Agrégée d’histoire, co-auteure de Les grandes questions internationales, éd. Studyrama 2013 et auteure du livre Les pays émergents : de nouveaux acteurs, Ed. Ellipses, collection CQFD, 2011. Professeure d’histoire, de géographie et de géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales au Lycée Dessaignes (Blois).
Synthèse de l’actualité internationale de juillet et août 2013 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique ou préparent un concours. Le Diploweb leur souhaite une bonne rentrée et se tiendra à leur côté durant ces moments... délicats. Pour ne rien manquer, le mieux est de s’abonner à notre page facebook.com/geopolitique ou notre compte twitter.com/diploweb.
Les Européens prennent assez mal que leur allié, Washington, espionne les citoyens européens et même « les plus importants ». Le scandale des méthodes de la NSA, révélé par l’ancien analyste Edward Snowden, pousse les Européens à chercher à évaluer les conséquences du programme Prism sur la protection de données. Il est temps de mieux mesurer les implications de ces nouvelles sphères –de la téléphonie sans fil au courrier électronique, et de Google à Facebook – dont l’espionnage et le contrôle menacent les libertés et la souveraineté. Après un rocambolesque feuilleton de l’été : Edward Snowden quittant Hong Kong, Où est E.S. ? Washington menace les pays pouvant accueillir E.S., E.S. en zone internationale, E.S. interdit de survoler plusieurs pays européens, E.S. est-il dans l’avion du président Bolivien ?, E.S trouve un asile temporaire en Russie… Moscou se positionne alors en défenseur de la liberté face à des Etats-Unis obligés de rappeler qu’E.S. est un criminel qui bénéficiera de tous ses droits civiques. L’Union européenne est, elle, de nouveau, engluée dans ses contradictions entre le président allemand, Joachim Gauch, qui affirme son respect vis-à-vis de E.S., et le Royaume-Uni où le gouvernement britannique exige d’avoir accès aux sources du journal The Guardian, et prive un de ses journalistes, enquêtant sur E. S. de son matériel… informatique.
Plus largement cette affaire pose la question des « lanceurs d’alerte » ou « whistleblowers » qui signalent, de manière désintéressée, un danger aux autorités, pour le bien commun. Ainsi, dans les années 1970, les révélations de Mark Felt (« gorge profonde ») aux journalistes du Washington Post sont à l’origine du Watergate. Plus récemment Bradley Manning a fourni à Wikileaks des centaines de milliers d’informations classées confidentielles ; la cour martiale vient de le condamner à 35 ans de prison et au renvoi de l’armée.
Les frontières de l’Europe communautaire ne vont pas de soi. Cet été 2013 de vieilles rivalités se sont réveillées entre Londres et Madrid à propos de Gibraltar, sous souveraineté britannique depuis le traité d’Utrecht de 1713. Les Britanniques construisent un récif artificiel au large du rocher, ce dont se plaignent les pêcheurs espagnols. Madrid décide alors de rétablir des contrôles à la frontière et menace même d’y établir un péage… David Cameron fait appel à la commission européenne, avant d’envoyer, pour des manœuvres prévues de longue date, la frégate HMS Westminster.
Depuis 2004, l’Union européenne est en contact direct avec des Etats de l’ancien espace soviétique, mais Moscou reste très sourcilleuse vis-à-vis de son ancienne zone d’influence et prévient que la signature d’un accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne serait « suicidaire ». Moscou menace d’user d’armes commerciales, comme cela a déjà été fait plusieurs fois par le passé avec le gaz.
Les frontières de l’UE restent sensibles. La controverse au sujet de la participation britannique à l’UE a connu de nouveaux rebondissements. A la mi-juillet 2013 un Think tank britannique propose un prix (le Brexit price : Britain et exit) de 100 000 euros pour le meilleur plan de sortie de l’UE. David Cameron s’est par ailleurs engagé à organiser un référendum sur le sujet avant la fin de 2017 et, en attendant, cherche à renégocier la place de son pays au sein de l’UE.
En Egypte, la diplomatie européenne peine à se positionner suite à la déposition du président Morsi, même si les violences sont unanimement dénoncées. La ligne de conduite semble difficile à définir, un soutien au premier président égyptien démocratiquement élu mais issu des Frères musulmans, un soutien à la rue où se mêlent salafistes et démocrates, ou à l’armée ? Dans ce pays, l’influence européenne est déclinante, ses Etats ne sont plus un bailleur de fonds de premier plan alors que l’Arabie saoudite ou le Qatar sont, eux, devenus d’importants soutiens respectivement des salafistes et des Frères musulmans. Dans l’expectative, l’UE interrompt la livraison d’armes et d’équipement sécuritaires et réexamine l’aide qu’elle apporte à ce pays.
La Commission européenne peine aussi à se faire entendre de Pékin sur le dossier des mesures anti-dumping concernant les tubes en acier inoxydable (domaine dans lequel l’entreprise Vallourec est un des leaders mondiaux). Le conflit dure depuis plusieurs mois (cf. « Actualité internationale de juin 2013 ») et Bruxelles a décidé de faire appel à l’OMC pour trouver une issue à ce contentieux. Tokyo a déjà porté plainte auprès de l’organe de règlement de différents (ORD) sur ce même dossier des taxes imposées par Pékin sur les tubes inoxydables.
Au niveau monétaire et financier, cet été 2013 est riche d’enseignements. L’Union européenne a donné son accord pour que la Lettonie adopte l’euro. La police italienne a réussi à démanteler un réseau d’évasion fiscale portant sur plus d’un milliard d’euros, à destination de San Marin. Il existe au sein de l’Union européenne des enclaves qui ne participent ni à l’euro ni à l’espace Schengen, et tous les membres n’ont pas la même politique fiscale. Ces frontières financières, monétaires et fiscales internes sont à l’origine de mouvements plus ou moins légaux qui affaiblissent l’Europe plus qu’ils ne la renforcent… à l’heure où le taux d’endettement a encore progressé pour atteindre, au premier trimestre 2013, 92,2% du PIB pour la zone euro (160% en Grèce ou 130% en Italie selon Eurostat 91,9% pour la France mais 81,2% pour Berlin).
Le président Mohammed Morsi, élu en juin 2012, est contesté violemment par la rue, et en particulier l’opposition laïque menée par Tamarod ; cette même rue qui l’a porté au pouvoir après avoir chassé Hosni Moubarak. L’impasse économique n’y est pas étrangère. Sous Moubarak, l’Egypte disposait de quatre rentes (en plus de l’aide américaine) : le canal de Suez, les hydrocarbures, l’argent des expatriées et le tourisme : il ne reste que l’argent des expatriés et le canal de Suez…
Le 3 juillet 2013 le président est déposé par l’armée égyptienne, qui se présente de nouveau comme un acteur politique incontournable, comme elle l’est depuis la prise du pouvoir par les « officiers libres » en 1952. Le général Abdel Fattah al-Sissi, le chef d’Etat major, devient le nouvel homme fort du pays. Les pro-Morsi, proches des Frères musulmans organisent alors deux vastes sit-in au Caire pour réclamer la libération du président. Alors que le guide suprême des Frères, Mohammed Badie, est traduit en justice, le gouvernement demande début août 2013 la levée du sit-in. Au milieu du mois d’août, l’armée les disperse dans la violence provoquant des affrontements dans les grandes villes du pays (Assouan, Suez, Alexandrie, Fayoum…) et la mort de probablement près d’un millier de personnes, essentiellement des pro-Morsi. Le vice-président Mohamed el-Baradei démissionne pour dénoncer ce carnage dans un pays où l’Etat d’urgence est rétabli. Si la communauté internationale réagit en condamnant, de façon unanime, cette violence, le général al-Sissi affirme qu’il combat l’islamisme, c’est-à-dire les Frères musulmans mais aussi les salafistes plus radicaux.
Alors que l’Egypte est au bord du chaos, le bilan humain de la guerre civile en Syrie a franchi le terrible seuil de 100 000 morts. Le régime de Bachar el-Assad est soutenu au niveau international par l’Iran et la Russie (l’ONU en reste alors au seuil des protestations), les liens avec le Hezbollah libanais sont réels alors que l’opposition l’est davantage par l’Arabie saoudite (qui soutient les sunnites) et les Etats-Unis. Alors que l’offensive Kurde en pays alaouite fait craindre, au niveau régional, un scénario à l’irakienne, les grandes puissances s’inquiètent de la recrudescence de jihadistes affiliés à Al-Qaïda au sein de la rébellion. Le Yémen, dont les Américains ont évacué leurs ressortissants du fait de la crainte d’une grande opération menée par Al-Qaïda, ne recouvre pas la stabilité. La Libye est abonnée à la violence, et l’avocat Abdel Mismari, figure de l’insurrection de 2011, a été assassiné pour avoir dénoncé les islamistes et la violence des milices. Un symbole des plus inquiétants. En Tunisie, le parti islamiste Ennahda au pouvoir, ne parvient pas à redresser la situation économique et aucun consensus n‘est trouvé pour élaborer une nouvelle constitution pour le pays. En Algérie, le président Abdelaziz Bouteflika, absent lors de la prière de la fin du ramadan, semble au plus mal. Le Liban comme le Pakistan sont le théâtre de sanglants attentats.
Un modèle turc ? Le président Erdogan est soupçonné de dérives autoritaires, et ce n’est pas le récent jugement rendu contre le réseau Ergenekon qui lèvera les ambigüités. Il s’agit d’un réseau démantelé en 2007 et accusé de fomenter un putsch contre le président membre de l’AKP. Déjà 300 officiers ont eu des peines de plus de 16 ans de prison et douze nouvelles condamnations viennent d’être prononcées, dont celle, à la prison à vie du général Basbug -ancien chef d’Etat-major –, ou celle à 35 ans de prison de Mustafa Balbay journaliste de gauche et député du principal parti d’opposition (CHP). Ces très lourdes peines laissent penser que ce procès est avant tout politique, dirigé contre l’armée garante de la révolution laïque de Kemal Atatürk comme les forces politiques qui défendent la laïcité.
Ce qui se joue, c’est la place des partis islamistes sur l’échiquier politique, dans un processus de démocratisation et de construction d’un Etat de droit engagé avec le « printemps arabe ». Il est bien sûr bien trop tôt pour tirer des conclusions d’un processus historique qui n’a que deux années, mais la persistance de l’impasse économique pèse lourdement sur une région où les jeunes, très nombreux, sont désœuvrés. Il faut éviter l’impasse politique « une personne, une voix, une seule fois ». Les enjeux sont multiples, les dangers aussi.
A l’image des autres grands émergents des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), l’économie indienne décélère. Au ralentissement de sa croissance répond une dépréciation monétaire. Il fallait 56 roupies pour un dollar au mois de mai 2013, il en faut plus de 63 en août 2013. A cette dernière date, un euro permettait d’acheter 80 roupies... La politique de New Delhi n’enraie absolument pas le phénomène, pis elle l’encourage. Le retrait de liquidités du marché, la restriction d’achat d’or comme de biens immobiliers à l’étranger, toutes ces mesures, autant de signaux d’une dégradation du climat des affaires, contribuent à créer un climat de panique qui pénalise la roupie. Cette dépréciation s’accompagne d’une inflation que les Indiens mesurent avec un indicateur original : le prix de l’oignon… or son prix a doublé à Bombay en moins d’une semaine au cours du mois d’août 2013. Un indice que suit de près un gouvernement inquiet pour sa pérennité.
La question de la transition énergétique se pose avec davantage de force, notamment dans les pays européens. A la suite de l’accident de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima (2011), l’Allemagne a annoncé une sortie accélérée du nucléaire, le gouvernement français est lui-même confronté à ces problématiques. Au Royaume-Uni, David Cameron a transformé, du fait des arrestations, une contestation locale contre l’exploitation de gaz de schiste en une cause quasi nationale. Le pays est confronté à une baisse de la production d’hydrocarbures dans la mer du Nord, à la fermeture prévisible de 20% de la production d’électricité et donc à la nécessaire recherche d’un nouveau mix énergétique.
Le réchauffement climatique prend les devants de l’actualité en plein été et offre de nouvelles perspectives. Au mois d’août 2013, un navire chinois de commerce emprunte le passage du Nord-Est, une route maritime qui longe les côtes arctiques. Ce navire, de la compagnie Cosco, doit rallier Dalian (ex Port-Arthur) à Rotterdam en seulement 35 jours contre 48 en empruntant le grand track maritime passant par les détroits indonésiens, la mer rouge et la Méditerranée. Si 296 navires ont obtenu en 2013 une autorisation pour y naviguer, les 3/4 sont russes, les 4/5 relèvent du cabotage et l’immense majorité sont des pétroliers, gaziers voire minéraliers, le Yong Sheng est le premier porte-conteneur. Cette voie en devenir, du fait du réchauffement, offre de nouvelles perspectives que Moscou entend bien saisir en construisant, en Sibérie occidentale, un port libre de glace l’été. Le brise-glace à propulsion nucléaire reste indispensable l’hiver, et la route reste suffisamment dangereuse l’été, en raison de la glace flottante, pour que seuls les navires à coque renforcée ne puissent y voguer. Cette restriction devrait limiter pendant un certain temps la circulation sur une axe maritime dont les autorités russe espèrent décupler la fréquentation d’ici 2021.
Ces dernières réserves ne doivent pas faire oublier que le milieu arctique est particulièrement fragile, et déjà très convoité. Il s’avère nécessaire d’élaborer un code maritime pour la protection des milieux polaires pour espérer éloigner le spectre d’une catastrophe écologique majeure.
Des élèves ingénieurs viennent de mettre au point, en France, des adhésifs avec des bactéries luminescentes pour les vitrines, sans aucune consommation d’énergie. Un scientifique néerlandais fait la démonstration début août 2013 de la création d’un steak in vitro, à partir de cellules souches de vache, que les journalistes britanniques ont baptisé « Frankenburger ». La science fiction va s’inviter dans nos assiettes puisque l’on sera bientôt capable de « cultiver » des cellules ensuite insérées dans une imprimante pour créer un morceau de viande… et donc de nourrir une humanité en expansion. Les insectes sont une autre forme de viande appelée à se développer comme le préconise la FAO qui rappelle la haute teneur en protéines de ces animaux. Une société française, Micronutris, fait d’ailleurs le pari de l’avenir de cette filière en créant, par exemple, des macarons à base de grillons. Au début de cette année 2013, la France a lancé le projet « Désirable » qui lance une filière insecte grâce à la collaboration de 9 laboratoires publics et deux entreprises qui ne le sont pas.
Toutes ces innovations posent bien évidemment un défi culturel, en particulier en France, pays par excellence de la gastronomie et de la bonne chère.
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Les synthèses annuelles des Actualités internationales
Point d’actualité internationale de septembre 2013
Point d’actualité internationale de juin 2013
Voir une présentation d’un ouvrage auquel Axelle Degans a contribué "Les grandes questions internationales", L. Briday, A. Chaffel, P. Dallenne, A. Degans, éd. Studyrama
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