Docteur en histoire, professeur agrégé de l’Université, Patrice Gourdin enseigne à l’École de l’Air. Il intervient également à l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence. Membre du Conseil scientifique du Centre géopolitique, l’association à laquelle le Diploweb.com est adossé.
Organisations non-gouvernementales, multinationales et entreprises de mercenaires... Quel rôle des acteurs non-étatiques légaux jouent-ils dans la crise ou le conflit ?
Quels sont les outils pour étudier ces acteurs non-étatiques légaux intervenant un territoire précis ? Quelles informations rechercher, recouper, analyser ?
Voici un extrait gratuit de l’ouvrage de référence de Patrice Gourdin, "Manuel de géopolitique" (éd. Diploweb), disponible au format papier sur Amazon.
Richard N. Haass, ancien haut fonctionnaire du Département d’État américain et président du Council on Foreign Relations depuis 2003, souligne l’absence de polarité du monde actuel. Il existe non pas quelques pôles étatiques de pouvoir régissant les affaires internationales, mais de nombreux centres dotés chacun d’un pouvoir significatif. Certes, des États se détachent et pèsent à l’échelle mondiale : les États-Unis, les 27 pays membres de l’Union européenne, le Japon, la Chine, l’Inde. Mais ils doivent compter avec la concurrence de puissances régionales : Brésil, Nigeria, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Égypte, Iran, Israël, Pakistan, Indonésie, Corée du Sud, Australie, pour ne citer que les principales. Il faut aussi prendre en considération des entités territoriales qui pèsent plus lourd que nombre d’États : la Californie, l’Uttar Pradesh, New York, São Paulo ou Shanghai, notamment. En outre, ils composent avec d’autres entités : organisations mondiales (ONU, FMI, Banque mondiale), régionales (Union africaine, Ligue des États arabes, ANASE, Organisation des États américains etc.) ou spécialisées (de l’ONU, ou de producteurs comme l’OPEP, par exemple), dont ils sont partie prenantes. Mais ils rencontrent aussi moult organisations non gouvernementales dans leur administration quotidienne des intérêts dont ils ont la charge. De plus, ils n’ont pas toujours prise sur les entreprises multinationales, dont certaines jouissent d’une influence supérieure à celle d’un État. Enfin, ils se heurtent aux guérillas et autres milices ou mafias, qui les combattent [1]. Le pouvoir n’est donc à l’évidence pas concentré dans quelques pôles et les acteurs non-étatiques – légaux comme illégaux – pullulent.
Tout organisme ne dépendant pas d’un État ne constitue pas forcément une menace. Des entités légales plus ou moins indépendantes des États peuplent la scène internationale. Certaines tentent d’y améliorer la condition humaine, d’autres y déploient leurs activités économiques. Enfin, pour contestables que puissent être tout ou partie de leurs méthodes et de leurs agissements, les mercenaires contemporains agissent sous le couvert d’entreprises conformes aux normes juridiques en vigueur. Un regard sur l’actualité montre que chacune de ces entités pèse sur l’évolution du monde contemporain.
Il existe des groupes qui saisissent les opportunités leur permettant de faire avancer la cause du genre humain : les organisations non gouvernementales (ONG) [2]. Loin de constituer une nouveauté, ces associations héritent d’une longue histoire. L’humanisme et le christianisme européens du XVIe siècle se posèrent la question de l’humanité des populations soumises (Las Casas, Montaigne, entre autres) ; au XVIIIe siècle, les philosophes des Lumières et les Églises discutèrent de la compatibilité entre l’esclavage et la liberté. Ainsi naquit, dans les années 1770, le mouvement abolitionniste, qui engagea un combat de plusieurs décennies pour obtenir la suppression de l’esclavage. Pour la première fois dans l’histoire, des associations indépendantes des États agissaient pacifiquement au sein des populations pour imposer à leurs gouvernements un changement majeur. Des pétitions forcèrent les dirigeants britanniques à légiférer contre le commerce des esclaves dès 1806 ; les négociateurs du Congrès de Vienne, en 1815, durent adopter de vagues engagements dans le même sens. En 1840 se réunit à Londres le premier congrès mondial des associations anti-esclavagistes et l’année suivante était adoptée une convention internationale prohibant le commerce des esclaves (20 décembre 1841). Dès 1816, Simon Bolivar abolissait l’esclavage et, sous la pression des associations, le mouvement se poursuivit tout au long du XIXe siècle (notamment : 1833-1838 en Grande-Bretagne, 1848 en France, 1865 aux États-Unis, 1888 au Brésil) puis du XXe siècle (par exemple : 1923 en Afghanistan et en Éthiopie, 1924 en Irak, 1963 en Arabie Saoudite, 1981 en Mauritanie, 1992 au Pakistan) [3]. Plus récente, mais néanmoins datant de 1859, l’initiative du Suisse Henri Dunant après la bataille de Solferino : créer des sociétés de secours pour venir en aide aux populations malades ou souffrantes et aux combattants blessés. Cela donna naissance à la Croix Rouge Internationale. En 1863, il réussissait à faire rédiger par une conférence regroupant des personnalités de quatorze pays différents des textes qu’il s’employa ensuite à faire adopter par les États (conférence de Londres, 1864), jetant ainsi les bases de l’actuel droit international humanitaire.
Dès avant la Première Guerre mondiale, il existait une coordination internationale des associations œuvrant pour la paix, ainsi qu’une pour celles luttant en faveur de l’égalité des femmes. En 1919, plus de 200 associations suivirent en direct les négociations de la paix, à Paris, exprimèrent leurs revendications et/ou points de vue et cherchèrent à influer sur les décisions. Par exemple, les pacifistes, les féministes et des associations de juristes pesèrent de toutes leurs forces en faveur de la création de la Société des Nations (SDN). L’article 25 du Pacte de la SDN encourageait les États à favoriser l’existence et les activités de la Croix Rouge. Durant l’Entre-deux-guerres, de nombreuses associations furent présentes à Genève et coopérèrent avec la SDN, qui ne dédaignait pas leur expertise.
Ces liens furent d’ailleurs institutionnalisés par l’article 71 de la Charte des Nations unies, adoptée en 1945 :
« Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s’occupent des questions relevant de sa compétence ».
Depuis cette date, plusieurs centaines d’ONG jouent un rôle consultatif, qui s’est étendu à l’ensemble du système onusien, ainsi qu’aux associations régionales comme l’Union européenne. La pression d’associations états-uniennes et autres s’avéra décisive, également, dans la prise en compte des droits de l’homme par la communauté internationale des États. Grâce à elles, ils figurent parmi les moyens du maintien de la paix dès le premier article (alinéa 3) de la Charte de San Francisco ; une Commission des droits de l’homme existe depuis 1946 et le 10 décembre 1948 elle adopta la Déclaration universelle des droits de l’homme, base de plusieurs dizaines de conventions internationales actuellement en vigueur. Certaines ONG s’emploient à dénoncer les pratiques attentatoires à ces droits dont les gouvernements se rendent coupables : Amnesty International, Human Rights Watch, par exemple. Leurs rapports contribuent à embarrasser les coupables et suscitent parfois des mouvements d’opinion qui contraignent la communauté des États à réagir.
Quand elles ne parviennent pas à susciter elles-mêmes la réprobation internationale contre tel ou tel régime, elles savent utiliser les hasards de la focalisation médiatique pour diffuser leurs informations et alimenter la condamnation morale. Force est de constater que cela ne suffit pas pour faire cesser les situations dénoncées, mais cela place les États mis en cause sur la défensive et la communauté internationale devant ses responsabilités. La guerre du Biafra, en 1967, constitua, à cet égard, une étape majeure. L’ampleur des atrocités commises à l’encontre des populations civiles poussa certains intervenants à rompre le silence [4] habituellement observé en ce genre de circonstances. Le précédent du mutisme de la Croix Rouge au sujet des exterminations nazies pesa lourd dans cette rupture des usages. Dans le même temps, des organisations caritatives franchirent illégalement les frontières du Nigeria pour secourir les victimes. Pour la première fois, au nom des droits de l’homme, certains enfreignaient le principe de souveraineté des États.
La fin de la Guerre froide ouvrit un espace plus large à l’influence et à l’action des ONG. Elles affichèrent davantage leur volonté de s’affirmer comme de véritables contre-pouvoirs au profit des plus déshérités. Elles s’érigèrent en défenseurs intransigeants des principes fondamentaux, refusant la “raison d’État“, et réclamèrent l’imprescriptibilité de certains crimes commis par des gouvernements ou des factions contre leurs propres populations. Ainsi obtinrent-elles la mise en place de la Cour pénale internationale en 2002 et elles alimentent en partie les dossiers de poursuite contre les responsables de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité ou de génocide.
Lorsque, à l’automne 2007, les moines bouddhistes birmans protestèrent contre la politique de la junte militaire au pouvoir, cette dernière finit par l’emporter, mais la conjonction de l’action des ONG et de la médiatisation de la crise ainsi que de la répression contraignit à une certaine retenue (au moins en public) et poussa les Chinois, pourtant fort peu regardants en la matière, à “conseiller“ la modération aux dirigeants birmans.
L’intense campagne en faveur des populations du Darfour déclenchée aux États-Unis, avec le soutien d’artistes aussi connus que George Clooney, a contraint le gouvernement Bush à un minimum d’action contre le Soudan. Préoccupée par les risques de nuisance alors qu’elle comptait sur les jeux olympiques qu’elle organisait en 2008 pour améliorer son image, la Chine pesa également sur ses alliés de Khartoum pour qu’ils atténuent leur intransigeance.
L’administration Poutine-Medvedev met tout en œuvre pour que la Tchétchénie offre l’aspect d’un territoire pacifié, qui aurait choisi de son plein gré et massivement d’élire un président prorusse, M. Kadyrov. Moscou se donnerait-elle tant de peine pour accréditer ce qui semble une normalisation factice si ne pesait pas sur elle le regard – légèrement – réprobateur de la communauté internationale, sensibilisée par des organisations comme Memorial ? D’ailleurs, depuis celui dont fut victime Anna Politkovskaïa en octobre 2006, la vague d’assassinats [5] qui frappe celles et ceux qui dénoncent depuis des années les atteintes aux droits de l’homme dans la région atteste indirectement de la gêne occasionnée.
L’action des écologistes, longtemps marginale, commence à peser sur les relations internationales. Comme pour d’autres causes par le passé (paix au Vietnam ou au Proche-Orient, lutte contre l’apartheid, pour la démocratie en Europe de l’Est ou en Birmanie, pour le droit du peuple tibétain à conserver son identité, par exemple), le jury du prix Nobel de la paix leur apporta, en octobre 2007, un concours déterminant. Il récompensa, conjointement, l’ancien vice-président américain Al Gore, pour son film documentaire intitulé Une vérité qui dérange, et le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). L’attribution du prix découlait de « leurs efforts de collecte et de diffusion des connaissances sur les changements climatiques provoqués par l’homme » et de leurs propositions, qui posaient « les fondements pour les mesures nécessaires à la lutte contre ces changements [6] ». Désormais et ce de manière plus solennelle – et plus efficace ? – qu’avec l’inscription des préoccupations environnementales dans les programmes de nombreux partis politiques, la défense de l’environnement possède ses lettres de noblesse : elle devient un combat de l’humanité et pour l’humanité. Il semble peu douteux que les timides avancées américaines au sommet de Bali en décembre 2007 ou l’homélie de Noël 2008 du pape Benoît XVI ne s’inscrivent dans le prolongement de cette consécration. D’ailleurs, l’environnement figurait en bonne place dans le programme du président américain élu fin 2008, Barack Obama.
La Fondation George Soros met tout en œuvre – comme beaucoup d’autres organisations moins connues –, depuis les années 1990, pour enraciner la démocratie pluraliste et l’économie de marché dans les anciens pays communistes. On évoque son rôle dans le renversement de Slobodan Milosevic en Serbie (2000), la “révolution des roses“ en Géorgie (2003), la “révolution orange“ en Ukraine (2005), voire la “révolution des tulipes“, au Kirghizistan (2005). Mais sa véritable influence sur ces événements demeure, en l’état de la documentation fiable actuellement disponible, impossible à évaluer.
Le rôle des ONG paraît si déterminant que la suspension de leurs activités devient un indicateur de l’état d’un pays ou de la communauté internationale. Ainsi, le retrait temporaire de Médecins sans frontières suscitait le titre suivant : « La Somalie, un vaste trou noir sur la carte des crises humanitaires » et inspirait ce commentaire : « avec la suspension de l’activité de Médecins sans frontières, Mogadiscio en ruines est menacé d’oubli [7] ».
Il faut toutefois se garder de tout angélisme. Rappelons que la manipulation fait partie de l’art de gouverner, comme de l’art de la guerre. Le détournement de l’humanitaire à des fins politiques, économiques ou militaires peut donc se produire. Certains individus ou groupes d’intérêts n’hésitent pas non plus à dévoyer certaines ONG.
D’une part, les États, voire les factions armées, ne se privent pas d’utiliser le prétexte humanitaire à leurs propres fins. Désireux de conforter les approvisionnements énergétiques de la France tout en préservant l’image de cette dernière, le général de Gaulle ordonna, en 1967, à Jacques Foccart d’apporter aux sécessionnistes du Biafra, un soutien tout à la fois militaire et humanitaire. Il y eut bien alors « instrumentalisation de l’humanitaire au service d’une guerre d’intérêts [8] ». Cela provoqua d’ailleurs un débat parmi les membres des ONG : Bernard Kouchner quitta Médecins sans frontières en 1979 parce que la majorité des praticiens membres de l’ONG refusaient une logique politique de l’humanitaire, préférant l’action concrète indépendante de l’État. Son parcours politique ultérieur paraît, à cet égard, cohérent : secrétaire d’État à l’action humanitaire de 1988 à 1992, ministre des Affaires étrangères depuis 2007, notamment. Il participa activement à la mise en place, en 2007, de la force européenne en Centrafrique et au Tchad, dans le cadre du conflit au Darfour, et la majorité des ONG exprimèrent des réserves : depuis de nombreuses années, elles évitaient soigneusement la confusion entre l’humanitaire et le militaire. Cela afin de convaincre les belligérants de leur neutralité, pour agir plus efficacement. Une autre raison les motivait : elles avaient constaté que les interventions de la communauté internationale provoquaient un afflux de réfugiés supplémentaires. Enfin, et peut-être surtout,
« si tout drame humain provoqué par un conflit politique doit conduire à une intervention internationale pour y mettre fin, tous les courants autonomistes ou indépendantistes qui estiment avoir, à tort ou à raison, des motifs de se rebeller auront intérêt à le faire [9] ».
Le cas du Kosovo en 1999 illustre ce risque. L’action humanitaire pose des dilemmes complexes et nécessite une analyse attentive.
D’autre part, l’ONU s’inquiéta, dès le milieu des années 1990 de la prolifération des organisations humanitaires et autres associations de défense des droits de l’homme dont certaines semblaient destinées à d’autres usages, notamment celui d’officines de renseignement pour le compte de groupes privés ou d’États. D’autres (ou les mêmes) s’avéreraient vouées à la désinformation comme dans le cas de la dénonciation, depuis 1996, de l’utilisation par la compagnie pétrolière Total d’une main d’œuvre soumise au travail forcé en Birmanie. Mais là encore, le jeu se révèle extrêmement pervers : qui déstabilise qui ? S’agit-il d’ONG malveillantes agissant pour le compte de concurrents, ou bien l’entité mise en cause masque-t-elle ses turpitudes en discréditant ses accusateurs ?
Si l’on en croit Vladimir Poutine, des organisations spécialisées dans la promotion de la démocratie et la défense des droits de l’homme œuvreraient à la déstabilisation de la Russie :
« Dans notre pays, comme dans toute démocratie, ces organisations constituent une part importante de la société civile – je parle des ONG. Elles ont pour vocation de protéger les droits des citoyens. [...] Mais vous devez protéger la société de toute tentative par des États étrangers de les utiliser pour s’ingérer dans les affaires intérieures de la Russie [10] ».
En conséquence, il promulgua, le 18 avril 2006, une loi fixant de multiples entraves à leur action en Russie. Il revint sur ses motivations au printemps 2007 :
« Certains, usant habilement d’une rhétorique pseudo-démocratique, aimeraient nous ramener à un passé proche, les uns pour piller de nouveau impunément les richesses de la nation et voler le peuple et l’État, les autres pour priver notre pays de son indépendance économique et politique.
Il y a eu un flux croissant de capitaux étrangers destinés à l’ingérence dans nos affaires intérieures. En se référant à un passé plus lointain, nous nous remémorons le discours sur le rôle civilisateur de la colonisation. Aujourd’hui, le terme “civilisation“ a été remplacé par celui de “démocratisation“, mais le but demeure le même – s’assurer des bénéfices et des avantages unilatéraux et satisfaire ses propres intérêts [11] ».
En agissant ainsi, le président russe semblait surtout parachever les restrictions à la démocratie progressivement imposées depuis 1999. Mais, conscient que l’image de son pays en souffrait à l’extérieur, il décida, en 2006, de promouvoir une vision plus positive de la Russie à travers des... ONG. Ainsi, l’Institut pour la démocratie et la coopération, présent à Paris et à New York depuis 2008, entend
« participer au débat sur la relation entre la souveraineté des États et les droits de l’homme [...] et discuter de l’interprétation des droits de l’homme et de la façon dont ils sont appliqués dans les différents pays [12] ».
Ce type de débat renoue avec une thématique... soviétique.
Durant l’offensive menée, en 2009, par les forces pakistanaises dans les territoires contrôlés par les taliban, deux millions de civils fuirent les zones de combat. Le gouvernement était incapable de s’en occuper correctement et, pour ne pas fournir d’argument à ses détracteurs, il refusa de laisser les États-Unis apporter une aide humanitaire. La faille ne resta pas longtemps béante : les islamistes radicaux s’y engouffrèrent et, sous le couvert d’associations caritatives, vinrent endoctriner les réfugiés [13].
D’autres ONG, encore, peuvent naître d’une dérive de l’action humanitaire. Ainsi de l’Arche de Zoé : manipulant l’information (en affirmant la mise en œuvre d’un “génocide au Darfour“, en modifiant la légende de cartes de l’ONU, par exemple), dénonçant la soi-disant inactivité de la communauté internationale alors que, depuis 2004, « la plus grande opération humanitaire au monde a été mise en place dans l’ouest du Soudan [14] », elle s’était affranchie d’un certain nombre d’obligations et de précautions. Ces agissements menèrent ses responsables devant les tribunaux tchadiens en décembre 2007.
La même Arche de Zoé mit également en lumière l’hostilité d’une partie des élites africaines : Soumare Zakaria Demba, un blogueur mauritanien dont les propos furent relayés par des organes de presse africains, se scandalisait de ce que « le continent africain, depuis plus de quarante ans est considéré comme un champ d’expériences humanitaires internationales ». « Il est temps que les Africains prennent leur destin en main », poursuivait-il, avant d’affirmer : « nous approchons de la fin de l’idéologie post-colonialiste, paternaliste et, à la rigueur, méprisante, qui voit toujours en l’Afrique une terre de tous les malheurs [15] ». Quant à l’“arrangement“ passé, sur ce dossier, entre le président de la République française, Nicolas Sarkozy, et son homologue tchadien, Idris Déby, il suscita réprobation et amertume, tant il paraissait illustrer les relations de dépendance entre les ex-colonies et l’ex-métropole, cette “Françafrique“ qui semble si difficile à éradiquer.
Dernière limite à prendre en considération : les ONG ne peuvent pas tout résoudre. Elles apportent, dans le meilleur des cas, un soulagement aux souffrances et aux privations des populations. Toutefois, elles ne règlent pas les causes des problèmes : les solutions sont politiques et demeurent donc l’apanage des habitants des pays concernés, des États et/ou de la communauté internationale. Encore faut-il qu’ils souhaitent et/ou puissent agir ou intervenir. Or, le statu quo ne résulte pas toujours de la passivité, de l’indifférence ou du cynisme ; les réalités dictent souvent leur loi. Sous un régime répressif, les populations se trouvent réduites au silence et les ONG, lorsqu’elles sont tolérées, doivent se cantonner à l’assistance, comme le montre le conflit du Darfour. N’entrevoyant pas d’issue viable, le Conseil de sécurité s’abstient, pour le moment, de relancer une opération de maintien de la paix en direction de la Somalie, qui a sombré dans le chaos en 1991. Faute de l’accord de la dictature militaire, aucune aide étrangère ne parvint aux Birmans victimes du cyclone Nargys en mai 2008 [16].
Les entreprises minières, industrielles, commerciales et financières qui déploient leurs activités dans plusieurs pays, les firmes multinationales, accrurent leur puissance dès la seconde moitié des années 1970 avec la vague de déréglementation lancée par les États-Unis en 1975, puis avec l’amplification de la mondialisation dans les années 1990. Alors que les intérêts de ces entreprises coïncidaient largement avec ceux de leur État d’origine (les États-Unis, pour la plus grande partie d’entre elles) jusqu’aux années 1970, la situation a profondément changé depuis. L’origine nationale s’est diversifiée (Europe occidentale, Asie, Amérique latine), les investissements directs à l’étranger ont considérablement augmenté, les plus grandes se sont transformées en “firmes globales“, c’est-à-dire en
« entreprises conduisant une stratégie mondiale unique basée sur l’exploitation des avantages comparatifs des différents pays dans lesquels elles sont implantées et des synergies entre ces différentes activités [17] ».
Cela tend à remettre en cause le contrat plus ou moins tacite qui liait l’entreprise et l’État depuis la proto-industrialisation des XVIIe et XVIIIe siècles européens. Celui-ci protégeait celle-là de la concurrence étrangère à l’aide des taxes douanières, des normes techniques, et de la réglementation des implantations étrangères. En échange, d’une part, les entreprises produisaient des biens et des services dont la nation avait besoin et qui contribuaient à sa puissance. Ainsi, par exemple, un spécialiste de l’automobile dans une société américaine d’audit et de conseil rappelait que
« l’automobile est un secteur stratégique sur le plan géopolitique. Quelles chaînes de montage ont fourni les véhicules blindés et les chars américains pour deux guerres mondiales ? Sans elles, leur savoir-faire, pas de capacité militaire indépendante [18] ».
D’autre part, les entreprises garantissaient des emplois et des revenus à une partie de la population. La Chine, après environ trente années de croissance élevée subit les contrecoups de la crise économique mondiale survenue à l’automne 2008. Immédiatement, le chômage augmenta, la précarité progressa et la paix sociale s’effrita. En dépit de sa nature autoritaire, le gouvernement mit sans délai tout en œuvre pour éviter les débordements [19].
Le changement géopolitique majeur induit par cette évolution réside dans la moindre maîtrise des États sur ces acteurs pourtant essentiels de la prospérité, donc du bien-être social et de la stabilité politique. Le manque à gagner fiscal résultant de l’utilisation des possibilités offertes aux entreprises (et aux particuliers fortunés) par la libéralisation des flux financiers affaiblit la capacité d’intervention des États dans les sphères fondant leur efficacité et donc leur légitimité : sécurité extérieure, sécurité intérieure, sécurité sociale. La délocalisation des activités en fonction de stratégies définies à l’échelle mondiale prive l’État de l’important outil de régulation politique, économique et sociale que constituaient les créations et les implantations d’activités industrielles ou de services. De fait, les moyens d’exercice de la souveraineté sur le territoire national s’érodent, tandis qu’une part croissante des intérêts de la nation se localisent hors du territoire national et, par conséquent, échappent à son contrôle exclusif.
Toutefois, les États industrialisés à économie de marché œuvrèrent eux-mêmes au développement international de leurs entreprises, ce qui suscita une ouverture relative de ces pays dans le cadre des négociations du GATT. Dans des proportions variables, les États accompagnèrent, voire instrumentalisèrent cette mondialisation économique. Ainsi agirent les États-Unis dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, ou la Grande-Bretagne et la France après la décolonisation. Les “Tigres asiatiques“ dès les années 1960, la République populaire de Chine à la fin des années 1970, dérégulèrent dans le cadre d’une stratégie de développement conçue et mise en œuvre par l’État. La République d’Irlande a su jouer de sa politique fiscale pour attirer les investissements étrangers de préférence à d’autres pays de l’Union européenne. De plus, les États semblent bien davantage avoir assoupli l’encadrement de leur économie qu’y avoir renoncé : des entreprises ou des secteurs continuent à revêtir une importance stratégique et à faire l’objet d’une surveillance attentive de la part des pouvoirs publics. La remise en cause du marché attribué à Airbus (pourtant associé à Northrop-Grunman) au détriment de Boeing pour des avions ravitailleurs de l’US Air Force, en 2008 [20], l’illustre bien, tout comme le soutien de la France à l’entreprise énergétique Areva [21]. Confronté à l’augmentation des déficits en matière de dépenses de santé des États de l’Union européenne, l’autorité compétente en la matière, la Commission européenne, diligenta une enquête. Celle-ci suscita le soupçon d’ententes entre les laboratoires pharmaceutiques pour enrayer le recours aux médicaments génériques, moins chers, donc moins rentables [22]. Il faut toute la puissance de cette institution, qui s’appuie sur vingt-sept États, pour mener à bien les investigations, sévir et corriger une situation si dommageable à la collectivité.
En dépit d’avertissements formulés de longue date, notamment par des observateurs qui se souvenaient que la crise des années 1930 débuta par une débandade boursière [23], la prise de conscience des effets déstabilisateurs de ces changements et de la nécessité de les corriger n’intervint que dans le second semestre de l’année 2008, avec l’effondrement de l’édifice spéculatif bâti sur la déréglementation [24]. Alors, la défiance paralysa le crédit et les États aidèrent les banques pour éviter la panique des épargnants qui aurait débouché sur une faillite générale. La récession ou le ralentissement de la croissance, selon les pays, menaçaient de déboucher sur un chômage massif que les États tentèrent d’endiguer par des plans de relance. L’âpre débat sur ce qu’il convient de faire n’entre pas dans le cadre de l’observation distancée de l’analyse géopolitique. Cette dernière enregistre les incidences de ces mutations sur la stabilité du monde. Et elles s’avèrent considérables, même si l’on ne se trouve qu’au début du processus et si les États réfléchissent encore aux décisions à long terme qu’il convient d’adopter. De manière révélatrice, les solutions reviennent aux États – G20 [25], Commission européenne [26], notamment – et ce à la demande générale, au premier chef celle des entreprises [27]. Élu au printemps 2007 sur un programme économique libéral, le Président de la République française, Nicolas Sarkozy n’hésita pas, à l’automne 2008, à préconiser une intervention massive et concertée des États contre la crise économique. En outre, il lança des initiatives à l’échelle nationale. Ainsi, le 20 novembre 2008, à Montrichard, il annonça la mise en place un Fonds stratégique d’investissement, en lui assignant deux objectifs : « soutenir le développement des entreprises petites et moyennes » et « sécuriser le capital d’entreprises stratégiques ». Il définissait ainsi ces dernières : « Ces entreprises stratégiques sont celles qui ont des compétences, des technologies, des emplois qui sont irremplaçables pour le territoire national [28] ». Le gouvernement des États-Unis, sous la direction du nouveau président, Barack Obama, s’engagea massivement dans le sauvetage de l’économie nationale, ce qui impliqua également de se préoccuper du reste du monde et de rechercher des coopérations entre États. Le directeur du renseignement américain plaça, d’ailleurs, en février 2009, la crise économique au premier rang des menaces pesant sur la sécurité nationale du pays. Selon certains experts, les États-Unis et l’Union européenne pourraient perdre les ressources, la volonté politique et le soutien de leur population pour prévenir ou contenir les conflits ; les tensions bilatérales, régionales ou mondiales pourraient s’accroître ; les nombreux États fragiles pourraient connaître de graves difficultés internes ou les voir augmenter [29].
Dès 1999, au Forum économique mondial de Davos, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, dans un discours appelant à un “Pacte mondial“, demanda aux entreprises multinationales de se conformer à dix principes :
« Droits de l’homme
1. Les entreprises sont invitées à promouvoir et à respecter la protection du droit international relatif aux droits de l’homme dans leur sphère d’influence ; et
2. À veiller à ce que leurs propres compagnies ne se rendent pas complices de violations des droits de l’homme.
Normes de travail
3. Les entreprises sont invitées à respecter la liberté d’association et à reconnaître el droit de négociation collective ;
4. L’élimination de toutes les formes de travail forcé et obligatoire ;
5. L’abolition effective du travail des enfants et ;
6. L’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.
Environnement
7. Les entreprises sont invitées à appliquer l’approche de précaution face aux problèmes touchant l’environnement ;
8. À entreprendre des initiatives tendant à promouvoir une plus grande responsabilité en matière d’environnement ;
9. À favoriser la mise au point et la diffusion de technologies respectueuses de l’environnement.
Lutte contre la corruption
10. Les entreprises sont invitées à agir contre la corruption sous toutes ses formes, y compris l’extorsion de fonds et les pots-de-vin [30] ».
Dans une certaine mesure, cela incitait les entreprises concernées à un minimum d’autorégulation. Mais les sources de ces principes se trouvaient dans des textes élaborés, rédigés, adoptés et – plus ou moins – appliqués par… les États. Il s’agit de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948 [31]), de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail (19 juin 1998 [32]), des Normes internationales du travail [33] de l’Organisation internationale du travail (OIT), de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (14 juin 1992 [34]). Ils figurent dans la Convention des Nations unies contre la corruption (31 octobre 2003 [35]).
De plus, des organisations politiques ou syndicales, des ONG ou des associations militent pour imposer un code de conduite à ces sociétés. Un courant visible à l’échelle planétaire tente de fédérer les actions dans ce domaine, comme dans d’autres (politique ou environnemental, notamment) : l’altermondialisme. Sa stratégie repose sur le regroupement et la mobilisation de tous ceux qui se considèrent exclus et/ou victimes de la mondialisation. En dépit de ses contradictions et de son hétérogénéité, usant de techniques de communication dignes de l’agit prop chère au communisme conquérant de jadis, il réussit à susciter sur certains problèmes (environnement, développement, notamment ; deux domaines qui impliquent les entreprises) une prise de conscience qui dépasse largement ses rangs militants. De ce fait, les partis politiques, les États, ainsi que les instances internationales ou régionales, doivent les prendre en considération.
Phénomène probablement aussi ancien que la guerre, le mercenariat, dont on trouve déjà mention dans les guerres de l’Égypte ancienne [36], connaît un regain considérable depuis les années 1990. Mais il présente une façade plus respectable : les gens de sac et de corde et les sinistrés économiques des siècles passés, comme les chiens de guerre ou les exécutants des basses œuvres de la Guerre froide, s’effacent devant des professionnels (souvent d’anciens militaires) salariés par des entreprises privées se présentant comme des “sociétés de sécurité“ [37].
« Elles ne sont pas seulement au service des États, mais également de l’ONU, des ONG, des chaînes de télévision et des multinationales. Leurs missions vont du conseil à une participation directe aux interventions militaires, en passant par la formation, le soutien logistique, le déminage, la fourniture de matériel, l’évaluation des risques et de l’environnement, le renseignement, la protection du personnel diplomatique et des infrastructures [38] ».
La grande majorité de ces firmes sont anglo-saxonnes, même si les Israéliens, les Russes, ou les Français (SECOPEX, depuis 2003) ne sont pas totalement absents. Fin 1989, le Sud Africain blanc Eeben Barlow créa la première société militaire privée contemporaine : Executive Outcomes, qui intervint dans plusieurs conflits intra-étatiques africains, avant d’être dissoute en 1998. Mais elle fit de nombreux émules, comme Sandline (1994-2004), Blackwater (1997-2009) ou Ægis (fondée en 2002). Derrière les changements de dénomination, les dissolutions en cas de scandales, la création de filiales et la mutualisation de certaines activités, cet univers opaque repose sur un petit nombre d’entrepreneurs. Par exemple, l’ancien lieutenant-colonel britannique Timothy Spicer créa Sandline en 1994, la quitta en 1999 pour fonder Crisis and Risk Management en 2000, rebaptisée Strategic Consulting International en 2001, puis il fut à l’origine d’Ægis Defense Systems en 2002. Les États-Unis externalisèrent certaines activités logistiques ou de formation à l’étranger dès la guerre du Vietnam. Depuis la fin des années 1980, deux sociétés connurent une importante activité : Military Professional Resources Incorporated (fondée en 1987 par huit anciens généraux) et Blackwater d’Erik Prince. Cette dernière se trouva largement engagée (y compris dans des combats) en Afghanistan à partir de 2001 et en Irak de 2003 à 2009. Après de nombreuses violences commises envers les civils, en particulier la tuerie de la place Nisoor qui coûta la vie à 17 civils en septembre 2007, le gouvernement irakien demanda et finit par obtenir la résiliation des contrats conclus entre le ministère américain de la défense et la société [39]. Controversée, objet de polémiques, sous le coup d’une enquête du Congrès des États-Unis, cette dernière changea alors sa dénomination en Xe, symbole chimique du xénon, « un gaz inerte et non combustible », déclara, de manière énigmatique, Erik Prince en annonçant sa démission du poste de directeur exécutif. Cette mésaventure pourrait favoriser la réorientation des activités et des zones d’action de ces groupes, notamment en Afghanistan [40], alors que les contrats en Irak se tarissent [41]. Toutefois, 100 000 personnes employées à des tâches très variées (dont bon nombre n’impliquent pas l’usage d’armes) par des sociétés de sécurité travaillent encore dans ce pays où stationnent environ 140 000 soldats américains.
Depuis 1977, il existe une définition juridique internationale du mercenaire. Il s’agit de
« toute personne
a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour combattre dans un conflit armé ;
b) qui en fait prend une part active au conflit ;
c) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d’obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang ou une fonction analogues dans les forces armées de cette Partie ;
d) qui n’est ni ressortissant d’une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit ;
e) qui n’est pas membre des forces armées d’une Partie au conflit ; et
f) qui n’a pas été envoyée par un État autre qu’une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit État [42] ».
En 1989, l’Assemblée générale de l’ONU adopta un nouveau texte qui reprenait les mêmes critères, en ajoutant
« toute personne
a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l’étranger pour prendre part à un acte concerté de violence visant à :
i) renverser un gouvernement ou, de quelque autre manière, porter atteinte à l’ordre constitutionnel d’un État ; ou
ii) porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un État [43] »
En pratique, les conditions étant cumulatives et relativement vagues, il s’avère extrêmement difficile de placer les salariés des actuelles sociétés de sécurité sous le coup du délit de mercenariat. Ajoutons qu’ils échappent également au code militaire du pays pour le compte duquel ils opèrent, ainsi qu’aux lois nationales des pays dans lesquels ils travaillent. Ainsi, le 5 mai 2009, quatre paramilitaires d’une filiale de Xe, Paravant, mitraillèrent une voiture afghane, tuant une personne et en blessant deux autres. L’enquête démontra qu’ils n’étaient pas tombés dans une embuscade, comme ils l’avaient prétendu, mais qu’ils avaient tiré sur des civils désarmés. Entre temps, les quatre mercenaires avaient fui aux États-Unis et s’y trouvaient à l’abri de toute sanction [44]. De plus, la majeure partie des États n’a aucun intérêt à renforcer la législation car ils recourent volontiers à ces sociétés qui s’avèrent moins coûteuses – pour des opérations ponctuelles –, aussi efficaces et politiquement moins visibles et moins contraignantes que les armées institutionnelles. En revanche, elles présentent les mêmes inconvénients que toute entreprise privée : risque de défaillance financière et absence de contrôle effectif sur leurs activités. Elles peuvent devenir un handicap politique, comme l’observe cet officier américain :
« ces types ne nous posent que des problèmes. Outre qu’ils gagnent dix fois plus d’argent que nos soldats, ils ne sont soumis à aucune de nos règles. Ils n’ont ni commandement ni sanctions. Nous essayons de rallier la population alors qu’eux s’en foutent. Ils viennent gagner des dollars et ils repartent [45] ».
Mais les militaires risquent de devoir coexister avec ce genre d’individus longtemps encore. En effet, ce mercenaire britannique à Kaboul se livre à une analyse lucide, sinon morale :
« plus il y a de la guerre, plus il y a du mercenariat. La nouveauté est qu’après le 11 septembre [2001], nos activités sont devenues ultralégales. On n’a jamais gagné autant d’argent. C’est un âge d’or. [...] Les armées américaine et britannique et les autres sont ici pour gagner une guerre. Pour nous, plus la situation sécuritaire se détériore, mieux c’est [46] ».
Lorsque la guerre devient aussi profitable, elle porte le risque de se nourrir elle-même, ce qui n’augure rien de bon pour le retour à un monde de paix.
Alors que chacun tente d’influencer l’autre, un jeu fort complexe de met en place : les États ne renoncent ni spontanément ni passivement à une partie de leur pouvoir ; les objectifs des acteurs non-étatiques légaux peuvent diverger de ceux des États, voire s’y opposer ; les États peuvent tenter de reprendre le contrôle de la situation. Dans la mesure où leur autonomie s’accroît, l’observation des acteurs non-étatiques légaux enrichit le champ de l’analyse géopolitique. Il convient de redoubler de circonspection, tant l’information sur ce thème se trouve sujette à caution et peut favoriser une lecture émotive ou partisane.
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PROBLÉMATIQUE LIÉE AUX ENTITÉS NON-ÉTATIQUES LÉGALES
Quel rôle les (des) acteurs non-étatiques légaux jouent-ils dans la crise ou le conflit ?
CHAMPS DE RECHERCHE
Outils pour étudier les acteurs non-étatiques légaux intervenant sur le territoire où se déroule la crise ou le conflit :
Les informations recueillies servent à repérer quel(s) acteur(s) extérieur(s) non-étatique(s) légal(ux) prennent part aux événements. Le plus souvent un ou plusieurs des éléments suivants :
La liste n’est pas exhaustive, mais elle recense les facteurs qui apparaissent le plus fréquemment.
Une information est pertinente lorsqu’elle contribue à éclairer la crise ou le conflit que l’on étudie.
[1] . Haas Richard N., « The Age of Nonpolarity. What Will Follow U.S. Dominance », Foreign Affairs, May/June 2008.
[2] . Rubio François, « Les ONG et leur influence dans les relations internationales », Géostratégiques, n° 16, mai 2007, pp. 23-39.
[3] . Pétré-Grenouilleau Olivier, Les traites négrières. Essai d’histoire globale, Paris, 2004, Gallimard. Voir la deuxième partie : « Le processus abolitionniste, ou comment sortir du système négrier ». Compléter avec Schmidt Nelly, L’abolition de l’esclavage. Cinq siècles de combats. 16e-20e siècle, Paris, 2005, Fayard ; Ferguson Niall, Empire. How Britain Made the Modern World, London, 2003, Allen Lane, en particulier, dans le chapitre III « The Mission », la partie intitulée From Clapham to Freetown.
[4] . Hofnung Thomas, « Les French doctors sont nés au Biafra », Libération, 23 mai 2008.
[5] . Levy Clifford J., « Two Tchetchen Aid Workers Are Killed », The New York Times, August 12, 2009.
[6] . « Al Gore, l’effet Nobel », Libération, 12 octobre 2007.
[7] . Koller Frédéric, « La Somalie, un vaste trou noir sur la carte des crises humanitaires », Le Temps, 8 février 2008.
[8] . Vallaeys Anne, « Le paravent humanitaire », Libération, 29 mai 2007.
[9] . Guetta Bernard, « Des dangers de l’ingérence humanitaire », France Inter, 6 juin 2007.
[10] . Discours à l’Assemblée des dirigeants du Service fédéral de sécurité-FSB, version en anglais, 7 février 2007.
[11] . Discours annuel sur l’état de la Fédération, version en anglais, 26 avril 2007.
[12] . Hanz Danica, « Comment Moscou tente d’adoucir son image à l’étranger », Le Temps, 8 juin 2009.
[13] . Perlez Jane, « In Refugee Aid Pakistan’s War Has New Front », The New York Times, July 2, 2009.
[14] . Rémy Jean-Philippe, « Arche de Zoé : du mensonge à la faute », Le Monde, 3 novembre 2007.
[15] . Soumare Zakaria Demba, « La fin de l’humanitaire en Afrique », CRIDEM-Libre expression, 30 octobre 2007,
(http://www.cridem.org/modules.php?name=News&file=print&sic=12714).
Pour le blog : soumarezakariademba.blogspot.com
[16] . Vincent Élise, « La junte birmane bloque les humanitaires occidentaux dans Rangoun, à l’écart des zones les plus sinistrées », Le Monde, 18 mai 2008.
[17] . Distler Catherine, « Firme globale », in Ghorra-Gobin Cynthia (s.d.), Dictionnaire..., op. cit., p. 165.
[18] . Cypel Sylvain, « Le crépuscule de l’automobile américaine », Le Monde, 21 novembre 2008.
[19] . « Touchée par la crise, la Chine s’inquiète pour sa paix sociale », Le Monde, 20 novembre 2008.
[20] . « Ravitailleurs : nouveau bras de fer Airbus-Boeing », Le Figaro, 20 juin 2008.
[21] . Barluet Alain, « Sarkozy veut “sécuriser“ l’uranium du Niger », Le Figaro, 27 mars 2009 ; Bernard Philippe et Bezat Jean-Michel, « La France prospecte les mines d’uranium africaines », Le Monde, 28 mars 2008.
[22] . « Bruxelles accuse les laboratoires pharmaceutiques de bloquer les génériques », Le Monde, 28 novembre 2008.
[23] . Galbraith John Kenneth, The Great Crash 1929, Boston, 1954, Houghton Mifflin Company, traduction française : La crise économique de 1929. Anatomie d’une catastrophe financière, Paris, 1976, Payot.
[24] . Cohen Daniel ; « Crise : le procès d’une perversion du capitalisme », propos recueillis par Frédéric Joignot, Le Monde 2, 18 octobre 2008.
[25] . « Les pays du G20 s’accordent sur des grands principes et un plan d’action », Le Monde, 15 novembre 2008 ; Faujas Alain, « La déclaration de Washington », Le Monde, 18 novembre 2008.
[26] . Ricard Philippe, « La Commission européenne veut coordonner la lutte contre la crise économique », Le Monde, 21 novembre 2008 ;
[27] . « Quarante-sept industriels européens pressent les États d’agir face à la crise », LeMonde, 17 novembre 2008.
[28] . Sarkozy Nicolas, discours du 20 novembre 2008 (http://www.elysee.fr/documents/index.php?cat_id=7).
[29] . Rothkopf David, « The Security Consequences of the Current Global Economic Crisis », Congressional Testimony (Armed Services Committee of the U.S. House of Representatives), March 11, 2009.
[30] . Onu, Le Pacte mondial. Les 10 principes (http://www.un.org/french/globalcompact/principles.shtml).
[36] . Chapleau Philippe, Les mercenaires. De l’Antiquité à nos jours, Brest, 2006, Ouest-France.
[37] . Chapleau Philippe, Sociétés militaires privées. Enquête sur les soldats sans armées, Paris, 2005, Le Rocher ; Roche Jean-Jacques (dir.), Insécurités publiques, sécurité privée ? Essais sur les nouveaux mercenaires, Paris, 2005, Economica.
[38] . Struye de Swielande Tanguy, « Préface » à Rosi Jean-Didier, Privatisation de la violence. Des mercenaires aux Sociétés militaires et de sécurité privées, Paris, 2009, L’Harmattan, p. 9.
[39] . « Les gardes privés de Blackwater quittent Bagdad », Le Monde, 8 mai 2009.
[40] . Ourdan Rémy, « Les mercenaires mettent le cap sur l’Afghanistan », Le Monde, 12 juin 2009.
[41] . Bennett Jody Ray, « Blackwater Metamorphoses », ISN-Security Watch, April 2, 2009.
[42] . Onu, Protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatives à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977, Article 47, alinéa 2
(http://www2.ohchr.org/french/law/protocole1. htm).
[43] . Onu, Convention internationale contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires, 4 décembre 1989, Article Premier, alinéa 2
(http://untreaty.un.org/unts/144078_158780/16/1/7050.pdf).
[44] . Ourdan Rémy, « Les mercenaires... », op. cit.
[45] . Ibidem.
[46] . Ibidem.
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