Professeur de chaire supérieure. Agrégée d’histoire, notamment co-auteure de Un monde multipolaire. Géopolitique et géoéconomie, Coll. CQFD, Paris, Ellipses, 2014 ; et Les grandes questions internationales, Paris, Studyrama 2013. Professeure d’histoire, de géographie et de géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales.
Voici une synthèse de l’actualité internationale d’avril 2015 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique ou préparent les oraux des concours. Pour ne rien manquer, le mieux est de s’abonner à notre compte twitter.com/diploweb.
La coalition menée par l’Arabie saoudite a multiplié les bombardements au Yémen pour affaiblir les positions des Houthis, minorité chiite bien implantée au Yémen. Ces derniers ont déjà pris possession de Sanaa et menacent Aden. La coalition menée par Riyad est soutenue par l’Egypte. Comme les puissances occidentales et régionales (à l’exception notable de l’Iran), l’ONU demande aux Houthis de mettre fin à leur offensive. Il faut aussi se souvenir que le Yémen est un sanctuaire d’Al-Qaida (les Frères musulmans y sont aussi bien implantés), où se sont entrainés nombre de terroristes dont ceux qui ont perpétré les attentats de janvier 2015 en France... or les Houthis combattent ces jihadistes de l’AQPA (Al-Qaida dans la péninsule arabique) qui se sont emparés de Moukalla, chef-lieu de la province orientale de l’Hadramaout. L’EI commence à s’implanter au Yémen, profitant de la guerre actuelle, revendiquant deux attentats suicides à Sanaa dans les mosquées chiites, attentats qui ont fait près de 140 morts. Les jihadistes prospèrent à l’ombre de l’intervention menée par la coalition, et ne subissent aucune frappe aérienne : cela va dans le sens d’un conflit régional Iran/Arabie saoudite transposé au Yémen. Cette guerre a déjà fait plus de 1000 morts et des milliers de blessés selon l’ONU ; le Yémen, pays le plus pauvre de la péninsule arabique, s’enfonce chaque jour un peu plus dans le chaos... la catastrophe humanitaire est proche. L’Arabie saoudite hésite à envoyer des troupes au sol... et annonce la fin de ses frappes aériennes de « tempête décisive ».
Al- Nostra, branche syrienne d’Al-Qaida a pris possession de la ville d’Idleb, et maitrise désormais toute la province d’Idlib en plus de celle de Rakka. L’armée de Bachar Al Assad a subi plusieurs revers, notamment dans la province de Deraa. Daesh a assassiné une quarantaine de personnes – y compris des enfants – en majorité chrétiennes. La situation des chrétiens d’Orient est des plus préoccupantes, le pape François s’en fait le relais. La ville de Tikrit – fief de Saddam Hussein – a été reprise aux jihadistes au prix de très durs combats menés par des soldats appuyés par des milices chiites. L’EI tient toujours Mossoul au nord et sa région pétrolifère, mais les Yazidis sont parvenus à contrer les jihadistes dans les monts Sinjar.
Le Sinaï égyptien est en partie aux mains des jihadistes d’Ansar Beït Al Maqdess qui ont fait allégeance à Daesh. Une trentaine de personnes y ont été tuées, le Sinaï est quasiment une zone de non-droit.
Daesh s’est considérablement renforcé en Libye autour de Derna et Syrte, contrôlées par Ansar al-Charia. Cette organisation vient d’assassiner une trentaine de chrétiens éthiopiens, pour leur appartenance religieuse, et aussi parce qu’Addis Abbeba est intervenue contre les Shebab somaliens.
Près de 70 personnes ont été assassinées sur le campus universitaire de Garissa au nord du Kenya. Cette dramatique attaque a été revendiquée par les Shebab somaliens, branche somalienne d’Al Qaida. Nairobi est intervenue avec l’Unité africaine pour chasser les Shebab de la capitale somalienne Mogadiscio, et depuis ils multiplient les attentats contre la puissance régionale kényane. Ces assassinats ont ciblé des étudiants chrétiens, les étudiants musulmans ont été épargnés.
Le président sortant Goodluck Jonathan a reconnu sa défaite électorale et la victoire de Muhammadu Buhari. C’est la première alternance politique réussie depuis le retour du pouvoir aux civils en 1999.
Rien n’est gagné pour autant. La lutte contre la corruption demeure une gageure, mais le nouveau président bénéficie d’une certaine confiance dans ce domaine. La lutte conte la secte Boko Haram est un immense défi, même si Muhammadu Buhari a déclaré vouloir l’éradiquer. Cet ancien militaire a déjà été au pouvoir entre 1983 et 1985 au sein d’une junte, il a laissé en souvenir son goût pour la discipline. Cela sera-t-il suffisant pour mettre fin aux exactions de Boko Haram (rapt de plus de 2000 femmes et fillettes depuis la fin 2013 par exemple) ? Le Nigéria est un pays émergent de 173 millions de personnes – le géant démographique africain – dont le PIB est passé devant celui de l’Afrique du Sud, il dispose d’une rente pétrolière et pourtant la majorité de la population vit avec moins de 2 dollars par jour. Ce pays est miné par la corruption, les inégalités et de fortes tensions religieuses entre les musulmans du nord et les chrétiens du sud. Les chantiers sont nombreux pour le nouveau président.
Les migrants fuient souvent des situations de guerre ou d’oppression (Soudan, Somalie, Erythrée...), ils sont pris en charge par de véritables trafiquants d’être humains pour pouvoir traverser la Méditerranée après parfois avoir transité par le Sahara. Ce voyage peut durer jusque deux ans. Les migrants s’entassent dans des embarcations de fortune pour lesquelles ils ont payé leur place plus de 3 000 euros.
La pression migratoire se fait plus forte, l’agence européenne estime qu’entre 600 000 et un million de personnes attendent, entassées dans des camps libyens aux conditions très précaires, de pouvoir traverser la Méditerranée. Cela inquiète au plus haut point l’Italie qui a déjà reçu plus de 20 000 immigrants clandestins sur le premier trimestre 2015 ; elle est particulièrement sous pression en étant l’une des principales portes d’entrée sur le territoire communautaire.
L’Europe se trouve confrontée à l’urgence du défi migratoire, après la mort de plus de 700 personnes en un seul naufrage, et de plus de 1500 depuis le début de l’année 2015. Frederica Mogherini, chef de la diplomatie européenne déclare « l’Union européenne n’a plus d’alibi ». A l’évidence elle ne peut laisser quelques pays – au premier rang desquels l’Italie – assumer la politique migratoire de l’Union, pas plus que la ville de Calais ne peut assumer seule – ou presque – celle du Royaume Uni.
Que faire ? Augmenter les navires pour repêcher les migrants ? En 2014, 170 000 immigrants clandestins ont été sauvés par l’opération Mare nostrum (budget 9,3 millions d’euros par mois), l’immense majorité est accueillie en Italie. Augmenter la capacité d’accueil des centres ? L’Italie craint l’arrivée de plus de 500 000 réfugiés sur son territoire cette année. Lutter contre les « passeurs », nouveaux trafiquants d’êtres humains qui les laissent se noyer sans état d’âme ? C’est ce que propose Matteo Renzi qui dénonce un « nouvel esclavagisme » et envisage d’utiliser des drones militaires contre les embarcations encore vides. Développer la politique de co-développement avec les foyers émetteurs pour décourager en partie les départs ? Passer des accords avec les différentes factions libyennes pour qu’elles ne laissent plus passer les flux, comme au temps de Kadhafi ? Le chaos libyen actuel explique en grande partie l’intensification des flux migratoires, faut-il alors intervenir de nouveau en Libye ? L’Union convoque un sommet européen extraordinaire pour essayer de trouver des solutions à une situation qui ne l’est pas moins. L’Europe est prise entre devoir moral d’aide et éviter de multiplier les candidats au départ. L’Union décide de tripler l’enveloppe de Triton (autour de l’Italie) et Poséidon (autour de la Grèce), au risque d’encourager les trafiquants, et réfléchit à une possible intervention militaire pour détruire les embarcations encore vides.
Les Arméniens commémorent le centenaire du début du génocide sous l’empire ottoman. L’Eglise arménienne a décidé de canoniser 1,5 millions de victimes, et la capitale arménienne Erevan organise une cérémonie commémorative à laquelle participent les présidents français et russe, par exemple, pour le plus grand déplaisir d’Ankara. L’Allemagne reconnait aussi ce génocide des Arméniens, une première pour un pays qui accueille une forte communauté turque.
Le président sortant, Islam Karimov, âgé de 77 ans, a été réélu sans surprise pour un nouveau mandat de 5 ans alors qu’il dirige son pays depuis déjà un quart de siècle. La Constitution de l’Ouzbékistan limite pourtant la présidence à deux mandats successifs...
Le premier ministre Taavi Roivas est désormais à la tête d’une vaste coalition gouvernementale entre parti de la réforme et sociaux-démocrates.
Le parti du Centre a remporté les élections législatives, son leader Juha Sipila devra constituer un gouvernement de coalition. Il le fera peut-être avec le parti arrivé en deuxième position aux élections, le parti des Finlandais de Timo Soini, un parti volontiers eurosceptique et xénophobe. La Finlande vieillissante vit très mal l’effondrement du rêve Nokia.
Il n’y a pas eu rupture des négociations entre l’Iranet les grandes puissances à Lausanne. Téhéran demande en préalable à toute avancée claire une levée des sanctions économiques qui étouffent son économie depuis longtemps, mais ces sanctions ne seront levées que progressivement. Les négociations portent aussi sur la capacité de Téhéran à fabriquer une bombe, la communauté internationale veut un « break out time » qui lui donnerait le temps d’agir si l’Iran se dotait d’une bombe en moins d’un an... Les positions américaine et française ne se rejoignent pas forcément, Riyad est très hostile à un accord avec son rival régional qu’elle accuse de soutenir la rébellion houthie.
Un accord sur le nucléaire permettrait une vraie renaissance économique de l’Iran qui pourrait aussi réexporter davantage de pétrole... et redevenir tout simplement une grande puissance régionale.
Les Européens demandent davantage de réformes à Athènes, à rebours du programme sur lequel a été élu l’actuel gouvernement. Alexis Tsipras s’est rendu à Moscou pour obtenir le soutien de Vladimir Poutine, en pleine crise ukrainienne. Moscou ne réglera pas les dettes de son allié grec, mais ce rapprochement fait évoluer la géopolitique interne au continent européen. Pourtant pas plus qu’il n’a trouvé un soutien financier à Moscou, le gouvernement grec n’en a trouvé auprès de Washington où Obama a conseillé de « faire des réformes difficiles ». Le FMI lui a refusé un rééchelonnement uniquement accordé aux pays pauvres en grande difficulté. Or le 12 mai, la Grèce doit rembourser 747 millions d’euros au FMI...La Grèce se rapproche en fait un peu plus du défaut de paiement, épouvantail dont elle use face à ses créanciers européens. La popularité du gouvernement grec commence à s’éroder auprès de ses administrés.
Les conservateurs, au pouvoir depuis 2006, dont la réélection en 2014 est contestée par l’opposition, font face à de nombreux scandales : népotisme, corruption, intimidation... L’opposition boycotte désormais le Parlement et la Macédoine ne prend plus aucune réforme, son processus d’adhésion est lui aussi bloqué...notamment par son voisin grec qui lui interdit l’usage du nom de Macédoine au motif qu’elle ne peut être que grecque. Un autre drame balkanique...
Washington a envoyé 300 parachutistes, des instructeurs qui doivent former des soldats de la Garde nationale ukrainienne, à environ 1000 km de la ligne de front. Leur mission devrait durer 6 mois. Cette affirmation par les Etats-Unis d’une position plus dure ne peut être ressentie que comme une provocation au Kremlin. Le Canada devrait à son tour envoyer 200 instructeurs au cours de cet été.
La croissance chinoise devrait être de 7% pour 2015, la plus basse depuis une quinzaine d’années, si ce n’est en 2009. Certains signes inquiètent Pékin comme la décélération de la hausse de la production industrielle ou celle de l’investissement, sans compter que les exportations sont moins dynamiques ; une croissance qui semble moins assurée que par le passé. Il est tout à fait possible que Pékin doive soutenir l’activité, elle doit surtout veiller à corriger les nombreux déséquilibres – et pas seulement économiques - pour pérenniser son modèle actuel ; à moins d’en changer radicalement.
Le président chinois Xi Jinping s’est rendu chez son allié en Aise du sud, le Pakistan. Pékin veut y construire un vrai corridor de transport vers la mer d‘Arabie (et Gwadar) et y investit une vingtaine de milliards de dollars par le biais des fonds pour la nouvelle route de la soie.
La Corée du Sud accueille le 7ème forum de l’eau, qui rappelle à quel point l’accès à l’eau potable demeure un enjeu essentiel pour près de la moitié de la population mondiale. L’approvisionnement des grandes métropoles, y compris dans les pays riches et développés, sera bientôt problématique : il faudra ménager les ressources et retraiter davantage l’eau. La Californie, dont l’approvisionnement en eau est déjà problématique, s’oriente vers le dessalement de l’eau de mer, comme à San Diego.
Ce géant de l’Internet est accusé par la Commission européenne d’abuser de sa situation dominante et d’empêcher le libre jeu de la concurrence, en particulier dans le domaine des comparateurs de prix. Google favorisant les sociétés qui lui sont associées. Ce moteur de recherche détient près de 90% du marché européen, sa politique a donc un impact immense. Trois sociétés ont déposé plainte contre Google il y a déjà maintenant 5 années. Google peut choisir d’amender ses pratiques – rendre plus visibles ses concurrents – ou d’espérer que les conclusions de l’enquête lui soient favorables, pour éviter une amende qui peut atteindre 10% de son chiffre d’affaires, environ 6 milliards d’euros.
L’entreprise UK Oil & gas Investments annonce avoir trouvé du pétrole en forant près de l’aéroport de Gatwick, peut-être « plusieurs milliards de barils ». Il faut néanmoins attendre d’autres forages avant de rêver d’avoir le Koweït en banlieue de Londres.
Les Etats-Unis sont depuis 2013 les premiers producteurs mondial de pétrole – devant l’Arabie saoudite- et de gaz naturel devant la Russie. L’augmentation de leur production d’hydrocarbures en 2014 n’a fait que renforcer leur statut de leader mondial des hydrocarbures, avec 28,3 millions de milliards de BTU (British Thermal Unit) pour le pétrole et 26,3 pour le gaz selon le département américain de l’énergie (US Energy Information Agency). Ces records sont liés à l’exploitations des huiles et gaz de schistes par Washington qui opère ainsi une véritable révolution énergétique, à l’origine d’un nouveau « choc pétrolier » puisque l’or noir se négocie aux environs de 50-55 dollars le baril. Tous les grands consommateurs de matières premières et énergétiques y voient un ballon d’oxygène, ce qui n’est pas le cas des producteurs. Les difficultés économiques du Venezuela sont aggravées par la chute des cours du pétrole, le Groenland voit quant à lui s’éloigner l’horizon d’une indépendance basée sur l’exploitation de ses matières premières.
Le sommet des Amériques, organisé à Panama est historique car l’occasion de la rencontre entre le président des Etats-Unis et Raul Castro. Une page est en train de se tourner alors que la Guerre froide s’est terminée depuis un quart de siècle. La levée de l’embargo n’est pas d’actualité car elle ne peut être décidée que par le Congrès américain dominé par les Républicains. Le président Obama a pris position en faveur du retrait de Cuba de la liste des pays soutenant le terrorisme. C’est un geste fort en faveur du réchauffement des relations entre les deux pays. Au niveau géopolitique, les Etats-Unis d’Obama se recentrent en partie sur une Amérique latine délaissée jusque là par cette administration... mais courtisée par la Chine qui prête de l’argent à Petrobras ou au Venezuela de Maduro.
Le premier ministre indien, Narendra Modi en visite à Paris fait la promotion du « make in India », et appelle les entreprises européennes à venir investir en Inde. L’Inde espère accueillir sur son sol des chaines de montage d’Airbus. La France et l’Inde sont en cours de négociation d’un contrat portant sur 126 Rafales depuis trois ans. Finalement New Delhi s’orienterait plutôt sur 36 Rafales construits en Europe. C’est une très bonne nouvelle pour l’industrie française, Dassault en tête, un deuxième succès à l’exportation en deux mois. L’Inde, quant à elle, dispose d’un outil militaire vieillissant alors qu’elle est entourée de pays voisins jugés menaçants (Pakistan et Chine), cela explique la signature de contrats d’armement. D’autres suivront peut-être. La Pologne pourrait acheter 50 hélicoptères à Airbus.
La France vient de vendre 48 missiles Milan ainsi que 16 postes de tir au Liban pour l’aider dans sa lutte contre le terrorisme, et notamment Jabhat Al-Nostra. Le tout est financé par Riyad.
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