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"Irlande du Nord, un nouveau départ ?"

par Paul Brennan et Wesley Hutchinson

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Mots clés - key words : documentation française, paul brennan, wesley hutchinson, irlande du nord, ulster, royaume-uni, protestants, catholiques, origines du conflit, ségrégation spatiale, bilan humain, victimes civiles et paramilitaires, effort de paix, accord du vendredi saint 10 avril 1998, création d'un exécutif nord-irlandais transcommunautaire, référendum du 22 mai 1998, fonds structurels de l'union européenne.

éd. documentation Française, coll. PPS n° 845, septembre 2000.

Voici un dossier remarquablement composé pour appréhender l'Irlande du Nord dans sa diversité. Le choix réalisé présente aussi bien des articles de fond pour mettre en perspective la situation politique que des éléments pour cerner la vie quotidienne, notamment dans l'effort de paix. Ce savant équilibre a été réalisé par Paul Brennan, Professeur à l'Université Paris III et Wesley Hutchinson, Professeur à l'Université Paris VII.

D'hier à aujourd'hui

La première partie de ce dossier, intitulée "Une société divisée", débute avec un rappel des origines historiques d'un conflit qui a fait plus de 3 000 morts et des dizaines de milliers de victimes. La deuxième partie, sous le titre "Surmonter les divisions", présente les différentes façons dont l'Irlande du Nord essaye de sortir de cette impasse. Les derniers textes proposés montrent le rôle vital que joue l'investissement économique, notamment européen, dans l'amélioration des conditions matérielles d'une des régions les plus défavorisées de l'Europe occidentale. Sommaire complet en fin de compte rendu.

Les victimes sont principalement des civils

Quelles sont les victimes de la violence qui a envahi l'Irlande du Nord entre 1969 et 1998 ? Un article de M.T. Fay, M. Morrissey et M. Smyth démontre qu'en chiffres absolus, le nombre de décès est plus important chez les catholiques que chez les protestants. "Proportionnellement, les catholiques étant minoritaires dans la population globale, le risque de mort violente était donc significativement plus élevé pour cette religion. (…) Ramené au total de la population, le nombre de catholiques tués se montait donc à 2, 48 % en 1991, contre 1,46 % chez les protestants." (p. 22) Par ailleurs, les civils ont payé le plus lourd tribut à la violence, représentant plus de 53 % des tués. Le deuxième groupe de victimes par ordre d'importance correspond aux forces de sécurité. En revanche, les membres d'organisation paramilitaires ne représentent "que" 13,4 % du total des victimes. Pourtant, "Les organisations paramilitaires sont responsables d'un peu plus des trois quarts des morts violentes ; les paramilitaires républicains sont à eux seuls responsables de plus de la moitié de ces morts." (p. 24)

Les étudiants et les professeurs qui doivent présenter des exemples de ségrégation spatiale trouveront ici deux cas significatifs. En effet, le dossier présente un article de A.T.Q. Stewart à propos de la mémoire du territoire chez les habitants de l'Ulster (p. 38) et une étude de R. Breen et P. Devine au sujet de la ségrégation résidentielle à Belfast en 1991, avec une carte de la répartition de la population catholique.(p.40)

L'imagination au pouvoir

Wesley Hutchinson - auteur pour ce numéro de trois remarquables articles inédits concernant l'historique du conflit - présente notamment la recherche d'une solution constitutionnelle durant la période 1973-2000. Son approche chronologique permet de mettre en perspective le processus de paix. La situation a pu être débloquée "grâce à un nouveau climat de pensée qui s'impose progressivement entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Tous les principaux acteurs - l'IRA provisoire, les gouvernements britannique et irlandais, les paramilitaires loyalistes et le Parti unioniste - se sont montrés prêts à faire preuve d'une imagination et d'une flexibilité sans précédent.

Dès 1988, des pourparlers secrets sont engagés entre John Hume (SDLP) et Gerry Adams (Sinn Féin). Ces contacts qui s'échelonnent sur une période de six ans, finissent non sans mal, par convaincre une faction au sein du principal mouvement républicain armé (la PIRA) d'infléchir la double stratégie républicaine - l'expansion électorale du Sin Féin, la campagne du terreur de la PIRA - vers une ligne non-violente. Parallèlement, les gouvernements britannique et irlandais vont essayer de repenser la façon dont le problème nord-irlandais est posé. Il ne sera plus question d'imposer une solution au sein d'un cadre unique, qu'il s'agisse de la Province ou des relations intergouvernementales." (p. 54) A partir de 1991, on assiste à l'émergence d'une "solution" multiforme.

L'Accord du 10 avril 1998

Fort de l'imprimatur du Président des Etats-Unis - dont on aimerait connaître le rôle exact durant ces années - le processus aboutit le 10 avril 1998 à la signature de l'Accord multi-parties, appelé Accord du Vendredi Saint. "Les institutions proposées cherchent à établir un système d'équilibres susceptibles d'assurer le principe de la parité entre les deux traditions dans un cadre démocratique libre de toute menace terroriste." (p. 56)

Dans leur avant-propos, Paul Brennan et Wesley Hutchinson le résument ainsi : "Par ce texte, le gouvernement travailliste de Tony Blair tente de mettre en place un système d'équilibres institutionnels - création d'un exécutif nord-irlandais transcommunautaire, mise en place d'institutions à l'échelle de l'Irlande et des îles britanniques - destinées à assurer l'égalité et à encourager la coopération entre les deux communautés, dans un cadre constitutionnel volontairement flexible qui prévoit l'éventualité d'une évolution d'une majorité de la population nord-irlandaise en faveur de la réunification (pacifique) de l'île". (p. 4)

Les référendums organisés le 22 mai 1998 confirment l'acceptation par la population de l'Irlande, Nord et Sud, des termes de l'Accord. En Irlande du Nord, les "oui" remportent 71, 1 % des voix, alors qu'au Sud 94, 4% approuvent le texte. Le lecteur peut trouver dans ce numéro un résumé de l'Accord (pp.60-61)

La paix au jour le jour

Le dossier s'attache ensuite à donner plusieurs exemples de la construction de la paix au quotidien, dans des domaines aussi variés que la lutte contre la ségrégation par le logement, les efforts pour l'égalité devant l'emploi, la lutte contre le sectarisme au travail, l'action du Community Relations Council, les écoles intégrées, le mouvement associatif.

Enfin, les concepteurs du dossier n'oublient pas la dimension économique, dans laquelle l'Union européenne semble - peut-être à tort - plus active que sur le volet diplomatique. Le Sommet de l'Union européenne qui s'est tenu à Berlin au mois de mars 1999 a prévu un budget de 260 millions de livres pour soutenir de diverses manières le processus de paix durant la période 2000-2004. En outre l'Irlande du Nord reçoit 1,3 milliards de livres au titre des fonds structurels de l'Union européenne.

Au total, un dossier solidement documenté, à la fois historique et contemporain.

Pierre Verluise

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Plus avec www.diploweb.com - Forum diplomatique

. "La Grande-Bretagne et l'Europe. Le grand malentendu", par Pauline Schnapper, éd. Presses de Sciences Po, 2000.

Sélection bibliographique

. Paul Brennan et Valérie Peyronel : "La civilisation irlandaise", Paris, Hachette, 1999 (2^e éd.)

. Sean Farren, Robert F. Mulvihill, "Paths to a Settlement in Northern Ireland, Gerrards Cross, Colin Smythe Ltd, 2000.

. Wesley Hutchinson, "Espaces de l'imaginaire unioniste nord-irlandais, Caen, Presses universitaires, 1999.

. Wesley Hutchinson, "La Question irlandaise", éd. Ellipses, 1997. Réédition prévue à l'automne 2001.