Europe sociale : 2010, l’année de tous les risques ?

Par Pierre VERLUISE, le 26 mars 2010  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Docteur en Géopolitique, Chercheur à l’IRIS, Chercheur associé à l’Observatoire de géopolitique de la Chaire Raoul-Dandurand (UQAM, Canada)

Géoéconomie et géopolitique sociale. La crise financière de septembre-octobre 2008 s’est transformée en une crise économique et sociale d’un genre nouveau. D’octobre 2008 à octobre 2009, le nombre personnes au chômage dans l’UE-27 a augmenté de 5 millions. Au 1er janvier 2010, l’UE compte 23 millions de chômeurs. Si les prévisions envisagent une reprise économique graduelle en 2010 et 2011, l’incidence positive sur le marché du travail ne sera pas immédiate du fait du délai de réaction de l’emploi à l’évolution de l’économie. Le chômage pourrait donc encore progresser en 2010. Quels sont les pays les plus exposés ? (6 graphiques)

Des situations différenciées avant la crise

AVANT même que la crise financière n’éclate et ne se transforme en crise économique majeure [1], les habitants de l’Union européenne à 27 (UE-27) [2] connaissent des quotidiens différents. [3]

À l’échelle de l’UE-27, un tiers de la population vit dès 2007 dans un ménage qui ne peut pas faire face à une dépense imprévue [4]. Ce qui renvoie une image de l’UE bien éloignée des antiennes. Pour autant, les proportions varient considérablement d’un pays à l’autre.

Observons le graphique 1 : « UE-27 et pays membres : proportion de la population ne pouvant faire face à une dépense imprévue, en %, en 2007 ».

Europe sociale : 2010, l'année de tous les risques ?
UE-27 et pays membres : proportion de la population ne pouvant faire face à une dépense imprévue, en %, en 2007

À l’échelle nationale, le graphique 1 dessine une géographie de la fragilité des ménages avant la crise. Chacun remarque d’emblée l’importante disparité des situations : rien de commun entre la Suède - où 18% de la population vit en 2007 dans un ménage qui ne peut pas faire face à une dépense imprévue – et la Hongrie où cette proportion s’élève à 63%.

Il est possible de distinguer deux groupes de pays membres, de part et d’autre de la moyenne communautaire (34%).

Premièrement, le groupe des pays dont la population est plus exposée que la moyenne communautaire. Il s’agit, par ordre décroissant des pays suivants : Hongrie et Lettonie (63% de la population vit dans un ménage qui ne peut faire face à une dépense imprévue) ; Pologne (54) ; Roumanie (45) ; Slovaquie (43) ; Chypre, Lituanie et Slovénie (42) ; Irlande (39) ; République tchèque (38) ; Allemagne (36). Remarquons que ce groupe de 11 pays compte 9 des 11 nouveaux Etats membres (NEM) depuis 2004 ou 2007 pour lesquels des données existent. [5] Notons cependant que derrières ces statistiques se cachent des modes de vie variés, notamment en matière d’accès à des jardins potagers pour disposer de légumes sans passer par l’achat en magasin.

Deuxièmement, le groupe des pays dont la population est moins exposée que la moyenne communautaire. Il s’agit, par ordre décroissant des pays suivants : France et Malte (33 % de la population vit dans un ménage qui ne peut faire face à une dépense imprévue) ; Italie (32) ; Finlande et Grèce (30) ; Autriche et Espagne (29) ; Royaume-Uni (26) ; Estonie (22) ; Belgique, Luxembourg et Pays-Bas (21) ; Portugal (20) ; Danemark (19) ; Suède (18). Ce groupe de 15 pays compte seulement 2 des 11 nouveaux Etats membres depuis 2004 ou 2007 pour lesquels des données existent, dont un seul Pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et une île méditerranéenne qui n’a pas connue quatre décennies de communisme : Malte.

Il ressort de cette rapide étude du terrain antérieur à la crise que les habitants des NEM restent dans l’ensemble plus exposés que la moyenne communautaire à la difficulté de faire face à une dépense imprévue. Si la crise économique ne génère pas directement de dépense imprévue, elle peut se traduire par une réduction des revenus suite à une diminution contrainte des heures travaillées, le passage au temps partiel, une baisse de salaire ou la perte d’emploi. Ce qui a pour effet de mettre en grande difficulté cette partie de la population.

En 2009, la récession économique ne touche pas tous les pays membres de la même façon.

2009 : une récession plus ou moins marquée

Il faudra probablement attendre 2011 afin de disposer de données consolidées pour le Produit intérieur brut (PIB) [6] de l’année 2009. Pour autant, les prévisions mises en ligne fin décembre 2009 par la base de données d’Eurostat offrent des indications plus proches des réalités que les chiffres annoncés un an plus tôt.

À l’échelle de l’UE-27, le PIB aurait diminué de 4,1% en 2009 par rapport à l’année précédente. Il s’agit d’un choc considérable, inédit depuis la création de l’Europe communautaire en 1957. En 2009, le PIB des Etats-Unis aurait baissé de 2,5% et celui du Japon de 5,9.
La crise a mis à jour le haut niveau d’interdépendance de facto entre les anciens Etats membres de l’UE et les pays d’Europe balte, centrale et orientale. La Suède et l’Autriche sont les deux pays les plus exposés dans la zone. La Suède a près de 60 milliards de dollars exposés dans les 3 États Baltes. Une multiplication des défaillances pourrait affecter durant plusieurs années la croissance suédoise, par le durcissement des conditions d’octroi du crédit auquel les banques suédoises se verraient contraintes.

Étudions le graphique 2 : « UE-27, membres et candidats : taux de croissance du PIB en volume, variation en pourcentage par rapport à l’année précédente, prévisions pour 2009 ».

UE-27, membres et candidats : taux de croissance du PIB en volume, variation en pourcentage par rapport à l’année précédente, prévisions pour 2009

À l’échelle des États membres de l’UE, 26 pays sur 27 auraient enregistré une « croissance négative » de leur PIB en 2009. Il est possible de distinguer trois groupes de pays.

En premier lieu, le groupe des 3 pays marqués par une diminution du PIB de -18,1 à -13,7%.
Il s’agit des États Baltes : Lituanie (-18,1%), Lettonie (-18) et Estonie (-13,7). Pour la Lituanie et la Lettonie, le choc est supérieur à celui enregistré à la fin des années 1990 par la Thaïlande, l’Argentine ou l’Indonésie. Pour autant, il faut le ramener l’échelle d’économies plus petites et plus flexibles, sans oublier pour autant l’impact social.

En deuxième lieu, le groupe des 14 pays caractérisés par une diminution du PIB de -8 à -4,1%, soit la moyenne de l’UE-27
. Il s’agit des pays suivants : Roumanie (-8%) ; Irlande (-7,5) ; Slovénie (-7,4) ; Finlande (-6,9) ; Hongrie (-6,5) ; Bulgarie (-5,9) ; Slovaquie (-5,8) ; Allemagne (-5) ; République tchèque (-4,8) ; Italie (-4,7), Royaume-Uni et Suède (-4,6) ; Pays-Bas et Danemark (-4,5).

En troisième lieu, le groupe des 10 pays dont l’évolution du PIB est « supérieure » à la moyenne de l’UE-27
. Il s’agit des États suivants : Espagne et Autriche (-3,7%) ; Luxembourg (-3,6) ; Portugal et Belgique (-2,9) ; Malte et France (-2,2) ; Grèce (-1,1), Chypre (-0,7). Seule la Pologne, membre depuis 2004, afficherait en 2009 une croissance positive : 1,2%. Comment expliquer cette singularité ? « Moins dépendante à l’égard des exportations que ses voisins, la Pologne a mieux résisté à la crise et la demande intérieure a permis une contraction modérée, explique Gilles Lepesant. La croissance de la consommation (5,3%) et de l’investissement (7,9%) ont compensé la baisse des exportations. […] Sans engager un plan de relance explicite, les autorités polonaises ont accru les investissements publics, réformé la fiscalité des ménages et réduit les taxes pesant sur les entreprises. » [7] Relevons par ailleurs que la Pologne est le premier pays bénéficiaire des fonds de la politique régionale de l’UE, compte tenu de sa superficie, de sa pauvreté relative et de sa population. Reste cependant à disposer des capacités administratives nécessaires pour en tirer le meilleur parti, éventuellement par des partenariats public/privé. L’expérience a démontré que les principes d’action des fonds structurels peuvent générer des logiques de développement à long terme si leur usage est approprié.

Quant aux pays candidats, ils obtiendraient en 2009 les résultats suivants : Croatie et Turquie -5,8% de croissance du PIB en volume ; Ancienne République Yougoslave de Macédoine -2. Candidate à la candidature [8], l’Islande afficherait -9,8%.

Des conséquences importantes sur l’emploi

La crise économique a plusieurs conséquences sur le monde du travail.

L’emploi a commencé à reculer dans l’UE-27 et la zone euro [9] à partir du deuxième trimestre 2008. « Entre les deuxièmes trimestres 2008 et 2009, observe Eurostat, le nombre de personnes ayant un emploi a diminué de 1,9% dans l’UE-27 pour atteindre 222,7 millions. […] La réduction de l’emploi a cependant été plus limitée que la contraction de l’activité économique. […]. Une des raisons de ce phénomène est que les employeurs ont la possibilité de réduire le volume des heures travaillées et d’accroître le recours au travail à temps partiel. Tel a été le cas dans l’UE-27 et la zone euro entre les deuxièmes trimestres 2008 et 2009. » [10]

Considérons successivement le nombre d’heures travaillées, le travail à temps plein ou partiel puis le chômage.

Sur cette période, à l’échelle de l’UE-27, le nombre moyen d’heures effectivement travaillées par semaine dans l’emploi principal par les personnes travaillant à plein temps a baissé de 0,7 heure (passant de 41,0 heures par semaine à 40,3). Ce qui induit généralement une diminution des revenus. Le nombre d’heures travaillées par semaine par une personne travaillant à plein temps a diminué dans 24 des 27 Etats membres. Les plus fortes réductions du nombre d’heures travaillées ont été observées en Estonie (-1,5h), en Autriche, en Slovaquie et en Finlande (-1,4h chacun), en Allemagne et en Suède (-1,3h chacun), au Danemark (-1,2h), en Slovénie (-1,1h) et en Bulgarie (-0,9h). Ajoutons que la crise a induit une baisse significative des salaires réels dans certains pays, notamment les Baltes. En Lettonie, le salaire des enseignants a été amputé de 50%, le salaire minimum réduit de 20% et les retraites baissées de 10%. [11]

Sous l’effet de la crise, la proportion de travailleurs à temps partiel a progressé dans 22 des 27 États membres entre les deuxièmes trimestres 2008 et 2009. [12] Les hausses les plus marquées ont été enregistrées en Estonie (+5,3 points de pourcentage pour atteindre 11,7% de l’emploi total), en Irlande (+2,3 p.p. pour atteindre 20,8%), en Lituanie (+2,1 p.p. pour atteindre 8,6%) et en Slovaquie (+1,8 p.p. pour atteindre 4,0%), Slovénie (+1,7 p.p. pour atteindre 10,7%) et en Lettonie (+1,7 p.p. pour atteindre 8,1%).

Si la réduction des heures travaillées, les baisses de salaires ou le passage au temps partiel provoquent une diminution des revenus, celle-ci est encore plus marquée en cas de perte de l’emploi.

À l’échelle de l’UE-27, le taux de chômage [13] s’est élevé à 9,3% en octobre 2009, contre 7,3% en octobre 2008. [14] Selon ces estimations d’Eurostat, 22,51 millions d’hommes et de femmes étaient au chômage en octobre 2009 dans l’UE-27. Ce qui représente deux fois le nombre d’habitants de la Grèce. Comparé à octobre 2008, le chômage a augmenté de 5 millions. Ce qui représente la population de la Finlande. Le graphique 3, réalisé par Eurostat, présente le « Nombre de chômeurs, dans la zone euro et dans l’UE-27 (en millions) ». [15]

Nombre de chômeurs, dans la zone euro et dans l’UE-27 (en millions)

Au vu du graphique 3, le deuxième trimestre 2008 marque le début d’une phase de hausse du chômage, aussi bien à l’échelle de l’UE-27 qu’à l’échelle de la zone euro. La baisse de l’emploi affecte particulièrement les personnes ayant un niveau de formation inférieur ou moyen, notamment les salariés disposant de contrats à durée déterminée ou temporaires.

De surcroît, il faut noter que le taux de chômage des jeunes augmente plus rapidement que le taux de chômage total, comme en témoigne le graphique 4, réalisé par Eurostat, « Taux de chômage total et taux de chômage des jeunes en %, corrigé des variations saisonnières) ».

Taux de chômage total et taux de chômage des jeunes en %, corrigé des variations saisonnières)

À l’échelle nationale tous les États membres ont connu une augmentation du chômage mais les situations restent très contrastées.

Considérons le graphique 5 « UE-27 et pays membres : taux de chômage en octobre 2009, données corrigées des variations saisonnières, en % de la population active ».

UE-27 et pays membres : taux de chômage en octobre 2009, données corrigées des variations saisonnières, en % de la population active

Le graphique 5 conduit à constater que la crise économique n’a pas le même impact en matière de chômage selon les pays considérés. Cela résulte notamment des différences de dynamiques économiques antérieures et de l’ampleur des flux migratoires, avec des cas de retours, par exemple dans les États Baltes. Dans certains pays, la crise est arrivée à un moment où la surchauffe de l’économie produisait une pénurie de main d’œuvre qui commençait à peser sur quelques secteurs. Quoi qu’il en soit, rien de commun entre les Pays-Bas, avec un taux de chômage de 3,7% de la population active en octobre 2009 et la Lettonie (20,9%). Observons par ailleurs que les conditions et durées d’indemnisation ne sont pas identiques dans tous les pays membres. Enfin, ces données ne permettent pas d’évaluer la part de travail non déclaré, une pratique qui peut constituer une forme d’amortisseur de la crise, par exemple en Espagne.

De part et d’autre de la moyenne de l’UE-27 (9,3%), distinguons deux groupes.

Le groupe des 9 États dont le taux de chômage dépasse la moyenne communautaire. Il s’agit des pays suivants, par ordre décroissant : Lettonie (20,9% de la population active au chômage) ; Espagne (19,3) ; Estonie (15,2) ; Lituanie (13,8) ; Irlande (12,8) ; Slovaquie (12,2) ; Portugal (10,2) ; France (10,1) et Hongrie (9,9). Remarquons que ce groupe compte 5 des 12 NEM, dont les 3 Baltes. Ces derniers font partie des pays les moins peuplés des NEM, ce qui réduit l’impact de leurs difficultés sur l’UE.

Le groupe des 18 États dont le taux de chômage est inférieur à la moyenne communautaire. Il s’agit des pays suivants, par ordre décroissant : Grèce (9,2% de la population active au chômage) ; Suède (8,8) ; Finlande (8,7) ; Pologne (8,4) ; Belgique (8,1) ; Italie (8) ; Bulgarie (7,9) ; Royaume-Uni (7,8) ; Allemagne (7,5) ; République tchèque (7,1) ; Malte (7,0) ; Danemark (6,9) ; Luxembourg (6,6) ; Roumanie (6,4) ; Slovénie (6,2) ; Chypre (6,0) ; Autriche (4,7) et Pays-Bas (3,7). Chacun aura noté que ce groupe rassemble 7 des 12 NEM, dont la Pologne et la Roumanie qui compte parmi les plus peuplés des NEM. Bien que la Bulgarie fasse partie de ce groupe en octobre 2009, il est possible que l’année 2010 y soit marquée par le retour massif de migrants ayant perdu leur emploi à l’étranger, ce qui pourrait provoquer une hausse significative du chômage.

Quoi qu’il en soit, les nouveaux Etats membres, à l’image des anciens, présentent des situations différenciées. [16]

2010 : quelles prévisions de croissance ?

La reprise de l’activité économique sera-t-elle suffisante pour stopper la hausse du chômage ?

À l’échelle de l’UE-27, Eurostat prévoit [17] pour l’année 2010 une croissance du PIB en volume de 0,7%. Soit une reprise assez peu dynamique, en tous cas moindre qu’au Japon (1,1%) et aux États-Unis (2,2). [18]

Observons le graphique 6 : « UE-27, membres et candidats : taux de croissance du PIB en volume, variation en pourcentage par rapport à l’année précédente, prévisions pour 2010 ». Afin de permettre à chacun de faire des comparaisons, l’axe vertical est identique à celui du graphique 2 consacré aux prévisions pour 2009.

À l’échelle des États membres de l’UE-27, les taux de croissance du PIB prévus pour 2010 varieraient de -4% (Lettonie) à 1,9% en Slovaquie. L’ampleur des écarts serait donc moindre qu’en 2009.

En 2010, 14 pays membres présenteraient un résultat inférieur ou égal à la moyenne communautaire (0,7%). 13 pays membres afficheraient un résultat supérieur à la moyenne de l’UE, mais inférieur à 2%.

Autrement dit, même pour les pays membres bénéficiant d’une croissance positive du PIB en 2010, rien ne permet d’affirmer que son rythme sera suffisant pour enrayer la hausse du chômage, et encore moins engager sa décrue. C’est pourquoi l’année 2010 pourrait être une année sociale difficile. D’autant que l’Union européenne se caractérise jusqu’ici par un chômage de longue durée important : ces dernières années, près de 45 % de l’ensemble des épisodes de chômage ont duré plus d’un an dans l’UE, contre 10 % aux États-Unis.

Une étude corrélative des données présentées sur les graphiques 1, 2, 5 et 6 attire l’attention sur 8 pays dont les habitants se trouvent confrontés 4 ou 3 fois à un contexte plus difficile que la moyenne de l’UE-27. Il s’agit, par ordre alphabétique des pays suivants : Bulgarie, Estonie, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Roumanie et Slovaquie. À l’exception notable de l’Irlande, ce sont tous de nouveaux États membres d’Europe balte, centrale ou orientale. D’ailleurs, l’année 2009 a déjà été marquée par une agitation sociale en Lettonie, Lituanie et Bulgarie. Pour autant, le cas de la Grèce démontre qu’un pays peut traverser une crise sociale et politique grave sans être confronté à de telles difficultés. Il faudrait donc intégrer bien d’autres données pour approcher au plus près les risques.

2010, voire 2011 seront probablement des années difficiles

Que prévoit la Commission européenne ? Voici ce qu’elle annonce dans son « Projet de rapport conjoint sur l’emploi (RCE) 2009-2010 » [19] : « Les dernières prévisions de la Commission tablent sur une reprise économique graduelle au cours des deux prochaines années (le PIB de l’UE devrait augmenter de 0,7 % en 2010 et de 1,6 % en 2011). Toutefois, l’incidence positive sur le marché du travail ne sera pas immédiate du fait du délai de réaction de l’emploi à l’évolution de l’économie. Avec un recul de 2,3 % en 2009 et de 1,2 % supplémentaire en 2010 (ce qui correspond à une contraction de l’emploi d’environ 7,5 millions sur ces deux années), le chômage devrait progresser dans presque tous les États membres et pourrait atteindre 10,3 % en 2010 et s’établir à 10,2 % en 2011, soit une hausse de plus de 3 points par rapport à 2008. » Si la validité de ces prévisions reste à prouver, il existe un principe qui a fait ses preuves : quand le PIB augmente plus rapidement que la productivité, des emplois sont créés. À l’inverse, lorsque le PIB augmente moins vite que la productivité, des emplois sont détruits.

Dans ce contexte, la combinaison des mesures les plus judicieuses pour assurer à la fois une sortie de crise, la diminution du chômage, la maîtrise des déficits publics et l’invention d’une « économie de la connaissance compétitive et à faibles émissions de carbone » [20] constitue une forme de quadrature du cercle. Les nouveaux pays membres sauront-ils inventer une nouvelle phase de développement et démontrer que leur « rattrapage » n’est pas en trompe l’œil mais effectif ? Après l’épuisement du discours économique libéral qui a prévalu durant deux décennies, quelle place les nouveaux comme les anciens pays membres réserveront-ils à l’État et à l’UE ?

En attendant des éléments de réponse, on peut se demander à plus court terme quelles seront les incidences des difficultés sociales et budgétaires induites par la crise économique sur les scènes politiques des 27 pays membres de l’UE. Il serait tentant pour des partis protestataires et/ou nationalistes de formuler des messages simplistes afin de remporter les suffrages des laissés pour compte et des inquiets lors de prochaines échéances électorales. Après avoir fait preuve d’un volontarisme presque sans limite pour empêcher l’écroulement du système financier, saura-t-on faire preuve d’audace pour limiter les dégâts sociaux ?

Copyright : Janvier 2010-Verluise


Plus

. Voir un autre article de Pierre Verluise, "UE-27 Crise mais rattrapage des Nouveaux Etats membres ?" publié le 18 novembre 2012 par le Diploweb.com Voir


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[1Pierre Verluise est notamment auteur de « 20 ans après la chute du Mur. L’Europe recomposée », Paris, Choiseul, 2009 et co-auteur de « Géopolitique de l’Europe », Paris, Sedes, 2009. Ce livre est nominé pour le Prix du Festival de Géopolitique et de Géoeconomie 2010. Directeur de séminaire au Collège interarmées de défense. Enseignant de Géopolitique à l’ISIT, à l’Université de Cergy-Pontoise et à l’Université de Reims. L’auteur remercie Bruno Verdet pour sa relecture.

[2Voici la liste des 27 pays membres de l’UE : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède.

[3Rappelons que le Produit intérieur brut (PIB) par habitant varie considérablement d’un pays à l’autre. Aucun des douze pays entrés en 2004 ou 2007 n’affiche en 2007 un PIB par habitant en standards de pouvoir d’achat supérieur à la moyenne de l’UE-27 base 100. Cf. Gérard-François DUMONT et Pierre VERLUISE, Géopolitique de l’Europe, Paris, Sedes, 2009, chapitre 9 : L’Europe communautaire, une puissance économique intégrée ?

[4EUROSTAT, « Les conditions de vie dans l’UE-27. Un tiers de la population de l’UE ne pouvait faire face à une dépense imprévue en 2007 », Communiqué de presse 77/2009, 28 mai 2009, 5 p. Pas de donnée pour la Bulgarie. La donnée a été construite ainsi : « Votre ménage peut-il faire face, avec ses ressources propres, à une dépense requise imprévue égale à 1/12 du seuil national de risque de pauvreté ? » « Avec ses ressources propres » signifie que l’emprunt de fonds, le report d’autres dépenses ainsi que le paiement échelonné de dépenses courantes précédemment effectuées en espèces sont exclus. Le seuil national de risque de pauvreté est fixé à 60% du revenu médian national par équivalent-adulte. Ces montants sont les suivants : Roumanie (pas de seuil), Lettonie 107 €, Lituanie 116 €, Pologne 145 €, Estonie 147 €, Slovaquie 169 €, Hongrie 179 €, République tchèque 252 €, Portugal 360 €, Slovénie 440 €, Malte 466 €, Grèce 492 €, Espagne 550 €, Danemark 671 €, Chypre 687 €, Italie 700 €, Royaume-Uni 731 €, France 800 €, Belgique 800 €, Pays-Bas 850 €, Allemagne 860 €, Suède 865 €, Autriche 900 €, Finlande 900 €, Irlande 900 €, Luxembourg 1 400 €.

[5Il n’existe pas de donnée pour la Bulgarie, mais elle s’intégrerait probablement dans ce groupe.

[6Eurostat définit le Produit intérieur brut (PIB) comme la valeur de tous les biens et services produits, moins la valeur des biens et services utilisés dans leur création. Le calcul du taux de croissance annuel du PIB en volume est destiné à permettre les comparaisons des dynamiques du développement économique à la fois à travers le temps et entre des économies de différentes tailles. Pour le calcul du taux de croissance du PIB en volume, le PIB à prix constants est évalué avec les prix de l’année précédente et les changements du volume ainsi calculés sont imputés au niveau d’une année de référence. C’est ce qu’on appelle une série chainée liée. Par conséquent, les mouvements de prix ne contribuent pas à augmenter le taux de croissance.

[7Gilles LEPESANT, « Géographie de la crise en Europe centrale », Les études du CERI, n°159, décembre 2009, p. 9

[8Pas de donnée disponible pour l’Albanie, également candidate à la candidature.

[9La zone euro (ZE16) comprend les pays suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Slovaquie.

[10EUROSTAT, « Le marché du travail et la crise économique. Moins d’heures travaillées dans l’UE-27 et plus de travail à temps partiel ». Communiqué de presse 159/2009, 5 novembre 2009, p. 1.

[11Jean-Pierre PAGE (dir.), « Tableau de bord des pays d’Europe centrale et orientale », Les études du CERI, n°161, décembre 2009, p. 37.

[12EUROSTAT, « Le marché du travail et la crise économique. Moins d’heures travaillées dans l’UE-27 et plus de travail à temps partiel ». Communiqué de presse 159/2009, 5 novembre 2009, p. 2.

[13Eurostat calcule des taux de chômage harmonisés pour les États membres, la zone euro et l’UE. Ces taux sont basés sur les définitions recommandées par l’Organisation internationale du travail (OIT). Le calcul est basé sur une source harmonisée, l’enquête communautaire sur les forces de travail. Sur la base de la définition de l’Organisation internationale du travail, Eurostat définit les personnes au chômage comme les personnes de 15 à 74 ans qui : sont sans travail ; sont disponibles pour commencer à travailler dans les deux semaines ; et ont activement recherché un emploi pendant les quatre semaines précédentes. Le taux de chômage correspond au nombre de chômeurs en pourcentage de la population active. La population active regroupe quant à elle l’ensemble des personnes ayant un emploi et des chômeurs. Le nombre de chômeurs et le taux de chômage mensuel sont estimés sur la base des données de l’enquête communautaire sur les forces de travail, qui est une enquête auprès des ménages réalisée dans tous les pays sur la base de définitions arrêtées d’un commun accord. Les résultats sont interpolés/extrapolés en données mensuelles, en utilisant les données d’enquêtes nationales et les séries mensuelles nationales sur le chômage enregistré. Les données les plus récentes sont donc provisoires. Les résultats de l’enquête sur les forces de travail sont disponibles 90 jours après la fin de la période de référence pour la plupart des États membres.

[14EUROSTAT, « Octobre 2009. Le taux de chômage stable à 9,8% dans la zone euro ». Communiqué de presse 170/2009, 1er décembre 2009, 4 p.

[15Nous reprenons ici l’intitulé du document source, mais au sens strict il s’agit de l’espace-UE-27 – jusqu’au 31 décembre 2006- puis de l’UE-27 puisque cette dernière n’est une réalité qu’à compter du 1er janvier 2007. Une observation de même type pourrait être faite pour les configurations successives de la zone euro.

[16Il serait intéressant d’approfondir cette étude en intégrant une partie dynamique, autrement dit en comparant les niveaux de chômage d’octobre 2009 à ceux d’octobre 2008, voire d’août 2008 soit avant que la crise financière n’éclate.

[17Prévision de décembre 2009.

[18Même source que pour l’UE-27 : EUROSTAT, base de données, consultation 23 décembre 2009.

[19COMMISSION EUROPEENNE, « Projet de rapport conjoint sur l’emploi » (RCE) 2009-2010, Bruxelles, 15 décembre 2009, COM(2009) 674/3, 12 p. Ce document devrait être examiné par les ministres de l’emploi et des affaires sociales lors de la réunion du Conseil en mars 2010 et pour alimenter la nouvelle stratégie 2020 de l’Union en faveur de la croissance et de l’emploi, qui devrait être adoptée par les dirigeants de l’Union européenne au printemps 2010.

[20COMMISSION EUROPEENNE, « Messages clés du Rapport pour l’emploi en Europe de 2009 », Bruxelles, 23 novembre 2009, COM(2009) 639 final, p. 9.

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