Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Membre du laboratoire HABITER (EA 2076) de l’Université Reims Champagne-Ardenne. Elle est notamment co-auteure chez Ellipses de Histoire, Géographie, Géopolitique. Concours d’entrée aux grandes écoles, Coll. Atout concours, Paris, 2015 ; et Un monde multipolaire. Géopolitique et géoéconomie, Coll. CQFD, Paris, 2014.
Que retenir d’avril 2016 ? Voici une synthèse de l’actualité internationale d’avril 2016 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique ou préparent les oraux des concours. Pour ne rien manquer, le mieux est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information.
En Afrique du Sud, le président Jacob Zuma a été reconnu coupable de violation de la Constitution par la Cour constitutionnelle, d’avoir utilisé des fonds publics – environ 15 millions d’euros -pour rénover sa résidence privée. L’opposition appelle à sa démission, mais il semble seulement enclin à rembourser une partie des sommes litigieuses. Une procédure de destitution est peu réaliste, à contrario de ce qui se passe actuellement au Brésil, car l’ANC est majoritaire derrière un président issu de ses rangs. La situation est très différente au Brésil.
Au Brésil, la présidente Dilma Rousseff est menacée de destitution dans le cadre du vaste scandale politico-financier autour de Petrobras, compagnie pétrolière brésilienne qu’elle a dirigée. Celui-ci éclate dans un contexte économique dégradé, une récession à laquelle il faut ajouter un taux de chômage à 10% ; la firme Petrobras a licencié, à elle seule, 170 000 salariés en deux ans. Contrairement à Jacob Zuma, Dilma Rousseff gouverne avec une coalition au sein de laquelle elle perd progressivement tous ses soutiens, sa destitution est donc envisageable.
En Irak, environ 1 500 prisonniers ont été libérés de Daech qui recule dans les régions d’Al-Anbar et Ramadi. La population civile reprend lentement possession de son territoire.
En Syrie, l’armée loyaliste de Bachar el-Assad avance à partir de Palmyre, reprise il y a peu. La prise de Qaryatain ouvre la voie entre la capitale Damas et le zones orientales riches en hydrocarbures, à l’Est du pays. Daech a attaqué au gaz moutarde l’armée syrienne.
La population d’Alep est soumise à un intense bombardement, prise en étau entre les forces gouvernementales d’un côté et les « rebelles » - un mouvement hétéroclite qui va des modérés jusqu’au salafistes – de l’autre. La situation est très détériorée.
Ankara se rapproche de nouveau de Tel-Aviv, après s’en être éloigné depuis 2010. Tous deux craignent les conséquences de la guerre en Syrie, comme le retour sur la scène internationale de l’Iran. Israël retrouve ainsi son rare allié dans sa région.
En Arabie saoudite, le roi Salman reçoit Obama dans un contexte de tension (montée en puissance de l’Iran), le Congrès américain étudie la possibilité de juger la responsabilité de Riyad dans les attentats du 11 septembre.
Le marché du pétrole est aussi très tendu avec un brut dont le cours est passé sous la barre des 50 $ le baril. L’Arabie saoudite annonce un nouveau fonds souverain de 2 000 milliards de $ d’ici 20 ans, financé notamment par la vente de 5% de l’Aramco, la très riche et puissante compagnie pétrolière saoudienne, le tout pour préparer l’après-pétrole. L’objectif est aussi de conserver le leadership régional menacé par le retour sur la scène internationale et régionale de l’Iran.
Au Pérou, le président Ollanta Humala ne peut plus se représenter aux élections. La présidentielle oppose notamment Keiko Fujimori – dont le père ancien président péruvien est actuellement en prison – à et Pedro Pablo Kuczynski, ancien premier ministre. Le second tour des présidentielles se déroulera début juin.
Au Venezuela, le bras de fer entre le président Maduro et l’opposition qui a remporté les élections législatives continue. Le Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme a pris position pour l’amnistie des opposants politiques emprisonnés. La situation est très délicate comme le révèlent le surprenant plan d’économie d’énergie – dans un pays pétrolier qui sur le papier dispose d’importantes réserves dans le delta de l’Orénoque – qui rationne l’électricité dans la partie la plus densément peuplée du pays, mais aussi et surtout les queues de plusieurs heures pour acheter des denrées alimentaires de base (farine, riz...) ; la situation sociale est explosive. Il faut se souvenir que le Venezuela était l’un des pays les plus industrialisé du continent latino-américain au début du XXème siècle...Le président Maduro pourrait être révoqué pour incapacité à diriger le pays à l’issue d’un referendum que souhaite organiser au plus tôt l’opposition qui affirme avoir déjà collecté environ un million de signatures.
Au Brésil comme au Venezuela, la démocratie semble s’enraciner, même si c’est dans la douleur.
Buenos Aires a récemment changé de président et remboursé ses dettes. Aujourd’hui un procès retentissant aboutit à la condamnation d’un chef d’entreprise et de trois anciens policiers pour crime contre l’humanité. Ainsi, 40 ans après le début de la dictature de sinistre mémoire de Jorge Videla, l’Argentine essaie d’apurer ses comptes avec son sombre passé. Ce procès est peut-être le début d’une ère qui en comptera beaucoup d’autres : l’armée n’est plus la seule accusée, les entreprises se sont aussi rendues complices de la dictature en dénonçant des syndicalistes, en acceptant des centres de rétentions au sein de leurs murs... L’association des Grand-mères espère toujours retrouver les centaines d’enfants volés par la dictature. Le président américain Obama, en visite dans le pays, s’est engagé à déclassifier des documents américains « sensibles » concernant la dictature argentine.
Après avoir réglé récemment le contentieux qui l’opposait aux « fonds vautours », l’Argentine a pu retourner sur les marchés financiers et vient de lancer un emprunt de 68 milliards de dollars, à un taux de 7,5% sur 10 ans, ce qui est remarquable quand on connait le passif financier du pays et l’inflation qui tourne autour de 30% aujourd’hui.
Cette bonne nouvelle financière est concomitante de la mise en cause du président argentin dans le cadre du scandale « Panama papers ».
Les iles grecques ont vu l’expulsion vers la Turquie de plusieurs centaines de migrants arrivés illégalement sur le territoire hellène, en vertu de l’accord signé avec Ankara sous la pression de la chancelière allemande. Les fonctionnaires grecs sont en peine de gérer des migrants qui, pris de panique, quittent leur lieu d’accueil. Amnesty International accuse la Turquie de refouler les Syriens vers leur pays natal. Le chaos n’est pas loin, alors que l’Union européenne ne s’est honorée en rien en signant cet accord, qui ne règle nullement la question migratoire en provenance d’Afrique du Nord. Depuis le début de l’année 2016, l’Italie enregistre une augmentation de 80% de l’arrivée de migrants économiques, en provenance d’Afrique (près de 25 000).
Matteo Renzi, premier ministre italien, a proposé des « UE-Africa bonds » pour financer en Afrique des projets de développement économique en échange d’un meilleur contrôle des flux migratoires. De nombre pays européens ont adhéré à ce projet, mais pas l’Allemagne qui ne veut pas de déficits supplémentaires et préfère une taxe à l’échelle de l’Europe sur l’essence pour financer l’accueil des migrants.
Rome s’indigne de la volonté autrichienne d’ériger une « barrière » qui fermerait le col du Brenner aux flux migratoires, dénonçant une résolution « portant un coup dur aux valeurs de l’Europe ». Il est évident que si une telle barrière devait exister, elle ne manquerait pas de jouer un rôle de goulet d’étranglement sur les flux routiers et menacerait près du quart des exportations italiennes.
A l’heure d’un possible Brexit, les Pays-Bas ont organisé un referendum sur un traité d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine. Les Néerlandais se sont prononcé (64% des votes), par voie référendaire, contre ce traité accepté par déjà 27 membres de l’Union et le Parlement européen. Au-delà de l’Ukraine, il faut voir dans ce vote un rejet de la politique de l’Union européenne.
En Espagne, la crise politique issue des élections législatives continue : les partis politiques ne parviennent pas à s’entendre : de nouvelles élections sont probables le 26 juin 2016.
Le torchon brûle entre Berlin et la Banque centrale européenne (BCE). L’Allemagne s’oppose à ce que la BCE utilise davantage d’argent public – la « monnaie hélicoptère » qui arrose les marchés – elle lui répond en mettant en avant son indépendance.
Norbert Hofer, du parti d’extrême droite FPö arrive en tête au 1er tour des élections présidentielles autrichiennes. C’est la confirmation de la vague populiste en Europe, elle traduit une défiance vis-à-vis de l’Union européenne libérale, un désir de retour à davantage de souveraineté (un retour aux frontières dans en Europe de Schengen sans frontières ?) et une inquiétude face aux flux migratoires...
Le Parlement européen vient de voter une directive sur le secret des affaires, pour s’attaquer au réel problème qu’est celui de l’espionnage industriel qui concernerait près du quart des entreprises européennes. Ce vote, hasard du calendrier, intervient au moment où les lanceurs d’alerte sont sous le feu de l’actualité avec les scandales « Panama papers » et « Luxleaks ». C’est d’ailleurs au Luxembourg qu’a lieu le procès contre ceux qui ont révélé le « Luxleaks » – Antoine Delcourt et Raphaël Halet – ils sont accusés de vol d’informations et de diffusion de secrets d’affaires... Le prix du citoyen européen du Parlement européen a été décerné à Antoine Delcourt en 2015 pour avoir dénoncé les multinationales qui profitaient d’une législation fiscale des plus « accommodantes » du Luxembourg pourtant au cœur de l’Union européenne... et dirigé par Jean-Claude Juncker – entre 1995 et 2013 – avant qu’il ne devienne président de la Commission européenne. Le dumping fiscal est une plaie de l’Europe communautaire.
Le président Obama s’est notamment rendu au Royaume Uni où il a pris publiquement position contre le Brexit, et en Allemagne où il a vanté les vertus du traité transatlantique, ainsi que celles de la chancelière « elle est du bon côté de l’Histoire » a-t-il ainsi déclaré. Après la signature de l’accord transpacifique fin 2015, Obama souhaite que cet accord de libre-échange qui lierait les deux rives de l’Atlantique Nord – un « Otan économique » - voit le jour avant la fin de son mandat, ce qui permettrait de terminer sur une belle victoire. Les réticences européennes sont aujourd’hui plus vives après les révélations de l’écoute des chefs d’Etat européen par la NSA, le scandale Volkswagen qui a éclaté aux Etats-Unis au moment où la firme allemande est devenue le leader mondial de son secteur. E. Valls n’a pas caché ses réticences et le président américain craint qu’un Brexit ne ralentisse la signature d’un tel accord, comme la possibilité qu’il soit le début du détricotage d’une Europe très atlantiste et libérale. Les Européens sont aujourd’hui plus perplexes face à la signature de cet accord, y compris en Allemagne où – d’après un sondage de la Fondation Bertelsmann – 55% y étaient favorables il y a deux ans mais seulement 17% désormais.
Des journalistes d’investigation rendent public des documents sur des comptes off-shore impliquant des hommes politiques (Arabie saoudite, Argentine, Brésil, Islande Royaume Uni, Ukraine...), des proches du pouvoir politique (Azerbaïdjan, Chine, Maroc, Russie...), des sportifs de haut niveau ... tout cela alors que le Panama vient d’être retiré de la liste grise des paradis fiscaux. Il s’agit probablement d’un scandale de fraude fiscale voire de détournement d’argent public, les conséquences seront nombreuses : la chute du gouvernement islandais,... Ce scandale nous aide à mieux comprendre pourquoi il est si difficile de mettre en place une régulation de la mondialisation « grise »... Le G20 définit une liste de pays qualifiés de « non coopératifs » contre la fraude fiscale.
Pékin vient de rendre opérationnel un système chinois de cotation de l’or en yuan. Depuis l’automne 2015 la monnaie chinoise appartient au panier de devise utilisé par le FMI, cette nouvelle mesure ne fait que renforcer l’internationalisation de cette monnaie. Cette décision est prise car la Chine est l’un des plus importants consommateurs d’or au monde, elle s’opère en plus au moment où le cours de l’or remonte.
Cette affirmation de la puissance chinoise n’est pas seulement monétaire. Elle est aussi largement militaire – ce qui ne cesse d’inquiéter les voisins de l’empire du Milieu – mais aussi politique car Xi Jinping , qui mène une opportune lutte contre la corruption qui touche d’abord ses challengers, s’est présenté sous les atours du commandant en chef de l’armée populaire de libération.
L’avion Solar Impulse 2 vient de terminer sa traversée du Pacifique. Parti d’Abu Dhabi, il a rejoint San Francisco en 62 heures, avec escales, mais sans carburant. Une révolution !
Airbus annonce avoir sorti son premier avion « made in America », un A321 fabriqué aux Etats-Unis (à Mobile) pour la compagnie américaine JetBlue. Cette chaîne de fabrication sur le sol américain est un moyen pour la firme européenne d’obtenir des contrats outre-Atlantique, mais aussi de fabriquer en « zone dollar » ce qui est intéressant quand l’euro à un niveau élevé. Cela pose néanmoins la question des emplois, dans un pays qui comme la France, est touché par la désindustrialisation. Ainsi, le diagnostic du géographe François Bost (Université de Reims Champagne-Ardenne) sur la désindustrialisation du pays est confirmé par la publication d’une nouvelle étude de l’INSEE : la part de la valeur ajoutée dans la production manufacturière est passée de 22.3% en 1970 à 11.2% en 2014 la baisse est très marquée entre 2000 et 2007, la part de l’emploi industriel est passé de 23% en 1970 à 10% en 2014, c’est bien sûr lié à l’externalisation des tâches de l’entreprise, c’est néanmoins inquiétant car l’industrie est au cœur de la Recherche-développement.
La société MSC Croisières vient de signer un contrat pour la construction de 4 navires, des « géants des mers ». Le contrat s’élèverait à 4 milliards d’euros. Une très bonne nouvelle pour les chantiers de Saint-Nazaire, car cela représente environ 17 millions d’heures de travail.
La France vient de signer, grâce à la DCNS, un contrat "historique" de 34 milliards d’euros, mais seulement 8 milliards pour la DCNS... sous-traitance oblige... Il porte sur la construction de 12 sous-marins Barracuda... tous fabriqués en Australie ! Ce contrat assure du travail pour 4 000 personnes de la DCNS mais aussi 50 ans de maintenance et de formation. L’Australie a choisi la France, non seulement en raison de la grande qualité du matériel et du savoir-faire français, mais aussi parce que géopolitiquement c’est un partenariat plus acceptable par la Chine (l’Australie modernise sa flotte car l’agressivité de la Chine l’inquiète) qu’un lien stratégique de 50 ans avec le Japon... qui espérait le contrat ! France et Australie sont déjà partenaires dans la sécurisation de l’océan Indien. Ce contrat s’accompagne de transferts de technologies. L’Arabie saoudite a fait savoir que désormais les contrats d’armement qu’elle signera devront aussi donner lieu à des transferts de technologies.
Avril 2016-Degans/Diploweb.com
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Ce volume Actualité internationale rassemble les synthèses de janvier à décembre 2015.
Les références de cet ouvrage sont : Axelle Degans, Actualité internationale 2015, éd. Diploweb.com, 2016. ISBN : 979-10-92676-07-5
Bonne lecture ! Axelle Degans
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