Géopolitique de l’Amérique latine. Directeur de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine, Georges Couffignal brosse ici une grande fresque de l’histoire de l’Etat en Amérique latine. Les grandes étapes sont les suivantes : De l’Etat oligarchique clientéliste (XIXe s) à l’Etat corporatiste et développementaliste (majeure partie du XXe s) ; L’Etat minimal au service du marché (années 1990-2000) ; Vers l’Etat régulateur, promoteur d’inclusion sociale. L’auteur présente, enfin, la nécessité de profondes réformes fiscales.
Dans le cadre de son partenariat avec La Documentation française, le Diploweb.com est heureux de vous présenter un large extrait de l’article de Georges Couffignal, « Amérique latine : le surprenant retour de l’Etat », publié dans « Amérique latine 2012. Une Amérique latine toujours étonnante », Paris, éd. La Documentation française, pp. 79-90. Vous trouverez en bas de page une présentation de l’ensemble de cette publication.
LA question de l’État est aujourd’hui posée dans tous les pays d’Amérique latine [1]. Le dernier sommet ibéro-américain, qui s’est tenu au Paraguay les 28 et 29 octobre 2011, l’avait inscrite comme thème de la réunion des vingt-cinq pays participants. La déclaration adoptée à l’issue de ce sommet concluait : « Il faut repenser le futur des pays ibéro-américains sur la base d’un État efficient, efficace et effectif où les forces du marché et de l´État fusionnent dans le but d’édifier des institutions créées par les citoyens et pour eux-mêmes » [2]. Ce questionnement sur l’État est présent en Amérique latine depuis les indépendances. Comme le notait Alain Rouquié, « L’Amérique latine n’a pas inventé l’État, mais elle en a fait un acteur central dont le rôle particulier constitue une des spécificités de l’agencement sociopolitique des nations latino-américaines, à quelques exceptions près » [3].
Si l’État, dès les indépendances, a été un acteur majeur du développement et de la construction de nouveaux ordres sociaux, ce n’est bien évidemment pas le même que celui d’aujourd’hui, ni même celui du siècle dernier. De fait, on peut distinguer quatre étapes dans ce cheminement historique : un État oligarchique et clientéliste qui se construit au xixe puis durant une grande partie du xxe siècle, un État protecteur et développementaliste, qui va des années 1930 jusqu’à la fin des années 1970, un État minimal au service du marché qui apparaît dans les deux dernières décennies du xxe siècle, enfin un État régulateur qui cherche à se redéfinir au xxie siècle avec de nouveaux modes d’intervention, plus diversifiés et moins directs qu’autrefois, afin de répondre à des demandes inédites (en matière d’environnement, de protection des consommateurs, d’exigence de reddition des comptes à des électeurs de plus en plus exigeants, etc.). Mais il ne pourra le faire efficacement sans aborder de front la question de ses ressources, c’est-à-dire sans revoir de fond en comble sa fiscalité.
En se retirant de ses colonies, au début du xixe siècle, l’Espagne n’avait laissé en place aucune structure étatique, même si des embryons d’administration existaient au niveau municipal (cabildos).
Les capitaineries et vice-royautés devaient avant tout collecter des richesses et des taxes afin de les envoyer en métropole. Les fonctionnaires d’autorité des colonies étaient en général des Espagnols, les natifs (créoles ou autochtones) étant des agents d’exécution. Les artisans des indépendances, généraux pétris des idées de la Révolution française et du siècle des Lumières, étaient entourés de caudillos dont la motivation principale était de faire cesser le transfert continu de richesses vers la métropole et d’asseoir leur propre pouvoir. Celles-ci étant abondantes, ils n’eurent pas besoin de mettre en place un système fiscal alternatif à celui de la colonie, d’autant qu’ils manquaient totalement de cadres administratifs, voire plus généralement d’expérience administrative. Et les nouveaux puissants ne tenaient pas particulièrement à acquitter l’impôt…
Ces nouveaux gouvernants avaient besoin de légitimité. Ayant rompu les liens avec une métropole dotée de monarques, ils vont – au moins dans le cas des anciennes colonies espagnoles (le cas du Brésil est très différent) – chercher celle-ci dans les urnes et dans des constitutions élaborées sur les modèles de la Révolution française [4].
C’est à cette époque que naît l’une des grandes contradictions de cette région. Ces sociétés produisent à l’envie du droit écrit mais ignorent, de fait, ce qu’est un État de droit. Ce droit écrit n’est en effet pas forgé dans une logique wébérienne d’élaboration d’une norme impersonnelle et abstraite, s’appliquant à tous, dont les citoyens pourraient se prévaloir éventuellement devant la justice, et à l’application de laquelle ils ne pourraient se soustraire. La norme est produite pour servir les intérêts de l’individu (chef de guerre, cacique, dictateur) ou du groupe (clan, faction, plus tard parti) qui détient le pouvoir. Dans la mesure où le gouvernant a besoin d’asseoir sa légitimité, il la recherche dans le vote, mais dans le cadre d’un vote contrôlé : il lui faut assurer la protection de ses mandants s’il tient à conserver sa légitimité : on est dans la relation d’échange typique du clientélisme, qui se développe dans la plupart des pays tout au long du xixe siècle. L’appareil d’État embryonnaire est l’instrument qui permet le développement de ces réseaux de patronage. L’apparition des partis dans plusieurs pays, à la fin du xixe et au début du xxe siècle, ne change pas cette donnée. Le vote, en Amérique latine comme d’ailleurs en Europe à la même époque, n’est donc la plupart du temps pas l’expression d’une opinion, ni un mode de choix d’un gouvernant à l’issue d’une compétition ouverte et pacifique [5]. L’acte électoral est la résultante des bénéfices que le votant a retirés ou attend de la part de celui (individu ou parti) qui sollicite son suffrage. Cette logique d’un État qui protège, en germe dans les rapports de patronage, va considérablement se développer avec la rupture survenue au xxe siècle.
Dans les années 1930 et 1940, plusieurs grands pays mettent en place un État de type corporatiste qui protège de manière efficace ceux qui travaillent pour lui ou avec lui [6]. Il s’agit du Brésil (Getulio Vargas) et du Mexique (Lazaro Cárdenas) dans les années 1930, de l’Argentine (Juan Perón) dans les années 1940 et 1950. La majeure partie de la population est enrôlée dans des organisations verticales liées, dans les cas mexicain et argentin, à un parti unique ou hégémonique. L’État n’est pas neutre. Il n’est pas conçu, comme dans l’État wébérien, pour être au service du citoyen autant que du politique. Ici, tout son appareil bureaucratique est entièrement tourné vers la réalisation des objectifs du gouvernant (on qualifie souvent – sans jamais le définir de manière satisfaisante – ce type d’État de « populiste »). Le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) au Mexique, le Parti justicialiste en Argentine, avec leurs relais dans le monde syndical et dans les organisations populaires, fonctionnent sur ce schéma.
Dans les années 1950 et 1960, cette fonction protectrice de l’État est amplifiée avec la généralisation du modèle de développement économique autocentré (industrialisation par substitution aux importations, ISI) promu par Raul Prebisch et la Comisión Económica para América Latina y el Caribe (Cepal) [7]. Les innombrables entreprises publiques de cet État développementaliste étaient l’instrument premier de la protection clientéliste. Dans ce schéma, la règle de droit continuait à ne pas être neutre et impersonnelle. Elle n’était pas au service du citoyen mais du gouvernant.
À partir des années 1960-1970, ce modèle étatique entre en crise. Bien qu’il ait réussi, surtout dans les grands pays (Brésil, Mexique), à être un moteur de développement, il s’épuise. Il ne produit plus de l’efficacité économique, et l’on s’aperçoit qu’il n’a jamais réussi à être juste. Cet épuisement du modèle va favoriser, sur fond d’exacerbation de la Guerre froide, l’instauration dans la plupart des pays latino-américains de dictatures militaires, ou la consolidation de dictatures existantes, avec l’appui tacite ou explicite des États-Unis. Avec les régimes autoritaires, c’est encore une fois l’État qui est patrimonialisé au profit des détenteurs du pouvoir politique.
Il est à ce stade important de noter que, à la différence de l’Europe ou des États-Unis, les pays d’Amérique latine n’ont pas connu d’État providence (Welfare State) [8]. Cet État n’opère en effet pas de distinction entre les individus : il offre ses services (notamment la santé et l’éducation), à tous les citoyens sur un pied d’égalité. Les seules distinctions proviennent du niveau de revenu : un certain nombre de prestations sont réservées aux plus nécessiteux. Rien de tel en Amérique latine. Depuis ses origines, l’État clientéliste et protecteur dispense ses bienfaits à ceux qui lui montrent leur fidélité dans l’urne. Il peut d’ailleurs, comme dans les « populismes » des années 19301950 ou dans les régimes dits de « gauche radicale » dans les années 2000 (Venezuela, Bolivie, Équateur), se donner pour objectif d’élargir l’assise de la clientèle et de se tourner vers les exclus ou les plus démunis pour les incorporer à un corps politique dont ils n’étaient pas membres.
L’échec économique des dictatures militaires (à l’exception du cas chilien) [9], eut pour conséquence de faciliter le retour de la démocratie dans la région dans le courant des années 1980. Sous l’effet d’une contrainte extérieure très forte, un nouveau type d’État va émerger. On connaît les préceptes que le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, le Club de Paris vont imposer à l’Amérique latine sous le nom de Consensus de Washington. Tous les pays, à des rythmes plus ou moins rapides, vont être contraints de privatiser, d’arrêter de subventionner les produits de première nécessité, d’équilibrer leur budget, d’ouvrir leur marché, etc. Ce retrait de l’État du secteur productif et de celui de la protection sociale a pour effet de priver les partis et les gouvernants des ressources dont ils disposaient pour entretenir les rapports traditionnels de clientèle. Le vote va ainsi progressivement se libérer. Cela explique en grande partie, dans les années 2000, les nombreux changements d’équipes et l’arrivée au pouvoir de nouvelles élites (qualifiées souvent d’outsiders ou antipolitique), non issues des processus politiques traditionnels.
Ce retrait brutal et rapide de l’État eut des conséquences sociales souvent dramatiques. La plupart des pays n’ont pas pu, parce qu’ils n’en avaient pas les moyens, mettre en place des mesures d’accompagnement social de la croissance de la pauvreté et de la précarité [10]. Les mécanismes anciens de régulation sociale, les institutions qui l’assuraient (y compris les partis et les syndicats) sont entrés en crise. Or, cette crise est survenue au moment où l’accumulation des tensions nées de la rapidité des mutations économiques, de l’exode rural, de la paupérisation des classes moyennes et des classes populaires, aurait nécessité au contraire l’intervention de puissants mécanismes de régulation. D’où, dès les années 1997, des rapports d’organismes internationaux (notamment la Banque mondiale) réhabilitant l’État. Comme le notait Bruno Revesz : « Le paradoxe de l’État néolibéral […] est que la stratégie du démantèlement des mécanismes et des fonctions de l’État, mises en oeuvre pour libéraliser l’économie, exigeait une forte intervention de l’État » [11]. Toute l’action de ce Centered Market State était de donner au marché une fonction de moteur principal du développement. L’État de droit revendiqué était celui qui favoriserait les échanges économiques. On est très loin de l’idée d’un État dont la fonction première serait de fournir à la population des biens publics essentiels (sécurité, santé, éducation, justice, protection de l’environnement, etc.) distincts des biens privés, un État qui doit être le garant de l’égalité entre les individus, une égalité qui, comme l’a montré Alexis de Tocqueville, est consubstantielle au modèle démocratique dans la mesure où elle en suscite la demande. Le néolibéralisme, qui s’impose partout dans les années 1990, consacre la lecture que font les « Chicago boys » d’Adam Smith : le libre fonctionnement du marché est le meilleur garant de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté. Il faut donc que l’État soit limité à des fonctions indispensables pour que le marché fonctionne au mieux : défense, respect des contrats, sécurité des personnes et des biens.
Les conséquences sociales de cette réorientation de l’action étatique ont été considérables et ont entraîné de profondes mutations des systèmes politiques. À partir de la fin des années 1990, presque partout, les appareils partisans traditionnels soit ont disparu, faisant place à de nouvelles formations, soit ont été profondément transformés. Ce fut d’abord le cas au Venezuela, en Argentine, en Uruguay, au Brésil, au Pérou, au Mexique puis, dans les années 2000, en Équateur, en Colombie, au Paraguay, au Salvador, etc. Rares sont les pays (Chili, Costa Rica, Honduras) qui ont connu une relative stabilité de leur système partisan.
De nouvelles figures politiques, par voie de conséquence, ont émergé, plus attentives aux demandes de leurs mandants. Ces nouveaux dirigeants (Hugo Chávez, Luiz Inácio Lula da Silva, Michelle Bachelet, Rafael Correa, Alejandro Toledo, Tabaré Vasquez, Mauricio Funes, Evo Morales, Àlvaro Uribe, Ollanta Humala, etc.) ont accédé au pouvoir sur fond de demande d’État. Ils vont mettre en place des politiques sociales dites de « transferts monétaires conditionnels » (Bolsa familia, Chile solidario, Oportunidades, Juntos, etc.), dont l’objectif est double : répondre aux besoins premiers des plus pauvres, et rompre avec les mécanismes de reproduction de la pauvreté en investissant dans le capital humain représenté par les enfants. Ce transfert monétaire (qui permet de réduire la pauvreté, avec parfois des résultats spectaculaires comme au Brésil) est octroyé à certaines conditions, généralement l’assiduité scolaire des écoliers et l’accomplissement des programmes de prévention sanitaires [12]. C’est donc sous la houlette de ces nouvelles élites que l’on voit resurgir l’État dans les années 2000, mais un État qui se définit et agit de manière totalement différente de celui des deux périodes antérieures.
L’État ne peut plus agir comme il le faisait hier, puisqu’une grande partie de la sphère économique échappe à son contrôle. En Amérique latine comme dans la plupart des pays, il connaît donc aujourd’hui une mutation très profonde dans plusieurs domaines.
En premier lieu, il ne cherche plus à agir directement dans le domaine de l’économie à travers les entreprises qui demeurent entre ses mains, même si celles-ci (Petrobras au Brésil, Codelco au Chili, PDVSA au Venezuela, Pemex au Mexique, etc.) peuvent jouer dans certains pays un rôle non négligeable sur le terrain du développement technologique. L’État protecteur d’hier l’était avant tout par ses entreprises publiques et ses administrations, offrant emplois et protection sociale. Presque tous les pays qui en avaient la possibilité (l’Argentine fait exception) ont conservé la maîtrise du secteur qui leur assurait le plus de recettes fiscales (pétrole au Mexique, au Venezuela, en Équateur, au Brésil, cuivre au Chili, électricité hydraulique au Brésil, etc. L’Argentine est l’un des rares pays à s’être entièrement défait de son secteur public productif). Dans ces entreprises, les mécanismes traditionnels de protection demeurent. Mais, globalement, les privatisations massives de la période écoulée ont fait perdre aux États la possibilité d’agir directement sur l’économie. À cela s’ajoute le fait qu’un certain nombre de demandes nouvelles ne pourraient pas être satisfaites avec les anciens modes d’action. Il s’agit notamment de la question de l’environnement, devenue importante dans beaucoup de pays d’Amérique latine (Équateur, Mexique, Costa Rica, Brésil, Pérou, etc.) ou encore de celle, plus récente mais qui se développe rapidement, de la protection des consommateurs (Chili, Argentine, Uruguay).
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Georges Couffignal (dir.), Amérique latine 2012. Une Amérique latine toujours étonnante, Coll. Mondes émergents, Paris, éd. La Documentation française, mars 2012, 208 p.
4e de couverture
Début 2012, l’Amérique latine est politiquement stable. Forte de ses bons résultats économiques, elle est avec l’Asie un moteur de la croissance mondiale. Et la région continue de s’affirmer sur la scène internationale, avec la récente création de la Celac (Communauté des États latino-américains et caraïbes). De nouveaux dirigeants – souvent de gauche : Argentine, Brésil, Uruguay, Venezuela, etc. – sont cependant confrontés à d’imposants défis qu’ils relèvent avec prudence et pragmatisme, grâce à un lien direct établi avec les populations, parfois non sans dérives. Il s’agit, par exemple, de lutter contre l’insécurité et l’exclusion, d’affermir le rôle et le périmètre d’un État plus que jamais nécessaire mais qui n’a généralement pas tous les moyens financiers dont il aurait besoin.
En fin de volume, des fiches synthétiques, donnent des indications chiffrées complémentaires sur vingt pays : données politiques, économiques, démographiques et sociales et données sur les communications.
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[1] Une première version de cet article a bénéficié des observations critiques de Bruno Revesz, Sébastien Velut et Stéphane Witkowski, que je tiens à remercier, ainsi que du soutien pour un séjour de recherche de l’Universidad Autónoma Metropolitana (UAM) à Mexico, dans le cadre d’un programme dirigé par Jaime Aboites, que je remercie également.
[2] On pourra se reporter à l’ensemble des documents produits pour ce sommet et disponibles en ligne (ciutadania20.org), en particulier les propositions de réforme de l’État présentées dans le document final, « Transformación del Estado y Desarrollo Inclusivo en América latina » ciudadania20.org/sites/default/files/Ciudadania20_ DocumentoBase_final.pdf, notamment p. 18-21.
[3] A. Rouquié, Amérique latine. Introduction à l’Extrême Occident, Paris, Seuil, 1998, p. 322 (1re éd. 1987).
[4] Il y a débat sur ce point entre les historiens, certains soulignant l’influence de la Constitution de Cadix (1812) sur certaines constitutions latino-américaines. Il est vrai par exemple que la Constitution mexicaine de 1824 est directement inspirée de celle de Cadix, notamment dans la forme d’organisation des pouvoirs et dans la mesure où elle institue la religion catholique comme unique et obligatoire (voir Jaime E. Rodriguez O., The Independance of Mexico and the Creation of a New Nation, Ucla, Los Angeles, 1789), et de celle des États-Unis pour la représentation et le système fédéral. Mais les grands principes de la Constitution de Cadix (séparation des pouvoirs, souveraineté nationale, égalité, citoyenneté) sont ceux des idées consignées dans celle de 1791 adoptée en France.
[5] G. Couffignal, « À quoi sert de voter en Amérique latine », in G. Couffignal (dir.), Réinventer la démocratie. Le défi latino-américain, Paris, Presses de Sciences Po, 1992.
[6] Philippe Schmitter, “Still the Century of Corporatism ?”, Review of Politics, 36, 1, janvier 1974, p. 85-131.
[7] Certains pays (Bolivie, Équateur, Paraguay, Pérou, Venezuela, Amérique centrale) continuent avec l’ancien modèle de développement. Pour une analyse très fouillée du bilan des économies latino-américaines de cette période, voir P. Pérez Herrero, « Auge y caída de la autarquía », Historia contemporánea de América latina, vol. V, 1950-1980, Madrid, Ed. Síntesis, 2007.
[8] Cette question est parfois discutée, certains auteurs (voir notamment Gosta Eping Andersen, Three Worlds of Welfare Capitalism, Cambridge, Mass., Polity Press, 1990) considérant l’État protecteur latino-américain des années 1930 comme une forme d’État providence de nature similaire à celui qui naît au Royaume-Uni et aux États-Unis après la dépression de 1929. En fait, il s’agit d’un type d’État fort différent. Le Welfare State recherche la solidarité entre classes sociales, en particulier par le biais de politiques fiscales redistributives. Ce n’est pas le cas de l’État latino-américain qui se construit à partir des années 1930.
[9] Les « Chicago boys » ont été écartés du pouvoir après la grande crise économique de 1982 et une nouvelle politique économique, respectueuse du marché mais plus volontariste, a donné des fruits positifs en termes d’indices de croissance du PIB.
[10] On se reportera sur cette question aux très intéressants et très riches rapports annuels de la Cepal, Panorama social de América latina (Santiago du Chili) qui, à partir du début des années 2000, se préoccupent de la croissance non seulement de la précarité, mais aussi du sentiment de précarité dans la région.
[11] B. Revesz, « Gouverner démocratiquement : une question d’État ? Perceptions latinoaméricaines », in Pierre Favre, Jacq Hayward, Yves Schemeil, Être gouverné. Études en l’honneur de Jean Leca, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, p. 292.
[12] Il faut noter que le programme Misiones au Venezuela, qui a lui aussi permis de réduire considérablement la pauvreté, n’entre pas dans cette catégorie car il n’y a aucune conditionnalité. Sur ces programmes, voir Marco Ceballos et Bruno Lautier, « Les politiques sociales en Amérique latine : “ciblage large” ou émergence d’un droit à l’assistance ? », in G. Couffignal (dir.), Amérique latine 2007 : les surprises de la démocratie, coll. Les Études, Paris, La Documentation française, 2007.
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