UE, corruption : que faire ?

Par Daniel LEBEGUE, le 11 mai 2010  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Président de Transparence International (France)

Saluée par la presse européenne, la décision des Vingt-Sept – à l’exception du Royaume-Uni - d’annoncer le 9 mai 2010 un mécanisme d’assistance financière de 750 milliards d’euros cherche à redonner confiance dans la monnaie unique. Si ses effets restent encore à vérifier, il s’agit peut-être d’une ébauche de gouvernement économique de l’Union européenne.

Comme l’a montré le cas de la Grèce, les pays de l’Union européenne doivent aussi mettre en place des moyens de lutte contre la corruption plus convaincants.

Le Président de Transparence International (France) fait une analyse et présente les actions en cours de TI.

Quelques chiffres

Au sein de l’UE, les partis politiques, la fonction publique et le Parlement sont considérés comme les secteurs les plus corrompus par les citoyens européens (cf. Baromètre mondial de la corruption 2009 [1]).

Eurobaromètre de la Commission européenne [2] :
. 78% des Européens considèrent que la corruption est un problème majeur dans leur pays (ils sont 95% en Grèce pour 22% au Danemark) ;
. 80% d’entre eux sont convaincus que la corruption existe au sein des institutions locales, régionales et nationales et au sein des institutions européennes ;
. Plus de la moitié des Européens pensent que la corruption est largement répandue chez les hommes politiques et les fonctionnaires responsables de l’adjudication des marchés publics et des permis de construire.

Actions de TI France

Questionnaire adressé aux partis politiques présentant des candidats aux élections européennes de 2009 pour leur demander des engagements dans 9 domaines afin de renforcer la transparence et l’intégrité au sein de l’Union Européenne [3]. 7 partis ont répondu et pris des engagements  : Alliance écologiste indépendante, Debout la république, Europe Ecologie, MoDem, Newropeans, Nouveau Parti Anti-capitaliste et Parti Socialiste.

Synthèse des engagements

Tous les partis, à l’exception de Debout la République, se sont déclarés prêts à soutenir la mise en place d’un mécanisme ayant pour but de vérifier systématiquement la conformité de la législation des Etats membres avec les instruments européens de lutte anti-corruption.
Concernant le budget de l’Union européenne et la transparence des dépenses, tous les partis, sauf Debout la République, sont d’accord avec la nécessité de clarifier la répartition des rôles entre la Commission et les Etats membres en ce qui concerne la gestion des ressources de l’Union, en particulier pour les 80% de fonds européens en « gestion partagée ».

L’ensemble des partis sont favorables à la création de règles d’encadrement du lobbying communes au Parlement, à la Commission et au Conseil et à la publication des positions d’acteurs communiquées aux parlementaires européens lors des débats publics. Europe Ecologie propose la mise en place d’un « lobbying act » contraignant et instaurant une législation stricte dont la transparence serait la règle.
Les partis sont également prêts à garantir un large accès des citoyens aux documents de l’Union européenne.

Tous se sont engagés à soutenir l’établissement de règles claires et obligatoires pour éviter les conflits d’intérêts mettant en cause le personnel de l’Union, des membres du Parlement européen ou leurs collaborateurs.

En matière de coopération judiciaire, tous reconnaissent la nécessité d’accentuer la coopération judiciaire et policière et de permettre une meilleure coordination entre les Etats dans le cadre des poursuites transnationales. Europe Ecologie, le MoDem et le PS proposent la mise en place d’un procureur européen.

Enfin, les 7 répondants sont favorables à ce que l’Union Européenne et les Etats membres surveillent systématiquement les progrès effectués en matière de lutte contre la corruption dans les nouveaux Etats membres et que les Etats membres qui ne respectent pas les critères fixés par l’Union soient sanctionnés.

Dans ce contexte, TI soutient des actions en faveur du renforcement de la coopération administrative et judiciaire entre Etats membres (et avec les Etats associés) en vue de combattre la corruption, le blanchiment et la fraude fiscale, notamment via l’échange automatique d’informations et la levée du secret bancaire.

TI participe à la promotion de la possibilité pour une association spécialisée comme la nôtre d’agir en justice au nom de l’intérêt public et/ou pour le compte de victimes de la corruption : action en justice dans le dossier des Biens mal acquis, proposition d’un amendement lors du vote de la loi du 13 novembre 2007 sur la lutte contre la corruption.

Actions en cours de Transparency International

1. Projet de déclaration du parlement européen [4]. Sous l’impulsion du bureau de TI à Bruxelles, une dizaine de sections de TI ont encouragé une initiative de parlementaires européens visant à faire adopter une déclaration écrite contre la corruption. Si 369 députés soutiennent la proposition, elle deviendra une position officielle de l’Union Européenne. Ce chiffre étant presque atteint (354 signataires au 21 avril 2010), la déclaration écrite devrait être formellement adoptée le 15 mai prochain.

2. Appel au renforcement de la coopération judiciaire entre les pays européen et à l’institution d’un Procureur européen. TI a diffusé le 20 avril dernier, à la veille du Conseil des ministres de la Justice et de l’Intérieur, un communiqué demandant la création d’un Procureur européen disposant de réels pouvoirs et d’un mandat élargi (délits touchant aux intérêts financiers de l’UE, mais également aux délits transfrontaliers comme la corruption) afin de renforcer la confiance envers les institutions européennes et leur capacité à traiter efficacement les cas de corruption transnationale [5].

3. Encadrement du lobbying au sein de la Commission européenne. TI a participé à la consultation de la Commission Européenne sur la révision du registre facultatif mis en place en 2008. Face au faible nombre de lobbyistes inscrit, TI demandait notamment de rendre quasi-obligatoire l’inscription sur le registre (notamment en interdisant aux lobbyistes non inscrits toute relation avec la Commission).
Par ailleurs, à l’instar du travail de TI France sur le sujet [6], plusieurs sections européennes de TI mènent des activités de plaidoyer auprès des décideurs publics afin de promouvoir l’encadrement des activités des groupes d’intérêts (TI Allemagne, République Tchèque…).

4. ALACs . Certaines sections européennes de TI ont mis sur pied des centres d’assistance juridique aux victimes de la corruption. Les ALACs n’agissent pas directement en justice, mais ont pour objet d’aider les victimes et témoins d’actes de corruption à constituer les dossiers et à rédiger les plaintes déposées devant les tribunaux. Des centres existent dans 15 pays d’Europe de l’Est (Bulgarie, Roumanie, Pologne, République Tchèque, Bosnie-Herzégovine…) et un centre est en cours de création en Irlande.

5. Pétition lancée par 6 parlementaires européens avec le soutien de TI [7]. L’objectif de cette pétition est de recueillir un million de signatures afin d’appeler la Commission européenne à proposer un renforcement de la législation anti-corruption, notamment en ce qui concerne les relations entre l’UE et les pays tiers. Demandant des efforts dans 5 domaines d’intervention, cette pétition appelle à la mise en place de mesures inédites telles que le partage d’une liste des responsables officiels et de leur entourage contre lesquels existent des preuves crédibles de corruption. Ces personnes pourraient alors se voir interdire l’acquisition de biens dans les États membres et leurs avoirs détenus dans des comptes bancaires en Europe pourraient être gelés. Début mai 2010, 6 289 citoyens européens ont signé cette pétition. Voir

Copyright mai 2010-Lebègue/Transparence International (France)


Plus

Le site de Transparence International (France) Voir

L’étude de Pierre Verluise, UE-27, la corruption reste un défi Voir

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