Armes des villes, armes des champs
Vers une nouvelle compréhension des filières illégales en France

Par Jean-Charles ANTOINE, le 18 octobre 2014  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Officier de gendarmerie et docteur en géopolitique de l’Institut Français de Géopolitique Paris 8. Jean-Charles Antoine est spécialisé sur le thème du trafic mondial d’armes légères et de petit calibre. Ses recherches actuelles portent sur les solutions à apporter au trafic d’armes ainsi que sur l’adaptation de la méthode géopolitique aux missions des forces armées et des forces de l’ordre.

Géopolitique des armes en France. La problématique actuelle du trafic d’armes à feu sur le territoire français a désormais atteint un niveau tel que des évolutions notoires doivent apparaître. Les récentes opérations judiciaires ont éclairé les analystes sur le besoin de cartographier non les filières elles-mêmes mais les zones de regroupement de ces armes et munitions. Cet article est illustré d’une carte inédite qui permet de localiser les zones d’amoncellement comme les zones de concentration et d’utilisation.

LES filières du trafic d’armes à feu en France, comme partout en Europe, ne sont pas figées et évoluent sans cesse. A la manière d’un arc électrique se déplaçant entre deux points, la zone de départ et la zone d’arrivée sont fixes mais l’arc en lui-même varie sans cesse comme montré sur la photographie illustrative ci-dessous :

Armes des villes, armes des champs

Alors que la zone d’émission de l’arc électrique rejoint invariablement la zone de réception, les filaments de lumière circulent de manière oscillatoire non régulière. Cette image illustre parfaitement la mise en place et la structuration des filières illégales d’approvisionnement en armes à feu. Seuls les axes empruntés changent mais aboutissent à des zones régulières. Ainsi fonctionnent les « routes » qui permettent d’acheminer puis de faire circuler en grande partie les armes entre les vendeurs, les passeurs et les acquéreurs.

Afin de comprendre comment fonctionnent et évoluent ces filières, il est crucial de saisir pourquoi elles se mettent en place. Un léger rappel s’impose. Le trafic d’armes à feu sur notre territoire n’est que très rarement le fruit du hasard. Certes l’opportunité permet aux cambrioleurs d’écouler auprès de receleurs des armes dérobées dans des domiciles ou des clubs de tir sportif, mais l’acheteur quant à lui ne les acquiert pas sans raison.

Qu’il soit collectionneur passionné et qu’il préfère tirer avec une arme en état de fonctionnement plutôt que de détenir une arme neutralisée alors même que son quota légal d’armes détenues est atteint, ou qu’il cherche une arme pour braquer ou tuer, l’acquéreur en ressent le besoin. Ce besoin peut être réel car sa vie est en danger, qu’il désire répondre par la violence armée après avoir vu certains de ses proches se faire assassiner dans une cité sensible, ou qu’il veut défendre son territoire de vente de drogues. Mais ce besoin peut également être supposé s’il a l’impression que des hommes vont venir le supprimer ou qu’il doit, par mesure de dissuasion, être porteur d’une arme pour montrer sa puissance. Quoiqu’il en soit, l’homme classique de la rue ne va pas acheter une arme tandis que le délinquant ou le « passionné » compulsif le fera sans hésitation.

Les douze derniers mois, et plus particulièrement la période s’étalant de décembre 2013 à mars 2014, ont permis, par l’action des forces de gendarmerie, de police et des douanes, de mieux appréhender ces mécanismes illicites, qu’ils soient ou non imbriqués dans d’autres filières d’économie parallèle (drogues, recel de biens et véhicules volés, grand banditisme, prostitution…). Grâce à quelques opérations judiciaires savamment menées par les forces de l’ordre, une certaine géographie dans la répartition des armes illégales peut commencer à se dessiner. Aussi importe-t-il d’en tirer des enseignements précis afin d’affiner la connaissance de ces filières illicites et de permettre une forme de convergence des intérêts pour voir s’améliorer la lutte tout en évitant une stigmatisation des propriétaires légaux.

Des récentes opérations judiciaires significatives

La gendarmerie, la police nationale et les douanes se sont fortement impliquées durant les années 2012 et 2013 pour combattre les réseaux du trafic d’armes. Les résultats ont été recueillis au printemps 2014. Cette implication est due à l’expansion du phénomène d’une part qui permet les nombreux règlements de comptes dans les régions de Marseille, Paris ou désormais Toulouse, mais d’autre part dans la menace croissante pour les forces de l’ordre de voir s’opposer à leur action des hommes munis d’armes à feu toujours plus puissantes allant jusqu’à l’arme de guerre. Le danger pour ces militaires et ces fonctionnaires de se faire blesser ou tuer en service est donc en augmentation, même si ces armes sont surtout utilisées pour les guerres intestines entre caïds supposés ou réels.

Le Français peut s’apercevoir en lisant la presse quotidienne que les découvertes de caches d’armes sont de plus en plus récurrentes. L’action de la police nationale, dans leur approche globale à l’intérieur et aux abords des cités sensibles ou dites « en sécession », est à l’origine même de ces nombreux succès. Le nombre de petites saisies dans des boxes ou des appartements gagne en fréquence et permet ainsi d’affaiblir régulièrement la force de frappe des caïds locaux. Ces saisies comptent la plupart du temps au maximum une dizaine d’armes, quelques munitions, parfois des gilets pare-balle, de l’argent ou quelques documents d’identité. Parfaits repères pour des membres du grand banditisme, ces boxes ou ces appartements habités par des « nourrices » servent également à des délinquants ambitieux et désireux de s’élever sur l’échelle du banditisme.

Il est à noter à titre d’illustration les récentes découvertes de caches d’armes effectuées par la police nationale dans les cités sensibles ou à leurs abords. Le 23 septembre 2013, la police marseillaise avait découvert une dizaine d’armes de guerre (fusils de type Kalachnikov, pistolets-mitrailleurs Uzi et différentes armes de poing) dans un box du 10ème arrondissement de la cité phocéenne. Cet arrondissement est fort éloigné des importantes cités dites sensibles comme la Castellane. Cette découverte avait été rapidement suivie dans les jours qui ont suivi d’une autre découverte identique dans la commune voisine de Cabriès par la BAC marseillaise.

Un arsenal de guerre : fusils d’assaut, pistolets-mitrailleurs...

Début octobre 2013, dans le cadre d’une enquête portant sur une filière de trafic d’armes et de drogues entre le continent et l’Île de Beauté, la police marseillaise, intervenant au profit de la Juridiction InterRégionale Spécialisée contre le grand banditisme (la JIRS) à Marseille, avait découvert sur la commune de Plan-de-Cuques un arsenal de guerre. Ce dernier comptait des fusils d’assaut, des pistolets-mitrailleurs dont un mini-Uzi.

Le 4 novembre 2013, la police versaillaise avait à son tour découvert, suite à un différend particulièrement violent entre deux individus, un arsenal au domicile d’un chauffeur de taxi. Il avait en sa possession sans aucune autorisation une quarantaine d’armes dont une vingtaine de fusils, une quinzaine d’armes de poing et 200 cartouches.

Mais plus récemment, le 4 juin 2014, l’action de l’antenne marseillaise de la Brigade de Répression du Banditisme (BRB) a permis la découverte d’une petite dizaine d’armes de guerre, dont des fusils de type Kalachnikov, des armes de poing et des explosifs, dans un box du quartier du Prado à Marseille. Six individus proches du grand banditisme avaient alors été interpellés. Ce quartier, tellement éloigné socialement et géographiquement des célèbres quartiers Nord de Marseille, n’est justement pas un endroit particulièrement ciblé par les enquêteurs dans la lutte contre ce phénomène.

Plus récemment encore, à Toulouse dans le quartier Bellefontaine non loin du Mirail, une cache identique comprenant une dizaine d’armes de guerre et de pistolets automatiques ainsi que de très nombreuses munitions a été découverte le 25 août 2014 par la police judiciaire toulousaine. Les découvertes et saisies d’armes de guerre se multiplient donc depuis un peu moins de deux ans sur le sol français, et dans une très grande majorité des cas grâce à l’action pugnace et fine des enquêteurs.

De son côté, la gendarmerie nationale a été confrontée à des filières dont les pivots du trafic étaient situés en zone plus rurale ou dans des plus petites agglomérations urbaines. Moins récurrentes que les opérations dans les cités sensibles, ces opérations n’en ont pas moins été couronnées de succès. Deux d’entre elles ont été particulièrement significatives et ont permis des saisies absolument historiques. Il s’agissait des opérations « Armes 52 » et « Armes 66 ».

Le 14 février 2012, lors d’une saisie de 20 armes de guerre et de nombreuses munitions chez un particulier en Haute-Marne, une enquête est ouverte par les magistrats de la Juridiction InterRégionale Spécialisée (JIRS) de Nancy. Un volet belge pour la filière d’approvisionnement est rapidement mis à jour.

L’opération « Armes 52 » aura généré 99 interpellations et la saisie de 430 armes à feu de tous types, près d’une tonne de munitions de tous calibres ainsi que 24 kg d’explosifs.

Le 2 décembre 2013, après la découverte quelques mois auparavant en Belgique par la police locale de plus de 600 armes de poing chez un biochimiste « collectionneur » et grâce à des renseignements obtenus par la Section de Recherches de Reims, cette unité lance l’opération « Armes 52 ». Un vaste coup de filet opéré le jour même dans plusieurs régions françaises et jusque dans les DOM-TOM a permis la saisie de centaines d’armes à feu et l’interpellation de 63 personnes. Les milieux des « pseudo-collectionneurs » en marge de la légalité et celui du grand banditisme étaient visés pour la création d’une filière mise en place en Slovaquie depuis 2009. Un second volet de cette opération a été mené le 17 février 2014 permettant l’interpellation de 36 nouvelles personnes. Au total l’opération « Armes 52 » aura généré 99 interpellations et la saisie de 430 armes à feu de tous types, près d’une tonne de munitions de tous calibres ainsi que 24 kg d’explosifs.

Le mois suivant, le 18 mars 2014, une autre opération d’envergure est menée par la Brigade de Recherches de Perpignan sous le nom de baptême « Armes 66 ». Encore plus historique, cette opération permet quant à elle l’interpellation de 119 personnes dont un tiers seront entendues comme témoins, mais surtout la saisie de 827 armes à feu (dont 545 armes de poing, 11 pistolets mitrailleurs, 139 fusils d’assaut, 128 fusils d’épaule, 3 fusils mitrailleurs, un lance-roquettes, 40 grenades et obus, 157 chargeurs) et 69 000 munitions.

Ces deux dernières saisies historiques à plus d’un titre, mais particulièrement longues, ont permis d’obtenir une certaine lecture du paysage criminel français dans le domaine du trafic d’armes. Mises en relation avec celles opérées dans les cités sensibles, moins importantes en nombre d’armes saisies mais bien plus récurrentes, elles favorisent une meilleure compréhension des filières actuelles françaises.

Une géographie du trafic d’armes en France

Deux types de zones semblent se dessiner en France comme les résultats de ces différentes opérations judiciaires complémentaires semblent le démontrer. Dans les grandes agglomérations d’une part, où les milieux du grand banditisme sévissent et où le trafic de drogues a atteint un niveau sans précédent, les caches servent à dissimuler de petites quantités d’armes et de munitions, rarement plus d’une dizaine. En revanche, d’un autre côté, dans les petites agglomérations et dans les campagnes, les stocks illégaux peuvent largement dépasser la centaine d’unités sans pour autant être utilisées sur place à des fins criminelles. Cette forme de répartition des tâches ne doit pas être vue comme un réseau organisé ayant pour but de brouiller les pistes. Elle serait plutôt un état de fait dû à la nature des trafiquants et utilisateurs illégaux, lié à leur adaptation pour contourner la législation et la répression.

Les stocks importants d’armes à feu, dénommés dans cet article « armes des champs » en référence à la célèbre fable, semblent constituer désormais des zones d’amoncellement (ZA). Elles sont complétées dans les grandes agglomérations et métropoles par des zones de concentration et d’utilisation (ZCU) où l’on retrouve les « armes des villes ». Cette dichotomie apparaît donc comme une nouvelle géographie, qui, pour la première fois, tendrait à permettre une cartographie succincte des filières. Il est encore trop tôt pour cartographier précisément ce trafic d’armes, mais il convient d’imaginer des ZCU dans les grandes métropoles et des ZA entourant à plus ou moins grande distance ces ZCU. Les revendeurs, qu’ils soient collectionneurs ou trafiquants, ou les deux en même temps, ne se positionnent pas volontairement dans ces campagnes pour revendre à des criminels. Le jeu des opportunités et des relations entretenues dans le milieu des armes et du tir, et parfois des prisons, permet aux acheteurs des ZCU de s’approcher des revendeurs en ZA, rarement l’inverse.

Carte. Géographie du trafic d’armes en France
Zones d’Amoncellement et Zones de Concentration et d’Utilisation. Axes majeurs d’approvisionnement. Cliquer sur la carte pour l’agrandir.

Ces Zones d’Amoncellement voient l’émergence d’arsenaux phénoménaux, atteignant parfois plusieurs centaines d’armes et plusieurs dizaines de kilos de munitions.

La carte ci-dessus n’a pas pour but de présenter les ZA comme des concentrations systématiques d’armes à feu. Ces ZA sont des zones où les fortes concentrations se réalisent, non loin des grandes agglomérations ou dans des zones profondément rurales où les forces de l’ordre n’appréhendent pas la délinquance de la même manière que dans les cités sensibles. Ces Zones d’Amoncellement voient l’émergence d’arsenaux phénoménaux, atteignant parfois plusieurs centaines d’armes et plusieurs dizaines de kilos de munitions. Ces zones ne sont pas touchées par les règlements de comptes sanglants et réguliers entre bandes rivales et ne connaissent pas les cités en totale sécession face à l’Etat central. Les ZCU quant à elles sont les zones géographiques (Marseille, Seine-Saint-Denis, Toulouse, Lyon, Lille, Metz, Grenoble, Nîmes-Montpellier) où la violence armée sévit toujours plus et où les économies parallèles fleurissent.

Les ZA sont principalement constituées de petites agglomérations et de zones rurales donc souvent de la compétence de la gendarmerie nationale, tandis que les ZCU sont toutes en zone de compétence de la police nationale. Cette répartition n’exclut bien évidemment pas que des caches d’armes appartenant à des caïds vivant en ZCU ne soient disposées en bordure des ZCU dans des boxes ou appartements en zone de compétence de la gendarmerie. Cette répartition explique grandement pourquoi les saisies effectuées par la police nationale sont de moindre importance mais nettement plus fréquentes alors que la gendarmerie nationale opère des saisies en très grande quantité mais de manière moins récurrente. En réalité, les deux modes opératoires sont totalement complémentaires et essentiels.

Quels enseignements en tirer ?

Comparer les différentes institutions entre elles pour les positionner en situation de compétition serait un véritable non-sens. Bien au contraire, leurs actions sont totalement complémentaires afin d’obtenir une meilleure lecture du paysage criminel français dans le domaine du trafic d’armes à feu. Il est en revanche intéressant de tirer certaines leçons à partir de ces constats.

Tout d’abord, il convient de remarquer que les armes à feu et les munitions, avant même leur concentration dans les ZCU, passent quasiment toujours par des ZA. En qualité de zone d’utilisation finale, les ZCU sont approvisionnées depuis l’étranger ou depuis le territoire national mais en traversant les ZA. Les flux d’armes à feu et de munitions ne sont par conséquent pas de l’unique ressort des forces de l’ordre intervenant en ZCU, que ce soit la police ou la gendarmerie, mais également du ressort des forces œuvrant en ZA. Le focus posé sur les cités où le trafic de drogues est particulièrement prégnant ne doit pas faire oublier tout le travail à produire en amont dans les ZA. Sans entrer dans un système de modélisation exagéré, il demeure important de comprendre tout le système d’approvisionnement pour pouvoir y faire face.

Ensuite, le deuxième enseignement consiste à comprendre que, à partir du moment où les ZCU sont approvisionnées souvent depuis des ZA afin de constituer des petits arsenaux dans les cités sensibles ou à des abords peu lointains, les actions globales ne doivent pas uniquement porter sur les cités mais bien sur tout le territoire national. La problématique n’est plus locale. Les filières se sont élargies et répandues comme les fils lumineux de l’image présentée en début d’article. Lorsque l’orfèvre de la banlieue de Belfort vend à des pseudo-collectionneurs, ces derniers habitent en région parisienne, en région lyonnaise, marseillaise ou en Corse. Ils font connaissance soit dans des rassemblements de passionnés comme les bourses aux armes soit par le biais de forums numériques. Et raisonner en local empêche une vision globale des réseaux d’approvisionnement.

Enfin, cette étude rapide des récentes évolutions sur le trafic d’armes à feu en France permet de prouver que des collectionneurs ou pseudo-collectionneurs se lancent dans le trafic, via la remilitarisation ou non, afin de récupérer des subsides en armant des membres du grand banditisme. Ils le font soit par souci de collectionnisme partagé, soit par goût pour l’action illégale contre l’Etat central auquel ils refusent le droit de réglementer l’accès aux armes, soit encore parce qu’ils sont « mis à l’amende » par des criminels. Dans au moins deux de ces trois cas, il pourrait devenir intéressant d’accompagner et d’aider ces collectionneurs afin qu’ils ne tombent pas dans l’illégalité et deviennent des fournisseurs pour les acteurs des rivalités territoriales, et qu’ils ne se positionnent pas contre l’Etat central.

L’ensemble de ces enseignements pousse à imaginer que la réponse à ce phénomène réside avant tout dans le règlement des sources des rivalités territoriales et de l’image que certains collectionneurs ont de l’Etat central. Contrairement aux Etats-Unis, où l’ennemi anglais ou français était extérieur et qu’il était nécessaire de le repousser y compris en armant la population, le territoire français combattait à la même époque un ennemi intérieur contre-révolutionnaire. Pour cette raison majeure, l’amendement Mirabeau de 1792, qui ressemblait énormément au Second Amendement de la Constitution américaine, n’a pu être mis en application. Une sorte de frustration interne au milieu des collectionneurs est née petit à petit, représentant l’Etat central comme un obstacle à l’armement individuel et mythifiant le modèle américain. Or, les deux modèles politiques ne sont pas comparables. Protéger le collectionnisme, le monde des chasseurs ou celui du tir sportif peut ainsi se concilier avec les lois en vigueur à partir du moment où un modèle à la française s’installe. Ce modèle peut s’appuyer sur une convergence des intérêts de la population et des passionnés, tout en développant le ciblage des filières illégales pour lutter efficacement contre les dérives.

La convergence et le ciblage comme méthode de lutte contre les filières

La convergence consiste à faire se réunir tous les protagonistes intéressés de près ou de loin par la problématique des armes afin de trouver des solutions. Cette convergence d’intérêts peut se concrétiser par la création d’une sorte d’ « Institut Supérieur des Armes  ». Ce dernier regrouperait des professionnels de la production et de la commercialisation des armes et munitions, des chercheurs universitaires, des membres du gouvernement, des professionnels de la sécurité, des représentants du « lobby pro-armes » et de la société civile. L’avantage d’un tel regroupement permanent serait qu’il permettrait le dialogue ouvert sur les problématiques de chacun sans contrainte électoraliste et ouvrirait la société à l’ensemble des paramètres en les médiatisant. La compréhension du problème passe avant tout par là.

Dans un tel institut seraient envisageables des études approfondies et récurrentes sur les sources de la violence territoriale appelant la mise en place de filières d’approvisionnement en armes à feu et munitions. Les aspects sociologique, psychologique et géopolitique y auraient par conséquent toute leur place, dans la mesure où ils participeraient à la résolution de certaines crises internes aux cités sensibles et réduiraient le risque de besoin en armes à feu. Empêcher et annihiler tout banditisme paraît idéaliste, voire vain. En revanche, le réduire à son minimum demeure un but que la société peut atteindre afin d’éviter dans l’avenir la constitution de zones grises combattant ouvertement l’Etat central, y compris par la force armée. Le suivi de la législation sur les armes et les munitions serait également un axe majeur de cet institut, avec pour finalité de protéger les détenteurs légaux, la société au sens large et les populations non armées sur la base d’un modèle français différent du modèle américain de la National Rifle Association (NRA) car les deux contextes diffèrent très largement.

D’un point de vue plus pragmatique et concret, à court terme, le ciblage apparaît comme une méthode de lutte. Loin de stigmatiser telle ou telle couche de la population, ce ciblage s’appuierait sur l’analyse systémique afin de détecter les réseaux mis en place, concentrer les efforts sur eux et les bloquer. Les fils lumineux de l’arc électrique présenté sont autant de branches de ces systèmes que le ciblage peut empêcher de se développer, jusqu’en amont.

En quoi consiste réellement cette méthode ? L’analyse systémique, en schématisant, considère un système dans son tout, de la source jusqu’au destinataire, en prenant en compte ses réactions et ses évolutions sous le poids des paramètres extérieurs ou intérieurs. Les liens entre les membres du système sont révélés et étudiés pour connaître puis comprendre comment ce système réagit et se répand. Appliquée aux filières du trafic d’armes et de munitions, cette méthode présente l’avantage de suivre l’approvisionnement de la source (souvent la production ou la remilitarisation) jusqu’aux différents destinataires selon les reventes intermédiaires. Les liens numériques ou réels sont analysés après avoir été recueillis par l’action de renseignement lorsqu’une infraction est constatée ou supposée par des indices concrets. Un comité d’éthique doit indubitablement permettre d’éviter les dérives à la 1984 où chaque passionné, chaque tireur ou chaque chasseur serait suivi et donc espionné.

En revanche, lorsqu’une filière illicite serait détectée, l’ensemble des membres du réseau pourraient être bloqués, les ventes empêchées, les transactions suivies, et des réponses seraient demandées aux acteurs ciblés par des enquêteurs judiciaires afin de réduire l’approvisionnement en armes des membres du grand banditisme et de la délinquance ambitieuse. Les droits civiques des détenteurs légaux ne se lançant pas dans des démarches illicites seraient alors totalement protégés. Ils auraient de surcroît la possibilité de s’appuyer eux-mêmes sur les conseils de cet Institut afin d’éviter toute mauvaise transaction et de redorer l’image du détenteur d’armes.

*

La problématique actuelle du trafic d’armes à feu sur le territoire français a désormais atteint un niveau tel que des évolutions notoires doivent apparaître. Les récentes opérations judiciaires ont éclairé les analystes sur le besoin de cartographier non les filières elles-mêmes mais les zones de regroupement de ces armes et munitions. Partant de ce constat, différentes méthodes d’analyse, comme la géopolitique ou la psychologie sociale, semblent apporter une sérieuse plus-value pour réduire non seulement les filières d’armes mais également le besoin de s’en procurer.

Financer un institut pour conseiller les gouvernements, soutenir les acteurs légaux, détecter les pratiques illégales et faire comprendre à la population que le tireur peut être encore plus dangereux que l’objet qui fait feu, devient une nécessité dans un avenir proche. Prendre en considération cette problématique aura pour conséquence de réduire le risque de voir se constituer sur le sol national des zones en totale rivalité avec l’Etat central, vivant en parfaite autosuffisance due à l’économie parallèle qui y sévit, et qui nierait toute forme de violence légitime autre que la loi du plus fort.

Contact : jcantoine.publications gmail.com

Copyright Octobre 2014-Antoine/Diploweb.com


Bonus Diploweb.com

La carte au format pdf

Carte (pdf). Géographie du trafic d’armes en France
Les Zones d’Amoncellement et Zones de Concentration et d’Utilisation. Axes majeurs d’approvisionnement. Carte et légende conçues par J-C Antoine. Réalisation C. Bezamat-Mantes (IFG)

Pour ne rien rater de nos nouvelles publications, abonnez-vous à la Lettre du Diploweb !

Diploweb est sur Tipeee
Vous aussi soyez acteur du Diploweb ! Soutenez-nous via notre page tipeee.com/Diploweb
Les livres de Diploweb sont sur Amazon
des références disponibles via Amazon sous deux formats, Kindle et papier broché

DIPLOWEB.COM - Premier site géopolitique francophone

SAS Expertise géopolitique - Diploweb, au capital de 3000 euros. Mentions légales.

Directeur des publications, P. Verluise - 1 avenue Lamartine, 94300 Vincennes, France - Présenter le site

© Diploweb (sauf mentions contraires) | ISSN 2111-4307 | Déclaration CNIL N°854004 | Droits de reproduction et de diffusion réservés

| Dernière mise à jour le mercredi 18 décembre 2024 |