Paris : documentation Française, PPS, n°846, 2000, 80 p. Un ouvrage sur les causes et les modalités de la suprématie des Etats-Unis.
OLIVIER Frayssé est maître de conférences à l’UFR du Monde Anglophone à l’Université de la Sorbonne nouvelle Paris III et oeuvre comme consultant pour the KHN Network (San Francisco). Il présente ici une dizaine d’extraits d’articles de chercheurs s’interrogeant sur les causes et les modalités de la suprématie des Etats-Unis.
A la faveur d’un avant-propos qui ferait une bonne introduction à une étude de ce pays au lycée, l’auteur définit ainsi son objectif :"Il s’agit […] de faire connaître au public français les réflexions des Américains eux-mêmes sur les problématiques nouvelles engendrées par le nouveau statut de leur pays. On verra d’ailleurs que les philippiques n’en sont point absentes. On verra aussi les particularismes d’un pays qui comporte de nombreuses "minorités", dont l’influence sur la politique étrangère des Etats-Unis est très importante (Juifs, Arméniens, Irlandais, Grecs, etc.), où les lobbies étrangers ou favorables à tel ou tel pays (Chine populaire, Taiwan, etc.) sont actifs, où le Congrès joue un rôle sans commune mesure avec celui de notre Parlement dans le domaine de la politique étrangère et où le débat académique sur la question est vif et nourri". (pp. 3-4)
Enseignant à l’Université de Chicago, Bruce Cumings écrit : "Quatre éléments, à mon sens, expliquent l’hégémonie américaine actuelle et aucun n’a grand chose à voir avec la prépondérance militaire (même si les Etats-Unis sont également dotés de cette supériorité là) : la consommation et la culture de masse, les avantages d’être un continent, des capacités technologiques prodigieuses dont certains aspects ne sont pas mesurés à leur juste valeur et un système planétaire d’une longévité remarquable, instauré par les décideurs américains après la Seconde Guerre mondiale et longtemps éclipsé par les obsessions de la guerre froide." (p. 12)
Josef Joffe, maître de conférence au Olin Institute for Strategic Studies de Harvard développe cette idée. "La diplomatie américaine, au cours de la seconde moitié de ce siècle, a manifesté son génie en construisant des institutions qui servent les intérêts américains tout en profitant à d’autres. On ne compte plus les sigles et les acronymes "made in USA", OTAN, GATT, OCDE, PFP (Partnership for Peace) … Alors pourquoi payer la note ? En garantissant à d’autres les avantages de la sécurité, en Europe, au Moyen-Orient, dans le Pacifique, les Etats-Unis ont également fait en sorte d’en jouir eux-mêmes. La stabilité est une rétribution qui se suffit à elle-même parce qu’elle empêche des évolutions néfastes : courses aux armements, prolifération nucléaire, conflits ouverts, qui pourraient mener des tiers encore passifs à s’engager. L’élargissement de l’OTAN est certes coûteux pour le contribuable américain mais il est profitable pour la Pologne comme pour les Etats-Unis, parce que tout ce qui consolide le règne de la démocratie libérale est dans l’intérêt de son représentant principal. Le renforcement de l’Organisation Mondiale du Commerce, même quand elle se prononce contre Washington, reste positif pour l’Amérique parce que c’est le plus grand exportateur du monde et que, de ce fait, personne n’a davantage intérêt au libre-échange." (p.31)
Ce même auteur construit une intéressante réflexion dont voici un trop court extrait : "Le jeu planétaire reste bismarckien et cela explique pourquoi le reste du monde ne se mobilise pas contre les Etats-Unis. Rappelez-vous le Kissingen Diktat. La métaphore appropriée est celle du moyeu et des rayons. Le moyeu est Washington, tandis que les rayons sont l’Europe occidentale, le Japon, la Chine, la Russie et le Moyen-Orient. Quel que soit leur antagonisme à l’égard des Etats-Unis, leur lien avec le moyeu est plus important pour eux que ne le sont leurs rapports mutuels. […] Même si l’Europe tisse une toile d’intégration économique et monétaire qui va s’élargissant, les axes de la stratégie globale continuent de converger à Washington." (pp. 28-29)
Olivier Frayssé observe que "dans tous les cas de figure, l’Eurasie est la clé du contrôle du monde, le grand échiquier sur lequel se joue le destin de la planète. Toute la politique américaine concernant l’Europe, la Russie, la Chine, etc., doit s’ordonner autour de cette préoccupation". (p.8) Expert au Center for Strategic and International Studies, Zbigniew Brzezinski écrit :"L’Europe est la tête de pont géostratégique fondamentale de l’Amérique. Pour l’Amérique, les enjeux géostratégiques sur le continent eurasien sont énormes. Plus précieuse encore que la relation avec l’archipel japonais, l’Alliance atlantique lui permet d’exercer une influence politique et d’avoir un poids militaire directement sur le continent. Au point où nous en sommes des relations américano-européennes, les nations européennes alliées dépendent des Etats-Unis pour leur sécurité. Si l’Europe s’élargissait, cela accroîtrait automatiquement l’influence directe des Etats-Unis. A l’inverse, si les liens transatlantiques se distendaient, c’en serait finit de la primauté de l’Amérique en Eurasie." (p. 35)
Aussi l’auteur considère-t-il que "Le problème central pour l’Amérique est de bâtir une Europe fondée sur les relations franco-allemandes, viable, liée aux Etats-Unis et qui élargisse le système international de coopération démocratique dont dépend l’exercice de l’hégémonie globale de l’Amérique." (p. 36) Zbigniew Brzezinski prône un soutien américain au projet européen , un appui au leadership allemand et une participation à la définition des limites de l’élargissement de l’Europe.
S’inscrivant dans une logique d’étude des causes et des formes de l’hyperpuissance américaine, cet ouvrage est utile à qui veut comprendre cette dimension incontournable du monde contemporain.
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