La Corée du Nord vous intrigue ? D’une crise internationale à l’autre, le seul régime totalitaire héréditaire de la planète revient sur le devant de la scène. Voici des références bibliographiques pour mieux comprendre ce pays singulier.
AVEZ-VOUS lu récemment un livre sur la Corée Nord pour comprendre pourquoi la République populaire démocratique de Corée (RPDC) est capable de défier le monde entier en procédant à des tirs de missiles balistiques ou encore un troisième essai nucléaire ? Non ! Qu’à cela ne tienne. Au-delà des questions stratégiques et d’équilibre de puissances en Asie du Nord-Est, il y a bien des raisons de s’intéresser au régime de Pyongyang à commencer par tenter d’appréhender comment survit au quotidien le seul régime totalitaire héréditaire de notre planète.
Pour assouvir votre curiosité, n’hésitez pas à franchir le seuil du libraire le plus proche. Il aura certainement sur son présentoir quelques ouvrages très récents sur la Corée de Kim Jong-un. Il ne vous sera même pas nécessaire de chercher un libraire spécialisé sur l’Asie - Pacifique ou un importateur d’essais anglophones même si ce dernier vous ouvrira les portes à des témoignages récents d’acteurs diplomatiques en affaires avec la RPDC et/ou à quelques recherches académiques très fouillées.
Documents en anglais sur la Corée du Nord
Témoignages récents d’acteurs diplomatiques :
Victor Cha : The Impossible State, The Bodley Head, 2012, 530 p.
John Everard : Only Beautiful, Please : A British Diplomat in North Korea, Asia-Pacific Research Center, 2012, 256 p.
Geir Hegelsen - Hatla Thelle : Dialogue with North Korea, Precondition for Talking Human Rights with the Hermit Kingdom, NIIAS, 2013, 128 p.
Recherches académiques :
Leszek Buszysnki : Negotiating with North Korea, The Six Party Talks and The Nuclear Issue, Routledge, 2013.
Andrei Lankov : The Real North Korea, Life and Politics in the Failed Stalinist Utopia, Oxford University Press, 2013, 304 p.
Jane Portal : Art under Control in North Korea, Reaktion Books, 2013, 192 p.
N’hésitez pas également à charger sur votre tablette des ouvrages électroniques originaux car on y trouve dorénavant des récits instructifs et non imprimés sur le papier. Il en est ainsi des expériences édifiantes d’un entrepreneur suisse qui a vécu sept années à Pyongyang et y créa l’Association des hommes d’affaires européens, une Business School, des co-entreprises dans les secteurs de l’industrie extractive, la pharmacie ou encore l’embouteillage d’eaux minérales (ex. Félix Abt : A Capitalist in North Korea, Kindle Book, 2012, 17019 KB).
L’édition francophone sur la Corée du Nord n’est pas moins prolixe que sa consœur anglophone, profitez en !
Documents en français surla Corée du Nord
Eric Lafforgue : Bons baisers de Pyongyang, Verlhac, 2012, 20 p.
James Church, Les enquêtes de l’inspecteur O dont cinq volumes ont déjà été publiés. Le dernier A Drop of Chinese Blood (Minotaur Book, 2012, 317 p.) n’a lui pas encore été édité en France.
Baek Nam-ryong : Des amis, Actes Sud, 2011, 245 p.
Pascal Davez-Burgeon : Histoire de la Corée, des origines à nos jours, Tallandier, 2012, 480 p.
Blaine Harden : Rescapé du Camp 14, Belfond, 2012, 280 p.
Eunsun Kim : Corée du Nord : 9 ans pour fuir l’enfer, Michel Lafon, 2012, 253 p.
On trouve ainsi dans nos rayonnages des récits photographiques [1], des reportages en bandes dessinées, des romans policiers [2], un roman traduit du nord-coréen [3], des études historiques [4] mais également des témoignages poignants de défecteurs nordistes racontant leur calvaire [5]. Autant de récits et d’analyses détaillées qui ne peuvent plus laisser ignorer à quiconque la nature du régime politique initié au lendemain du second conflit mondial par Kim Il-sung.
Les pages avalées même par centaines ne sauraient remplacer le goût d’aller voir sur place à quoi ressemble le pays de la dictature absolue, celui des Kim aux délirants surnoms de "Génie aux dix mille talents", de "Cerveau parfait", de "Soleil du XXIème siècle", de "Génie de la Révolution", de "Soleil rouge des peuples opprimés", de "Patriote suprême", de "Lumière du genre humain", de "Sommet de la pensée", de "Phare de l’Espoir" et de "Grand Successeur" pour le dernier en date. Oui, mais comment aller au nord du 38ème parallèle ? En s’affiliant, par exemple, à une association de soutien au pays de la pensée juchéenne telle l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC) mais ce n’est pas si simple quand on ne partage pas cette vision politique singulière. C’est pourquoi, le meilleur viatique apparaît, aujourd’hui, celui de l’ambition mercantile.
Les uns prétextent des appétits économiques liés à leurs activités en Asie [6], d’autres les inventent de toutes pièces. C’est le choix fait par l’écrivain-journaliste Jean-Luc Coatalem. Il a ainsi décidé de s’inventer une activité d’agent touristique, à coups de faux bulletins de paie et d’imposition fiscale, pour aller au moins une fois là où personne ne se rend et franchir les portes du Royaume Hermite. Autant d’efforts justifiés par le sentiment diffus qu’il ne reviendra jamais à Pyongyang, une fois son objectif atteint. Un aventurisme qui n’a pas été toutefois jusqu’à embarquer sur l’un des antédiluviens Tupolev d’Air Koryo. Alors, va pour les vols réguliers d’Air China pour rejoindre la terra incognita.
Le séjour de J.-L. Coatalem est un voyeurisme assumé qui incite le lecteur à faire de même. Engoncé dans ses préjugés, on dévore les chapitres du récit à la recherche de l’incongru, de l’anecdote amusante, voire de coutumes intactes préservées par l’autarcie paranoïaque du régime. On a le sentiment d’être en apesanteur dans l’univers du Nord-Coreanus pour reprendre la formule de l’auteur. Certes, la RPDC est une immense prison à ciel ouvert mais elle est beaucoup plus que cela. On a donc entre les mains un récit superficiel même s’il est ponctué d’éclairages historiques utiles. L’industriel en vadrouille ne tire pas pleinement parti de son périple. Il le conduit pourtant en de nombreux points du pays : Pyongyang, Mangyong, Nampo, Kaesong, Panmunjom. Certes, le séjour est sans imprévu et deux accompagnateurs, garde chiourmes, y veillent. Néanmoins, plusieurs sites officiels auraient mérité de plus longs descriptifs tels l’hôpital central et sa salle d’acupuncture électrique, le salon floral, le musée de la Tapisserie, le Palais des études du peuple, le Palais des enfants et le studio des films de Corée. Tous ces lieux sont connus puisqu’ils sont systématiquement montrés aux étrangers mais le regard acéré et décalé de J.L. Coatalem aurait pu être utilement mis à profit. Son récit de la visite du mausolée de Kim Il-sung est là pour en témoigner avec brio.
Un carnet de voyage mieux rempli aurait évité des digressions littéraires mal à propos même si la méditation romanesque de Herman Melville (Mardi, Et le voyage qui y mena) sur le pouvoir, la stabilité et le changement mérite incontestablement d’être relu à l’occasion. Faute d’avoir pu rencontrer des Nord-Coréens ordinaires, J.-L. Coatalem s’est perdu dans son journal de voyage. Conséquence, le visiteur "investisseur" ne voit pas grand chose de la vie quotidienne des populations qui vivent dans l’un des pays de l’axe de l’ « Empire du mal ». Il n’en retient souvent que le sentiment d’être une vache à lait. Au menu des désagréments, une taxe de 4 euros pour déposer quelques fleurs au pied d’une statue du Grand Leader ou encore 40 autres pour visiter un tumulus royal. Autant de ponctions financières exaspérantes tout comme les interdits quotidiens qui s’accumulent. J.-L. Coatalem a eu le sentiment d’être partout un intrus. Il est vrai que tout est construit à cette fin. Il est ainsi impossible aux étrangers de visiter plus de deux stations de métro dans la capitale alors même qu’elle en compte une quinzaine. Distancié des Nord-Coréanus, J.-L. Coatalem en arrive à énoncer des jugements sans nuance sur l’hypnose collective d’un peuple et une "contrée de cinglés et de tortionnaires". S’il ne fait aucun doute que le régime de Kim Jong-un est une horreur, que la RPDC est un pays miné par le mensonge où la justice énonce des peines de culpabilité par association parentale, la dénonciation d’un tel système a plus de force en le mettant simplement à nu. Il ne fait aucun doute que le mensonge s’éteindra si nul ne le propage, encore faut-il se "contenter" d’en décrire froidement le quotidien et les contradictions.
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[1] Eric Lafforgue : Bons baisers de Pyongyang, Verlhac, 2012, 20 p.
[2] Cf. Les enquêtes de l’inspecteur O de James Church dont cinq volumes ont déjà été publiés, le dernier A Drop of Chinese Blood (Minotaur Book, 2012, 317 p.) n’a lui pas encore été édité en France.
[3] Baek Nam-ryong : Des amis, Actes Sud, 2011, 245 p.
[4] Pascal Davez-Burgeon : Histoire de la Corée, des origines à nos jours, Tallandier, 2012, 480 p.
[5] Cf. Blaine Harden : Rescapé du Camp 14, Belfond, 2012, 280 p. Eunsun Kim : Corée du Nord : 9 ans pour fuir l’enfer, Michel Lafon, 2012, 253 p.
[6] Arnaud Duval : Le dernier testament de Kim Jong-il, Michalon, 2012, 276 p
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