretiens réalisés en 2011 à Pékin en Chine.
[19] Chingiz Shamshiev, entretien realisé en 2012.
[20] Étant donné le poste occupé par ce diplomate, son nom restera anonyme. Il travaille depuis plusieurs années en Asie centrale et connaît bien la région et l’OCS.
[21] Les Russes voient l’OCS comme une structure de sécurité régionale, et certains experts et hommes politiques d’Asie centrale.
[22] Surtout les Chinois : milieux d’experts et milieux politiques.
[23] Alexandre Loukine, entretien direct à Moscou en février 2013.
[24] La Charte de l’OCS.
[25] Loukine (A), 2011, op.cit.
[26] Mikhaïl Konarovskiy, entretien direct réalisé pendant notre stage au secrétariat de l’OCS en avril-mai 2011 à Pékin.
[27] Op.cit.
[28] Norling (N.), Swanstrom (N.), op.cit.
[29] Déclaration d’Astana 2005.
[30] Hu Jintao, discours officiel.
[31] Barskiy (K.), op.cit.
[32] Mouratbek Imanaliyev, intervention dans un colloque à l’Université Nationale Kirghize, le 8 avril 2013.
[33] Mourat Souyounbayev, entretien direct réalisé en avril 2010 à Bichkek.
[34] Sanat Kushkumbayev, entretien réalisé en mars 2010 à Almaty.
[35] Sanat Kushkumbayev, 2010.
[36] Mourat Souyounbayev, entretien direct réalisé en avril 2010 à Bichkek.
[37] Valikhan Tuleshov, Aidar Amrebayev, Elnara Baynazarova, Institut de politique et économie mondiale auprès du Président du Kazakhstan, entretien direct à Almaty en août 2012.
[38] Loukine (A.), 2011, op.cit.
[39] Liu Huqin, Chen Yurong, 2011.
[40] Entretien réalisé en 2010.
[41] Facon I., L’OCS. « Ambitions et intérêts russes », Paris, Le courrier des pays de l’Est, 2006/3, n°1055, pp. 26-37.
[42] Liu Huqin, entretien réalisé en mai 2011 à Pékin.
[43] Marat Kazakpayev, entretien réalisé en février 2009 à Bichkek.
[44] Chingiz Shamshiev, entretien en 2011.
[45] Omurbek Babanov, Roza Otunbayeva, Almazbek Atambayev, Kourmanbek Bakiyev, Noursoultan Nazarbayev, Serik Akhmetov, etc.
[46] Programme sur la coopération économique accepté en 2003.
[47] Wen Jiabao, discours officiel.
[48] Central Asia News, novembre 2010.
[49] 24.kg, juin 2012.
[50] Site officiel de la Présidence russe a l’OCS.
[51] Mouratbek Imanaliyev, entretien réalisé en février 2009 à Bichkek.
[52] Mouratbek Imanaliyev, IPP.
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