Voici une carte actualisée de la zone euro, rejointe par la Lettonie le 1er janvier 2014, et une présentation spatialisée du PIB dans l’UE-28. Quels contrastes en 2012 ? Quelles prévisions pour 2013 ? Voici les réponses.
Le PIB en SPA (Standard de Pouvoir d’Achat) est présenté sur cette carte sous forme d’indice, permettant de comparer les PIB des États membres entre eux et par rapport à la moyenne de l’Union européenne [1]. On a également fait apparaître en cercles proportionnels le PIB par habitant en euro pour chaque État afin de donner au lecteur une idée concrète des contrastes au sein de l’UE [2]. Enfin, relevons que la Lettonie rejoint la zone euro le 1er janvier 2014 [3].
L’analyse de cet indicateur économique dans les 28 États-membres fait ressortir cinq groupes de pays, présentés dans les trois graphiques suivants.
1. Les 8 pays dont le PIB en SPA est largement inférieur (47-70) à la moyenne de l’UE à 28
Dans ces huit pays, l’indice du PIB en SPA est compris entre 47 et 70 (autrement dit, le PIB de ces pays vaut entre 47 et 70 % de la moyenne du PIB des 28 États). Le PIB par habitant y est compris entre 12 100 et 18 000 €, contre 24 900 € pour l’UE. Ils présentent donc un retard de développement économique important par rapport aux autres membres.
On note que tous ces États sans exception sont entrés dans l’UE après 2004, ce qui peut être une hypothèse expliquant l’écart de développement.
2. Les 9 États-membres présentant un PIB en SPA proche (71-99) de celui de l’UE à 28
Ces neufs pays présentent un indice inférieur à la moyenne de l’UE. Certains, comme l’Italie ou l’Espagne, en sont toutefois très proches.
On trouve dans ce groupe un pays fondateur de l’UE (Italie), la Grèce, l’Espagne et le Portugal, tous trois gravement touchés par la crise économique, puis 5 membres de l’élargissement de 2004.
3. Les 11 États-membres dont le PIB en SPA est supérieur à celui de l’UE
. Indice du PIB légèrement supérieur à la moyenne de l’UE.
Ces trois pays (Finlande, France, Royaume-Uni) ont un indice compris entre 108 et 115. Ce groupe est composé d’un État fondateur, d’un membre de l’élargissement de 1973, et d’un pays dont l’adhésion remonte à 1995, ce qui ne permet pas d’établir un lien entre ancienneté de l’adhésion et développement pour ce groupe.
. PIB en SPA supérieur à 115.
Sept pays présentent un tel indice : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Irlande, Pays-Bas et Suède. On y trouve des membres issus de trois phases de la construction européenne : 3 fondateurs, 2 membres de l’élargissement de 1973 et 2 de celui de 1995. Ce sont donc tous des pays membres de l’UE depuis vingt ans au moins.
. PIB beaucoup plus important que celui de l’UE à 28.
Dans ce groupe, on trouve seulement un pays, le Luxembourg et son PIB en SPA de 272, soit 2,7 fois la moyenne de l’UE. Il est intéressant de noter que le PIB par habitant en euro, qui est de 24 900 € pour l’UE à 28, tombe à 23 340 si l’on ne prend plus le PIB du Luxembourg en compte.
Ainsi, l’analyse du PIB dans les États-membres fait apparaître une UE à plusieurs vitesses.
La carte présentée ci-dessus permet de constater une division assez nette selon un axe Nord-est/Sud-ouest, de la Finlande à la France : au Nord de cette ligne, tous les pays sont plus développés que la moyenne de l’UE (il faut y inclure l’Autriche, seule exception à ce partage), tandis qu’au Sud, l’indice du PIB est toujours inférieur à 100.
Une corrélation entre faiblesse de l’indice et ancienneté de l’adhésion à l’UE permet d’autre part d’expliquer pour certains membres le retard de développement : c’est le cas notamment des derniers entrés dans l’Union européenne, les PECO (Pays d’Europe Centrale et Orientale). Chez les membres anciens, les indices bas peuvent être la conséquence de la crise économique de 2008.
On note par ailleurs que l’appartenance à la zone euro n’est pas un critère que l’on peut corréler au PIB : sur les 18 membres, 8 ont un indice supérieur à 100 et 10 ont un PIB en SPA inférieur à la moyenne de l’UE.
Comparer le PIB des États membres en 2012 avec leurs prévisions de croissance respectives pour 2013 permet de montrer que les pays ayant une croissance faible peuvent déjà être à un haut niveau de développement, ou que les membres avec une croissance positive partent de très bas par exemple.
Si l’on calcule la croissance pour l’UE à 28 à partir des données que la Commission européenne communique, on constate une légère récession, avec un chiffre exact de -0,05 % ; un taux symbolique, car négatif, et que la Commission européenne a choisi d’arrondir à 0 % quand elle aurait pu l’arrondir à -0,1 % [4] et officialiser ainsi la récession, et non la stagnation.
En se penchant sur les prévisions de croissance chez les membres de l’UE et les pays qui y sont candidats, on peut distinguer trois grandes catégories.
. Les pays en récession économique.
Ces pays ont une croissance inférieure ou égale à 0 %. C’est le cas de tous les pays du pourtour méditerranéen (exception faite de la France et de Malte) et de trois des cinq candidats (Serbie, Monténégro, Macédoine). Les Pays-Bas, la République tchèque et la Finlande sont également dans cette situation de récession. 10 États-membres de l’UE sur 28 ont donc une croissance négative.
Le cas de la Finlande est unique à ce titre : bien que présentant un PIB en SPA supérieur à la moyenne de l’UE, elle pourrait entrer en récession en 2013, alors que tous les autres pays avec une croissance négative ont aussi un indice de PIB en SPA inférieur à 100.
. Les États-membres présentant une croissance positive mais faible.
On classe dans ce groupe les pays dont la croissance prévue se situe entre 0,1 et 1,1 %. C’est à nouveau le cas de 10 membres de l’UE sur 28. On note que dans ce groupe, on trouve des États dont les adhésions s’étalent de la fondation en 1957 à l’élargissement de 2007. Une croissance faible est un phénomène que l’on retrouve fréquemment dans les pays anciennement industrialisés (France, Allemagne) ; mais il est plus rare dans les pays ayant un retard de développement à rattraper, comme la Hongrie, la Slovaquie ou encore la Bulgarie, qui font également partie des pays ayant les PIB en SPA les plus éloignés de la moyenne de l’UE.
. Les États avec une croissance dynamique.
Il faut rappeler que les standards européens pour une croissance dynamique ne sont pas les mêmes qu’en Asie par exemple, où une croissance à deux chiffres n’est pas rare. On considèrera ici qu’une croissance supérieure à 1,2 % peut être qualifiée de dynamique en Europe.
8 pays de l’UE sont dans cette situation, c’est-à-dire une minorité. Parmi eux, 5 sont situés aux marges Est de l’UE (les pays baltes, Pologne, Roumanie) ; 2 sont des pays insulaires (Malte, Royaume-Uni) ; et enfin le Luxembourg. A l’exception du Royaume-Uni et du Luxembourg, tous ces pays ont un indice de PIB en SPA inférieur à 86 : les pays les plus dynamiques en termes de croissance sont aussi ceux qui ont un retard de développement important à rattraper.
Et les candidats ?
On note que deux pays candidats, la Turquie (2,2 %) et l’Islande (1,4 %), présentent des taux de croissance positifs, contrairement aux autres candidats. Comme on l’a vu avec la carte sur le chômage dans l’Union européenne, le groupe des pays candidats officiels à l’UE présente une dichotomie en termes de développement économique : d’un côté Islande et Turquie, de l’autre Serbie, Macédoine et Monténégro, en grande difficulté.
Les prévisions de croissance pour l’année 2013 font donc apparaître plusieurs Unions européennes.
On peut, d’après l’analyse que l’on vient de présenter des prévisions de croissance, distinguer trois grands espaces géographiques au sein de l’UE. On trouve d’abord les pays méditerranéens, qui sont dans le rouge pour tous les indicateurs économiques ; puis les marges orientales plutôt dynamiques ; et enfin, le cœur géographique de l’Union européenne entre ces deux espaces, sans tendance bien définie, mélangeant des États-membres de 4 des 5 groupes que l’on a décrit.
Par ailleurs, 8 membres de la zone euro sur 18 présentent une croissance négative, donc il n’y a à nouveau pas d’homogénéité des situations à l’intérieur de l’union monétaire.
Les divisions qui traversent l’Union européenne sont en partie à l’origine de discours qui remettent en cause l’extension de l’UE à d’autres membres.
Les partisans de l’ « approfondissement » prônent ainsi un rapprochement en termes de développement (taux d’emploi, PIB par habitant, niveau de vie, grille de salaires…) entre les 28 États-membres, qui présentent des situations extrêmement différentes, avant de penser à continuer l’élargissement.
Ce discours s’appuie également sur le fait que la majorité des candidats, au vu de leur situation en termes de chômage, de croissance et de PIB, seraient débiteurs de l’UE plutôt que ses créditeurs, ce que les membres actuels ne peuvent pas forcément se permettre étant donné le contexte économique de crise.
L’Islande est-elle encore candidate ? Non et oui...
Le 12 septembre 2013, le gouvernement islandais annonce l’interruption des négociations d’adhésion avec l’UE. Lors d’un discours devant le Parlement, le ministre des affaires étrangères, Gunnar Bragi Sveinsson annonce la suspension, pendant la durée de la législature, des négociations d’adhésion à l’Union européenne qui avaient débuté en 2009, à la suite de la crise financière de 2008. La coalition gouvernementale de centre droit, arrivée au pouvoir en avril 2013, avait promis dans sa plate-forme électorale de mettre un terme au processus de négociations et le processus avait déjà été gelé à l’approche des élections. L’Union européenne avait déjà accordé à Reykjavik 5,8 millions d’euros pour 2013 au titre de l’Instrument d’aide de pré-adhésion (IAP).
En dépit de l’interruption des négociations d’adhésion, l’Islande reste cependant encore identifiée fin 2013 comme candidate sur le site de la Commission européenne. C’est pourquoi à la question "L’Islande est-elle encore candidate ?" il est difficile d’avoir une réponse plus claire que "Non et oui..." Affaire à suivre...
D’autre part, ces forts contrastes de développement ont des répercussions sur l’un des principes de l’Union européenne : la solidarité financière qui se manifeste par les redistributions des fonds versés par chaque État-membre. On a ainsi vu les débats engendrés par la question du sauvetage du Portugal ou de l’Espagne, contesté par l’Allemagne qui a bien moins souffert de la crise : la solidarité entre les membres est remise en cause par certains pays créditeurs de l’UE, las de soutenir les pays moins développés qu’eux.
Ces divisions posent donc la question de la nature de l’Union européenne : entité politique accordant un soutien financier à ses membres en difficulté et pour combler les retards de développement, ou simple zone de libre-échange sans obligation de solidarité ?
Copyright Décembre 2013-Bezamat-Mantes/Diploweb.com
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[1] epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do ?tab=table&init=1&plugin=1&language=fr&pcode=tec00114
[2] La Commission européenne ne donnant pas de chiffres pour les candidats, hormis l’Islande, et par souci de cohérence dans les sources des données, nous n’avons pas présenté les PIB en SPA et en euro par habitant des 4 autres candidats.
[3] "Je tiens à remercier Roman Vinadia pour son aide et ses relectures attentives. Je reste néanmoins seule responsable des erreurs qui pourraient se trouver dans cet article et la carte qui l’accompagne".
[4] epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do ?tab=table&init=1&plugin=1&language=fr&pcode=tec00115
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