Mathieu Duchâtel est chercheur au Stockholm International Peace Research Institute (Sipri) et représentant à Pékin du Sipri, chercheur associé à Asia Centre. Alexandre Sheldon-Duplaix est chercheur au Service historique de la défense et conférencier à l’École supérieure de guerre
Si la Chine ne semble pas disposer en 2012 d’une flotte capable d’intervenir dans l’océan Indien, quel sens doit-on donner à l’achèvement de l’ancien porte-avions soviétique Varyag et à sa mise en service prochaine ? Mathieu Duchâtel et Alexandre Sheldon-Duplaix mettent en perspective la modernisation de la marine chinoise.
Dans le cadre de son partenariat avec La documentation Française, le Diploweb.com est heureux de vous présenter un large extrait d’un article publié dans Asie. Une Asie toujours plus centrale, édition 2012-2013, sous la direction de Sophie Boisseau du Rocher, coll. Mondes émergents, 160 p. Le titre original de cet article est "La modernisation de la marine chinoise : priorités régionales, ambitions globales ?", pp. 61-78.
LE 10 juin 2011, le porte-avions Varyag, acheté en 1998 à l’Ukraine par l’intermédiaire d’une compagnie de Macao et transformé dans un chantier de Dalian pendant huit ans, effectue sa première sortie en mer. Conduisant simultanément en 2012 des programmes de construction de sous-marins nucléaires lance-engins (SNLE), sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), sous-marins conventionnels, destroyers, frégates et transports d’assaut, la Chine poursuit l’un des programmes navals les plus ambitieux au monde. Il permet d’ores et déjà à sa flotte militaire d’occuper le troisième rang en tonnage, derrière les États-Unis et la Russie mais devant le Royaume-Uni, le Japon, la France et l’Inde.
Le déploiement prochain de missiles balistiques antinavires d’une portée de plus de 2 000 km angoisse Washington, Tokyo et New Delhi, qui voient la liberté de manœuvre de leurs flottes remise en cause par une arme aux performances inconnues. Outre une diplomatie navale de plus en plus active, avec plus d’une centaine d’escales depuis 1985, la marine chinoise prend ses marques dans l’océan Indien, avec la présence permanente d’un détachement de trois bâtiments depuis décembre 2008.
Mais, au-delà de cet effort, quelle est la réalité de la puissance navale chinoise et quel sens lui donner ? Le pays possède vingt frontières, dont six sur les 14 000 km de sa façade maritime. Si Pékin a réglé ses différends territoriaux avec ses voisins terrestres à l’exception de l’Inde, quatre problèmes persistent sur sa façade maritime : la réunification avec Taïwan, qui offrirait à la Chine un libre accès au Pacifique à travers une première chaîne d’îles, d’Okinawa aux Philippines, contrôlées aujourd’hui par des alliés des États-Unis ; le partage des eaux avec le Japon en mer de Chine orientale, et avec le Vietnam, les Philippines, la Malaisie, Brunei et l’Indonésie en mer de Chine du Sud où Pékin revendique la totalité de l’archipel des Spratly/Nansha, jusqu’aux environs du détroit de Malacca. Enfin, la frontière maritime avec les deux Corées, en mer Jaune, n’est pas non plus délimitée.
Longtemps tenue pour quantité négligeable par les États-Unis et leurs alliés en raison de l’obsolescence de ses matériels, la marine chinoise sort-elle d’une stratégie de défense continentale ? Va-t-elle rattraper son retard technologique ? Emploiera-t-elle l’intimidation ou sa puissance de feu pour régler les conflits de souveraineté ? Suivra-t-elle le théoricien américain Mahan pour se projeter le long des routes maritimes, établissant un réseau de bases, ou « collier de perles », dans l’océan Indien ? Se dotera-t-elle, à l’instar de l’US Navy, de porte-avions dans l’espoir d’exercer un rôle global ?
Empire continental et agricole humilié et asservi aux XIX-XXe siècles par l’Occident et par le Japon depuis la mer, la Chine a connu deux époques maritimes : il y a sept siècles, quand la dynastie sino-mongole des Yuan attaque le Japon, le Vietnam et l’Indonésie ; il y a six siècles quand, libérée de l’envahisseur mongol, la dynastie des Ming lance les grandes flottes de l’amiral Zheng He dans l’océan Indien. L’amiral Zheng conduit sept expéditions dans l’Asie insulaire, le long des côtes indiennes, de la péninsule Arabique et jusqu’à la Corne de l’Afrique. Mais en 1433, l’empereur Hongxi ordonne la fin des expéditions, le démantèlement de la flotte, et la destruction des archives impériales la concernant, pour recentrer l’effort de défense chinois sur les menaces terrestres.
Ces épisodes restent sans suites [1]. La Chine renonce à ses flottes hauturières pour se protéger des influences extérieures. L’empire mandchou des Qing conquiert Taïwan en 1681, non par volonté d’expansion territoriale, mais parce que l’île est occupée par un loyaliste fidèle à la dynastie précédente, qui souhaite le rétablissement des Ming. Il entretient des milices contre les pirates. Mais la Chine ne peut s’opposer au viol de ses ports quand, en 1842 et en 1860, le Royaume-Uni puis la France, suivis par la Russie et les États-Unis, lui imposent les traités inégaux qui attentent à sa souveraineté et autorisent l’implantation de concessions étrangères sur le territoire chinois.
Comme le Japon, la Chine lance un programme de modernisation de sa flotte de guerre dans la seconde moitié du XIXe siècle. Mais, contrairement au Japon, elle ne parvient pas à former des hommes capables de tirer le meilleur parti des croiseurs réalisés par des Français et des Britanniques dans ses arsenaux de Fuzhou et Shanghai et des cuirassés achetés en Allemagne. En 1884 et 1894, sa flotte est vaincue à Fuzhou par la France puis au Yalu par le Japon, qui colonise la Corée et Taïwan.
Privée d’un libre accès au Pacifique par la perte de Taïwan et divisée par le clientélisme – Pékin échoue à construire un système d’autorité centrale face à la puissance des intérêts locaux – la marine chinoise ne se relève pas. Après l’écroulement de la dynastie Qing et la fondation de la République de Chine (1911) ses bâtiments se louent aux seigneurs de la guerre. Alors que l’expansion japonaise se poursuit en Chine (incident de 1931, bombardement de Shanghai par les porte-avions japonais en 1937), les effectifs de la marine sont versés dans les forces terrestres du général Tchang Kai-Shek pendant la « guerre de résistance contre l’occupant japonais » (1937-1945).
Après les déclarations du Caire et de Potsdam signées par Tchang Kai-Shek, la défaite du Japon entraîne la restitution de Taïwan à la République de Chine. Mais la victoire des communistes de Mao Zedong en 1949 force les nationalistes de Tchang à s’exiler dans l’île.
Créée en 1949 avec des transfuges de la flotte nationaliste, la marine de l’Armée populaire de libération (APL) permet d’abord la reconquête du littoral à l’exception des deux îlots de Kinmen et Matsu, à proximité de la province du Fujian, que Mao préfère laisser aux nationalistes pour mieux les tenir. Mao considère en effet que le contrôle de ces îles extérieures lie irrémédiablement le destin de Taïwan à celui de la Chine continentale. Avec l’armée de terre, elle reprend l’île d’Hainan aux nationalistes (1950).
Engagée contre les États-Unis en Corée (1950-1953), la Chine reste impuissante face à la menace représentée par les porte-avions américains. Cette situation conduit Mao à lancer les programmes de la bombe atomique (1953) et d’un sous-marin nucléaire lance-engins (1958). La rupture avec l’URSS (1960) marque la fin d’une alliance qui a permis à la Chine d’apprendre à construire des sous-marins, des frégates et des missiles. Cet apprentissage soulève une certaine hostilité dans les rangs du Parti et de l’armée de terre, où nombreux sont les partisans d’une défense continentale et populaire. La « guerre du peuple » (renmin zhangzheng) demeure d’ailleurs la principale doctrine de l’APL sous Mao, soulignant la priorité de l’effort de défense chinois : éviter une invasion terrestre de la part de l’URSS.
Avec le soutien apporté par la Chine au Nord-Vietnam contre les États-Unis et après l’attaque décidée par Mao contre l’URSS (1969), la défense maritime doit éloigner les porte-avions américains et prévenir un débarquement soviétique en mer Jaune qui menacerait Pékin. Appuyés par Mao qui y voit une priorité stratégique, les modernisateurs donnent à la marine ses premiers sous-marins nucléaires d’attaque (1974) et lance-engins (1983).
Le lancement des réformes économiques par Deng Xiaoping, en 1978, marque pourtant une véritable rupture dans la modernisation de la marine chinoise. Lors du troisième plénum du XIe Comité central du Parti (1979), Deng avalise le programme des quatre modernisations (dont celle de la défense nationale) d’abord conçu par Zhou Enlai en 1975. L’ouverture permet d’obtenir des technologies occidentales grâce au rapprochement stratégique entamé avec les États-Unis en 1971, conclu en 1979 par l’établissement de relations diplomatiques et la décision de vendre des armes à la Chine pour fixer l’URSS sur le front oriental.
En 1985, Pékin adopte une doctrine de défense au-delà des côtes (jinyang fangyu) jusqu’à la première chaîne d’îles dans le Pacifique occidental, qui succède à la mission traditionnelle de défense côtière (jin’an fangyu) et intègre la nouvelle zone économique exclusive (ZEE) de 200 milles nautiques. Inspirée par l’amiral Liu Huaqing, cette doctrine souligne la probabilité plus grande qu’auparavant de conflits périphériques et réaffirme la volonté de reconquérir Taïwan et de défendre la souveraineté chinoise dans ses eaux territoriales et sa ZEE, tout en l’affirmant dans les territoires maritimes disputés, en mer de Chine du Sud et de l’Est. Elle marque aussi le début de l’autonomie stratégique de la marine au sein de l’APL.
Alors que la fin de l’URSS fait disparaître la menace principale, la Chine est ébranlée par la victoire de la coalition conduite par les États-Unis contre une armée irakienne très comparable à la sienne. Pékin redéfinit la doctrine de l’APL, en privilégiant l’offensive et la modernisation pour mener une guerre « dans des conditions de hautes technologies ». Cette modernisation s’accélère à partir du 9e Plan quinquennal (1995-2000), lorsque le mouvement indépendantiste taïwanais prend son essor. Elle doit dissuader Taïwan de proclamer son indépendance – c’est-à-dire de renoncer à incarner la Chine – et les porte-avions américains d’intervenir, comme en 1995-1996, quand l’APL tire des missiles devant les ports taïwanais pour intimider la population, appelée pour la première fois à élire un président au suffrage universel direct. De fait, le gouvernement indépendantiste taïwanais (2000-2008) ne proclame pas l’indépendance.
L’expansion économique de la Chine et l’amélioration des relations entre les deux rives du détroit, à la suite de l’élection, en 2008, à Taïwan, de Ma Ying-jeou (Kuomintang) s’accompagnent d’une évolution du rôle de la marine. Centré autour de la question de Taïwan, le 5e Livre blanc (2004) insiste sur le concept d’« opérations défensives au-delà des côtes ». Le 7e Livre blanc (2008) définit la marine comme « un service stratégique », chargé de « la sécurité, des droits et des intérêts maritimes de la Chine ». Pékin pense désormais à défendre son économie.
La modernisation de la marine chinoise répond donc à l’objectif de pouvoir recouvrer Taïwan par la force, de défendre les revendications maritimes et de dissuader les ingérences et un blocus contre le développement économique de la Chine. Centrée sur des priorités asiatiques, cette modernisation comprend aussi des considérations globales, pour protéger les intérêts économiques chinois, comme le montre la participation de la marine, depuis 2009, aux opérations internationales de lutte contre la piraterie dans le golfe d’Aden et les débats stratégiques, en Chine, sur la notion de « puissance navale » (haiquan).
Dans les années 1980, les transferts effectués par les pays occidentaux permettent à la Chine d’assimiler plusieurs technologies qui conditionnent la modernisation de sa marine, en particulier dans le domaine des systèmes de combat, des missiles antiaériens, des sonars et de la propulsion.
La progression continue de son industrie de défense, la première place mondiale gagnée par ses constructions navales (2010), la levée des restrictions sur les exportations occidentales de technologies duales héritées de la Guerre froide et la coopération avec la Russie permettent à la Chine de combler en partie le retard abyssal que sa flotte avait creusé depuis la rupture avec l’URSS en 1960 et l’embargo sur les armes imposé par l’Occident après le massacre de Tian’anmen en 1989. Pour ses missiles balistiques, elle a également bénéficié de l’aide des sociétés américaines qui corrigent les défauts des lanceurs de satellites chinois [2].
En dépit de ces progrès, Pékin tarde à acquérir une véritable capacité océanique de seconde frappe contre les États-Unis. Déjà réputés trop bruyants, quatre sous-marins nucléaires lance-engins (SNLE) Jin, actuellement à l’essai, lanceront des engins JL-2 (7 400 km) dont la portée ne permet pas de frapper les États-Unis depuis les eaux chinoises. L’apparition d’un sous-marin lance-missiles balistique expérimental suggère la décision de construire un successeur, probablement doté d’un nouveau missile à plus longue portée.
En 2012, la moitié des soixante sous-marins conventionnels sont modernes et armés de missiles à changement de milieu. Certains Kilo achetés à la Russie sont dotés du missile antinavires supersonique SS-N-27. Une dizaine reçoivent une propulsion anaérobique qui les rend plus discrets, en leur permettant de rester submergés plus longtemps sans avoir besoin de faire surface pour recharger leurs batteries. Ils poseraient un redoutable défi à une force navale qui viendrait secourir Taïwan mais n’ont pas l’allonge suffisante pour des opérations lointaines.
Destinés à celles-ci, trois voire quatre sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Shang, mis en service à partir de 2002, préfigurent un successeur des trois SNA Han entrés en service dans les années 1980, et hors d’âge. Ces sous-marins peu discrets ne peuvent se comparer numériquement ou qualitativement aux flottes de SNA américains (57) ou russes (25). Le rattrapage dans ce domaine devrait être plus difficile.
Sur les 80 destroyers et frégates, seuls un tiers ont moins de dix ans et l’effort de construction en cours ne vise pas à accroître ce nombre mais à remplacer cette majorité d’unités obsolètes. Cet effort dépend des turbines à gaz ukrainiennes pour les destroyers et de moteurs diesels civils franco-allemands pour les frégates. Leur mission principale demeure la lutte antinavires et non la lutte anti-sous-marine qui trahirait une volonté de projection. Les copies du missile français Exocet sont remplacées par une variante à turboréacteur, le C-803 (180 km) et par un missile de croisière, le YJ-62 (280 km). Les SS-N-22 (160 km) supersoniques à bord de quatre destroyers russes Sovremennyy donnent à la Chine les moyens de neutraliser quelques unités précieuses d’une marine moderne. Autrefois incapable de s’affranchir de la couverture fournie par l’aviation basée à terre, la flotte de surface se dote d’une défense aérienne avec deux destroyers Luzhou armés de missiles SA-N-6 russes (150 km) et, bientôt, huit destroyers Luyang II munis de HQ-9 chinois (100-150 km), six destroyers Sovremennyy et Luyang I armés de SA-N-7 russes (42 km) et quinze frégates Jiangkai II emportant le HQ-16 chinois ou russo-chinois (50 km +). Mais la faiblesse des moyens anti-sous-marins (aucune unité dotée d’un sonar remorqué à immersion variable, contre 26 à Taïwan et 31 au Japon) interdit à la Chine d’envisager un déploiement lointain en temps de guerre. Le petit nombre de pétroliers ravitailleurs d’escadre – cinq – confirme cette limitation.
L’aéronavale aligne une cinquantaine de bombardiers à long rayon d’action (4 000 km) H-6 Badger et SU-30 Flanker russes et une cinquantaine de chasseurs bombardiers JH-7 Flounder (1 650 km). Mais elle manque pour l’instant d’avions anti-sous-marins, et l’industrie chinoise ne produit toujours pas de réacteurs d’aviation en série, préférant les acheter en Russie.
Quatrième branche de l’APL, la « seconde artillerie » braque plus de 1 500 missiles conventionnels sur Taïwan et les bases américaines au Japon et en Corée du Sud. Elle déploiera une variante du missile balistique DF21 lançant des sous-munitions conventionnelles contre des porte-avions à 1 800 km, détectés par satellites et par des radars transhorizon. La puissance balistique de la Chine est ainsi entièrement intégrée à sa stratégie de déni d’accès. Le déni d’accès est également assuré par des mines nombreuses, certaines lance-torpilles activées à distance, même si les courants réduiraient sans doute leur efficacité dans le détroit de Taïwan.
Jusque-là, les capacités de projection de troupes restent limitées à Taïwan et à la mer de Chine du Sud. En trente ans, le nombre de bâtiments amphibies de plus de 800 tonnes est multiplié par quatre, renforcé par quatre transports d’assaut Yuzhao de 18 000 tonnes, apparus à partir de 2006. Plus d’une centaine de bâtiments de débarquement de chars peuvent ainsi transporter 10 000 fusiliers marins et le double de soldats. Renforcée par des navires civils, cette flotte pourrait projeter vers Taïwan plus de 50 000 hommes, un chiffre supérieur aux estimations habituelles (deux divisions, soit 20 000 hommes).
Acquis au lendemain du tsunami de 2004, alors que la marine chinoise avait été incapable de participer aux opérations de secours, à la différence des marines américaine et indienne, deux grands navires hôpitaux peuvent désormais remplir des missions humanitaires ou appuyer un débarquement contre Taïwan. L’un d’eux, le Peace Ark, mène désormais une mission annuelle de diplomatie humanitaire : Harmonie 2010 l’a conduit dans le golfe d’Aden et dans des pays africains, et Harmonie 2011 dans plusieurs pays des Caraïbes [3].
Les industries de défense chinoises ont connu une progression spectaculaire depuis la réforme de 1995 qui se traduit par l’accélération des programmes navals. Mais la Chine se heurte toujours à des goulets d’étranglement, en particulier pour les turbines à gaz navales et aéronautiques, la discrétion acoustique des sous-marins ou encore la réalisation d’un missile balistique naval capable de frapper les États-Unis depuis les eaux chinoises. Pékin semble faire son deuil d’une levée de l’embargo européen qui devait lui permettre d’accélérer le rattrapage. Son rapprochement avec l’Ukraine devrait l’aider à construire un porte-avions national mais ne permettra pas de remplacer un fournisseur russe devenu réticent face aux copies de ses matériels.
Si la Chine ne semble pas disposer en 2012 d’une flotte capable d’intervenir dans l’océan Indien (voir infra), quel sens doit-on donner à l’achèvement de l’ancien porte-avions soviétique Varyag et à sa mise en service prochaine ? Le 17 août 2007, la Chine annonce que ce bâtiment servira à l’instruction des pilotes à l’académie navale de Dalian. Baptisé d’abord Shilang, il célèbre le conquérant de Taïwan en 1681, une indication sur sa mission première. Dans le contexte du réchauffement avec Taipei, ce nom n’est plus cité.
L’achèvement de l’ex-Varyag déjoue le pronostic des observateurs américains qui refusaient de croire en la transformation de cette plate-forme en porte-avions opérationnel, mais stimule un nouveau débat sur une Chine qui projettera ses forces. Doté d’un tremplin comme son sistership russe le Kuznetsov, et dix fois moins puissant qu’un porte-avions américain, l’ex-Varyag n’accueillera qu’une vingtaine de chasseurs conventionnels et une dizaine d’hélicoptères anti-sous-marins ou de guet aérien. Dépourvue de catapultes, cette plate-forme ne permet pas à ses avions d’emporter de lourdes charges de bombes ou de missiles destinés aux missions d’assaut que ses aînés américains ou français peuvent conduire. Par nature, le navire a vocation à assurer la défense aérienne d’une force navale ou d’un espace maritime et l’interception. Les futurs chasseurs seront le J-15, une copie du Su-33 Flanker russe réalisée par l’institut de recherche 601 de Shenyang. Ils participeront aussi aux frappes antinavires, mais l’absence de catapultes devrait limiter la capacité d’emport d’un J-15 à un ou peut-être deux missiles antinavires C802.
Une réplique en ciment de l’ex-Varyag est construite à Wuhan et deux tremplins à terre reproduisent le pont du porte-avions. Il s’agit d’accélérer la formation des pilotes sur l’appareil d’entraînement de conception nationale JT-9. La presse évoque des accords avec l’Ukraine et le Brésil pour l’instruction des pilotes [4]. Si l’industrie fournit à temps une quinzaine de chasseurs J-15, le porte-avions pourrait être opérationnel en 2017.
Les responsables chinois se défendent d’envisager des missions de projection : « Même si la Chine possède un jour un porte-avions, contrairement aux autres pays, ce ne sera pas une plateforme pour des déploiements planétaires et pour atteindre n’importe quelle région du globe » [5]. L’origine du programme remonte à la visite du général Liu Huaqing, alors vice-ministre de la Science et de l’Industrie, à bord du porte-avions américain Kitty Hawk en mai 1980. Enthousiasmé, le futur commandant de la marine demande un porte-avions qui permettrait d’affirmer la souveraineté en mer de Chine du Sud et d’agir contre la côte orientale de Taïwan tout en assurant la défense anti-aérienne de la flotte. Trente ans plus tard, ce vœu sera exaucé. La Chine, seul membre du Conseil de sécurité de l’ONU dépourvu d’un porte-avions, en possédera donc un.
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. Voir l’article de Jean-Emmanuel Medina, "Japon-Chine : Senkaku/Diaoyu, les enjeux du conflit territorial"
Asie. Une Asie toujours plus centrale, édition 2012-2013, sous la direction de Sophie Boisseau du Rocher, coll. Mondes émergents, La documentation Française, 2012, 160 p.
L’Asie se transforme, ce que montrent les huit articles de cette nouvelle édition de la collection « Mondes émergents ». Selon le principe de la collection, l’ouvrage est consacré aux principales évolutions qu’a connues la région ces douze derniers mois.
La croissance de l’Asie et sa part dans l’économie globale semblent toujours plus importantes. L’impact de la crise qui sévit dans les vieux pays industrialisés n’y est que relatif. Mais cette transformation consiste aussi en une diversification, qui interdit les généralisations. Il semble bien, cependant, que l’Asie soit un pilier à venir du monde multipolaire, sur fond d’intégration à géométrie variable - un pan vers les États-Unis, un autre vers la Chine.
Voir le sommaire sur le site de La documentation française Voir
[1] Joseph Needham, Science and Civilization in China, vol. IV, Cambridge University Press, 1971, p. 487-553
[2] Shirley Kan, China : possible Missile Technology Transfert from US Satellite Export Policy, Action and Chronology, CRS Report for Congress, 11 janvier 2002
[3] Wang Zhenjiang, Dai Zongfeng, Peace Ark Hospital Ship to Visit Latin America, Liberation Army Daily, 16 septembre 2011
[4] PLAN Officers to Train on Brazilians Aircraft Career, China Brief, vol. 11, issue 7, 22 avril 2011
[5] Experts Defend China’s Naval Rights to Possess Aircraft Carriers, Financial Times, 11 novembre 2008
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