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www.diploweb.com Classiques de Science politique - Rubrique réalisée par Alexandra Viatteau

 

N°6 : Le massacre de Katyn et le communisme sous une plume russe à Paris

 

La Russie de V. Poutine refuse de qualifier de génocide le massacre de Katyn et l'extermination de plus d'un million de Polonais de 1938 à 1947. L'accusation de génocide, crime contre l'humanité, est porté en 2004 par la Justice polonaise. La justification de l'usage du terme de génocide dans le cas de l'URSS a été publiée dès 2000 par le diploweb.com, en annexe d'un article d'Alexandra Viatteau: "Le pacte Ribbentrop-Molotov, l'agression soviétique contre la Pologne le 17 septembre 1939 et sa négation russe en 1999. L'état des connaissances scientifiques en 2000". L'étude ci-dessous présente des réflexions autour de l’ouvrage de Victor Zaslavsky , « Le Massacre de Katyn »,  collection « Démocratie ou totalitarisme » dirigée par Stéphane Courtois, Paris, éd.  du Rocher, 2003.

Biographie d'Alexandra Viatteau en ligne

La mise en perspective est accompagnée d’extraits du discours du représentant de l’URSS à l’ONU, Andrei Vychinsky, lors de la séance tenue le 8 novembre 1951, à Paris, au Palais de Chaillot. Vous trouverez ces extraits en bas cette page.

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Lire aussi : "Histoire de la Pologne", par A. Viatteau

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Au bout de 14 années d'investigations, le Parquet russe n'avance pas dans l'enquête sur les crimes soviétiques communistes commis contre les Polonais - en URSS, puis en Pologne à la faveur de l'occupation du pays, notamment à Katyn, Kharkov et Mednoyé en 1940. La Pologne, devenue membre de l'Union européenne, exige que ces crimes ainsi que ceux commis contre les civilisations civiles polonaises soient qualifiés de crimes contre l'humanité. Ce qui les rendrait imprescriptibles. Moscou s'y oppose et veut clore le dossier après avoir clos les archives. Le Parquet russe prétend aussi que les dossiers contenant les noms des victimes auraient été détruits en 1959. Cependant, les listes et les chiffres existent et ont déjà servi à faire la lumière sur le génocide. Ils ont aussi servi à provoquer en 1990 l'aveu officiel du Kremlin. Même si l'on reste sans informations précises sur la mort de plus de 7 000 soldats polonais en URSS. Du côté polonais, on déplore le manque d'intérêt et de réaction des médias, tant russes, ce qui se comprend, qu'occidentaux, et notamment français.

Cela rend d'autant plus nécessaire et actuel de revenir sur Katyn et le génocide commis par l'URSS stalinienne contre la Pologne.

La recherche sur Katyn et la fin du ressentiment polono-russe

Lorsque parut à Bruxelles, et fut distribué à Paris par les Presses Universitaires de France (PUF),  mon  ouvrage sur Katyn, en 1981, on m’informa officieusement que des « révolutionnaires sud-américains » réunis à Paris avaient discuté l’événement. Mon article d’introduction ayant paru dans le quotidien  socialiste « Le Matin » de Paris,  ils décidèrent que mes arguments concernant la culpabilité de l’URSS étaient convaincants puisque l’affaire de Katyn sortait du « domaine de la propagande fasciste ».  (Cf. Alexandra Kwiatkowska-Viatteau, « Katyn, l’armée polonaise assassinée », Bruxelles, éd. Complexe, 1ère édition, 1981, rééd., 1989).

D’une certaine façon, le fait que Victor Zaslavsky, Russe vivant et enseignant en Italie, ait publié en 2003, en traduction française, à Paris, son ouvrage « Le Massacre de Katyn », sort l’affaire de Katyn du « domaine polonais » (Victor Zaslavsky , « Le Massacre de Katyn »,  Paris, éd.  du Rocher, collection « Démocratie ou totalitarisme » dirigée par Stéphane Courtois, 2003).  De plus, nos deux ouvrages, à vingt ans de distance, sortent l’affaire de Katyn du domaine du  ressentiment polono-russe, pour déboucher sur la recherche commune et la vérité historique et politique du communisme et de ses crimes intrinsèques. Recherche à laquelle se livrent Polonais et Russes de bonne volonté ensemble sur le terrain de l’ex-URSS depuis la fin des années 1980, et surtout depuis la chute de l’URSS (1991). Cette recherche conjointe a abouti notamment à l’exhumation des officiers polonais manquant à Katyn et retrouvés dans d’autres grands charniers près de Kalinine et Kharkov.  

Les médias français ne se sont pas laissés sensibiliser à  ces informations et ces événements, ainsi qu’à ces images,  qui ont été passés sous silence dans les années 1990. Pourtant, le déroulement des exhumations a été entièrement filmé par la partie polonaise, et sans doute par la partie russe. J’ai pu visionner à Varsovie la totalité des films, comprenant aussi l’interrogatoire des exécuteurs survivants du NKVD. Rarement ai-je constaté pareille indifférence de l’Europe à prendre connaissance et à juger, ne serait-ce que moralement, les coupables d’un génocide.   

Le communisme est un totalitarisme : identité du nazisme et du stalinisme

Victor Zaslavsky et moi partageons la conviction que le communisme est un totalitarisme portant en germe le crime lorsqu’il accède au pouvoir, et que totalitarisme communiste et nazi  avaient en commun une haine mortelle pour la tradition démocratique élitaire polonaise de liberté : « Le phénomène du totalitarisme comme forme de gouvernement historiquement nouvelle, comme type particulier de régime politique,  a trouvé son incarnation presque parfaite dans le stalinisme », écrit Zaslavsky, qui  explique ainsi le massacre : Ces Polonais « étaient les représentants d’une intelligentsia polonaise, détestée par tous les régimes totalitaires qui la considéraient comme un vivier potentiel de chefs de la résistance. Les deux régimes, nazi et stalinien,  éprouvaient à son égard une haine profonde, et ils menèrent une politique identique d’extermination ». 

L’essentiel du texte rédigé de Zaslavsky, bref, mais touffu (70 pages de texte et  80 pages d’annexes documentaires) se trouve en pages 33-40. C’est le chapitre intitulé :« Les documents qui ne devaient pas exister », ou comment se fait jour péniblement à la fin des années 1980  en URSS la vérité du côté soviétique. Cela est fort intéressant dans la mesure où c’est le pendant de ce qui pouvait  s’observer plus ouvertement et  plus aisément du côté polonais, un peu avant la chute du communisme, entre 1981 et 1990.

Entre l’observation et l’information il y avait toutefois un hiatus :  le journal « Le Monde » du 8 juillet 1988 écrivait à la Une que mon livre sur Katyn avait été confisqué, dans un colis ouvert par les « services officiels », alors qu’il était destiné à un journaliste  de l’agence de presse italienne ANSA.  « Le plus légalement du monde, écrivait le journal,  le refus était accompagné d’une explication : « L’auteur y attribue au pouvoir soviétique, sans aucune équivoque, le meurtre d’officiers polonais à Katyn » ».

Ce chapitre de Zaslavsky est donc le pendant de ce que j’ai décrit et analysé dans la seconde édition de mon « Katyn… », dans les parties intitulées «Nouveaux remous autour de Katyn » et « Vers l’aveu soviétique » (pp. 124-181). Cette seconde édition, mise à jour et publiée en 1989,  avait été  frustrante pour moi, dans la mesure où je savais déjà que le Kremlin allait avouer le crime, mais ne pouvais l’écrire pour ne pas risquer de compromettre ou de retarder le processus par une maladresse. Ces sept pages de Zaslavsky, illustrées par des documents révélés par la suite, sont donc éclairantes du côté soviétique et nouvelles pour le lecteur français. Le léger défaut de l’auteur est de ne pas être francophone ni polonophone. Et donc de ne citer que des sources russes (ou polonaises en russe, ce qui est limité) et  anglophones. 

Le génocide communiste : « génocide de classe » ou « génocide idéologique ». Les faits et les chiffres

Les deux chapitres suivants (pp. 41-61) auraient gagné en information s’ils avaient été enrichis, au moins,  par des références à des témoignages, des archives et des ouvrages qui ont rapporté,  cité,  décrit et analysé le génocide subi par les Polonais  de la part de l’Union soviétique communiste.  Je sais que c’est pénible et que cela prend du temps – cela m’a pris quelques années. En  terminant mon ouvrage « Staline assassine la Pologne, 1939-1947 » (éd. du Seuil,  collection  « archives du communisme » dirigée par Stéphane Courtois, Paris, 1999) j’ai rempli un devoir vis à vis de la patrie de mes ancêtres, en me promettant bien de ne plus revenir à ce que j’avais dû exhumer, examiner, décrire, analyser et publier avec entêtement. En perdant toutefois la bataille du titre où je voulais introduire la notion de génocide communiste soviétique, et non seulement d’assassinat stalinien. Je n’ai pas relu,  depuis qu’il est paru,  les quelque 300 pages de mon propre ouvrage. Je n’ai pas polémiqué, non plus, avec ceux qui tremblaient de peur, d’opportunisme ou d’indignation devant le terme de « génocide communiste» .  J’ai présenté un an plus tard le passage de ma conclusion sur le génocide reconnu par l’ONU en 1948, - s’appliquant à l’URSS -, qui n’avait pas pu paraître dans « Staline assassine la Pologne »,  dans  mon étude publié par le diploweb.com (« Le pacte Ribbentrop-Molotov. L’agression soviétique contre la Pologne le 17.09.1939 et sa négation russe en 1999. L’état des connaissances scientifiques en 2000 »,  diploweb.com , 18.10.2000).

Pologne, Cracovie: Croix à la mémoire des 15 000 officiers Polonais assassinés par les Soviétiques au printemps 1940.

Crédits: P. Verluise

J’apprécie donc en connaisseur le fait que Victor Zaslavsky ait pu conclure, sans rencontrer d’opposition, avec le temps,  et dans un autre lieu, que « la politique soviétique dans les territoires polonais annexés, et l’affaire de Katyn en particulier, représentent en réalité un cas emblématique de la politique de « génocide de classe »… ». 

Cependant, au risque de paraître pinailleuse, je dois rappeler ce qui était une évidence, ouvertement et publiquement exprimée par des intellectuels courageux en Pologne dès 1989 : « On ne peut pas parler uniquement d’un motif de classe du génocide stalinien (on ne pouvait pas encore dire « communiste » ou « soviétique » - AV), qui a frappé toutes les couches sociales, des communistes et des anticommunistes, ainsi que diverses nations. On peut néanmoins parler à son propos de « génocide idéologique », de totalitarisme. » (cf. A. K-V. , « Katyn, l’armée polonaise assassinée », 2ème édition, éd. Complexe, Bruxelles, 1989).

Par conséquent,  la  signalisation succincte, mais juste et compatissante, du martyrologe polonais par Zaslavsky s’inscrit bien dans la brièveté de son livre. Cependant, l’affirmation de Zaslavsky ( p.60)  que : «Les données concernant la mortalité des différentes catégories de déportés polonais n’ont jusqu’à présent pas été trouvées » est tout à fait erronée voire choquante dans la mesure où ces données existent bien, et depuis longtemps,  mais en dehors des 70 pages rapides de l’auteur. En dehors même de ce que peuvent chercher et trouver les très courageux et méticuleux historiens russes de « Mémorial ». Les chiffres cités viennent des archives soviétiques,  sont incomplets et parfois même falsifiés à la source. (cf. A. Viatteau, « Le Déminage des archives communistes soviétiques », diploweb.com ,  30.04.2001).  Je me permets donc de renvoyer des lecteurs ou chercheurs – et bien sûr, avec ma respectueuse considération, Zaslavsky aussi - à la multitude de sources et aux chiffres récapitulés, cités et calculés dans « Staline assassine la Pologne… », notamment pp. 127-146 et 267-268.

Le manque de vision et de références extérieures à l’URSS induit parfois involontairement, mais gravement,  en erreur. C’est ainsi qu’une excellente journaliste de « France Culture » en est venue à poser à S. Courtois, qui présentait le livre, la question : « Ce n’est qu’en 1991 que les Soviétiques ont porté les faits de Katyn à la connaissance des Polonais ? ».  Des auditeurs en sont restés sans voix !  S. Courtois en a bafouillé : « Des médias français en ont parlé. »  Je crois qu’il a oublié d’émotion qu’il avait  commandé et publié mon ouvrage au Seuil parce que l’on ne parlait justement pas des crimes communistes et que ceux contre la Pologne étaient particulièrement occultés, car « ils sont la clef de toute la compréhension du communisme soviétique »,  avait-il reconnu devant moi.  Il y a d’ailleurs une autre erreur assez commune que je voudrais rectifier : en tentant d’expliquer le manque de fermeté des dirigeants occidentaux pour établir la vérité sur Katyn au moment de la Seconde Guerre mondiale, S. Courtois  a dit que les « quelques centaines de milliers de troupes polonaises » ne pesaient pas lourd face au nombre de soldats russes. J’en profite donc pour dire que les Polonais étaient la 3ème force en nombre d’hommes engagés dans la guerre après les Russes et les Anglo-Saxons. Et bien entendu, la première force de 1939 à 1941, avant le revirement et l’engagement forcé des Soviétiques aux côtés des Alliés et l’entrée en guerre des Américains. (Ajout de l'auteur en décembre 2004: Les armées polonaises comptaient alors 3,15 millions d'hommes, sans compter les 11 brigades de cavalerie et brigades motorisées. La France comptait 2,75 millions d'hommes; le Royaume-Uni 1,4. A l'époque l'armée des Etats-Unis comptait 0,33 million d'hommes. Source: Chroniques de la Seconde Guerre mondiale, éd. Chronique)

Eloge de l’exactitude, de la précision et du courage dans le travail d’information et de recherche

Venons en à quelques précisions et à des réflexions « dialectiques » qui peuvent enrichir la connaissance de l’histoire de Katyn et du communisme par l’effort conjoint russe et polonais de France et d’Italie.

Le rapport secret du 16 avril 1943 sur les charniers de Katyn,  sur la disparition, puis l’exhumation des officiers et sur la certitude de la culpabilité soviétique fait par le  secrétaire général de la Croix rouge polonaise et envoyé à Londres, a certes été « publié seulement en 1989 »  en Pologne communiste. Mais,  toutes les études sur Katyn depuis 1946 s’y réfèrent. Le secrétaire général Skarzynski  en témoigne dès 1952 devant la Commission du Congrès américain et les ouvrages sur Katyn en font mention depuis 1946. D’ailleurs,  la « liquidation » des camps et la disparition des officiers prisonniers est régulièrement signalée depuis 1941, notamment par la Croix Rouge de Varsovie à la Croix Rouge de Genève ( par exemple le 18.O3.1941, selon une copie que j’ai sous la main), et  selon d’autres documents figurant dans d’anciens ouvrages.

L’ « Agence France Presse » a, elle aussi, annoncé le 12.04.2003 que le rapport réalisé par une Commission du Congrès américain chargée par le Président Truman d’enquêter sur l’affaire de Katyn en 1951 et 1952, et concluant sans          ambiguïté à la culpabilité soviétique, « était inconnu jusqu’à présent en Pologne ». C’est  une erreur. Lorsque je préparais mon livre sur Katyn en 1980,  je constatais que les Polonais de Pologne étaient déjà au courant depuis 1951 , ne serait-ce que par les informations de la Radio « Europe Libre » (« Free Europe »), et par tous les ouvrages émigrés qui circulaient, y compris le mien à venir, encore hors censure. 

Entièrement d’accord avec Zaslavsky pour considérer que le travail de Janusz Zawodny est le plus complet d’entre tous (en traduction française « Katyn, massacre dans la forêt »,  éd. Stock, Paris, 1971). Mais il  y eut aussi  le recueil de documents « Katyn » (Zbrodnia katynska w swietle dokumentow ») traduits par Jean Sendy et introduits par le général Wladyslaw Anders (éd. France-Empire, Paris, 1949),  puis l’ouvrage d’Henri de Montfort en 1966 (« Le massacre de Katyn, crime russe ou crime allemand ? », (éd. La Table ronde, Paris, 1966).  Je cite là les trois ouvrages de base parus en français avant les miens en 1981,1989 et 1999. Il existe également une « Bibliographie complète sur Katyn » éditée et complétée régulièrement à la Polish Library  de Londres. D’autre part, c’est aux Archives de l’Est et à la Fondation Karta (qui édite la revue « Karta ») de Varsovie que l’on trouve une mine de documents encore inconnus sur toutes ces questions et sur tous ces destins. L’hebdomadaire de Cracovie, « Tygodnik Powszechny » publie régulièrement de très sérieux articles et recherches de l’Est.

Un éminent historien de Pologne,  Tomasz Strzembosz, inquiet de la tendance à prétendre « découvrir » ce qu’il fallait simplement avouer ou reconnaître, écrivit le 21 mai 1989 dans l’hebdomadaire catholique de Cracovie, « Tygodnik Powszechny »:   « Tout ce qui est aujourd’hui si bruyamment « révélé à l’opinion publique » est connu depuis des décennies ,  et nous le devons uniquement à l’historiographie occidentale et à celle de l’émigration polonaise ; à tous ces « ennemis », « centres hostiles de la réaction » et « adversaires scientifiques réactionnaires » sur lesquels on a craché chez nous depuis des années et que nous commençons à « reconnaître »… Nous puisons dans des travaux qui étaient jusqu’à avant hier à l’,  et dont les auteurs « n’existaient pas »… Aujourd’hui, citant leurs travaux et résumant leurs opinions, aucun des honorables auteurs n’a dit ni « merci », ni « pardon », ni « jamais plus… ». 

Pour ma part, bien plus compréhensive, je concluais mon « Katyn » de 1989 : « Puisse le fonds historique commun récompenser la patience silencieuse longtemps humiliée des historiens demeurés prudents… Il est juste qu’il leur soit d’autant plus facile de découvrir la vérité qu’il leur a été difficile de prendre la décision de la chercher ».

Inversement,  il était des recherches à l’époque de l’entre-ouverture d’archives et d’esprits en URSS qu’une émigrée ne pouvait ni ne savait faire sans connaître les arcanes du monde communiste où la négation, l’occultation, la censure, le camouflage et l’empêchement étaient devenus une seconde nature et une seconde administration des choses dissimulées. Mais aussi un monde où  l’on pouvait et devait ruser, déjouer les ruses adverses et « s’entendre » pour chercher, trouver et emporter des documents ou simplement des informations.  C’est pourquoi je suis infiniment reconnaissante à deux hommes qui ont collaboré à mon ouvrage par leur ardente et compétente recherche sur le terrain et par leur documentation  en URSS : Stanislaw-Maria Jankowski de Cracovie et Youri Zoria à Moscou.

La recherche et le témoignage de Youri Zoria sur le procès de Nuremberg, l’assassinat de son père, Nikolai Zoria, et la difficile accession aux archives soviétiques sur Katyn

Justement, Zaslavsky mentionne l’histoire tragique du père de Youri Zoria, Nikolai Zoria, assassiné, sans doute par le SMERCH (organe soviétique de contre-espionnage et de liquidation physique), dont un agent figure sur une photo au procès de Nuremberg près de lui.  L’assassinat fut maquillé en suicide et le corps ne fut jamais rendu à la famille.  J’ai remis à Stéphane Courtois, mon éditeur à l’époque,  et celui de Zaslavsky aujourd’hui,  la copie de l’intégralité de la documentation de Youri Zoria en lui proposant de publier, en accord avec l’auteur de la documentation, les passages qui n’avaient pas été utilisés dans mon ouvrage. Notamment le récit détaillé de la manière dont tous les blocages avaient été activés pour empêcher la connaissance des archives sur Katyn. Blocages que ce responsable du renseignement militaire, le GRU,  a forcés laborieusement peu à peu – ce qu’il a raconté par le détail.   (Cf. Alexandra Viatteau, op. cit. et « Comment a été traitée la question de Katyn à Nuremberg » in « Les Procès de Nuremberg et de Tokyo » sous la direction d’ Annette Wiewiorka, éd. Complexe et Mémorial de Caen, 1996).

A propos de la réunion du 21 mars 1946 à Moscou racontée par Victor Zaslavsky, et sur laquelle Iouri Zoria m’avait fourni en 1995-96 une documentation abondante et précise (Cf. « Staline assassine la Pologne… » et  «  Comment fut traitée l’affaire de Katyn à Nuremberg », op. cit.),  arrêtons-nous sur la « préparation des témoins » et la fabrication de faux documents ordonnées par le Kremlin. La « préparation des témoins », dont Zaslavsky précise bien la manière criminelle,  était confiée à deux fonctionnaires du NKVD (Merkoulov et Abakoumov) figurant parmi les principaux exécutants du massacre de Katyn et des autres massacres des cadres de l’armée polonaise. Quant au Procureur général Vychinsky,  « il se chargeait personnellement de superviser la réalisation d’un documentaire sur Katyn ». 

La fabrication d’une intoxication et d’une désinformation internationales par Andrei Vychinsky,  procureur soviétique au procès de Nuremberg

Ce film, je l’ai visionné en 1990 à la WWFD à Varsovie ( Maison de production de films documentaires de Varsovie),  pour préparer une exposition sur Katyn à Nanterre en juin 1990 et faire réaliser le film de l’exposition (qui se trouve au Mémorial de Caen).  Fabriqué sous la houlette de Vychinsky en personne pour désinformer les juges et les opinions publiques à Nuremberg, le film avait aussi été projeté en 1946 à Varsovie. Sous la surveillance du NKVD et de l’UB communiste polonais – en civil dans les salles. Les « organes » étaient chargés de tester les réactions du public – qui hua le film, malgré le danger. Les communistes soviétiques et polonais retirèrent le film et le dissimulèrent. Mais,  des archivistes polonais résistants conservèrent le film dont le mensonge était compromettant pour l’URSS et le régime communiste. Et c’est ainsi que le film subsista, camouflé sagement sous l’étiquette : « Enterrement d’Alfred Lampe » (un dirigeant communiste !) .

En effet, vu aujourd’hui, le film est une pièce à charge  qui révèle que l’action de la Commission soviétique de 1944 à Katyn  était destinée à un simulacre d’expertise  pour effacer en réalité les traces et fabriquer un faux témoignage. Après l’exhumation et l’expertise de la Croix Rouge polonaise et des Commissions allemande et neutre  au printemps 1943, Katyn était devenu un cimetière en terre consacrée par l’aumônier de la Croix Rouge polonaise, le père Jasinski.  On voit dans le film soviétique que l’un des corps amenés devant la caméra et fendu de part en part sans le moindre souci de médecine légale porte une plaque d’identification et repose les mains croisées sur la poitrine. Plus loin, on voit des crânes joncher le sol,  mais amputés des corps, ce qui ne semble pas avoir été remarqué par des observateurs.

A des fins de falsification, le Kremlin avait donc ordonné une profanation officielle de sépulture. L’« autopsie », telle qu’on la voit faite, ne fut qu’une mutilation systématique des corps suppliciés, dont on arrachait la tête pour rendre toute reconstitution future impossible. On comprend aisément pourquoi les Alliés ne furent pas admis aux travaux de cette Commission . Seule Miss Harriman, fille de l’Ambassadeur des Etats Unis en URSS, fut amenée sur les lieux et Vychinsky exploite habilement sa crédulité dans le film. Elle dira plus tard qu’elle avait dit ce que les Soviétiques lui avaient dit de dire. Notons à sa décharge qu’elle ne fut pas la seule, et que de plus éminentes personnalités occidentales qu’elle ont servi d’  « idiots utiles » aux communistes soviétiques dans de multiples circonstances souvent dramatiques.

On découvrit donc, en sortant le film soviétique de sa cachette à la lumière des archives et de l’aveu des soviétiques,  que le procureur des sinistres procès de Moscou – et de celui de  Nuremberg ! – qui deviendrait ensuite le  représentant de l’URSS à l’ONU, Andrei Vychinsky, était un maître désinformateur, ordonnateur d’une action destinée à effacer les traces d’un crime de guerre, contre l’humanité, et de génocide, commis contre un Allié en guerre – et en accord, sans doute, avec Hitler, du moins fidèlement au pacte qui liait alors Moscou et Berlin. (Cf. Guy Durandin,  « Les protocoles annexes du pacte germano-soviétique, un secret entretenu pendant cinquante ans », in « Historiens et Géographes » n°382, également mis en ligne sur le diploweb.com au format pdf).

Ce qui amène à rectifier une grave erreur de traduction – et donc de sens – à la page 76 du livre de Zaslavsky . On y lit : « De janvier à mars 1940, eurent lieu plusieurs rencontres entre NKVD et Gestapo pour décider des mesures visant à supprimer la propagande polonaise ». Si ce n’était que ça ! Il ne s’agit pas de « propagande ». Il s’agit de la résistance et non pas de l’ « agitprop » !  Dans le texte original du 4ème article du protocole secret du pacte Ribbentrop-Molotov du 23.08.1939,  Hitler et Staline conviennent, chacun dans sa zone d’occupation de la Pologne,  de briser  toute agitation polonaise qui menacerait le territoire de l’autre partie. Il  s’agit bien  d’exterminer  toute « agitation » au sens de la résistance armée et civile, et non d’agitation-propagande.

L’opération de Vychinsky avait donc pour but à Nuremberg et à Katyn de brouiller les pistes qui menaient aux coupables - à savoir Staline et le Politburo - , d’empêcher de nouvelles enquêtes et de fabriquer un faux témoignage politique et historique capable de tromper l’Europe et le monde libre à l’époque et dans le futur.

L’agent Zaroubine du NKVD entre le massacre de Katyn, l’espionnage et la diplomatie à Washington

Cernons l’importance, non seulement de l’action criminelle du NKVD au service du parti communiste d’URSS, mais aussi de l’action de désinformation, d’intoxication et d’infiltration, y compris diplomatique, à laquelle ces « organes » étaient formés et destinés.

Le commandant de brigade Vassili Zaroubine, qui avait en personne interrogé les officiers polonais au camp de Kozielsk (d’où provenaient les morts de Katyn), donnant sur chacun d’eux l’avis selon lequel ils étaient « irrécupérables » par le régime communiste soviétique, se trouvait en 1943 à Washington.  Il y était bien introduit auprès des cercles politiques et diplomatiques américains et alliés. A l'Université de Yale, à la fin des années 1990, des informations ont paru et des recherches ont été faites sur le parti communiste américain et sur l’implantation du NKVD aux Etats Unis, notamment de Zaroubine.

Dès 1943, Zaroubine a d’ailleurs été rappelé, et il a quitté Washington, soit qu’il ait semblé risqué à Moscou de laisser en place chez les Alliés un des responsables du massacre de Katyn, soit, au contraire, que Zaroubine ait pleinement profité de sa connaissance du crime pour désinformer efficacement ses amis anglo-saxons, et que sa réussite l’ait destiné à d’autres glorieuses missions d’intoxication.

En tout cas, il a été établi que les recherches et les rapports américains et alliés de 1941, 1942 et 1943 sur Katyn, les disparitions , les déportations et les crimes soviétiques contre les Polonais en URSS furent « perdus » ou se heurtèrent souvent à une fin de non recevoir. Cela avait fait naître à l’époque même des soupçons vite étouffés que « quelque part, au sommet du renseignement, il y avait un agent communiste ou un sympathisant communiste, qui veillait à ce qu’il ne se trouvât rien dans les actes et les archives témoignant contre la Russie de Staline ».  Je cite de mémoire cette réflexion entendue à Washington DC.

Vassili Zaroubine, alias Zoubiline, aurait été convoqué par Staline le 12 octobre 1941 et envoyé à Washington, officiellement comme diplomate, officieusement comme chef du réseau de renseignement soviétique ayant pour mission d’influencer favorablement pour l’URSS l’évolution des événements politiques et militaires. C’est en 1943 que Zaroubine aurait pris contact avec Oppenheimer. Ensuite, il disparut de la capitale américaine.

Puis, en 1962, le professeur Janusz Zawodny,  le meilleur spécialiste polono-américain de Katyn et de ces sombres années, tente de vérifier « s’il y avait identité entre le général du NKVD Vassili Zaroubine et Gueorguii Zaroubine, ancien diplomate soviétique aux Etats Unis, puis au Canada ». En effet, en 1952, Le colonel Jerzy Grobicki, émigré à Toronto, rescapé polonais du camp de Kozielsk, où le « kombrig » Zaroubine conduisait ses interrogatoires, au demeurant « avec courtoisie », avait été frappé par la ressemblance physique entre le général du NKVD et le diplomate soviétique en poste en Amérique du Nord.

Des chercheurs occidentaux, mais aussi le chef des opérations spéciales du NKVD, Pavel Soudoplatov (dans ses mémoires) ont confirmé la présence diplomatique de haut rang de Zaroubine aux Etats Unis. Ici la trace se perd  du mystérieux « kombrig », qui avait dit pendant un interrogatoire au général polonais Bohatyrewicz (assassiné à Katyn, mais dont le témoignage se conserva) : « Je vous assure, général, qu’il vaut mieux que vous ne soyez pas au courant de ce que nous comptons faire de vous »… Sans doute,  Zaroubine était fait pour la diplomatie.  Il est donc intéressant de savoir comment la présence de cet important agent soviétique du NKVD à Washington, et peut-être d’autres agents d’influence haut placés,  a influé sur la réaction des Alliés anglo-saxons, y compris de F. D. Roosevelt,  concernant le crime de Katyn dans le sens voulu par Staline.

Il est non moins intéressant de savoir  si ce diplomate particulier a eu l’occasion d’influencer certaines personnalités polonaises à Washington, qui conseillèrent, tel le professeur Oskar Lange, la confiance en Staline et l'entente, voire l'union avec les communistes d’URSS, convergeant en cela avec des Polonais qui influençaient les événements à partir de Moscou. En effet, le journaliste polonais Stefan Litauer, chef de l’agence de presse polonaise fondée en URSS, émettait vers le monde que c’est le manque de confiance du gouvernement polonais allié à Londres dans « les assurances sincères de Moscou » qui avait accrédité la « calomnie » de la propagande allemande contre l’URSS, et que « le tort fait par le gouvernement polonais à l’honneur de l’Union soviétique et aux intérêts de la Pologne était irréparable »… Voilà qui mettait en accord la thèse de Moscou et celle acceptée à l’époque par Washington, peut-être en partie sous l’influence de Zaroubine, en place au bon endroit, au bon moment – ou mauvais, selon le point de vue auquel on se place. Zaroubine serait mort -  à Moscou - sous son vrai nom (si ce nom était son vrai nom), dans la seconde moitié des années 1970.

Le discours de Vychinsky à l’ONU : l’URSS n’a aucune base militaire sur les territoires d’autrui et veut faire de sa bombe atomique un usage pacifique…

Nous débouchons ainsi sur l’importance, la force, l’habileté  et la constance du « troisième pilier » de la puissance russe héritée de  l’Union soviétique : la propagande et l’influence, aussi importantes que l’armée et la police. Nous allons donc examiner la suite de l’action de Vychinsky au service de l’URSS à l’ONU.

Afin de constater que l’action de Vychinsky et de Moscou dans l’arène internationale, dans les années 1950, poursuivait l’objectif de désinformation et d’intoxication des nations représentées à l’ONU, j’ai choisi pour « classique » des extraits d’un discours de Vychinsky à la 336ème session de l’ONU à Paris, le 8 novembre 1951. Prenons un passage sur  «la paix », évidemment : « L’Union soviétique utilise toutes ses ressources non pas pour augmenter ses forces armées, non pas pour augmenter sa production de guerre, non pas pour organiser, sur le territoire d’autrui, des bases militaires, - nous n’avons pas de bases militaires sur les territoires d’autrui, nulle part, mais pour développer au maximum la production civile, pour développer son économie nationale… ».

Les Russes et les Européens de l’Est plongés dans la misère et la ruine des économies nationales jusqu’après la chute du régime communiste soviétique grinçaient des dents. Les pays annexés, les pays occupés, les pays de l’Europe de l’Est, du glacis soviétique, du Pacte de Varsovie couverts de bases militaires soviétiques  ne pouvaient que se taire ou s’insurger. Ou résister, démonter les « montages » de mensonge, prévenir les nations libres et naïves et attendre leur heure pour revenir en Europe libre. Ce qui est fait depuis le 1er mai 2004, via leur adhésion à l’Union européenne

Voir une carte de l'UE le 1er mai 2004 et une carte de l'OTAN en 2004

Le discours de Vychinsky de 1951 – reproduit ci-dessous en annexe - inspire au politologue-historien une réflexion de fond concernant le présent et l’avenir de l’Europe et du monde. De l’inquiétude aussi pour l’intelligence (au sens de compréhension ) occidentale face à la pérennité des thèmes de propagande et d’action héritées du passé proche. Si l’on remplace dans le discours de Vychinsky la Corée par l’Irak, on constate une forte identité du discours staliniste  anti-américain avec  le discours « anti-américaniste », notamment pro-russe, d’aujourd’hui. Avec une différence notable : Vychinsky fustigeait  encore la France pour son alliance avec les Etats Unis et pour l’axe Paris-Londres-Washington!

Alexandra Viatteau

Ecrire à l'auteur : Alexandra Viatteau, cours sur la Désinformation (Journalisme européen), Université de Marne-la-Vallée, Département des Aires culturelles et politiques, Cité Descartes, 5 boulevard Descartes, Champs sur Marne, 77454, Marne-la-Vallée, Cedex 2, France.

NDLR: Actualisé en décembre 2004 (ajout d'une partie introductive liée à l'actualité)

Sommaire des Classiques de Science politique

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Date de la mise en ligne: septembre 2004, actualisé en décembre 2004.

 

 

 

Texte du sixième « Classique de science-politique » : Le discours d’Andrei Vychinski à l’ONU, à Paris, le 8 novembre 1951

   

 

 

(…) La délégation soviétique estime qu’elle se doit de guider les efforts de l’Assemblée générale afin d’écarter les obstacles qui s’opposent au raffermissement de la paix et de la sécurité internationales. (…) Cette tache est d’autant plus importante qu’au cours de la période qui s’est écoulée depuis la cinquième session de l’Assemblée générale, la situation internationale est devenue  encore plus complexe, tant dans le domaine économique que dans le domaine politique. La situation économique des Etats capitalistes s’est aggravée, en résultat direct de la politique agressive du bloc Atlantique, à la tête duquel se trouvent les Etats Unis d’Amérique et un certain nombre d’Etats qui sont obligés de mener cette politique sous la pression constante des Etats Unis d’Amérique. (…) 

Nous savons qu’un autre danger menace l’économie de l’Angleterre et des autres pays du fait de la promulgation par le Président des Etats Unis, le 26 octobre 1951, d’une loi qui aura pour effet de mettre l’embargo sur toutes les marchandises à destination de l’Union soviétique et des pays amis de cette dernière, ainsi que de cesser l'aide économique et financière aux pays commerçant avec l'Union soviétique et les pays amis de cette dernière. (…)

Au cours de l’année dernière, la situation politique s’est aggravée. Le bloc agressif anglo-américain a rendu plus tendues encore les relations politiques entre les pays qui subissent les contrecoups de  l’hystérie de la course aux armements. Ce bloc effraie les autres peuples en agitant la menace de la bombe atomique brandie par les réactionnaires américains. Les Etats Unis et le Royaume Uni, qui sont à la tête de ce bloc depuis presque deux ans, mènent une guerre d’agression en Corée. M. Acheson a voulu aujourd’hui rejeter la responsabilité de cette guerre sur d’autres gouvernements. En fait, ce sont les Etats Unis qui ont déchaîné la guerre d’agression en Corée (…)

Pour tromper l’opinion publique, pour dissimuler leurs véritables intentions d’agression, le Président, les ministres, les sénateurs, et autres hommes politiques des Etats Unis font beaucoup de bruit. Ils disent qu’il est nécessaire de défendre la sécurité des Etats Unis contre l’Union soviétique. Dans leur propagande, ils prétendent utiliser les récentes expériences faites en l’Union soviétique avec des bombes atomiques de divers calibres.

Or, comme l’a dit le Président du Conseil des ministres de l’Union soviétique, Staline,  dans une interview  au journal « La Pravda », ces expériences ont eu et auront lieu  conformément au plan de défense de notre pays contre les attaques des agresseurs  du bloc anglo-américain. (…)

Nous avons également demandé à l’Assemblée générale de décider qu’il y avait lieu  de mettre fin immédiatement à la guerre de Corée, - cette guerre imposée au peuple coréen par les intervenants anglo-américains -, de mettre fin aux actes agressifs commis envers la République populaire de Chine. Nous avons présenté une série d’autres propositions allant dans ce sens.

Malheureusement, l’Assemblée générale n’a pas suivi la voie que nous lui indiquions ; au contraire, elle s’est écartée de plus en plus  des buts et des principes de l’Organisation des Nations Unies ; elle a même violé ces buts et ces principes en adoptant, au cours de la dernière session, une série de décisions dont le caractère agressif est évident. Cela est clair, en dépit de tous les efforts déployés par les auteurs et les instigateurs de ces résolutions. Ces derniers, désirant camoufler leurs véritables plans, ont prononcé des discours bruyants sur la défense de la paix (comme le dit l’une de ces résolutions) ou en disant que la paix exige des actes (…)

L’Assemblée générale a donc pris une décision sur les mesures collectives ; elle a déclaré l’embargo sur les marchandises destinées à la Chine et a pris la décision honteuse qualifiant d’agresseur la République populaire de Chine. Elle a pris la décision non moins honteuse qui donne au commandement américain en Corée l’obligation de « rétablir la stabilité dans toute la Corée », c’est à dire, Messieurs, de poursuivre la guerre d’agression en Corée jusqu’à ce que la Corée entière soit prise. »

Commentaire d’A. Viatteau : On peut se demander si la Corée du Nord martyrisée par le communisme jusqu’à aujourd’hui n’aurait pas été reconnaissante si la guerre s’était poursuivie jusqu’à sa libération.  

Poursuivons le discours soviétique :« (…) Les Etats Unis d’Amérique, la France et le Royaume Uni ont fait, depuis quelque temps, des efforts pour donner plus d’ampleur au complot dirigé contre la paix, pour y faire participer l’Allemagne de l’Ouest, la Turquie, l’Italie et la Grèce. Tout le monde sait que ce sont les Etats Unis d’Amérique qui se trouvent à la base des entreprises telles que le plan Pleven et le plan Schuman – plans qui concourent aux buts chéris des Américains : restaurer le militarisme allemand, reconstituer la production militaire de l’Allemagne de l’Ouest afin d’employer ce potentiel industriel, tout comme l’armée allemande, à des fins agressives. »  

Remarque d’A. Viatteau : Les bases de la construction européenne alarmaient le régime communiste soviétique, car c’est ainsi qu’allait se préparer la progressive libération du « camp soviétique » : la moitié de l’Europe, occupée par l’URSS communiste à la faveur de la libération du nazisme, avait désormais un espoir pour résister.

Poursuivons : « (…)  La politique extérieure de l’Union soviétique, c’est la politique de la paix.  L’Union soviétique lutte toujours contre les menaces d’une nouvelle guerre, lutte pour la paix,  pour des relations amicales entre les pays et pour une coopération des peuples basée sur le respect de l’indépendance et de la souveraineté des Etats. Voici près de vingt ans que les relations diplomatiques ont été reprises entre l’Union soviétique et les Etats Unis d’Amérique. M. Staline a déclaré que ce rétablissement des relations diplomatiques était un acte d’une importance énorme d’un point de vue politique parce que les chances de paix s’en trouvaient accrues ; d’un point de vue économique parce que, écartant l’accessoire, ce rétablissement permettait à nos pays de discuter l’essentiel d’une manière réaliste, enfin parce que ce rétablissement des relations diplomatiques ouvrait le chemin de la coopération mutuelle ».

Commentaire d’A. Viatteau : Cet « accessoire » que Staline voulait écarter, en faisant miroiter à l’Occident le profit matériel, était les droits de l’Homme, et c’est parce que les Etats Unis et l’Europe démocratiques n’ont pas cédé, que le totalitarisme communiste soviétique fut vaincu. Quant au « respect de l’indépendance et de la souveraineté des Etats » du bloc communiste d’Europe de l’Est, dont parle Vychinsky, nous savons ce qu’il en a été.

Poursuivons : « (…) Réalisant sa politique pacifique, l’Union soviétique utilise toutes ses ressources non pas pour augmenter ses forces armées, non pas en faveur de la course aux armements, non pas pour développer la production de guerre, non pas pour organiser, sur le territoire d’autrui, des bases militaires – nous n’avons pas de bases militaires sur les territoires d’autrui, nulle part -, mais pour développer au maximum la production civile, pour développer son économie nationale. » (Sic !)

(…) A la lumière de ces faits, chacun sait ce que valent toutes les paroles que l’on entend aux Etats Unis et dans certains autres Etats membres du Pacte Atlantique, paroles relatives aux expériences atomiques dans l’Union soviétique. Les dirigeants américains font beaucoup de bruit à l’égard de ces expériences (…).

(…) Ils disent qu’en Union soviétique une bombe est apparue, et même plus qu’une bombe. Ils ne veulent pas accepter nos propositions.  Nous vous demandons d’interdire toutes ces bombes et, comme le dit le généralissime Staline, de les utiliser à des fins pacifiques, ce qu’il est parfaitement possible de faire. (…)

(…) Le Président des Etats Unis et son ministre des Affaires étrangères continuent à insister en affirmant que leur plan est le meilleur pour le contrôle de l’énergie atomique. Mais il n’y a là qu’une dérision. On nous parle de contrôle international, mais vraiment est-il encore nécessaire de dire et de répéter que toutes les propositions contenues dans la déclaration des Trois et dans les discours des hommes d’Etat américains, que toutes les propositions présentées par la délégation des Etats Unis, ne constituent sous l’apparence d’efforts faits en vue de l’affermissement de la paix, qu’une spéculation  soit sur la naïveté, soit sur l’épouvante de gens effrayés par ce qu’ils craignent pour leur propre avenir ou celui de leurs enfants. Les auteurs de ces propositions ont déclaré hier et aujourd’hui qu’ils insistent auprès de l’Union soviétique pour que le Kremlin accepte leur façon de voir.  Ils insistent et ils continueront d’insister dans le même sens , mais en même temps ils se répandent en calomnies à l’égard de l’Union soviétique. Ils parlent de rideau de fer et d’autres balivernes qu’il faut abandonner depuis longtemps. Le « rideau de fer » en particulier, il est grand temps de le reléguer au magasin d’accessoires du Département d’Etat.

(…) Il est indispensable que les Etats Unis d’Amérique, le Royaume Uni, la France, la Chine et l’Union des républiques socialistes soviétiques unissent enfin leurs efforts, qu’ils concluent entre eux le pacte de paix que nous proposons depuis si longtemps et qu’ils invitent à s’y associer tous les peuples pacifiques. »

Conclusion d’A. Viatteau :  Autrement dit,  l’URSS totalitaire et criminelle de Staline proposait aux Etats libres et démocrates occidentaux de prêcher la résignation aux pays déjà conquis par l’URSS et la Chine communistes, et de lui laisser faire la conquête des autres. C’était il y a longtemps et beaucoup l’ont oublié. (Cf. A. Viatteau, « 1933-2003 : « La guerre préventive selon Varsovie et Washington », Classique de Science politique n°4, diploweb.com, 7.12.2003) Mais,  le  « Rideau de fer » est encore frais dans la mémoire des jeunes Européens. Ils ont vu de leurs yeux avec quel bonheur et quelle reconnaissance, pour les Etats Unis notamment,  les Européens de l’autre côté du Mur de Berlin, du Rideau de fer bien réel, ont abattu et franchi cette  « baliverne » .  Réalité tragique, et non « baliverne », que Washington, Londres et Paris n’avaient heureusement pas « reléguée au magasin des accessoires ». La lecture de ce texte montre que c’est la propagande stalinienne qui semble remisée aujourd’hui au magasin des accessoires. Mais attention, les accessoires peuvent resservir, et  même faire illusion. 

A. Viatteau

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