Présentation du livre de Clarisse Didelon, Claude Grasland, Yann Richard (dir), Atlas de l’Europe dans le monde, CNRS GDRE S4-Paris : La Documentation Française, Collection « Dynamiques du territoire », 2008, 260 pages.
L’Atlas de l’Europe dans le monde se présente à la fois comme un outil de travail et un ouvrage de réflexion dont l’approche géoéconomique et géographique permet de saisir avec pertinence l’interaction entre Europe et mondialisation.
MONDIALISATION, UNION EUROPÉENNE.... Voici deux termes qui n’ont pas été souvent mis en relation. L’Atlas de l’Europe dans le monde comble désormais cette lacune. A travers un riche corpus de cartes, de schémas et d’analyses courtes mais denses, l’ouvrage propose une réflexion sur le rôle et la place de l’Europe communautaire dans le monde.
Cette réflexion revient en fait à interroger la puissance de l’Union européenne (UE), à mettre en perspective ses atouts ses faiblesses dans le cadre de la mondialisation et à dégager son aire d’influence réelle. D’un autre côté, l’ouvrage ne manque pas de montrer l’impact de la dynamique de la mondialisation sur le territoire communautaire en termes notamment de différenciations spatiales. L’ouvrage propose donc une véritable dialectique novatrice n’hésitant pas à soulever la question de l’élargissement comme dynamique principale de l’UE. Sans la remettre en cause, cette dynamique peut-elle suffire à assurer à terme la pérennité de la puissance de l’Union européenne dans le monde ? Ne faut-il pas repenser les termes même de l’élargissement en prenant acte de la naissance d’un ensemble macro-régional s’étendant au-delà des bornes de l’UE, seul capable d’assurer à l’Europe communautaire sa place de pôle majeur dans la mondialisation ?
L’UE apparait sans conteste comme un des centres d’impulsion majeur du système monde. Les domaines économiques, financiers et commerciaux se présentent comme des domaines d’excellence. L’UE demeure, en effet, un acteur essentiel des échanges mondiaux même si pour l’essentiel elle doit sa place à l’importance de son commerce intra zone. De même son poids financier est considérable. L’UE se situe au premier rang pour les IDE comme pour l’aide publique au développement.
A l’échelle mondiale, l’UE demeure aussi un des très grands nœuds mondiaux des échanges au sein de la Triade. Sa position géographique au croisement de routes commerciales de première importance renforce sa position ainsi que le poids de ses grandes façades maritimes. De même sa flotte maritime reste la première du monde. Par ailleurs, la position de l’UE dans le réseau aérien mondial est impressionnante : la présence de ses hubs permet à l’UE de demeurer un véritable carrefour des réseaux mondiaux.
Les Technologies de l’Information et de la Communication sont aussi un indice de la place qu’occupe l’UE dans le monde. Avec un haut niveau d’équipement, un fort taux d’adoption des TIC dans la population ainsi que dans les noms de domaines, l’UE s’en sort plutôt bien à l’échelle mondiale, malgré la domination des Etats-Unis sur l’Internet.
Enfin, si l’on en juge par les droits de l’homme, ces derniers semblent mieux assurés dans l’UE que partout ailleurs dans le monde.
Cependant, en contre-point de toutes ces performances, l’UE montre aussi de réelles fragilités. Fragilité démographique d’abord. De ce point de vue, faut-il parler de déclin ? Même si de nouveaux indicateurs tel l’Indicateur de Développement Démographique Durable apportent quelques nuances, il n’en demeure pas moins que le rapport jeunes/adultes reste un des moins favorables comparativement aux autres régions du monde. De même, le renouvellement des actifs n’est désormais plus assuré dans certains pays membres. L’UE apparait comme un des espaces où l’on trouve la plus forte proportion de personnes âgées dans la population totale. C’est aussi dans l’Europe communautaire que la croissance démographique est la plus lente du monde. Cela n’ira pas sans poser à terme le problème du développement, du niveau de vie, et pour finir de la croissance économique même de l’UE. La dynamique des élargissements successifs semble avoir apporté pour un temps une réponse mais les derniers pays intégrant l’UE sont très vieillissants. La solution au problème démographique de l’UE résiderait-elle alors dans le renforcement des liens avec la rive sud de la Méditerranée dont la population est jeune et nombreuse ?
Fragilité énergétique ensuite. L’UE est, en effet, marquée par une forte dépendance énergétique. Pour palier cette dépendance, l’UE cherche à diversifier ses sources d’approvisionnement et à ouvrir de nouveaux itinéraires d’importation. Mais le défi reste considérable.
Pour ce qui est de son environnement, la situation de l’UE n’est pas à la hauteur de ses ambitions écologiques à l’échelle mondiale. En effet, l’UE est loin d’être un modèle. Ses dégradations environnementales sont nombreuses et préoccupantes.
Fragilités économiques enfin. De nouvelles concurrences se sont dressées face à l’Europe communautaire dont la part dans la richesse mondiale ne cesse de reculer. L’Asie orientale, est devenue un concurrent sérieux. Dans un autre registre, la mondialisation a eu pour conséquence une différenciation accrue du territoire communautaire. Toutes les métropoles, toutes les régions, toutes les façades portuaires ne tirent pas en effet le meilleur parti de la mondialisation.
Ces fragilités amènent à s’interroger sur le poids de l’UE dans le monde et sa pérennité. Une des questions de l’ouvrage concerne les limites de l’Europe communautaire. Si cette question doit demeurer pertinente c’est uniquement dans le cadre d’une réflexion plus large qui renvoie aux liens de plus en plus resserrés que l’UE tisse avec son voisinage proche tant à l’est, dans les Balkans occidentaux et jusqu’à la Russie, qu’avec la rive sud de la méditerranée. Avec cette dernière en particulier, de nombreux indices montrent que la rupture avec l’UE en termes de développement est devenue moins évidente aujourd’hui. En effet, ayant accompli des progrès significatifs en matière de développement, les pays d’Afrique du nord tendent vers une forme d’intégration de plus en plus poussée avec l’UE. Les flux touristiques, les nouvelles formes de flux migratoires confirment en effet ce processus. Ce phénomène conduit à mettre en évidence l’aire d’influence de l’UE sur son voisinage proche. Ainsi apparait l’image d’un vaste ensemble macro régional euro-méditerranéen. Plutôt que de borner sa réflexion sur ses limites et sur ses capacité d’intégration, L’UE ne serait-elle pas davantage inspirée à « voir plus large » c’est-à-dire à prendre en compte la réalité de cette vaste région euro-méditerranéenne, sans pour autant négliger des liens plus systémiques avec les autres ensembles du monde ?
L’Atlas de l’Europe dans le monde se présente donc à la fois comme un outil de travail et un ouvrage de réflexion dont l’approche géoéconomique et géographique permet de saisir avec pertinence l’interaction entre Europe et mondialisation.
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