Géopolitique de l’agriculture dans la mondialisation

Par Pierre VERLUISE, Sébastien ABIS, Thierry POUCH, le 24 novembre 2013  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Sébastien Abis est actuellement administrateur au Secrétariat Général du CIHEAM (Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes). Thierry Pouch est responsable du Service des études économiques, Direction économie des agricultures et des territoires de l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture, Paris.

La force de frappe agricole et alimentaire de la France semble être sous-estimée à l’heure où d’autres pays se remobilisent autour de ces enjeux liés à la sécurité alimentaire, tant d’un point de vue domestique que d’action à l’international.

S. Abis et T. Pouch invitent à une réflexion pour étudier les opportunités à tirer d’une approche enfin géopolitique des questions agricoles et alimentaires, dans le cadre de l’influence de la France dans le monde et de ses devoirs de coopération vis-à-vis de certaines régions du globe.

Ils viennent de co-signer : Agriculture et mondialisation. Un atout géopolitique pour la France, coll. Nouveaux débats, Paris, éd. Les Presses de SciencesPo.

S. Abis et T. Pouch répondent aux questions de P. Verluise, Directeur du Diploweb.com. Cet entretien est illustré par trois graphiques.

. A l’échelle planétaire, comment comprendre les liens entre mondialisation et agriculture ?

Mettre en relief les liens qui se sont noués entre mondialisation et agriculture nécessite de revenir brièvement sur la genèse de la mondialisation, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Elle se met en place dès la fin des années 1970, lorsque le rattrapage européen et japonais sur les États-Unis devient une réalité économique porteuse d’une menace pour la suprématie internationale de l’économie américaine. L’éclatement du système monétaire international, en 1971 puis en 1976 avec les accords de la Jamaïque, est une première réponse à cette menace, ayant pour principale conséquence l’instauration d’un flottement généralisé des monnaies, à l’origine duquel les courants commerciaux sont durablement perturbés. Ce qui compte pour les Etats-Unis, c’est de conserver le dollar en tant que monnaie véhiculaire du monde. La réaction de l’Union européenne est justement de se prémunir contre la volatilité des taux de change en créant le Système Monétaire Européen en 1979.

À cette crise monétaire internationale correspond une rupture industrielle, qui voit des pays que l’on qualifie aujourd’hui d’émergents – nommés hier Nouveaux Pays Industrialisés (NPI) – monter en puissance et prendre rang dans la hiérarchie des nations productrices de produits manufacturés. Une troisième rupture, fondamentale, est l’entrée de la Chine dans l’économie de marché. A partir de 1978 en effet, la Chine entreprend des réformes structurelles qui la propulse en quelques décennies au rang de prétendante au rôle de première puissance économique mondiale. La réunification de l’Allemagne le 3 octobre 1990 et l’effondrement du bloc soviétique le 8 décembre 1991 constituent les derniers maillons des ruptures engagées quelque vingt ans plus tôt. Ce à quoi nous assistons, c’est à une élévation du degré d’interdépendance des nations dans et par la mondialisation depuis le début du XXIème siècle. Pour la géoéconomie, l’une des dates marquantes en 2001, n’est pas le 11 septembre, mais le 11 décembre, jour d’entrée de la Chine à l’OMC.

Géopolitique de l'agriculture dans la mondialisation

Thierry Pouch et Sébastien Abis

C’est dans ce contexte qu’il convient de s’inscrire pour comprendre les ressorts des liens entre mondialisation et agriculture. Le processus de la mondialisation se distingue en effet par une montée en puissance de pays qui rattrapent voire supplantent les anciennes économies avancées. Le lien entre mondialisation et agriculture peut être compris dans un premier temps sous cet angle du rattrapage, du dépassement, conduisant parfois à contester la suprématie des pays industrialisés producteurs de biens agricoles et alimentaires. Le cas du Brésil est à cet égard exemplaire. Avec des mesures de politique publique appropriées (recherche agronomique, conditions de financement de l’activité agricole, taux de change répondant aux exigences de la compétitivité…), le Brésil a rattrapé puis dépassé la France en termes de parts de marché à l’exportation, au point de déployer l’ambition de nourrir le monde (graphique 1, ci-après). On sait d’ailleurs que, depuis quelques années, au-delà des exportations (soja, viande bovine, de volaille, jus d’orange, café, sucre…), ce sont les firmes multinationales de l’agroalimentaire brésiliennes qui s’implantent sur les marchés afin d’être plus en proximité avec les demandes locales.

L’autre type de lien entre mondialisation et agriculture passe par la dynamique de la demande mondiale. En s’industrialisant, certaines économies émergentes ont occasionné des diminutions de surfaces cultivables, qui, couplées à l’élévation des niveaux de vie, à l’urbanisation et à une transition nutritionnelle, ont débouché sur une croissance des besoins alimentaires (graphique 2, ci-après). Ces derniers ne peuvent plus, comme en Chine, être couverts par les productions domestiques. En découle des tensions autour de l’approvisionnement des populations, la Chine puisant massivement dans les marchés mondiaux, au risque de provoquer des hausses de prix. Ces hausses sont certes supportables pour la Chine, mais elles alourdissent considérablement le coût des importations pour d’autres pays, comme ceux de la rive Sud de la Méditerranée, dépendants des marchés internationaux pour assurer leur sécurité alimentaire en produits de base, céréales tout particulièrement. Il est toujours utile, pour comprendre l’acuité stratégique de la question, de rappeler que les cinq pays de l’Afrique du Nord (Algérie, Egypte, Libye, Maroc et Tunisie) pèsent pour 2% de la population mondiale mais comptent pour 15 à 20% des achats mondiaux de blé chaque année depuis plus d’une décennie.

Une telle évolution incite les économies émergentes, ou encore les puissances financières du Golfe, à accaparer sous forme de location ou d’achat de surfaces cultivables dans d’autres pays, dans un souci de sécurisation de leurs approvisionnements alimentaires, renforçant le caractère mondialisé de l’agriculture. Ajoutons que depuis le début de la crise en 2007, le secteur agricole exerce manifestement une attractivité élevée au regard des perspectives de rentabilité des investissements, eux-mêmes indissociables des éléments qui viennent d’être rappelés ci-dessus. Production, demande mondiale, firmes multinationales, intérêt des acteurs financiers pour le secteur agricole, autant de variables offrant la possibilité d’établir un lien entre mondialisation et agriculture. On pourrait aussi rappeler l’interdépendance croissante entre le prix du pétrole, du fret maritime et des denrées alimentaires de base. C’est parce que ces trois composantes ont connu une forte augmentation de leur prix en 2007/2008 que la crise alimentaire fut si violente pour certains pays. Depuis d’ailleurs, même si les prix alimentaires ne sont pas revenus à des niveaux plus bas que 2007/2008 (qui est donc une vraie rupture historique), les chocs inflationnistes ont été davantage absorbés car le cours du pétrole s’est rarement emballé.

. A l’échelle européenne, puis à l’échelle française, quel rôle joue l’agriculture dans l’économie ? La PAC est-elle un élément de puissance pour l’UE et pour la France, et, si oui, à quel prix ? Quels sont les principaux bénéficiaires de la PAC ?

L’agriculture européenne figure parmi les plus performantes du monde. Elle est dotée de moins de 12 millions d’exploitations agricoles, diversifiées et réparties sur l’ensemble du territoire européen. Elle se classe au premier rang des exportateurs mondiaux de produits agricoles et alimentaires, si l’on inclut les flux intra-UE, au second si l’on ne retient que les échanges extra-UE. Mais elle est également le premier importateur mondial de produits agricoles et alimentaires. L’agriculture européenne exerce par ailleurs des effets d’entraînement importants sur les secteurs situés en amont (machinisme, engrais…), et aval, puisque les industries agroalimentaires s’approvisionnent largement auprès des producteurs de l’UE.

A l’échelle française, l’agriculture c’est moins de 500 000 exploitations, sa contribution au Produit Intérieur Brut (PIB) s’élève à 2% et à l’emploi d’environ 3,3% (si l’on intègre les industries de la transformation, on passe à près de 4% du PIB et 5,6% de l’emploi). Réparties sur tout le territoire, l’agriculture constitue également un atout à l’exportation. Agriculture et industries agroalimentaires (IAA) réunies, c’est en 2012 près de 12 milliards d’€ d’excédent commercial, le second juste derrière l’aéronautique. La France est la première puissance agricole européenne, avec près de 20% de la production totale des 28 Etats membres. Dans le contexte actuel de tensions sur les marchés des produits agricoles et alimentaires, il apparaît que le secteur agricole et alimentaire forme un socle de la présence française dans le monde.

Le budget agricole était très élevé jusqu’aux années 1990, avant de diminuer sous l’impulsion des réformes de la PAC enclenchées à partir de 1992.

La PAC a constitué depuis son origine (1962) un levier non seulement pour la construction européenne – elle fut durant de longues années, et sans doute encore aujourd’hui, la seule politique commune de l’UE – mais également pour l’accession à l’autosuffisance de l’UE, laquelle autosuffisance est atteinte dès le début des années 1970. Ensuite, la puissance européenne se situe sur les marchés mondiaux, puisqu’elle se hisse, notamment avec la France, au rang de grand exportateur mondial de produits agricoles et alimentaires, suscitant au passage la polémique sur les distorsions de concurrence occasionnées par le mécanisme des restitutions à l’exportation. L’ennui vient du fait que l’articulation stratégique s’est rarement, pour ne pas dire jamais, faite entre d’un côté la PAC et la sécurité alimentaire continentale (voire celle des régions voisines) et la volonté de développer l’Europe-puissance. Or si l’UE pouvait – et peut sans doute encore – exercer une influence sur les affaires internationales et notamment dans les régions méditerranéennes et moyen-orientales, son potentiel agricole constituait assurément un bon levier pour à la fois faire du commerce, de la coopération et du développement économique dans des pays où l’agriculture est centrale dans les sociétés. On pense encore ici aux pays méditerranéens du Sud. Or la PAC, malgré le processus de Barcelone (1995), la politique de voisinage (2004) ou encore l’Union pour la Méditerranée (2008), a toujours ignoré les relations avec l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Il ne s’agit pas ici de plaider pour la mise en place d’une PAC euro-méditerranéenne, mais de dire que des axes de partenariat privilégié auraient pu être tissés à l’échelle euro-méditerranéenne en misant davantage sur les questions agricoles et sur la sécurité alimentaire pour créer du développement.

En matière de financement de la PAC, le budget agricole était très élevé jusqu’aux années 1990, avant de diminuer sous l’impulsion des réformes de la PAC enclenchées à partir de 1992 et des accords commerciaux multilatéraux, ceux de Marrakech en 1994 en particulier (graphique 3, ci-après). La ventilation des dépenses agricoles a fait l’objet de profonds changements. Aujourd’hui, le budget agricole de l’UE représente environ 40% du budget total, un ordre de grandeur qu’il convient de ramener à la question suivante : quel est le prix de notre indépendance alimentaire ? La France, l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie sont les principaux pays bénéficiaires de la PAC.

. Que dites-vous à ceux – jusqu’au Parlement européen – qui reprochent à la PAC de contribuer au sous-développement des pays du Sud via les subventions à l’exportation des pays de l’UE qui font ensuite une rude concurrence aux producteurs locaux ?

Il s’agit d’un vieux débat, qui remonte aux années 1970, lorsque, au moment où les excédents de production européens sont en forte croissance et nécessite de trouver des débouchés. Le recours au mécanisme tant décrié des restitutions aux exportations (ou subventions) a été important, en particulier dans des secteurs comme la viande de volaille, les céréales, voire la viande porcine. Ce fut d’ailleurs l’un des points de tensions avec les américains lors de négociations de l’Uruguay round (1986-1994). De plus, beaucoup d’observateurs estimaient que l’UE déversait ses excédents sur les marchés des pays en développement, exerçant ainsi une concurrence dé loyale au détriment de la paysannerie locale.

Depuis le début des années 2000, peut-on raisonnablement tenir le même discours ? Il convient en tout cas de fortement le nuancer. En effet, les restitutions sont réduites à zéro dans le budget de la PAC, et le Commissaire Dacian Ciolos n’entend pas les réactiver dans l’immédiat, en dépit des demandes des agriculteurs producteurs de volaille notamment. Lors de la Conférence Ministérielle de décembre 2005 à l’OMC, un accord fut trouvé pour les démanteler en 2013. Enfin, aujourd’hui, l’UE enregistre des déficits commerciaux en produits agricoles et alimentaires avec les pays en développement. Certains de ces derniers sont par surcroît devenus des économies émergentes qui, à l’instar du Brésil, dégagent des excédents commerciaux avec l’UE et aussi avec le France. Il suffit de constater l’érosion des performances françaises en viande de volaille depuis le début des années 2000, au profit des exportations brésiliennes.

L’absence de vision stratégique commune de l’UE vis-à-vis des rapports au monde et aux espaces du voisinage reste une vraie carence.

Pour les autorités européennes, Commission et Parlement, ce procès envers les restitutions sonne comme une volonté de rompre progressivement avec la PAC, de s’affranchir de l’exigence de production dans contexte mondial d’où émanent des besoins alimentaires importants. Ces orientations ne sont pas toujours bien comprises en dehors de l’UE. En outre, elle marque en creux une vraie difficulté à penser commerce et développement dans la politique extérieure d’une Europe dont l’absence de vision stratégique commune vis-à-vis des rapports au monde et aux espaces du voisinage reste une vraie carence.

De ce point de vue, la France et son agriculture ne doivent pas se laisser impressionner par ce discours, puisqu’elle détient des avantages comparatifs dans le domaine des produits agroalimentaires, avantages sur lesquels elle peut s’appuyer pour compenser, ne serait-ce que partiellement, ses piètres performances globales sur les marchés mondiaux.

. Que répondez-vous à ceux – notamment Britanniques – qui avancent qu’il vaudrait mieux investir dans la R-D de l’UE que de poursuivre le financement de la PAC à un niveau aussi élevé ? Pourquoi ne pas nationaliser ce budget ?

Les Britanniques savent de quoi ils parlent ! Eux qui, dès le milieu du XIXème siècle, ont abrogé tous les systèmes de protection de l’agriculture, à commencer par le secteur céréalier, pour importer massivement et à moindre coût des grains, afin que l’accumulation du capital s’effectue plus facilement dans l’industrie, et asseoir ainsi la suprématie de l’Angleterre sur le reste du monde. Sauf que, ce faisant, ce pays est devenu dépendant de l’extérieur pour son approvisionnement alimentaire, dépendance durement ressentie durant les deux guerres mondiales.

Ce à quoi nous invitent les Britanniques, c’est accepter la transition d’une économie de production à une économie de la connaissance et de l’immatériel. La Commission a d’ailleurs emboîté le pas à cette perspective. C’est oublier que la R-D concerne le secteur agricole, au travers notamment de l’agronomie, et, in fine, exerce des effets d’entraînement sur la R-D dans les industries d’amont et d’aval. Depuis 2007, le monde prend conscience que l’agriculture et l’alimentation sont redevenues des secteurs clés. D’abord pour nourrir le monde, car il y a encore loin avant que les pays en développement ne deviennent auto-suffisants. Il faut imaginer ce que peut représenter pour un pays l’inaccessibilité aux denrées alimentaires. Des régions comme celles de la rive Sud de la Méditerranée sont aujourd’hui des zones de haute sismicité alimentaire, pouvant entraîner les sociétés dans le chaos politique et social. Il en est de même des pays de la bande sahélo-saharienne et de nombreux Etats africains. Les Britanniques devraient y songer ! D’ailleurs, les militaires et les stratèges anglais y pensent sans doute déjà… Ensuite du fait que l’on ne peut plus segmenter les économies entre d’un côté des secteurs dépassés, comme l’agriculture du point de vue anglais, et de l’autre des domaines d’avenir, comme la haute technologie et l’immatériel. L’agriculture peut produire des aliments à fort contenu en R-D, incorporant de l’immatériel (goût, savoir-faire, territoires…) et répondre plus finement aux besoins et aux attentes des consommateurs.

. A l’échelle de la France, comment l’agriculture pourrait-elle davantage encore être un atout stratégique dans la mondialisation ?

D’abord, comme ce livre entend le suggérer, il convient de reclasser stratégiquement l’agriculture dans le paysage politique, économique et médiatique en France. Nous ne pouvons plus traiter la question uniquement parce qu’il y aurait une manifestation de paysans, un scandale alimentaire pour nos assiettes ou un débat qui s’éternise à Bruxelles pour les négociations sur la PAC. L’agriculture, c’est aussi et surtout de la croissance économique, de l’emploi, de la préservation environnementale, de l’innovation technique et technologique, de la recherche scientifique, des expressions culturelles et de la gastronomie (avec ici des liens évidents, pas toujours estimés à leur juste valeur, avec le tourisme).

L’agriculture appartient au futur de la France.

Une activité historique en France, ancrée dans les territoires et les mémoires, mais qui se doit de regarder vers l’avenir aussi. C’est cela l’enjeu aujourd’hui : cesser de considérer que l’agriculture n’appartiendrait pas au futur. Au contraire, eu égard aux enjeux mondiaux et au besoin de redresser la production du pays tout en dopant les performances commerciales, la France peut fortement s’appuyer sur son agriculture. Une agriculture riche de sa diversité, dont certaines filières très dynamiques sont capables de jouer avec efficacité dans la mondialisation, quand bien même d’autres souffrent des concurrences internationales.

Pour procéder à ce reclassement stratégique, il fallait verser cette contribution dans le débat public en essayant de valoriser un atout indéniable pour la France qu’il conviendrait de valoriser davantage et de soutenir durablement. La France doit avoir conscience de ses forces agricoles et alimentaires. Assumer la puissance dans le domaine agricole ne doit pas être un tabou. C’est aussi pour cette raison que le livre s’adresse à tous ceux qui réfléchissent et travaillent sur l’influence de notre pays dans le monde, son rang dans la hiérarchie des nations et sur nos attributs de puissance qui peuvent encore véritablement faire sens. S’accrocher au siège du Conseil de sécurité de l’ONU est une chose, penser à la place de la France dans le monde qui vient et se décider à utiliser les bons instruments, à mener des batailles (intelligentes !) dans les bons secteurs et à agir dans les zones où il est toujours possible d’être influents (comme la Méditerranée) en est une autre. A ce titre, les questions agricoles et alimentaires doivent s’inviter plus fortement dans l’analyse stratégique, la conduite des affaires étrangères, la diplomatie économique et même la défense de la francophonie puisque l’agriculture offre un terrain formidable pour combiner pratiques linguistiques et partages d’expériences et de techniques !

La force de frappe agricole et alimentaire de la France semble être sous-estimée à l’heure où d’autres pays se remobilisent autour de ces enjeux liés à la sécurité alimentaire, tant d’un point de vue domestique que d’action à l’international. Une réflexion est donc proposée pour étudier les opportunités à tirer d’une approche enfin géopolitique des questions agricoles et alimentaires, dans le cadre de l’influence de la France dans le monde et de ses devoirs de coopération vis-à-vis de certaines régions du globe. La France ne saurait avoir la prétention de nourrir le monde, car elle n’en a pas les moyens. En revanche – la nuance est de taille –, sa légitimité à contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux n’est pas négociable. L’objectif de ce livre, comme nous l’écrivons, est de redonner sens à l’activité agricole, non seulement sur le volet environnemental ou territorial, mais aussi, et peut-être surtout, sur le volet de l’économie, du social – car ce sont des hommes qui produisent pour nourrir d’autres hommes – et de la géopolitique.

Nous ne pouvons que nous réjouir de voir que les choses bougent actuellement. Ces dernières années, la France s’active sur les questions agricoles à l’international, comme lors de la présidence du G20 en 2011. Plus récemment, certains ministres du gouvernement actuel ont saisi l’importance de l’agro-alimentaire pour construire leur politique. On citera volontiers l’action conduite par la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, dans sa stratégie visant à promouvoir les produits français à l’étranger. C’est intéressant que le sujet ne soit pas seulement celui du ministre de l’agriculture ou de l’agro-alimentaire. Il conviendrait également de lui accorder plus de place au Quai d’Orsay ou dans les visites d’Etat qu’effectuent le Président de la République à l’étranger, car pour de nombreux partenaires, les questions agricoles sont essentielles dans le dialogue avec la France. A la défense, les militaires ont conscience que la sécurité alimentaire est devenu un enjeu premier sur la planète.

Et pour revenir sur notre plaidoyer consistant à suggérer une certaine priorisation des zones géographiques avec lesquelles il faudrait travailler, le Bassin méditerranéen devant en être la première, nous sommes attentifs au fait que le ministre français de l’agriculture, Stéphane Le Foll défende cette approche. En faisant des pays méditerranéens un axe fort de sa diplomatie agricole, il entend démontrer que commerce, développement et coopération peuvent se conjuguer avec efficience. Et surtout que la France, attendue dans cette région, se doit de positionner les bons sujets avec ces pays, si elle entend proposer un partenariat dans la durée. L’agriculture, la sécurité alimentaire et le développement des territoires ruraux constituent des domaines de coopération porteurs d’avenir.

Copyright Novembre 2013-Abis-Pouch-Verluise/Diploweb.com


Plus

Sébatien Abis, Thierry Pouch, Agriculture et mondialisation. Un atout géopolitique pour la France, coll. Nouveaux débats, Paris, éd. Les Presses de SciencesPo, 2013

Agriculture et mondialisation

4e de couverture

La crise économique de 2007 a mis en relief les lourdes contraintes d’approvisionnement qu’éprouvent certaines régions du monde. Défis stratégiques et conflits d’intérêts se multiplient, alors que les enjeux alimentaires et écologiques vont s’amplifier. De nouveaux pays se mobilisent pour participer à cette nouvelle géoéconomie des ressources alimentaires.

Première puissance agricole et céréalière européenne, la France détient avec ce secteur – auquel elle doit redonner sens dans ses aspects sociaux, territoriaux et économiques – un avantage compétitif important. Ce rendez-vous géopolitique ne peut être manqué !
Enjeu majeur du XXIe siècle, fer de lance de la balance commerciale française, l’agriculture doit s’inscrire dans le débat sur la puissance de la France, dans une diplomatie agricole au service de son influence, de sa compétitivité et de ses devoirs de coopération.

. Le livre de Sébatien Abis et Thierry Pouch, Agriculture et mondialisation. Un atout géopolitique pour la France sur le site de l’éditeur


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