Docteur en Géopolitique. Directeur du site www.diploweb.com. Chercheur à l’IRIS.
1989-2009 : le vingtième anniversaire de la chute du Mur invite à une mise en perspective.
Pour avoir réalisé sa thèse de doctorat de l’Université Paris-Sorbonne sur « Les mutations géopolitiques de l’Europe, 1989-2004 » [1], Pierre Verluise est l’un des principaux auteurs qui, dans ses différentes publications, s’attache à analyser et donner du sens à cet événement majeur du XXe siècle. Il vient de publier Fondamentaux de l’Union européenne (Ellipses, 2008) et 20 ans après la chute du Mur. L’Europe recomposée (Choiseul, 2009).
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Mots clés : vingtième anniversaire de la chute du Mur de berlin, rideau de fer, guerre froide, Etats-Unis, Union soviétique, Russie, France, Allemagne, Union européenne, Démographie, Economie, Institutions, Politique européenne de sécurité et de défense, Organisation du traité de l’Atlantique nord, élargissements de l’Union européenne, candidats à l’Union européenne, élections pour le Parlement européen. Conférence, conférencier, géopolitique, histoire, géostratégie, professeur, cours, enseignement.
Exemple : Dans le cadre du 19e Festival des Sciences de Chamonix Mont-Blanc 2009, autour du thème FRONTIERES, Pierre Verluise a participé le 21 mai 2009 à une table ronde sur les "Murs Frontières".
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A titre indicatif, voici le résumé de la thèse de Pierre Verluise, en français et en anglais, puis la position de thèse.
Résumé en français
Après la fin de la Guerre froide, comment les cartes ont-elles été redistribuées ? La recherche démontre que la chute du Mur de Berlin initie des mutations géopolitiques majeures en Europe. Les élargissements de l’OTAN et de l’Union européenne qui lui font suite ne sont pas des jeux à somme nulle. La configuration géopolitique a changé, à l’avantage des Etats-Unis. Ce qui n’empêche pas la Russie de conserver des atouts, notamment à travers ses hydrocarbures et ses réseaux. L’intégration à l’UE de dix nouveaux États membres [puis deux de plus en 2007] a partiellement modifié ses caractéristiques. Elle accentue, d’abord, une tendance antérieure au dépeuplement et au vieillissement. Elle se traduit, ensuite, par l’adhésion d’Etats moins riches mais désormais caractérisés par une croissance économique rapide. Enfin, l’élargissement rend nécessaire une amélioration des institutions communautaires et la consolidation de la citoyenneté européenne. L’UE élargie doit relever de nombreux défis si elle entend devenir un acteur géopolitique majeur.
Résumé en anglais.
After the end of the Cold War, how were the maps redrawn ? Research shows that the fall of the Berlin wall initiates massive geopolitical changes in Europe. The expansion of NATO and the European Union which follow are not ineffective. The geopolitical configuration has changed to the advantage of the US. Which doesn’t prevent Russia from keeping assets, notably thanks to its hydrocarbons and its networks. Integration to the EU of 10 new member states has partly modified its characteristics. Firstly a previous tendency to depopulation and ageing is becoming more pronounced. It is then translating into the membership of less rich states but with a fast economic growth. Eventually, the enlargement needs an improvement in the community institutions and a strengthening of European citizenship. The increased EU must take up many challenges if it wants to become a major political actor.
Quel est l’enjeu du sujet ? Il s’agit de comprendre la fin d’une époque et le début d’une autre. Prendre acte des réalités dans un espace qui n’est pas anodin. Quelques années avant le début de la Guerre froide, Sir Halford J. Mackinder n’y voit-il pas une partie du « cœur du monde », le heartland (Union soviétique et États communistes d’Europe de l’Est) ? Quelques années après la fin de la Guerre froide, Zbigniew Brzezinski n’affirme-t-il pas que l’Eurasie est la clé du contrôle du monde ? Ainsi, ce terrain d’étude est d’abord un formidable champ d’affrontements. Quelles ont été les stratégies ? Qui sont les « gagnants » et les « perdants » des processus mis en œuvre ? Quelles sont les incidences des mutations engagées ? Le propos consiste donc à se donner les moyens de sortir de l’illusion confortable que « rien n’a changé ».
Les savoirs combinés dans cette recherche géopolitique sont la géographie, l’histoire, la démographie, l’économie, le droit des institutions communautaires, les sciences politiques et la stratégie. Il va sans dire que pour la clarté de l’exposé certains pans du sujet sont présentés de manière individualisée – par exemple l’économie – mais que toutes ces dimensions se combinent dans les faits de façon conjointe et concomitante.
La problématique générale est la suivante : après la fin de la Guerre froide, comment les cartes ont-elles été redistribuées ? L’usage du mot carte fait d’abord référence à son acception géographique, mais aussi aux jeux d’acteurs, gains et pertes. Ce qui fait bien sûr penser aux rapports de forces.
Dans l’ensemble, la recherche démontre que la chute du Mur de Berlin (1989) initie des mutations géopolitiques majeures en Europe. Les élargissements de l’OTAN (1999 et 2004) et de l’Union européenne (2004) ne sont pas des jeux à somme nulle. La nature de configuration géopolitique a changé. L’intégration de dix nouveaux États membres a partiellement modifié l’Union européenne et représente d’importants défis pour les prochaines décennies.
La première partie a été consacrée aux jeux des acteurs. [2]
Le premier chapitre s’est concentré sur deux acteurs extra-communautaires, les États-Unis et l’URSS puis la Russie. La problématique était : quels sont les résultats des stratégies mises en œuvre par Moscou et Washington ?
La stratégie soviétique mise en œuvre par M. Gorbatchev (1985-1991) cherchait à se rapprocher des pays occidentaux. Elle se solde par l’éclatement du bloc de l’Est en 1989 et la fin de l’empire soviétique en 1991. Après quoi, plusieurs États issus du bloc de l’Est et même de l’Union soviétique intègrent l’OTAN puis l’Union européenne. Cette dernière doit alors contribuer à mettre à niveau des économies ruinées par quatre décennies de planification. Les Russes, de leur côté, n’abandonnent pas tous leurs réseaux dans les pays devenus membres de l’UE. Par ailleurs, l’élargissement de l’UE est une bonne affaire commerciale pour la Russie, puisqu’elle augmente ainsi son excédent commercial avec l’Europe communautaire. L’échec - relatif - de la stratégie de Moscou lui laisse cependant un pouvoir de nuisance qu’elle peut espérer négocier. La dépendance énergétique dans laquelle se place l’Union européenne élargie vis à vis du Kremlin n’est pas anodine.
Les stratégies conçues par les États-Unis visaient à asphyxier l’Union soviétique, par la relance de la course aux armements. L’éclatement du bloc de l’Est, la mort du Pacte de Varsovie, l’implosion de l’Union soviétique puis l’intégration dans l’OTAN de pays précédemment sous tutelle soviétique et leur adhésion à l’Union européenne en sont en partie les résultats. Des années 1980 au début des années 2000, les États-Unis ont été capables de remporter des parties d’une extrême complexité. La rivalité idéologique et géopolitique entre les États-Unis et la Russie se solde à ce moment au net avantage de Washington.
Les États-Unis ont gagné la Guerre froide et l’après-guerre froide en Europe parce qu’ils ont osé avoir un projet et disposaient des ressources pour le mener à bien. « L’empire soviétique a échoué, en partie parce que sa propre histoire l’a inexorablement poussé vers une surexpansion », considère Henry Kissinger [3]. Pour autant, la Russie post-soviétique conserve des atouts, notamment un immense territoire et d’abondantes réserves de ressources naturelles. La mise en valeur de ce territoire souffre cependant d’une tendance lourde au dépeuplement et des insuffisances de l’État de droit. Le Kremlin n’a pas fait le deuil de la puissance.
L’issue de la Guerre froide ne marque donc pas la « fin de l’histoire » en Europe. Cet espace reste un enjeu stratégique majeur.
Ce qui donne une grande responsabilité aux pays membres de l’Europe communautaire.
Le deuxième chapitre à été consacré à deux pays fondateurs de l’Europe communautaire, la France et l’Allemagne. La problématique était : au lendemain du 9 novembre 1989, les relations franco-allemandes sortent-elles renforcées de la chute du Mur de Berlin ?
Au terme de cette recherche, les relations franco-allemandes apparaissent, bien au contraire, fragilisées par leurs contradictions internes et les jeux des acteurs externes. En 2004, les relations franco-allemandes semblent amoindries par la nouvelle donne géopolitique et les marges de manœuvre qu’elle offre aux États-Unis, notamment via les nouveaux États membres d’Europe balte, centrale et orientale.
Au regard de l’intention initiale, l’échec majeur de la France est de ne pas avoir réussi à détacher l’Allemagne des États-Unis, alors que l’élargissement de 2004 se traduit par l’intégration d’États le plus souvent atlantistes. Paris se retrouve ainsi relativement isolée. La France, il est vrai, a peiné à comprendre la nouvelle configuration géopolitique et ses opportunités. Alors que Paris avait une carte à jouer dans les pays d’Europe balte, centrale et orientale – parce que ses passifs y sont moindres que ceux de Berlin - l’anti-américanisme récurrent de Paris et son tropisme russe sous-jacent se sont additionnés pour marginaliser son approche.
La place de la France – déjà dévaluée aux yeux d’une partie des opinions d’Europe de l’Est par son apparent jeu de bascule entre Washington et Moscou durant la Guerre froide – a donc été singulièrement réduite par la mutation géopolitique majeure qui a fait suite à la chute du Mur de Berlin.
Obsédée par le statu quo ante, la France semble durant la période considérée incapable de porter un véritable projet adapté à nouvelle configuration géopolitique de l’Europe. Le verbe ne suffit plus quand les ressources internes font défaut. La situation devient difficile lorsque l’Union européenne, de démultiplicateur attendu, échappe de plus en plus à Paris. Résultat, la voix de la France paraît atténuée dans les premiers temps de l’UE25.
La deuxième partie a cherché à savoir en quoi les fondamentaux démographiques et économiques de l’Union européenne étaient modifiés par l’élargissement de 2004. [4]
Le troisième chapitre s’est penché sur les paramètres démographiques. La problématique était : l’élargissement provoque-t-il un regain démographique ? Au terme de cette étude, la réponse s’avère négative à toutes les échelles.
Ă l’échelle régionale, l’élargissement augmente significativement le nombre et la proportion de régions qui combinent une variation naturelle négative et un solde migratoire négatif. Il en résulte la multiplication du nombre de régions et de villes menacées par le dépeuplement.
Ă l’échelle des États, l’élargissement se traduit par l’intégration d’États généralement peu peuplés mais le plus souvent en situation de dépeuplement et de vieillissement du fait d’une faible fécondité. Ils recourent parfois déjà à l’immigration pour en atténuer les effets sur leur marché du travail et sur leur accroissement total.
Ă l’échelle communautaire, l’élargissement de 2004 – et pis encore celui de 2007 – renforce une tendance antérieure de l’Europe communautaire au dépeuplement. Au vu des projections démographiques, l’Union européenne – même élargie à la Turquie – aurait bien du mal à résister au poids démographique croissant des organisations commerciales américaines. Ainsi, non seulement l’élargissement ne solutionne pas les faiblesses démographiques notoires de l’Union européenne – faible fécondité et vieillissement – mais il les accentue. Ce qui ne peut rester sans incidences économiques et géopolitiques.
La prise de conscience – tardive – des enjeux démographiques de l’Europe communautaire engendre progressivement l’élaboration d’une politique de la population. Les autorités commencent peut-être par le plus facile : la réflexion sur une politique commune d’immigration. Reste à savoir ce que l’Union européenne sera capable de faire pour stimuler les politiques familiales des États membres. Ce deuxième versant d’une politique communautaire de la population semble difficile à harmoniser parce qu’il renvoie à des approches nationales différenciées.
Les réponses apportées dépendront également des fondamentaux économiques.
Le quatrième chapitre a été consacré aux paramètres économiques. La problématique était : l’élargissement de l’Union européenne engendre-t-il une économie plus productive ? Au terme de cette étude, la réponse s’avère négative à toutes les échelles.
Ă l’échelle régionale, jamais l’UE n’a été marquée par de telles disparités économiques. Mis à part cinq régions, les 36 autres régions des nouveaux États membres sont en 2004 en dessous de 75% du PIB par habitant de l’UE25. L’élargissement s’accompagne donc d’une augmentation relative du nombre de régions peu productives susceptibles de revendiquer des fonds européens. Il ne faut pas attendre longtemps pour en avoir confirmation. Alors que les dix NEM n’ont bénéficié que de 9,3% de la politique régionale durant les années 2000-2006, les perspectives financières pour les années 2007-2013 leur attribuent 50,4% des fonds prévus. La Pologne devient le premier pays bénéficiaire, avec près du double de l’enveloppe attribuée à l’Espagne. Cette redistribution en annonce d’autres.
À l’échelle nationale, le PIB des dix nouveaux membres représente au jour de l’élargissement à peine 4,6% du PIB de l’UE25. Les cinq PIB les plus modestes de l’UE25 sont tous réalisés par de nouveaux États membres, dont les trois États baltes. Pour autant, les NEM sont engagés dans une remarquable dynamique de rattrapage économique. Cependant, les bénéfices de la croissance ne sont pas également distribués, tant sur le plan spatial que sur le plan social. Quoi qu’il en soit, beaucoup de pays situés « à la périphérie » pauvre de l’UE sont en fait économiquement plus dynamiques durant la période 1995-2004 que certains États du « vieux centre continental ». Dans une certaine mesure, les pays d’Europe balte, centrale et orientale ne se sont jamais si bien portés. Pour autant, une frange importante de la population exprime son désir d’une autre répartition des fruits de la croissance. En 2005-2006 les dirigeants qui ont porté les réformes sont souvent rejetés par les électeurs au bénéfice de partis assez divers qui remettent en question les modalités de la transition. C’est le cas en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie et en République tchèque. Ainsi, sur fond de croissance du PIB par habitant, s’observe en Europe centrale un phénomène de « décompression » post-intégration. Si les tensions ont été contenues pour ne pas compromettre l’adhésion, une fois celle-ci obtenue, certaines franges de l’opinion demandent une obéissance moins grande aux consignes de Bruxelles.
À l’échelle de l’Union européenne, l’élargissement de 2004 se traduit par l’intégration d’États dont le PIB par habitant en SPA est très inférieur à la moyenne communautaire. Par ailleurs, le taux d’emploi des classes d’âges 15-64 ans diminue, le chômage augmente, la productivité chute. Les efforts des NEM en R&D sont généralement très insuffisants, alors que l’UE souffre depuis longtemps d’une faiblesse inquiétante en la matière.
Ainsi, loin d’induire une économie globalement plus productive, l’élargissement de l’Union européenne se solde par un appauvrissement statistique relatif. Il faut, cependant, entendre la perception de l’ancienne ministre des Affaires étrangères de Géorgie, Salomé Zourabichvili : « Je ne crois pas qu’aujourd’hui on puisse affirmer que l’Européen français, allemand ou italien vit moins bien parce que la Pologne ou les États baltes, et demain la Bulgarie et la Roumanie, font partie de l’Europe (communautaire – PV). Quant à ces derniers, nul besoin de préciser qu’ils vivent infiniment mieux dedans que dehors, même si parfois leurs populations doutent à leur tour. » [5] Il reste que ce propos s’inscrit dans une démonstration politique qui vise à défendre les chances de la Géorgie vis à vis de l’Europe communautaire.
Du fait de la dégradation de nombreux paramètres, la suprématie économique des États-Unis semble indirectement consolidée par l’élargissement de l’UE.
Enfin, parce que l’Europe communautaire est une construction institutionnelle, il était nécessaire de s’interroger sur les incidences de l’élargissement sur le lien politique.
La troisième partie a donc été consacrée à l’évolution du lien politique au sein de l’Europe communautaire durant les années considérées.
Le cinquième chapitre a présenté les institutions. La problématique était : comment le traité de Nice revu par Athènes redistribue-t-il les pouvoirs ? Au terme de cette étude, il appert qu’à la Commission comme au Conseil et au Parlement, les citoyens des États de moins de 16 millions d’habitants sont – à des degrés divers – les gagnants de la nouvelle donne induite par le traité de Nice revu par le traité d’adhésion.
Force est de constater que la citoyenneté européenne instituée par le traité de Maastricht se trouve au moment historique de l’élargissement marquée par une forme d’inégalité de poids politique des habitants de l’UE, selon qu’ils appartiennent ou non à un pays peu, moyennement ou fortement peuplé. Il reste à savoir comment les États les plus peuplés sauront user - au seul Conseil - de la clause démographique. Les institutions de l’UE élargie semblent, cependant, peu favorables à la prise de décision. Le risque d’une paralysie larvée ne peut pas être évacué.
Les textes réglementant la PESC et la PESD offrent des marges de manœuvre réduites. Appartenant au domaine régalien par excellence, elles nécessitent des efforts partagés pour progresser. Engagé durant la période considérée, le projet de traité constitutionnel a été bloqué par le « non » français du 29 mai 2005, suivi peu après d’un « non » néerlandais.
Puisque l’Europe communautaire se veut une démocratie, il importait de questionner sa dimension citoyenne.
Le sixième chapitre s’est, enfin, interrogé sur la citoyenneté communautaire, crée par le traité de Maastricht. La problématique était : la citoyenneté européenne est-elle sortie renforcée de l’intégration de dix nouveaux États membres ? Les éléments rassemblés montrent que l’élargissement n’a pas eu d’effet « coup de baguette magique » sur le déficit démocratique de l’UE.
Certes, il faut garder à l’esprit que le déficit démocratique des institutions communautaires est très antérieur à l’élargissement de 2004. Il résulte d’un procédé de construction : le contournement des citoyens instauré en mode de fonctionnement. L’élargissement 2004 en a d’ailleurs été une nouvelle illustration puisque aucun des quinze États membres n’a organisé de référendum à ce sujet. Certes, les Parlements nationaux sont généralement habilités à ratifier une telle procédure, mais alors pourquoi le président de la République française a-t-il annoncé en 2004 qu’un référendum serait ultérieurement organisé au sujet de l’adhésion de la Turquie ? Il existe, bien sûr, de multiples motivations à cette annonce. Il n’empêche que les dirigeants politiques européens ne savent toujours pas comment sortir de l’impasse.
De leur côté, les pays d’Europe balte, centrale et orientale se caractérisent par des cultures politiques où la corruption reste prégnante. Ce qui représente un défi majeur à relever pour les prochaines décennies, non seulement pour la bonne gestion des fonds communautaires mais pour la qualité démocratique de la gouvernance, de la région à l’UE en passant par l’État.
Enfin, non seulement la participation à l’élection pour le Parlement européen reste inférieure à 50%, mais elle connaît une nouvelle chute. L’étude de la participation lors de l’élection de juin 2004 indique que la citoyenneté européenne ne sort pas renforcée de l’élargissement du 1er mai 2004. Pis, elle semble amoindrie.
Les éléments rassemblés invitent à se poser une question : l’élargissement communautaire de 2004 est-il un échec ? Les termes d’échec ou de succès sont trop réducteurs pour une réalité complexe, multidimensionnelle et maintenant inscrite dans la durée. Les progrès réalisés par l’Irlande et l’Espagne depuis leur adhésion sont à prendre en compte pour projeter l’élargissement de 2004 dans le temps. En fait, l’élargissement communautaire n’est ni un échec ni un succès, mais le produit d’une mutation géopolitique crée par la fin de la Guerre froide… et il porte en lui de nombreux défis pour que l’Union européenne devienne un acteur.
Globalement, le jeu des États-Unis dans la région a été facilité par les ambivalences de l’Europe communautaire à l’égard des pays d’Europe balte, centrale et orientale après la Guerre froide. De surcroît, l’attitude de plus en plus offensive de la Russie dans son « étranger proche » et les relations parfois peu assurées de l’UE avec Moscou n’ont fait que consolider l’influence états-unienne dans la zone. Résultat, la stratégie des États-Unis en Europe est facilitée par les huit nouveaux États membres de l’UE issus du bloc de l’Est. C’est le résultat majeur des mutations géopolitiques de l’Europe de 1989 à 2004.
La France a bien été obligée d’en prendre acte et de revoir sa relation à l’OTAN. Après avoir quitté en 1966 les structures du commandement intégré de l’OTAN, la France admet l’esquisse d’une nouvelle donne au milieu des années 1990. La redéfinition des relations entre la France et l’OTAN est le résultat secondaire des mutations géopolitiques de l’Europe depuis 1989.
Une large conclusion générale présente l’UE élargie comme la difficile émergence d’un acteur géopolitique face à de nombreux défis [6].
[1] UNIVERSITÉ PARIS IV – SORBONNE, ÉCOLE DOCTORALE DE GÉOGRAPHIE DE PARIS, THÈSE pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE PARIS IV, Discipline : Géographie politique, culturelle et historique, présentée et soutenue publiquement par Pierre Verluise le 6 décembre 2007. Titre : Les mutations géopolitiques de l’Europe, 1989-2004. JURY : Directeur de thèse : Professeur Michel KORINMAN, Professeur Gérard BOSSUAT, Professeur Michel CARMONA, Recteur Gérard-François DUMONT, M. François GÉRÉ – HDR, M. John LAUGHLAND – HDR, Professeur Thierry LETERRE, Professeur Georges SOUTOU
Mention très honorable avec les félicitations du jury
[2] Actualisée, cette partie est publiée sous la référence suivante : Pierre VERLUISE, 20 ans après la chute du Mur. L’Europe recomposée. Paris : Choiseul, 18 mars 2009, env. 270 p.
[3] Henry KISSINGER, Diplomacy, Simon and Schuster, 1994.
[4] Actualisée, cette partie à été publiée sous la référence suivante : Pierre VERLUISE, Fondamentaux de l’Union européenne. Démographie, économie, géopolitique. Paris : Ellipses, 2008, 160 p.
[5] In Rémi BRAGUE, et alii L’Europe, quelles frontières ? Centre d’analyse et de prévision, Culturefrance, 2007, p. 60.
[6] Actualisés, quelques éléments de cette partie sont publiés sous la référence suivante : Pierre VERLUISE, 20 ans après la chute du Mur. L’Europe recomposée. Paris : Choiseul, mars 2009, env. 260 p.
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