Professeur des Universités, historienne, ancien élève de l’ENS, ancienne auditrice de l’IHEDN, enseigne à l’INALCO. Ex - consultante à la DAS, ministère de la Défense, elle a publié un grand nombre d’articles et d’ouvrages consacrés aux équilibres géopolitiques du monde contemporain.
Le Diploweb.com publie un livre de Catherine Durandin, OTAN, histoire et fin ?.
« Il ne faut pas se payer de mots : l’afghanisation, la vietnamisation ou l’irakisation (qui donne aujourd’hui de bons résultats) sont toujours l’habillage d’une politique de retrait. Il s’agit de partir la tête haute, en laissant les clefs de la maison à des alliés aux côtés desquels on a combattu. Cette politique évite l’humiliation d’avoir à fuir le pays ou la honte de l’abandonner trop vite à son sort. »
Jean-Dominique Merchet, « Mourir pour l’Afghanistan, Pourquoi nos soldats tombent-ils là-bas ? » Paris, éditions Jacob-Duvernet, 2008, p. 178.
Voir le chapitre précédent, 7. La France et l’OTAN, les temps qui changent…
CONSEILLER SPECIAL et chargé de mission en Asie du Sud Est par le Président Obama, le diplomate d’envergure Richard Holbrooke meurt en décembre 2010. Ses derniers mots auront été « Aidez- moi à en finir avec la guerre d’Afghanistan ».
Décembre 2010, les nouvelles tombent au fil des jours pour dire l’enlisement d’une guerre commencée en octobre 2001 : le 18 décembre, un second maître du commando Trepel, sous officier de 28 ans, a été tué au cours d’une opération spéciale - fouille d’un bâtiment - dans la vallée de Bedraou. C’est le 18 décembre encore, l’annonce de la mort d’un capitaine du 2ème Régiment Etranger du Génie au cours d’un accrochage avec les insurgés. Insurgé tel est le terme retenu par les Occidentaux pour qualifier globalement les forces d’opposition à la présence étrangère. Ce 18 décembre donc, les Français participaient à une mission du génie, aux côtés d’Américains, de Roumains et d’Afghans. Il s’agissait d’une étude de terrain en vue de lancer des travaux pour la construction d’un poste de sécurité afghan. Les forces de la coalition ont répliqué en faisant intervenir les hélicoptères de combat. Lorsque les forces de la coalition sont prises à partie, elles réagissent.
Durant l’été 2011, la situation française s’assombrit : nouvelles pertes pour un bilan qui se chiffre alors à 74 morts. Ils seront 88, au début de l’année 2013. Le gouvernement, le Président de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée Nationale maintiennent la défense de l’engagement français comme cause juste.
Catherine Durandin, OTAN, Histoire et fin ? Ed. Diploweb, 2013
Le livre complet au format pdf. 2,2 Mo
Le ton est donné : il faut croire à cette reconstruction de l’Afghanistan, à suivre les informations émanant de l’état - major français : une vaste opération mobilisant une unité française de la brigade Lafayette ainsi que l’armée et la police afghane, a pour objectif, depuis octobre 2010, de construire un poste de combat avancé pour l’armée afghane, première étape de la sécurisation de la route qui va de Bedraou (vallée de la Kapisa) à Kaboul. Tout irait pour le mieux au dire de l’état- major : « Au Sud de Bedraou tout d’abord, avec le Battle Group Bison. Les militaires français sont allés au contact des insurgés près de Jangali, à l’extrême sud de la vallée de Bedraou. Ils vont exercer sur eux une pression suffisante permettant la construction du Combat- Out Post (COP). Les insurgés ainsi fixés, les travaux avancent… » [1] Fixer les insurgés ? Le scénario est ainsi posé : « Face à la pression, les insurgés vont chercher à s’imbriquer au milieu de la population. Mais celle-ci, refusant de servir de bouclier humain, va alors révéler les caches d’insurgés ainsi que des positions d’engins explosifs improvisés. Ces derniers seront immédiatement détruits par les équipes de déminage françaises. Au-dessus du déploiement, les hélicoptères de combat français Tigre du bataillon d’hélicoptères restent en appui. » [2]
Des insurgés fixés ? Un jour plus tard, le 19 décembre, les insurgés ont attaqué au nord de l’Afghanistan et à Kaboul : trois attaques suicidaires à la bombe. Résultat : en décembre 2010, le seuil des pertes au sein de la coalition atteint son maximum mensuel le plus élevé depuis 2001. 2010 aura été l’année la plus meurtrière en Afghanistan pour les soldats français et ceux de la coalition. Au niveau de la coalition, 700 hommes sont morts, 70% d’Américains et 15% de Britanniques. Les chiffres augmentent d’année en année. [3] Quant aux pertes civiles, elles se chiffreraient à 14 000 morts. Les pertes du côté des talibans sont plus élevées, estimées à plus de 25 000. Estimées seulement, car ces pertes sont passées sous silence du côté de l’OTAN, mais elles sont bien connues des villageois et des réseaux de combattants qui font passer informations et photographies aux journalistes afghans de Kaboul. Les pertes nourrissent le ressentiment. Depuis le début de l’année 2011, l’OTAN est mise en cause pour plusieurs bavures : les autorités afghanes accusent, près de 70 civils dont onze enfants tués fin février dans la province orientale de Kunar, frontalière du Pakistan. Ces frappes dirigées contre les talibans sont fréquemment responsables d’effets dits « collatéraux », morts de civils et d’enfants. En 2013, la liste s’allonge.
Toute guerre est pensée en relation avec la mémoire de la précédente, les analystes et journalistes américains opèrent ainsi un retour vers l’expérience du Vietnam. La défaite des Etats-Unis au Vietnam, où ils se sont engagés entre 1961 et 1973, est exprimée avec un mot qui traduit la blessure en évitant de nommer la défaite - on parle de syndrome vietnamien. Cette douloureuse expérience de Guerre froide a suscité des réflexions qui reviennent à la une des actualités touchant l’Afghanistan. Barack Obama conseille lui- même à ses équipes de lire l’ouvrage tiré des réflexions de McGeorge Bundy, « Lessons in disaster », réédité en 2008. McGeorge Bundy conseilla Kennedy puis Johnson, il était un chaud partisan de la poursuite de la guerre au Vietnam. La cinquième leçon de ce livre porte un titre éclairant, à méditer : « Ne jamais déployer de moyens militaires à la poursuite de buts indéterminés. »
Bientôt, en Afghanistan, les troupes de la coalition conduite par les Etats-Unis se chiffreront à 150 000 soldats contre 3 000 au début de l’intervention en 2002. Cette montée en puissance de la présence militaire, fut observée au Vietnam où les chiffres passèrent de quelques 5000 conseillers militaires et forces spéciales, en 1963, à 125 000 soldats en juillet 1965, pour s’élever encore en novembre 1969, à la demande du Président Richard Nixon. L’autre caractère commun à l’évolution des deux conflits est celui de l’extension spatiale des engagements. En mars 1969, les bombardements de bases du Vietcong sont lancés au Cambodge, puis au Laos en février 1971.
Le Pakistan n’est pas un allié fiable des Etats-Unis. La tactique des Etats-Unis, cherchant à augmenter les interventions à l’intérieur du Pakistan, avec l’appui de la CIA et des forces spéciales d’intervention, pour capturer des militants et en obtenir du renseignement, débusquer des caches d’armes, au-delà de la frontière, est mal acceptée à Islamabad alors que les leaders d’Al-Qaida trouvent refuge en cette zone du Waziristan, aux frontières du Pakistan. En octobre 2010, un hélicoptère américain a tué accidentellement un groupe de soldats pakistanais lors d’une opération aérienne… Le gouvernement pakistanais a répliqué en coupant momentanément le ravitaillement en fuel aux Américains. Enfin, la recherche de « l’afghanisation » de la guerre, la relève espérée de la lutte contre les talibans par les forces de l’armée nationale et de la police afghane formée par les experts occidentaux, à moyen terme, rappelle les moments d’intervention commune des Américains et des Sud - Vietnamiens contre le Vietcong, au nom de la « vietnamisation » de la guerre. La difficile relation avec des autorités locales douteuses en leurs intentions et comportements, Washington l’a vécue avec le gouvernement sud - vietnamien de Diem. Ce dernier fut abattu avec son frère, le 1er novembre 1963. Plus de quarante ans plus tard, c’est le Président Afghan Hamid Karzai qui pose problème aux Etats-Unis lorsqu’il se prend notamment à dénoncer, quelques jours avant le sommet de l’OTAN à Lisbonne en novembre 2010, la trop grande visibilité et intensité des opérations conduites et à exposer que les raids opérés par la coalition font le jeu des talibans ! Cette intervention surprenante lui vaut d’être publiquement remis à sa place par Barack Obama, en personne. Hamid Karzai fut pourtant un proche des Américains, il a étudié le droit à Kaboul puis en Inde, parfait ses études aux Etats-Unis, où il fut consultant de l’entreprise américaine Unocal alors qu’était à l’étude un projet de construction d’un oléoduc en Afghanistan : ne serait-il plus le bon interlocuteur des Occidentaux ? A Washington, il est loin de faire l’unanimité, sur le terrain, sa légitimité est faible, pour le moins. En 2013, la fracture entre Washington et Karzai se creuse : le chef de l’Etat afghan accuse les Etats-Unis de négocier en sous main avec les Talibans. Washington et la direction politique talibane démentent.
En dépit de l’intérêt de la méthode qui consiste à éclairer des analogies pour tenter d’éviter les erreurs commises dans le passé, ce sont les différences entre les deux conflits qui s’imposent. Paradoxalement, en effet, la guerre du Vietnam menée au nom des valeurs occidentales et au nom du monde libre contre le communisme et ses alliés, a été conduite par les seuls Etats-Unis. Cette même guerre a été violemment dénoncée par le général de Gaulle lors du discours resté célèbre, prononcé au Cambodge à Phnom-Penh le 1er septembre 1966 : « La France considère que les combats qui ravagent l’Indochine n’apportent, par eux-mêmes et eux non plus, aucune issue. Suivant elle, s’il est invraisemblable que l’appareil guerrier vienne à être anéanti sur place, il n’y a, d’autre part, aucune chance pour que les peuples de l’Asie se soumettent à la loi de l’étranger venu de l’autre côté du Pacifique, quelles que puissent être ses intentions et si puissantes que soient ses armes. Bref, pour longue et dure que doive être l’épreuve, la France tient pour certain qu’elle n’aura pas de solution militaire. » De Gaulle prononça ce discours quelques mois après l’annonce faite à Washington du retrait de la France des structures intégrées de l’OTAN…
C’est, en revanche, une coalition de forces américaines et de l’OTAN, associées à d’autres contingents, qui a opéré en Afghanistan. La guerre du Vietnam a engendré tant aux Etats-Unis que chez les alliés européens un très fort mouvement protestataire anti -guerre. Au-delà de la mobilisation d’une grande partie des étudiants des universités prestigieuses de Berkeley à New York, le Vietnam Day Committee crée en 1965, organise des manifestations parfois violentes. Le 4 mai 1970, la Garde nationale ouvrait le feu sur le campus de l’université du Kent, tuant 4 étudiants et en blessant 9 autres… Le monde des intellectuels et du cinéma se mobilisait et l’on voyait Jane Fonda se rendre à Hanoï en juillet-août 1972 pour prendre publiquement position contre la guerre sur une radio nord - vietnamienne.
Les temps ont changé : le conflit afghan, impopulaire, mobilise peu les opinions publiques, en dépit ou à cause de son enlisement dans la durée. Les opinions se sont habituées à l’égrenage des pertes, au compte - goutte. Cette indifférence apathique est étrange, à moins que la nouvelle guerre anti terroriste post - septembre 2001, ne se soit imposée comme inéluctable. Mais, s’agit-il bien encore sur ce terrain, plus de dix ans après, d’une épopée salutaire au nom de la lutte anti - terroriste et de la sécurité de la communauté internationale ?
Un retour aux origines du conflit s’impose pour tenter d’éclairer les complexités d’aujourd’hui. La guerre qui s’est poursuivie, émanait directement de la réaction de Washington, de l’ONU, de l’OTAN et de l’UE aux attaques terroristes spectaculaires contre le World Trade Center à New York et contre le Pentagone à Washington. Dès le 12 septembre 2001, le Président G. W. Bush, soutenu par 90% de ses concitoyens qui réclament des représailles, déclare : « Les attaques délibérées et meurtrières qui ont été menées contre notre pays étaient plus que des actes de terreur, elles étaient des actes de guerre ». Le Président jure d’engager une lutte monumentale du Bien contre le Mal. Le ton et le style sont posés. Le langage concernant l’ennemi ne changera pas entre 2001 et 2008. Le 20 septembre, G. W. Bush s’adresse au Congrès en session solennelle pour confirmer : « Le 11 septembre, les ennemis de la liberté ont commis un acte de guerre contre notre pays… » Al - Qaida, l’ennemi, est désigné et qualifié : « Al - Qaida est à la terreur ce que la mafia est au crime. Mais son but n’est pas de faire de l’argent, son but est de refaire le monde- et d’imposer ses credo radicaux sur l’ensemble des peuples ». Le Président précise : ce groupe et son leader - une personne nommée Ben Laden - sont liés à d’autres nombreuses organisations dans divers pays, incluant le Jihad islamique égyptien et le mouvement islamiste en Ouzbékistan. Il y a des milliers de ces terroristes dans plus de 60 pays. » L’Afghanistan est pointé du doigt avec son régime taliban [4] installé à Kaboul en 1996 qui soutient Al - Qaida. La guerre annoncée ne ressemblera pas à la campagne d’Irak de 1991, elle sera différente de la guerre aérienne au Kosovo, la réponse ne va pas se limiter à des frappes aériennes ponctuelles. « Ce sera une campagne de longue durée telle que nous ne l’avons jamais connue, » affirme G. W. Bush. Au fil des jours qui suivent les attaques du 11 septembre, les interventions Présidentielles se multiplient. Le 11 octobre, lors d’une conférence de presse donnée à la Maison Blanche, le Président évoque l’organisation d’une campagne soutenue « pour extirper les terroristes de leurs grottes cachées et les livrer à la justice. Un journaliste pose la question que nombre d’Américains se posent : « Vous avez soigneusement évité de dire combien de temps vont durer les frappes en Afghanistan. Mais pouvez- vous promettre (…) pouvez- vous éviter d’être entrainé dans un bourbier comparable à celui du Vietnam ? »
Nous sommes le 11 octobre 2001. George W. Bush répond : « Nous avons appris d’importantes leçons au Vietnam. Sans doute, la plus importante leçon que j’ai apprise est que vous ne pouvez combattre une guérilla avec des forces conventionnelles… » Déjà s’annonce la vision qui s’imposera beaucoup plus tard de la guerre contre - insurrectionnelle… Le Président va et vient en ses réponses entre des images de chasse, de traque où l’on enfume des grottes pour faire sortir les terroristes, et de vagues réflexions sur un différent type de guerre qui suppose une mentalité de type différent (sic). Il évoque la victoire et au-delà de l’objectif militaire - la liquidation des poches terroristes et le renversement du régime taliban qui abrite les terroristes - une reconstruction politique : « Nous devons travailler pour un Afghanistan stable afin que ses voisins ne redoutent pas des activités terroristes sorties de ce pays. Il faudrait, précise G. W. Bush éradiquer le trafic des narcotiques. Songeur, le Président, orateur, ajoute que l’ONU pourrait apporter son aide.
Le Congrès autorise le 14 septembre 2001 le recours à la force, - Londres lance un appel en faveur d’une vive réaction tout en spécifiant que les Etats-Unis doivent posséder la preuve de l’identité des coupables. L’OTAN active l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord qui affirme le principe d’une assistance mutuelle des pays membres de l’ Alliance. Le secrétaire général de l’OTAN, Lord Robertson, explique dans un entretien du 13 septembre, accordé à la fois à plusieurs grands organes de la presse internationale, dont le journal Le Monde « C’est la première fois en cinquante - deux ans que les Etats membres sont confrontés à un tel cas de figure. Nous travaillons à trouver des parades mais je crois que la détermination dont vient de faire preuve l’Alliance est un signal extrêmement fort pour relever le seuil de ce qui n’est pas « acceptable » en matière de terrorisme. Les quinze membres de l’UE se réunissent à Bruxelles, le 15 septembre pour insister sur leur volonté commune de rendre opérationnelle la Politique de défense et de sécurité, pour consolider l’échange du Renseignement. Le Conseil de sécurité de l’ONU a reconnu, le 12 septembre, avec la résolution 1368, le droit de légitime défense et le droit au recours à la force défini par l’article 51 de la Charte des Nations unies. Washington a les mains libres.
Colin Powell s’emploie à élargir le soutien d’alliés hors OTAN, ce qui en dit long de la vision autocentrée que les Etats-Unis se font de leur sécurité… Il reçoit l’engagement de Vladimir Poutine de placer son pays dans la lutte anti - terroriste dirigée par les Etats-Unis. Un Poutine qui ne demande rien en échange. Les préparatifs de guerre s’intensifient dans une Amérique en deuil et en prières. Les réservistes sont rappelés par le Président Bush pour renforcer les capacités de défense dans les ports et les bases aériennes et aider les équipes de sauveteurs qui tentent de retrouver des victimes dans les ruines du World Trade Center…L’Amérique en deuil construit, hors de l’OTAN, la stratégie qui devrait venir à bout de son ennemi, Ben Laden et le terrorisme.
La guerre et les moyens de la faire ? Sans doute, Washington bénéficie de larges et incontournables soutiens. Mais contre quelles cibles précisément cette guerre est-elle dirigée ? La réponse est à trouver dans les coulisses de la prise de décision à la Maison Blanche. La hâte de la décision suscite une impression tragique d’impuissance face à une réalité de menaces terroristes nouvelles et diffuses contre lesquelles l’administration Clinton avait déjà tenté de s’armer. De son côté, le Président évolue dans un monde étrange, accroché à la fois aux mots qu’il cultive en répétition et à des images très concrètes de lutte physique contre l’ennemi dont la tête est mise à prix : Oussama Ben Laden. Le mot de guerre (war) et de guerrier hante George W. Bush, sans nul doute inspiré par les propos et écrits ambiants des néo conservateurs qui célèbrent l’esprit martien des Etats-Unis contre la mollesse décadente de la vieille Europe occidentale. C’est Mars aux Etats-Unis contre Vénus de l’autre côté de l’Atlantique. Bush a opté pour Mars et deux figures de l’ennemi à abattre, Oussama Ben Laden et Saddam Hussein. Sa conseillère Condolezza Rice, éminente spécialiste de la Guerre froide et du Pacte de Varsovie, semble perdue, en cette soirée du 11. Spécialiste de la lutte anti-terroriste, Richard Clarke qui se charge de la « briefer » s’étonne de sa totale ignorance concernant Al - Qaida dont elle n’aurait jamais entendu parler. Il s’efforce de lui faire comprendre « que la plupart des gens pensent qu’Al - Qaida est le groupe affilié à Ben Laden, mais c’est beaucoup plus que cela. C’est un réseau d’organisations terroristes affiliées à des cellules dans plus de 50 pays, incluant les Etats-Unis. » [5] Le rappel d’une présence d’éléments terroristes aux Etats-Unis n’est pas pour plaire à Condolezza Rice. N’est- ce pas une manière indirecte de mettre en cause le renseignement américain, CIA et FBI à la fois ? Clarke s’efforce de démontrer que ce ne sont plus des Etats nations hostiles que vient le danger, mais bien de réseaux.
A la tête de la CIA, George Tenet, lors des premières réunions à la Maison Blanche, dès les 11-12 septembre se montre très assuré : il connaît la filière Ben Laden, la CIA a monté des actions secrètes contre les talibans depuis 1998, à la demande de Clinton déjà, elle soutient financièrement le groupe des combattants de l’Alliance du Nord contre les talibans et a des contacts avec certains seigneurs de la guerre, au sud de l’Afghanistan. Les conseillers de Bush ont besoin d’un plan et d’une vision. Bush réclame la tête de Ben Laden, mais il lui faut plus. Il se heurte aux militaires : une opération en Afghanistan suppose du temps de préparation ! Bush est persuadé que le Pentagone doit être poussé, stimulé et exige des idées neuves : il faut mettre dans la tête des responsables du Pentagone de relever un défi c’est - à - dire de combattre une guérilla avec des moyens conventionnels ! Et il leur rappelle qu’il est tout à fait possible de frapper de l’extérieur avec des missiles de croisière. Le chaos, ces tiraillements entre les conseillers du Président, sont inquiétants. Durant des mois, le Pentagone a travaillé en développant une option militaire contre l’Irak de Saddam. Tous les experts sont mobilisés sur la question des armes de destruction massive que Saddam détiendrait, et voici que surgit un autre coupable, le vrai responsable, Ben Laden en Afghanistan ! Donald Rumsfeld laisse entendre qu’après tout, l’on pourrait bien saisir cette opportunité de l’attaque terroriste pour se débarrasser de Saddam. A suivre le fil des conversations largement décryptées et révélées par le journaliste célèbre Bob Woodward, c’est un sentiment de décision prise à pile ou face qui domine. [6] Colin Powell s’oppose à Rumsfeld, arguant qu’il faut rester collé à Al-Qaida parce que le peuple américain s’est focalisé contre cet ennemi là… Le 13 septembre, avec Tenet, le scénario Afghanistan l’emporte : il a les moyens d’infiltrer des forces paramilitaires auprès de l’Alliance du Nord, et de disposer sur le terrain des sources nécessaires pour la planification des cibles à bombarder. Oui, il y aura des effets collatéraux, oui il y aura des pertes civiles, mais c’est la guerre, tranche George W. Bush. Le Président veut sa guerre. La connaissance du terrain afghan que lui offrent Tenet et la CIA le rassure : les Etats-Unis sont capables de conduire une guerre différente de la guerre traditionnelle menée par les Soviétiques entre 1979 et 1988.
Au Département d’ Etat de même que pour Colin Powell et son ami Richard Armitage en liaison avec Moscou, l’un des enjeux fondamentaux est celui de la position du Pakistan. Qu’attendre d’Islamabad ? Le 17 septembre 2001, la presse française spécule : Washington aurait demandé à Islamabad des informations précises concernant les réseaux de Ben Laden et sans doute l’utilisation de l’espace aérien et du sol pakistanais en cas d’intervention massive des Américains en Afghanistan. Plus tard, en 2002, Bob Woodward racontera : le général Mahmoud Ahmad, à la tête des services pakistanais de renseignement se trouvait à Washington en ces moments de septembre 2001. Il a rencontré Tenet, expliqué que le mollah Omar à la tête du régime de Kaboul était un homme religieux, pas un violent et qu’il avait souffert de la brutalité des seigneurs de la guerre. Cette information soulève la colère de ses interlocuteurs. Armitage reçoit Mahmoud au Département d’ Etat pour poser la question qui interdit toute esquive : êtes vous avec ou contre nous ? C’est noir ou blanc, il n’y a pas de zone grise… Or, le Pakistan avait reconnu officiellement le régime taliban… En deux mots, Richard Armitage et Colin Powell demandent à Islamabad de détruire son œuvre propre : le régime taliban que le Pakistan a contribué à former. Le retournement du Pakistan officiel, demeure incertain : les services de renseignement occidentaux notent les 8 et 12 octobre 2001, le passage de convois d’armements, pistolets, munitions, lanceurs de grenades, destinés aux combattants talibans… [7]Gérard Chaliand brosse en quelques lignes l’état des lieux et l’esprit des opérations : « Le refus du mollah Omar de trahir son hôte, Ben Laden, en le remettant aux mains de l’adversaire, impliquait la chute de son régime tandis que le Pakistan consentait à faire volte face. Bénéficiant d’un accord international quasi -unanime, les Etats-Unis lancent donc leur expédition punitive. » [8]
Etrange guerre à ses débuts, les combats au sol se trouvant largement délégués aux chefs de guerre locaux. Les frappes ciblées américaines contre les bases d’Al-Qaida en Afghanistan démarrent, le 7 octobre 2001. Le 3, devant l’Assemblée nationale, Lionel Jospin annonce que la France prendra toutes ses responsabilités aux côtés des Etats-Unis…Le 17 octobre, les bombardements touchent le nord de Kaboul. Ces frappes s’intensifient début novembre. Le 6 novembre, Jacques Chirac est à Washington, il souligne l’urgence d’une solution politique impliquant l’ONU et indique que deux mille Français sont engagés dans les opérations militaires. Le 9 novembre, l’Alliance du Nord soutenue par l’aviation et des « conseillers » américains s’empare de la ville stratégique de Mazar-e-Charif que désertent les talibans. Les progrès, occupation au sol et mise en place d’une transition politique, s’avèrent indiscutables. Le 25 novembre, l’Alliance du Nord s’empare de Kunduz, six cents marines américains se déploient près de Kandahar, ex - fief des talibans. Le calendrier où se croisent évènements militaires, politiques et culturels est serré : l’ Alliance du Nord autorise les femmes à quitter la burqa, le bilan exact des victimes des attentats du 11 septembre tombe le 28 novembre avec 3 711 morts et disparus, l’offensive majeure près de Tora Bora au sud où pourraient s’être réfugiés et cachés le mollah Omar et Ben Laden débute le 4 décembre 2001, et c’est le 5 qu’est signé à Bonn l’accord portant sur la création d’un gouvernement intérimaire, dirigé par le pachtoune Hamid Karzaï… A la suite de la reddition des talibans à Kandahar, le Président G. W. Bush, le 7 décembre, salue la victoire pour évoquer la bataille de la civilisation ! Le 7 décembre rappelle le souvenir de l’attaque surprise de Pearl Harbour en 1941. Bush expose : « Et bien, de cette attaque surprise est sortie une décision inébranlable qui fit de l’Amérique le défenseur de la liberté. » Il poursuit : « Nous combattons pour vaincre- et nous vaincrons. Il y a une grande division en notre époque - non pas entre les religions et les cultures, mais entre la civilisation et la barbarie. » Rires et applaudissements ponctuent le propos Présidentiel : « Aujourd’hui, ils (les talibans) ne contrôlent plus que quelques grottes. Il n’y a pas si longtemps, le leader d’Al-Qaida comptait pour rien l’Amérique, un tigre de papier. C’était avant que le tigre ne rugisse (applaudissements). A travers l’histoire, d’autres armées ont essayé de conquérir l’Afghanistan et elles ont échoué. Nos forces militaires ont été envoyées pour libérer l’Afghanistan, et nous réussissons ». L’éditorial publié par le journal Le Monde du 8 décembre est beaucoup plus réservé : « En Afghanistan tout n’est pas définitivement joué : il tiendrait du miracle qu’aucun conflit ne ressurgisse et que rien ne vienne enrayer l’harmonieux processus défini à Bonn vers l’avènement d’un Etat de droit »…
Le Président Bush fut coutumier des annonces de victoires enchantées en Afghanistan comme en Irak, omettant d’ouvrir les yeux sur les ruines, le trafic d’opium en Afghanistan, les fractures politiques et culturelles internes du pays qui bloquent un processus de nation building, les intérêts spécifiques du Pakistan… L’Afghanistan ? « Le puzzle le plus extraordinaire qui soit », écrit Jean Dominique Merchet… [9] Le 26 octobre 2001, Arielle Thedrel pour le Figaro, penchée sur l’analyse du dernier recensement de la population afghane daté de 1979, mettait en lumière les complexités de la mosaïque ethnique, religieuse et linguistique. Bientôt les spécialistes vont tenter d’ouvrir les yeux du public : le peuple afghan, ce sont des Pachtounes et des Tadjiks qui en forment la majorité, des Hazaras de confession chiite, traditionnellement considérés comme des parias au sein de communautés sunnites plus nombreuses. Le peuple afghan, c’est aussi 9% d’Ouzbeks au nord du pays, 3% de Turkmènes au sud et des Baloutches qui parlent une langue de la famille iranienne.
Les accords de Bonn du 5 décembre 2001, passés sous l’égide de l’ONU, après 9 jours d’intenses négociations entre les diverses factions, mettent en place un gouvernement provisoire, un échéancier prévoyant l’élaboration d’un système politique et démocratique. L’on pouvait peut - être soupirer d’aise de Washington à Bruxelles ou à Paris encore. A Washington, parce que les talibans étaient renversés, et Hamid Karzaï familier, dans les chancelleries des capitales occidentales, parce que l’ONU tenait son rang et que les pays donateurs allaient s’employer à la reconstruction du pays, en respect des droits de l’homme et de la souveraineté de l’Afghanistan.
Une Grande Assemblée, la Loya Jirga reconduit, en juin 2002, le Président intérimaire Karzaï dans ses fonctions et adopte, le 4 janvier 2004, une nouvelle constitution. Les élections Présidentielles ont eu lieu le 9 octobre 2004, 55, 4% des électeurs inscrits donnent leurs voix à Karzaï. Cinq ans plus tard, l’ambiance a changé et elle est très mauvaise : les élections sont prévues pour le 20 août 2009. Les résultats examinés par une Commission électorale indépendante ne sont rendus publics que le 21 octobre suivant. Des fraudes, fraudes fabuleuses, commentent en voix off mais sonore les représentants de la communauté internationale, Karzaï maintient sa position à la tête de la présidence avec 49, 67% des suffrages. Les talibans ont appelé au boycott, Kaboul a subi deux attentats suicides les 15 et 18 août, le pays a vécu plusieurs attaques entre le 12 et le 15 août, 2009.
Tous les commentaires quant à la situation en Afghanistan ont viré au noir : les pays donateurs ne donnent pas assez, la France a versé entre 2003 et 2007, 90 millions de dollars d’aide à l’Afghanistan, ce qui représente moins d’1% de l’aide internationale. Il n’y a pas eu de grand plan Marshall de reconstruction. L’éventail trop ouvert des acteurs impliqués dans la reconstruction engendre le chaos. Cette première vague de critiques, regrets, désillusions rejette la faute sur les Etats-Unis et leurs partenaires occidentaux. A l’inverse, les acteurs afghans peuvent être interpellés : les seigneurs de la guerre se nourrissent des flots d’aide occidentale, H. Karzaï et son entourage sont profondément corrompus. Le désordre économique, dans des campagnes ruinées par des années de guerre, favorise le développement de la culture du pavot et du trafic de la drogue. L’aide internationale détournée conduit à la formation d’une administration parallèle et au dysfonctionnement des institutions. Qui peut sérieusement évoquer une bonne gouvernance ? Quant aux élections libres considérées comme fondement de la démocratie à instaurer, mieux vaudrait qu’elles ne relèvent pas de la mascarade.
La réalité est à chercher hors des déclarations optimistes qui soutiennent les accords de Bonn. La réalité, c’est la guerre, guérilla et l’absence de sécurité. Quel que soit le bilan des mutations opérées depuis la chute des talibans, bilan non négligeable en ce qui concerne les infrastructures, l’éducation et la santé- l’Afghanistan ne connaît pas la paix et la guerre s’étend. 50 000 à 100 000 combattants globalement regroupés sous l’étiquette de talibans, adossés aux zones tribales pakistanaises ne sont pas prêts à lâcher prise, portés par leur haine de l’envahisseur occidental.
Retour à des propos pessimistes qui s’égrènent. L’administration Obama, en dépit de l’affichage de la détermination Présidentielle, est divisée. Divisée sur le soutien à accorder et jusqu’où, à Karzai, sur la stratégie à conduire, entre annonces de retrait pour rassurer l’opinion et envoi de renforts importants pour occuper le terrain. Obama, de son côté, s’exprime dans la continuité d’une mission assumée. A l’Académie militaire de West Point, le 1er décembre 2009, le chef de l’Etat déclare : « Notre stratégie pour l’Afghanistan et le Pakistan est centrée sur l’éclatement, le démantèlement et la défaite d’Al-Qaïda sur ce théâtre, sur la prévention de ses capacités de menaces contre les Etats-Unis et leurs alliés. » Obama précise qu’en 2010, « nous allons améliorer la relation entre les Etats-Unis et le Pakistan à travers un dialogue stratégique » et qu’en 2011, il faut renforcer le dialogue tant avec le Pakistan qu’avec l’Afghanistan, autour de la stabilité régionale. Chaque année, le Président présente un rapport, une sorte de point de situation, bilan et perspectives. En 2010, le diagnostic a été confié à huit groupes de travail, les dernières réunions ont eu lieu entre le 3 et le 14 décembre. Les grandes lignes du texte dévoilé le 16 décembre ne surprennent pas ! Tout naturellement, le rapport se veut en phase avec les décisions prises lors du sommet de l’OTAN à Lisbonne, un mois auparavant. Le processus de transfert des responsabilités de gestion de la sécurité par les forces afghanes doit se poursuivre au printemps 2011, la coalition restera présente jusqu’en 2014 et sans doute, au - delà. Que penser du niveau des forces afghanes ? Le général Henri Paris répond : « L’armée nationale afghane, quelques 100 000 hommes au tableau d’effectifs, d’une valeur médiocre. Elle a été engagée seule dans une offensive majeure qui, en juillet 2010, a tourné à la débâcle. Son moral est mauvais, les soldats désertent en masse : par rapport à l’effectif annoncé, il manque 30%. » [10] De plus, cette armée recrute largement chez les Hazaras pauvres et méprisés. Qu’adviendra-t-il de ces hommes qui seront vus comme des collaborateurs de l’occupant, une fois retirées les forces occidentales ? Enfin, là où ses effectifs ne proviennent pas du groupe Hazara, cette armée constituée de groupes confessionnels et ethniques rivaux, manque d’unité, de tradition et de discipline. Quant à la police afghane, elle vit et se sert sur le pays.
La position française est alignée sur celle des Etats-Unis. Lors d’une visite éclair le 25 décembre 2010 aux 3 850 soldats français en Afghanistan, le ministre de la Défense, Alain Juppé annonce : « Si l’Afghanistan basculait du côté du fanatisme et de l’obscurantisme, les conséquences (…) seraient considérables ». Le ministre prévient : « L’objectif est fixé… il faut poursuivre notre collaboration avec l’Afghanistan pour aider à sa reconstruction. » Le ministre parle, il n’est pas suivi par l’opinion publique française : le 24 février 2011, un sondage de l’IFOP pour le quotidien l’ Humanité fait savoir que 72% des Français sont opposés à l’intervention militaire française en Afghanistan, 26% y sont très opposés, 88 % pensent qu’il y a un vrai risque d’enlisement des troupes occidentales, et seuls 35% estiment que la présence militaire française a permis de faire progresser le pays vers la démocratie. [11] La ligne semble tracée à Washington, le suivi français se dit acquis, si ce n’est tout de même que la politique de montée en puissance des forces sur le terrain chiffonne Paris qui rechigne à envoyer de nouvelles troupes et pencherait vers une offre de formateurs et instructeurs militaires pour l’armée afghane. De tous côtés, des voix autorisées se font entendre pour contester la stratégie d’Obama qui après avoir augmenté ses forces de 30 000 hommes, annonce 1 400 marines supplémentaires en janvier 2011. Mais, l’erreur politique d’Obama qui entend réconforter son opinion publique et s’assurer les voix de ses électeurs est de taille. Le Président opte pour une politique de renforcement des troupes tout en promettant un début de retrait pour juillet 2011 : les talibans peuvent se réjouir et attendre le temps du retrait partiel. Les renforts doivent être déployés dans le sud, avant le printemps 2011 dont on redoute qu’il ne soit propice à la reprise intensifiée des combats.
Quelles sont les priorités ? Reconstruire l’Afghanistan ou faire reculer les talibans qui ont connu depuis trois ans des avancées dans tout le pays… Reconstruire avec qui ? Où sont les interlocuteurs fiables ?
Karzai tente des pistes dont il est peu probable qu’elles débouchent sur des résultats, à moins de remettre les talibans au pouvoir, à moyen terme. Il ouvre en octobre 2010 un dialogue très confidentiel avec des chefs talibans venus du Pakistan. La rumeur veut, il s’agit d’une rumeur, que ces personnalités aient quitté leurs refuges avec l’aide de forces de l’OTAN. Washington refuse de confirmer l’information, de même que ne sont pas dévoilées les identités de ces talibans. En réalité, les contacts entre émissaires des talibans et représentants de Karzai sont fréquents. En dépit des affrontements, la réconciliation est cherchée. N’est-elle pas inéluctable ? Karzai noue des relations avec des leaders du groupe radical Haqqani, considéré comme la faction la plus dure au sein de la guérilla, il contacte des combattants basés à l’Est du pays. La plupart des discussions ont eu lieu, hors de Kaboul. Un officiel afghan explique : « Cela ne fait pas le bonheur des Américains ni celui de Karzai. C’est la question de ce qui serait le mieux pour les intérêts du peuple afghan. Ces conversations sont fondées sur des relations interpersonnelles. Quand les talibans voient qu’ils peuvent voyager dans le pays sans être attaqués par les Américains, ils voient que le gouvernement est souverain, qu’ils peuvent nous faire confiance ». [12] Dans les coulisses, au sein des Instituts de sciences politiques, au sein des think tank, les experts s’interrogent sur d’éventuelles avancées vers des offres de paix. Réconciliation, médiation, prise de conscience des talibans et de la Coalition que les deux parties sont dans une impasse et que nul ne peut - sans négocier avec l’autre - atteindre ses objectifs, tous les cas de figure entre théories de sciences politiques et analyses de la réalité des rapports de force sur le terrain sont explorés. Pour conclure que le choix de l’augmentation des effectifs de la coalition, ce choix du « surge » qui est celui de Obama ne mène à rien, si ce n’est à rendre plus difficile les processus négociés. [13]
L’autorité du régime de Karzai est loin d’être assurée. La guerre et l’insuffisance des forces occidentales profitent à des seigneurs de la guerre puissants et non contrôlés. Ils se construisent des fiefs, montent des armées privées qu’ils mettent au service de l’OTAN, moyennant des rémunérations très élevées. C’est ainsi que Matiullah Khan opère au Sud de l’Afghanistan : il dispose de 15 000 hommes, a construit 70 mosquées, travaille avec les Forces spéciales américaines et assure la sécurité de convois logistiques de l’OTAN. Ce potentat n’entend nullement s’incliner devant l’autorité du gouverneur local et échappe à toute emprise du ministère de l’Intérieur. Face à cette évolution chaotique, et alors que l’Iran accueille de jeunes Afghans qui franchissent la frontière, sont entraînés au combat et reviennent se battre chez eux contre l’envahisseur, les stratèges américains ont, depuis près de deux ans, élaboré une théorie, celle de la contre - insurrection (counter insurgency).
L’idée n’est pas neuve. Les généraux américains et leurs équipes composées de diplômés de haut rang, ont puisé aux écrits de l’officier St Cyrien français David Galula qui a construit sa réflexion à partir de son expérience personnelle en Algérie. Le livre de Galula a été publié à New - York en 1964, « Counterinsurgency warfare- theory and practice »- Galula ayant terminé sa carrière au Centre des Affaires Internationales de Harvard- et traduit en français en 2008 avec une préface du général David Petraeus. Henri Paris expose : « L’enjeu est la conquête de la population et la lutte à mener contre les guérilleros (...) La lutte était basée sur le renseignement, obtenu pour Galula sans la torture, pour ne pas insuffler de désir de vengeance et sans se livrer à des dommages collatéraux, encore moins à des destructions systématiques. L’action prioritaire était d’ordre civilo – militaire. » [14] L’infiltration de la population nourrit le renseignement. En juin 2009, le brillant général Stanley A. McChrystal se voit confier le commandement des forces en Afghanistan ; l’homme est connu pour son énergie, son adhésion aux méthodes de la contre - insurrection. Il a un défaut, le franc-parler, et une audace qui le conduit à fustiger certains hauts responsables politiques publiquement. Son respect pour le Président manque de chaleur, son hostilité est vive à l’adresse du vice - Président Joe Biden qui conteste le bien fondé de la contre - insurrection supposant des effectifs énormes, il est l’ennemi juré de l’ambassadeur des Etats-Unis à Kaboul, Eikenberry… Stanley McChrystal se laisse aller et cautionne la sortie d’un article dérangeant de sincérité dans la revue Rolling Stones du 8 – 22 juillet 2010. La réaction du Président que séduisent pourtant les thèses du général ne se fait pas attendre, McChrystal doit donner sa démission. Les premiers pas de la contre - insurrection sont donc trébuchants ! Le général Stanley McChrystal, à Washington, hausse le ton pour démontrer que la conduite des opérations, en dépit des augmentations d’effectifs, est vouée à l’échec : les talibans, du Pakistan à l’Afghanistan, forment des réseaux fluides, rapides, à la stratégie évolutive. Lorsque le ciel, explique McChrystal, est sillonné par les drones, les chefs talibans utilisent leurs portables et Internet pour donner des ordres à leurs combattants, ils agissent hors d’une chaîne de commandement centralisée. « Ces nouveaux talibans, comme leurs alliés de Al-Qaida relèvent plus du réseau que de l’armée, ils incarnent une communauté d’intérêts plutôt qu’une structure incorporée. » [15] Le général plaide pour la décentralisation du Renseignement et une mise en réseau autour des trois F3EA : « find, fix, finish, exploit and analyze » ( trouver, fixer, finir, exploiter et analyser). Le général David H Petraeus prend la relève, avec optimisme : la méthode de la tache d’huile va engendrer le succès ! Lors de la conférence portant sur l’Afghanistan et le Pakistan à la Maison Blanche, mi-septembre 2010, Petraeus démontre, vidéo à l’appui, qu’il est en mesure de sécuriser une zone élargie autour de Kaboul, autour de Kandahar, et de désarmer un certain nombre d’ex - combattants talibans au sud. Le Président incline à le croire, des sceptiques se permettent de douter en voix off : les nouvelles émanant du renseignement ne sont pas bonnes. Un renseignement qui, sur le terrain, se privatise : un ex - haut responsable de la CIA, Duane R. Clarridge a construit son réseau d’espions géré depuis sa demeure de San Diego. Or, les données ainsi recueillies, notamment sur les rencontres entre chefs talibans au Pakistan sont fiables. Mais que penser de cet éclatement des sources et des questions que soulève la coordination du renseignement ? La coordination est bel et bien en défaut entre l’OTAN, les Etats-Unis et les différents contingents nationaux. Au-delà de la gestion des forces sur le terrain, ce sont la solidarité des Alliés et le partage d’une vision commune des objectifs, le positionnement par rapport à un calendrier qui posent un véritable défi. Sur le terrain, en dépit de la coordination du Operational Control délégué à l’OTAN, chaque Operational Command dispose de ses forces nationales, de leur emplacement et de leurs missions. Tous les contingents ne disposent pas des mêmes moyens pour la reconstruction, et ne sont pas mus par un enthousiasme collectif. Les Allemands font peu dans leur zone, les Hongrois sont munis de pelles lorsqu’il s’agit de reconstruire, le soldat du rang britannique est de piètre niveau… La guerre est une guerre largement américaine, [16] les opinions publiques européennes ne suivent pas, les gouvernements ont à répondre à ces courants qui vont vers une option de retrait. En 2010, un tiers de la population britannique est favorable au retrait immédiat, la majorité de la population allemande est fondamentalement opposée à l’opération, Italiens et Français sont peu convaincus, en dépit des discours du Président Sarkozy qui déclare, lors du discours annuel aux ambassadeurs : « Nous avons des objectifs politiques, me semble t-il, réalistes et ces objectifs, cette ligne politique, c’est une transition progressive et ordonnée entre les alliés et les autorités afghanes. La France restera donc engagée en Afghanistan, avec ses alliés, aussi longtemps que nécessaire et aussi longtemps que le souhaitera le peuple afghan ». Cette notion de peuple afghan est bien vague.
Alors, des voix commencent à se faire entendre dans quelques médias et jusqu’au sein de l’armée pour dénoncer les soi - disant succès à attendre de la contre - insurrection. Le général Henri Paris prend la plume en ce sens pour la revue de Défense Nationale en 2010 : il constate que cette contre - insurrection arrive trop tard. Le général Vincent Desportes s’exprime pour le Monde, le 22 décembre 2010. « Le temps de la reconstruction est révolu ; c’est dès le début qu’il fallait investir massivement. Les moyens financiers nécessaires ont d’ailleurs été absurdement engloutis en Irak. Il faut donc s’en tenir au seul objectif réalisable : l’établissement d’une stabilité propre à empêcher l’Afghanistan de redevenir un foyer de terrorisme. » La conclusion de Vincent Desportes frappe, de par son pessimisme : « N’en doutons pas : dans peu de temps, les forces de la coalition quitteront l’Afghanistan. Si la situation ne s’y est pas durablement stabilisée, elle sera alors plus dramatique qu’elle ne l’était le 7 octobre 2001 lorsque les premières bombes américaines se sont abattues sur le nord du pays. Avec un risque majeur cette fois : que les talibans renforcés de leur victoire, ne finissent par installer à Islamabad la première puissance nucléaire islamiste. » Quelle voie emprunter ? Réserver des moyens minimaux à la sécurisation du seul Afghanistan utile et se concentrer sur le renforcement de l’appareil sécuritaire local. Avec cet article, Vincent Desportes récidive et confirme sa lecture de la situation qui met en cause les déclarations gouvernementales officielles. Sa première intervention, sous forme d’entretien toujours pour le Monde, le 2 juillet 2010, lui a valu une sanction disciplinaire du ministre de la Défense Hervé Morin : sa carrière s’est arrêtée net, et il a quitté, après deux ans de service, ses fonctions de directeur du Collège Interarmées de Défense. Oser déclarer que la doctrine McChrystal ne fonctionne pas, faute d’effectifs suffisants, qu’on ne fait pas la guerre à demi ou de demi guerre, que Joe Biden est dans le vrai lorsqu’il propose de sortir de cette guerre sans fin, en réduisant les troupes à une capacité de frappes ponctuelles contre Al-Qaida, oser sortir de la ligne officielle du gouvernement français aligné sur Washington vaut punition.
Pourquoi nos soldats tombent-ils là bas ? La question commence à se poser. En juin 2011, la Revue Défense Nationale, propose un article très audacieux, sous le titre de « Quelle stratégie pour la guerre en Afghanistan ? » signé par le lieutenant colonel Jean-Pierre Steinhofer. L’auteur précise qu’il s’exprime à titre personnel. A la question : quel ennemi ? L’officier répond : « Dès 2001, l’ennemi a été mal défini. » Car, explique t-il, « le terrorisme n’est pas un ennemi ; c’est une méthode de combat. » Il ajoute que l’objectif stratégique n’est pas clairement énoncé : objectif colonial qui supposerait de propager les valeurs occidentales ou objectif de défense qui viserait à empêcher l’Afghanistan d’organiser des attaques de type terroriste ? Ou les deux objectifs à la fois ?
Pourquoi la poursuite des opérations en dépit des opinions publiques qui n’adhèrent plus ? La réponse tombe sous le sens : assurer la sécurité des Etats- Unis et de leurs Alliés. L’OTAN en Afghanistan, la stratégie de counterinsurgency sont-elles crédibles pour l’accomplissement de cette mission ? La Russie, bienveillante avec l’OTAN, en ces opérations afghanes est en train d’inventer une autre politique : s’assurer une place dans l’économie du pays, nouer le dialogue avec Karzai, être présente au Pakistan, et préparer le moment d’un retour en douceur : les troupes américaines et celles de leurs alliés partiront. Karzai se lance dans une vaste entreprise diplomatique : dialogue noué avec Moscou et ouverture vers l’Inde. Le général Vincent Desportes écrivait pour Le Monde du 22 décembre 2010 : « Une solution ne sera acceptable que si elle l’est pour le Pakistan et… l’Inde. Ce qui suppose que l’Afghanistan cesse d’être une carte dans leurs jeux, un enjeu réciproque en termes de profondeur stratégique. C’est l’une des raisons de la durée de cette crise : chacun préfère le statu quo à une évolution qui favoriserait l’Autre. »
Quant à la légitimation initiale de cette présence des Etats-Unis et de l’OTAN, elle s’est vidée de son sens. La présence occidentale nourrit le ressentiment des populations et des combattants. Les plaintes et protestations de Kaboul contre les effets collatéraux des frappes qui touchent des populations civiles se multiplient. On en arrive à des situations inédites qui en disent long sur l’errance occidentale : en janvier 2011, Paris a ordonné « une pause opérationnelle ». Ainsi les militaires français sont-ils restés confinés sur leurs bases dans le secteur de la Kapisa. Il fallait, dans l’urgence, créer les conditions favorables à la libération de deux journalistes français pris en otage en décembre 2009. Leur libération n’est pas intervenue, les contraintes ont été levées, les opérations ont repris.
Plus de dix ans d’opérations se soldent par un échec. L’OTAN a-t-elle vocation à exporter par la force une démocratie libérale dont le modèle, aujourd’hui, ne répond pas aux aspirations locales ? L’OTAN a travaillé durant les années de Guerre froide comme garantie des démocraties contre une offensive soviétique autour d’un concept, le containment - contenir l’expansion soviétique – et avec un outil, la dissuasion. Lors des crises de 1956 en Hongrie ou de 1968 en Tchécoslovaquie, l’OTAN n’a pas changé de doctrine, a conservé sa posture et ne s’est pas découvert une vocation de soutien aux réelles aspirations démocratiques des Hongrois ou des Tchécoslovaques. Que les Soviétiques interviennent pour casser les revendications et processus de démocratisation, ne fut pas évalué comme menace pour les Occidentaux.
En septembre 2001, l’OTAN a soutenu, avec l’article 5, la légitime défense des Etats-Unis contre des attaques terroristes. La responsabilité de cette agression fut localisée : Ben Laden et le réseau Al-Qaida abrités par les talibans. Une fois le régime taliban renversé et Kaboul investie en quelques semaines de la fin de l’année 2001, au nom de quelle croisade - entre démocratisation et stabilisation par le nettoyage - fallait-il poursuivre ? La lutte anti - terroriste supposait essentiellement de doter le renseignement et de coordonner ses savoirs dans le cadre de l’ Alliance, avec des moyens d’intervention ciblés et limités, ce que propose le général McChrystal : est-il efficace, au nom de la sécurité et de la démocratie, de mettre la main sur un chef de réseau en éliminant plusieurs « suspects », ou de simples civils autour ? Le vocabulaire mérite d’être interrogé et la notion « d’effet collatéral », devrait être revisitée. Mais fin 2001, le Président G. W Bush et ses conseillers étaient plongés dans un double projet : l’extermination des terroristes conçue comme une chasse impitoyable et l’exportation de la démocratie libérale conçue comme universelle. Un modèle politique ne s’impose pas à coup de frappes et de drones. L’OTAN a surévalué ses moyens, et sous estimé l’intelligence des analystes de terrain qui saisirent et prédirent qu’une force d’occupation n’est pas et ne serait pas accueillie comme salvatrice. L’Alliance traîne un boulet. L’administration républicaine, Bush et ses conseillers ont laissé, en 2008, un héritage empoisonné. A gérer !
Les perspectives sombres, petit à petit, se sont précisées pour le futur de l’Afghanistan : retrait de l’OTAN et après 2014, quelle présence occidentale acceptable ? Le futur dépendra du rapport de forces entre les talibans et ceux qui, aujourd’hui, sont supposés les combattre. L’avenir d’une présence américaine durable est suspendu au positionnement de la Russie, à celui de l’Iran. Cet avenir n’est plus exactement celui de l’OTAN en tant qu’Alliance mais celui de la puissance des Etats-Unis et de leur capacité ou incapacité à maintenir des bases sur ce terrain, entre deux puissances nucléaires, le Pakistan et l’Iran. Quant aux Afghans, auront- ils les moyens de financer leur police et leurs forces militaires ? Un diplomate européen, sous couvert de l’anonymat, témoigne : « Les Afghans sont très inquiets de l’après - 2014. Ils essaient d’obtenir de l’Ouest le maximum de ce qu’ils peuvent obtenir. » [17]
La politique de « surge », l’augmentation des forces, a échoué. A l’académie militaire de West Point, dès les premiers mois de 2012, la question est ouvertement posée : qu’est ce que les Etats-Unis ont gagné avec deux guerres, l’Irak et l’Afghanistan, en dix ans ? « Pas grand-chose », répond platement le colonel Gian P. Gentile, directeur des programmes d’histoire et commandant d’un bataillon en Irak à Bagdad, en 2006. A l’opposé, le colonel Michael J. Meese, à la tête du Département des Sciences Sociales et conseiller du général Petraeus maintient, qu’en dépit des risques courus, la stratégie de contre insurrection ne doit pas être balayée d’un revers de manche…Gentile rétorque : la contre insurrection aurait pu s’avérer gagnante en Afghanistan si les Etats-Unis avaient envisagé de rester … 70, 80, 90 ans ! [18]
Les élections Présidentielles américaines doivent avoir lieu en novembre 2012. Lors du sommet de l’OTAN de Lisbonne, les 19-20 novembre 2010, Obama a annoncé un calendrier de retrait : « Nous sommes convenus que le début 2011 marquera le commencement d’une transition vers la responsabilité politique afghane, et nous avons adopté l’objectif que les forces afghanes prennent la direction pour la sécurité dans tout le pays d’ici la fin de 2014. » Le début du retrait devrait commencer en juillet 2011…Selon le Président américain, le général Paetrus aurait déjà tracé les zones sécurisées justifiant cette décision. L’OTAN et le Président Karzai signent un accord qui garantit une « indefinite cooperation », coopération de longue durée. La France entend se caler sur le calendrier des Etats-Unis, avec une formule : « Nous sommes arrivés ensemble, nous partirons ensemble ». Formule qui, dès janvier 2012, ne tient plus : cinq militaires français sont assassinés par un soldat afghan sur la base de Gwan. Nicolas Sarkozy, en pleine campagne électorale et face à une opinion qui, majoritairement, refuse la poursuite de l’engagement, déclare le 27 janvier que le retrait français est avancé… Certes, il y a retournement de la position Présidentielle, Paris ayant accompagné la stratégie de « surge » mais, la déclaration du sommet de Lisbonne allait déjà dans le sens du départ annoncé. Le candidat François Hollande s’aligne, électorat oblige, pour déclarer qu’il n’y aura plus de troupes françaises en Afghanistan, dès la fin de l’année 2012…
Les Français se retirent. Vaste opération de repli des hommes et de rapatriement du matériel. Les 24 et 25 novembre, la force Lafayette quitte les dernières emprises où elle était encore présente dans la province de Kapisa et dans le district de Surobi. Fin 2012, la quasi-totalité des soldats français est concentrée à Kaboul. Un millier d’entre eux sont appelés à terminer la manœuvre logistique de désengagement des matériels français. Signe de la réalité de ce départ : le vol du 21 janvier 2013 met un terme à 4 années de présence de l’hélicoptère d’attaque Tigre en Afghanistan…Les derniers appareils quittent le théâtre afghan, le 3 février à bord d’un Antonov 124, un gros transporteur russe. Le ministère de la Défense commente : « L’engagement sur le territoire afghan a constitué un socle solide et un retour d’expérience inégalé pour ce système d’armes ». [19]
Paris a deux objectifs : sauver la légitimité de l’engagement et lui conférer une signification, pas de morts, pas de blessés pour rien, et sauvegarder - tout en décidant de son propre calendrier de retrait - le consensus avec Washington. Faire bonne figure auprès de Berlin alors que Angela Merkel déclare à la veille du sommet de l’OTAN, à Chicago, en mai 2012 : « Nous sommes entrés ensemble en Afghanistan et nous voulons en partir ensemble. » S’appliquer à coller aux déclarations du secrétaire général de l’OTAN qui martèle qu’ il n’y aura pas de retrait précipité ! La diplomatie française a su jouer sur le vocabulaire, exposant que si les forces combattantes se retirent, les forces non combattantes restent sur le terrain. Le langage de François Hollande est subtil, destiné à rassurer l’opinion française, rester en bonne intelligence avec nos alliés sans prendre le moindre risque pour nos troupes…
Les Français se seront montrés de bons alliés de l’OTAN depuis 2001 en cette guerre anti terroriste. Avant même la réintégration de 2009 dans toutes les structures militaires intégrées de l’Alliance. Avec, en arrière plan de cet engagement, une question qui s’est imposée : pourquoi, pour qui nos soldats meurent-ils ? De son côté, le Président des Etats-Unis, déclare, lors du discours sur l’état de l’Union de février 2013 : « Oui, je peux annoncer qu’au cours de l’année à venir, 34 000 soldats américains rentreront à la maison d’Afghanistan ». Cette annonce est dans la ligne de la posture adoptée depuis dix huit mois. Avec, une incertitude profonde quant à l’avenir : quelle est la logique des Américains et des membres de la coalition encore sur place, quel est l’objectif de l’OTAN ? Gérer le départ ou et former et assister les 350 000 soldats et policiers afghans ? Sur quelle durée, avec combien de soldats américains sur le terrain ? La guerre américaine, la guerre de l’OTAN sont dans une impasse.
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Voir l’introduction et le sommaire de l’ouvrage de Catherine Durandin, OTAN, histoire et fin ?
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. Catherine Durandin, Sommet de l’OTAN, New Port, 2014
Quel bilan ?
[1] Opérations Afghanistan : opération Promising Star, Implantation du COP Sherkel, 25/10/ 2010, EMA, Ministère de la Défense. defense.gouv.fr/operations/afghanistan/acrualités/afghanistan
[2] Afghanistan, ibidem.
[3] iCasualties_OperationEnduring Freedom_Afghanistan.htm
[4] Gérard Chaliand, L’Amérique en guerre Irak-Afghanistan, Paris, éditions du Rocher, 2007.
[5] Richard A. Clarke, Against All Enemies, Inside America’s War on Terror, FP, Free Press 2004.
[6] Bob Woodward, Bush At War, New York, Simon and Schuster, 2002.
[7] “Pakistan Ended Aid to Taliban Only Hesitantly”, december 8, 2001 by Douglas Frantz in The New York Times.
[8] Gérard Chaliand, L’ Amérique en guerre, Irak-Afghanistan, Paris, éditions du Rocher 2007, p. 71.
[9] Jean Dominique Merchet, Mourir pour l’Afghanistan, Paris, éditions Jacob-Duvernet, 2008, p. 51.
[10] Henri Paris, Ces guerres qui viennent, Le Fantascope Editions, 2010, p. 255.
[11] 72% des Français opposés à l’intervention militaire française en Afghanistan, in blog secret defense Jean - Dominique Merchet, 24 février 2011.
[12] “Nato helps Taliban leaders to get to Afghan talks”, in International Herald Tribune, Thursday, October 21, 2010.
[13] Voir sur ce thème, Afghanistan Analysts Network, Matt Waldman and Thomas Ruttig, Peace Offerings, Theories of conflict resolution and their applicability to Afghanistan, AAN Discussion Paper 2011.
[14] Henri Paris, Ces guerres qui viennent, op.cit., p. 260.
[15] http://www.foreignpolicy.com/articles/2011/02/22 It Takes a Network, The front line of modern warfare by Stanley A. McChrytal, March/April 2011.
[16] Au 15 août 2010, les Etats-Unis comptent 1 226 soldats morts en Afghanistan sur un total de 2002 soldats de la coalition morts dans ce conflit.
[17] Afghan talks focus on long-term strategy, Kabul, US hopes to keep bases past 2014, and Russians see threat to transition, By Rod Nordland, International Herald Tribune, April 19, 2011.
[18] Questioning counterinsurgency, West Point, New York, in International Herald Tribune, May 29, 2012
[19] defense.gouv.fr/operations/afghanistan/actualités/afghanistan-retrait-des-helicopteres-tigre
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