Au grès des conflits, l’idée d’ingérence humanitaire revient à la surface. Pourtant, cette idée n’est pas un principe juridique mais une revendication qui se heurte à des principes juridiques fondamentaux qui constituent l’architecture même du droit international public.
LES crises syrienne et ukrainienne, les crises du monde arabe amorcées en 2011, enfin les crises à répétition sur le continent africain depuis l’indépendance ou l’émancipation des Etats colonisés ou sous mandats, font ressurgir, régulièrement, l’idée d’ingérence humanitaire. Pourtant, cette idée n’est pas un principe juridique mais une revendication qui se heurte à des principes juridiques fondamentaux qui constituent l’architecture même du droit international public et garantissent l’intégrité des nations afin de maintenir, tant bien que mal, la paix et la sécurité internationales.
Dans son ouvrage de référence « de jure belli ac pacis » de 1625 Hugo Grotius développait l’idée du droit pour la société humaine d’intervenir si un tyran fait subir à ses sujets « un traitement que nul n’est autorisé à faire. ». Si cette idée avant-gardiste trouve une traduction partielle au XIX° siècle avec la notion d’intervention dite d’humanité afin de protection des nationaux expatriés se trouvant en danger, c’est avec la guerre civile du Biafra (1967-1970) et un génocide évalué à 1 à 2 millions de personnes, que resurgit l’idée d’ingérence humanitaire. C’est cependant à la fin des années 1970, début des années 1980, que l’idée d’ingérence est conceptualisée par quatre personnalités : Jean-François Revel qui, en 1979, évoque la notion de devoir d’ingérence face aux dictatures de Bokassa (République Centrafricaine) et d’Idi Amin Dada (Ouganda) ; Bernard Henri Lévy qui, reprenant l’expression en 1980 lors de la guerre du Cambodge, la reformule en 1988 en « droit d’ingérence » avec Mario Bettati et Bernard Kouchner. La revendication « d’ingérence » trouve alors sa justification philosophique moderne à travers l’idée d’une nouvelle morale des relations internationales fondées sur des valeurs universelles telles que la démocratie, l’Etat de droit, le respect de la personne humaine. Au mot « ingérence », on accole classiquement l’adjectif « humanitaire », afin de vouloir justifier, c’est-à-dire légitimer, dans les faits les motifs d’une intervention unilatérale, individuelle ou collective, d’Etats afin de faire cesser les violations du droit international humanitaire constatées pendant une guerre.
Le terrain de prédilection de la revendication d’ingérence humanitaire est donc naturellement la guerre, même si il peut y avoir des violations des droits de l’homme sans guerre (dictature), parce que c’est avec la guerre que les atteintes aux droits de l’homme lato sensu sont patentes. Il importe peu que cette guerre soit un conflit armé international (CAI) (qui suppose au moins deux Etats belligérants) ou un conflit armé non international (CANI) dénommé couramment « guerre civile ». Reste, cependant, que la situation de CANI est plus complexe à appréhender parce que l’idée d’ingérence humanitaire met en cause la puissance souveraine d’un gouvernement et plus directement la façon dont il traite la population sur le territoire duquel il a juridiquement toute autorité. Il n’est pas inutile de rappeler que les CANI sont définis comme « (…) des conflits qui se déroulent sur le territoire des Hautes Parties Contractantes (d’un Etat) entre ses forces armées et des forces armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui, sous la conduite d’un commandement responsable, exercent sur une partie de son territoire un contrôle tel qu’il leur permette de mener des opérations militaires continues et concertées et d’appliquer le présent protocole » [1]. A contrario, ne sont pas des CANI les « (…) situations de tensions internes, de troubles intérieurs, comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et autres actes analogues qui ne sont pas considérés comme des conflits armés ». [2] Ces deux définitions entrainent deux enjeux : le premier enjeu, fondamental, tient dans la qualification juridique d’une situation donnée puisque selon la nature des faits, leur gravité, leur permanence, leur caractéristique intrinsèque, ces faits pourront entrainer la qualification ou non de CANI. Le deuxième enjeu découle de cette qualification positive première des faits puisqu’elle est la condition sine qua non à l’application subséquente du droit international humanitaire (DIH) [3] qui bénéficie tant aux militaires (opérationnels, prisonniers ou blessés) qu’aux populations civiles enfin aux membres des organisations de secours afin de garantir le respect de la personne humaine : « le droit humanitaire concerne la conduite des belligérants et organise le respect de la personne humaine en cas de conflit armé » [4]. Aujourd’hui, le DIH est formé de ce qu’on appelle le droit de la Haye ou droit de la guerre, le droit de Genève, le droit de New York, enfin des conventions éparses relatives aux réfugiés et apatrides ayant pour objet de concilier les effets de la guerre avec le principe d’humanité [5].
L’ingérence humanitaire ou son refus peuvent aussi être le prétexte à des menées géopolitiques non déclarées mais bien réelles.
Selon les défenseurs du « droit » d’ingérence humanitaire, de la qualification de CANI découlerait alors, comme conséquence seconde, un « droit » de regard, de critique, voire un devoir d’action des acteurs de la communauté internationale dès lors qu’ils sont convaincus de l’existence de violations répétées du DIH, ce qui pose la question de la preuve [6] et oblige aussi les Etats à rechercher ce qui relève de l’information et de la désinformation. Sans jugement moral, on peut objectivement constater que l’évolution opportune de certaines crises pose questions. En Syrie, si Bachar al Assad n’est pas un démocrate, son père ne l’était pas non plus : pourtant, personne n’a envisagé de saisir l’ONU pour les exactions résultant d’un système policier (notamment contre les Frères musulmans) avec lequel tout le monde s’arrangeait parce que le régime syrien constituait un point de stabilité dans une région marquée par son instabilité (crise israélo-palestinienne, Liban, guerre Irak-Iran…). Par ailleurs, les évènements internes à la Syrie ont été dès le début largement médiatisés en occident. Etonnamment, l’observation permet de constater que les premières révoltes (désorganisées sous forme de mouvements contestataires sporadiques susceptibles d’être qualifiés de troubles intérieurs) ont été rapidement suivies de mouvements insurrectionnels armés, mais armés par qui et via quel cheminement ? L’Arabie Saoudite, le Qatar, Israël… ? Puis, des mouvements insurrectionnels beaucoup plus puissants sont apparus avec la conquête d’une zone territoriale et émergence d’un commandement (sous le conseil de qui ?), le tout amenant progressivement la situation à devenir conforme aux critères définis par les conventions de Genève pour reconnaître un conflit armé non international (CANI). Or, reconnaître un CANI, c’est alors, officiellement, s’arroger le droit de vérifier que le droit international humanitaire est respecté, ce serait officiellement s’arroger un « droit » de s’ingérer… En ce cas les « preuves », selon lesquels le régime de Bachard Al Adssad emploierait des armes chimiques, ajoutent à cette idée qu’il faut alors intervenir… [7] Mais une telle volonté d’ingérence peut aussi cacher la volonté de renverser Assad en application d’une logique stratégique précise de reconfiguration d’ensemble du Moyen-Orient, le fameux « Grand moyen Orient », tout comme il peut avoir pour objectif d’affaiblir et la branche Chiite de l’Islam, c’est-à-dire l’Iran en l’isolant, et le mouvement terroriste Hezbollah. Inversement, les Russes ont intérêt au maintien de Bachard Al Assad en raison de la base navale stratégique de Tortous qui leur permet d’accéder à la Méditerranée sans passer par le détroit du Bosphore contrôlé par la Turquie Otanienne ; en outre, la Syrie est l’un des rares régimes politiques au levant qui leur est favorable et est opposé, par ailleurs, au sunnisme wahhabite qui est cause de guerre en Tchétchénie ; enfin, le régime syrien est un client en achat d’armes et un allié de circonstances qui contrevient à l’isolement engagé contre la Russie. Quant au véto Chinois, il se comprend par le fait que le pouvoir chinois se souvient de la place Tian an men de 1989, par sa crainte de la théorie des dominos et son refus de se voir imposer, au moins en droit, une hypothétique revendication d’ingérence humanitaire au regard des Ouïgours ou des Tibétains… Bref, l’ingérence humanitaire ou son refus peuvent aussi être le prétexte à des menées géopolitiques non déclarées mais bien réelles.
Pourtant, le fait d’accoler l’adjectif « humanitaire » au mot ingérence ne rend pas le concept juridiquement plus fort. En réalité, l’idée « d’ingérence humanitaire » n’existe pas juridiquement et n’est pas un droit reconnu. Cela reste une idée et une revendication politique même si l’expression est souvent employée, par abus de langage ou facilité, pour désigner notamment le droit d’assistance ou de secours consacrée par la résolution 43/131de l’ONU du 8 décembre 1988 autorisant le libre accès des ONG « aux victimes de catastrophe naturelles et situations d’urgence du même ordre » (comme les catastrophes technologiques ou sanitaires (pandémie, famines…)) (Arménie en 1989). Notons cependant, que ce droit d’assistance suppose (sauf disparition totale de l’Etat comme en Haïti) l’accord de l’Etat concerné. De la même manière, les médias évoque souvent l’expression d’ingérence humanitaire pour évoquer la définition d’actions ciblées, qualifiées par les résolutions de l’ONU d’ « efforts d’assistance humanitaire » visant à protéger les populations civiles : or, ces actions quoique portant atteinte de manière graduée et proportionnée à la souveraineté d’un Etat en raison du constat, incontournable, de menace contre la paix et la sécurité internationale et de la violations de certaines normes relatives à la personne humaine ne vise jamais la notion d’ingérence ; ainsi, par sa Résolution 688 du 5 avril 1991, le Conseil de sécurité ne vise à aucun moment le concept d’ingérence mais fait appel aux Etats et organisations humanitaires pour mettre en œuvre les actions définies et adoptées en réaction aux répressions violentes du gouvernement irakien de Saddam Hussein contre les populations civiles du Kurdistan qui avaient collaboré avec l’alliance lors de la première guerre du Golfe. Depuis lors, toutes les résolutions de l’ONU (y compris celles relatives au « printemps » arabe...) emploient l’expression « d’assistance (ou aide) humanitaire » et demandent aux Etats de prendre les dispositions nécessaires pour mettre en œuvre les décisions arrêtées. Bref, la revendication d’ingérence humanitaire, connait ainsi une situation complexe : non reconnue comme principe juridique, elle est pourtant motivée de manière cohérente par la violation de principes d’humanité traduits en droit positif, le droit international humanitaire dont elle prétend, in fine, assurer l’effectivité.
La réalité juridique est paradoxale puisque non seulement le concept d’ingérence humanitaire n’est pas un principe juridique mais en outre l’article 2 § 7 de la charte de l’ONU prévoit qu’ : « Aucune disposition de la présente charte n’autorise les nations unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d’un Etat ni n’oblige les membres à soumettre les affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente charte. » En outre, l’assemblée générale de l’ONU a fait une déclaration fondamentale (36/103) datée du 9 décembre 1981, grevée d’une annexe, intitulées conjointement « Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats » par lesquelles est affirmé d’une part, qu’« Aucun Etat ou groupe d’Etats n’a le droit d’intervenir ou de s’ingérer de quelque manière que ce soit dans les affaires intérieures et extérieures d’autres Etats. » ; d’autre part, « Le principe de non intervention et de non-ingérence dans les affaires intérieures et extérieures des Etats (…) ». Pourquoi une telle affirmation du principe de non-ingérence ? Parce que le principe de non-ingérence s’inscrit dans une architecture juridique cohérente d’ensemble reposant sur le principe de souveraineté des Etats, le devoir de réserve, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui sont les clefs des objectifs de la paix et de la sécurité internationales. Ce principe de non-ingérence, rappelé dans toutes les résolutions de l’ONU, sera d’ailleurs de nouveau affirmé solennellement par l’Acte final d’Helsinki via l’affirmation de la non-intervention dans les affaires intérieures, de l’égalité souveraine entre Etat, du respect des droits inhérents à la souveraineté, du droit de déterminer ses lois et règlements [8].
Le principe de non-ingérence est indissociable du principe de souveraineté des Etats, critère essentiel de sa puissance et de sa liberté d’action, c’est-à-dire de son indépendance politique. La souveraineté suppose, historiquement, que l’Etat jouisse, sans entrave, d’une part, du monopole de la violence intérieure, c’est à dire sur son territoire et sa population, sans aucune intervention extérieure possible ; d’autre part, du monopole de la puissance extérieure (diplomatie et guerre), c’est-à-dire la faculté de faire la guerre ou de faire la paix avec les autres Etats. Certes, si la souveraineté n’est plus considérée comme illimitée en ce sens ou chaque Etat reconnait désormais (après plusieurs guerres internationales mortifères…) que la souveraineté d’un autre Etat constitue aussi, et réciproquement, leur limite de souveraineté (théorie de la souveraineté limitée), c’est moins pour accepter une limite à sa propre puissance que pour bénéficier de la limite volontairement acceptée par les autres Etats de leur capacité d’action extérieure. Or ce respect mutuel de souveraineté est en soi un principe de paix parce qu’il s’inscrit dans le cadre du principe d’égalité entre « les nations, grandes et petites » (préambule de la charte de l’ONU) [9] en garantissant l’intégrité territoriale et politique à chaque Etat. Par essence, la reconnaissance de souveraineté s’oppose à toute forme d’ingérence et implique une retenue diplomatique, le devoir de réserve, postures permettant d’éviter des casus belli.
Le droit international public est initialement la somme des limitations que consentent les Etats à leur puissance.
Ajoutons à cela que, selon l’école du domaine réservé, le droit international public (DIP) est né exclusivement des relations entre Etats souverains pour organiser leurs relations extérieures. Aussi, le droit international public ne pourrait exister durablement sans ceux qui le légitiment, moins encore contre ceux qui le légitiment, c’est la théorie volontariste du droit international. Selon cette théorie, le droit international public apparaît comme l’expression de normes coutumières ou écrites toujours acceptées volontairement, par les Etats : ainsi dit, le droit international public est initialement la somme des limitations que consentent les Etats à leur puissance mais le principe du consentement des Etats limite par voie de conséquence la puissance, c’est-à-dire la portée légale, du Droit et par voie de conséquence la portée même, au cas d’espèce, des règles du droit international humanitaire. Selon cette première école, l’Etat étant l’acteur premier des relations internationales, au sommet de la hiérarchie, et étant le créateur finalement du droit international public, ce droit, qu’il soit coutumier ou conventionnel, ne peut être une norme impérative (jus cogens) générée ex nihilo s’imposant à lui. Il y a trois conséquences majeures à la théorie volontariste :
. les Etats sont totalement libres d’adhérer ou non aux traités internationaux y compris les conventions relatives au droit des conflits armés ou celle instituant la Cour pénale internationale ;
. les Etats sont libres d’émettre des réserves interprétatives au traité qu’ils ont ratifié à condition que ces réserves soient compatibles avec le but et objet du traité et qu’elles ne vident pas le texte de son contenu [10] ;
. les Etats sont totalement libres, sous réserve d’un certain formalisme procédural, de se retirer d’un accord international qu’ils ont ratifié [11].
Ces trois libertés affaiblissent la portée du droit international public mais sont, paradoxalement, la condition à son existence : « le caractère universel des Nations Unies, la recherche d’une très large participation à cette convention, la pratique récente suivant laquelle on peut être partie à une convention bien qu’ayant fait des réserves, et enfin le fait que la convention sur le génocide est le résultat d’une série de votes majoritaires sont autant d’arguments qui militent en faveur d’un assouplissement dans le jeu des conventions multilatérales » [12]. Or, les droits de l’homme et le droit humanitaire sont des droits conventionnels ou considérés par nombre d’Etats comme tel. Cette conception du droit international public aboutit à conclure à sa portée relative et contingente même si une autre école, plus utopiste, voudrait qu’il existe des normes impératives du droit international s’imposant aux Etats contre leur volonté. Notons, cependant, que quoique la Cour Internationale de Justice (CIJ) laisse transparaître à plusieurs reprises la notion de jus cogens notamment par son avis consultatif du 28 mai 1951 concernant la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide faisant référence à l’existence de principes de morale élémentaire obligeant les Etats en dehors de tout lien conventionnel, puis par son arrêt du 5 février 1970 (affaire de la Barcelona Traction), elle élude cependant l’expression même de jus cogens. Certes, elle définit, de manière aléatoire, un ensemble de normes juridiques suprêmes ou obligations dans l’ordre public international s’imposant erga omnes, aux Etats et à toutes entités susceptibles d’inférer dans la vie internationale sans que ces normes n’émanent des Etats ni ne nécessitent leur consentement pour être applicables : les Etats ne pourraient aller à l’encontre de ces règles ni en politique internationale, ni par voie d’action ni par voie de convention, ni en politique intérieure. Tout acte contraire à une norme du jus cogens serait, sous réserve d’une autre norme de jus cogens, nul de droit. Pour autant, même en ce domaine, la souveraineté de l’Etat reste une réalité incontournable parce qu’il faut éviter de créer une réaction généralisée épidermique des Etats qui aboutirait à annihiler tous les progrès du droit international accomplis jusqu’à ce jour.
A cet égard, le principe de non-ingérence est indissociable de la volonté de créer les conditions de la paix et de la sécurité internationales, buts premiers des nations unies (art 1 de la CNU) [13], qui suppose l’interdiction du recours à la force mais aussi le respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le principe est que la guerre et toute action de force est prohibée, principe qui vient s’articuler en appui du principe général de non-ingérence.
La Charte de l’ONU déclare illégale : « (…) la menace ou l’emploi de la force soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de tout autre manière incompatible avec les buts des nations unies » (art 2 §4 de la CNU). Ce principe d’interdiction de l’usage de la force, plus large que l’interdiction de faire la guerre puisque cela recouvre tout moyen qui aboutirait à contraindre un Etat, a été reconnu en outre comme une norme de jus cogens en 1986, dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua ce qui interdit toute forme d’ingérence d’initiative étatique. Il vient en complément du pacte Briand-Kellog qui déclare la guerre illicite et suppose des justifications pour qu’elle soit légale [14] aux yeux du droit international public et de la communauté internationale. De fait, le principe premier du règlement des différends entre Etat est désormais d’avoir recours à des modes de règlement pacifique. Par principe, la violation du droit international humanitaire n’autorise donc pas, en droit, un autre Etat d’user de la force contre cet Etat sous réserve du cas particulier l’intervention de protection des nationaux (droit coutumier) dit « d’humanité » stricto sensu qui suppose une intervention armée visant uniquement à protéger ses concitoyens lorsque leur vie est en danger dans un pays tiers [15]. Hormis ces hypothèses, et sous réserve des opérations militaires autorisées par l’ONU elle-même, le principe est que la guerre et toute action de force est prohibée, principe qui vient s’articuler en appui du principe général de non-ingérence.
La charte des nations unies proclame aussi le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (art 1 §2 de la CNU) qui fait suite à la pensée américaine de Woodrow Wilson qui défendait l’idée du droit à l’autodétermination des peuples qu’il faut aider (1915). Ce principe sera ensuite conforté par, notamment, la résolution 26-25 (XXV), resucée de la résolution 1514 (XV), qui dispose en son §1 « La sujétion des peuples à une subjugation, à une domination et à une exploitation étrangère constitue un déni des droits fondamentaux de l’homme, est contraire à la charte des nations unies et compromet la cause de la paix et de la coopération mondiale. ». Elle dispose en son §2 : « Tous les peuples ont le droit de libre détermination ; en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et poursuivent librement leur développement économique, social et culturel ». Le mouvement d’émancipation (fin des mandats…) et de décolonisation (libération nationale ou indépendantiste), qui s’amorce dès la fin de la seconde guerre mondiale est alors la résultante politique du principe juridique du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est-à-dire du droit pour un peuple à devenir indépendant de toute forme de domination extérieure. Une fois l’indépendance obtenue, les dirigeants des pays décolonisés feront leur le principe d’égalité en droit des Etats et plus encore le devoir de réserve que suppose le respect de leur indépendance politique : par essence l’indépendance nouvellement acquise ne peut supporter officiellement une quelconque ingérence dans les affaires intérieures desdits nouveaux Etats. Cette logique s’appuie sur le mouvement des non-alignés dont la conférence de Bandoeng (1955) fut le point structurant. Ainsi, officiellement, sous l’impulsion du Tiers monde, est gelée et jusqu’à la fin des années 80 toute notion d’ingérence en raison de la méfiance qu’ont les Etats nouvellement constitués vis-à-vis de leurs anciens colons. Officieusement, cependant, les pays nouvellement indépendants sont sous assistance militaire et sous perfusion économique et financière, et certains de leurs dirigeants (autocrates) sont soit soutenus, soit renversés ou remplacés indirectement, via un recours fréquent au mercenariat [16], par le jeu de la bipolarisation du monde et en fonction des liens historiques et des intérêts géostratégiques des différentes puissances, y compris la France. La question du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes renvoie à la question générale de l’assistance aux insurgés contre un régime violant les droits de l’homme. Reisman et Cutler ont développé l’idée que l’aide donnée aux insurgés luttant contre un gouvernement despotique serait justifiée par le concept de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes envisagé comme le droit à un gouvernement librement choisi par des moyens démocratiques [17]. Mais, par son arrêt du 27 juin 1986 (affaires dites des contras au Nicaragua), le CIJ considère que : « la pratique des Etats n’autorise pas à conclure que le droit international contemporain prévoit un droit général d’intervention en faveur de l’opposition dans un autre Etat. ». La précision de la CIJ écarte ainsi d’un revers de main l’idée que l’usage des Etats ferait la coutume en ce domaine alors même que c’est l’essence même du droit coutumier et l’origine de la majeure partie des règles écrites du droit international public. La Cour s’oppose donc fermement quelles qu’en soient les motifs, à légitimer de manière générale toute forme d’intervention. L’assistance aux insurgés est enfin explicitement écartée en vertu d’engagements de non intervention figurant dans les traités régionaux tels que le pacte de la ligue arabe, la charte de l’OUA, la charte de l’OEA...La raison en est simple, c’est que le fil qui sépare l’intervention désintéressée à caractère humanitaire de l’intervention intéressée au risque d’une déstabilisation guerrière locale, voire régionale semble impossible à trouver et que chaque Etat sent bien que ce serait là ouvrir la boite de Pandore.
L’ingérence humanitaire fonde-t-elle les décisions du Conseil de sécurité ? Non. En réalité, le Conseil de sécurité de l’ONU motive et fonde, depuis 1990, classiquement, en droit ses résolutions sur la base de ses devoirs et responsabilités au titre du Chapitre VII de la Charte relatif aux « Actions en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression ». De fait, le Conseil constate ensuite, en second lieu, la violation des droits de l’homme et/ou du droit humanitaire (répression, tortures, génocides…) en l’interprétant comme une menace contre la paix internationale au regard de situations s’inscrivant majoritairement dans le cadre de guerres civiles (ou CANI) dès lors que cette situation, notamment par l’afflux de réfugiés (violation de frontières) et la circulation d’armes, est susceptible de déstabiliser une région internationale. Il est donc erroné de considérer, en droit stricto sensu, que l’idée d’ingérence est justifiée depuis la crise intérieure Irakienne du Kurdistan et plus récemment depuis les guerres civiles dans la zone du pourtour méditerranéen dénommées maladroitement « printemps Arabe » (Libye, Syrie…) par le constat de violations des normes du DIH ou du DH car la réalité est qu’une intervention décidée par la communauté internationale est, pour l’heure, conditionnée par le constat cardinal d’une menace ou une rupture de la paix et de la sécurité internationales. Certes, on peut immédiatement considérer que ce constat se réalise de manière sophiste avec cette idée, donc, qu’il faut nécessairement le faire pour, in fine, stopper les violations du DIH, voire des droits de l’homme.
Seule l’ONU a la responsabilité de défendre les objectifs fondamentaux prévus par la Charte, la paix et la sécurité internationales (l’interdiction du recours à la force), la protection des droits de l’homme en tant de paix ou de guerre (DIH), le respect de la souveraineté et de l’égalité des Etats. A contrario, cela signifie que les Etats n’ont pas le droit d’intervenir par la force contre un autre Etat. Tant la Charte de l’ONU (article 2 §4) que la jurisprudence de la CIJ (affaire du détroit de Corfou du 9 avril 1949) interdisent le recours à la force et ne reconnaissent pas aux Etats « un prétendu droit d’intervention qui n’est que la manifestation d’une politique de force, politique qui dans le passé a donné lieu aux abus les plus graves…Elle (l’intervention) serait par la nature des choses réservée aux Etats les plus puissants et pourrait facilement conduire à la perversion de l’administration de la justice elle-même. ». L’assemblée générale de l’ONU a par ailleurs fait une déclaration fondamentale (36/103) le 9 décembre 1981, grevée d’une annexe, intitulées dualement « Déclaration sur l’inadmissibilité de l’intervention et de l’ingérence dans les affaires intérieures des Etats » par lesquelles, est affirmé qu’ « Aucun Etat ou groupe d’Etats n’a le droit d’intervenir ou de s’ingérer de quelque manière que ce soit dans les affaires intérieures et extérieures d’autres Etats. ». Ainsi, aucune intervention militaire afin de pacification ne peut être le fait unilatéral d’un Etat sans être considérée comme un crime d’agression donc un acte de guerre illicite et donc répréhensible aux yeux de la charte des nations unies et du droit pénal international de la Cour Pénale Internationale. Cette condition juridique de la légalité de l’intervention est, naturellement, au cœur de l’affaire syrienne dont on sait que les vétos russe et chinois du 28 août 2013 interdisent de jure la légalité de toute forme d’intervention armée alors même que le projet de résolution britannique souhaitait pouvoir agir sur le fondement du chapitre VII de la Charte afin de protection des civils contre les armes chimiques.
En cas de conflits armés, le Conseil de sécurité [18] peut, sur mandat des Etats membres en application du Chapitre VII, décider d’une intervention à vocation pacifique qualifiée d’opération de maintien de la paix (OMP) [19] sous réserve, désormais, de répondre à trois principes importants développés par la doctrine de maintien de la paix de l’ONU publiée en 2008 : le consentement des parties, l’impartialité, l’usage de la force limitée à la légitime défense et à la défense du mandat (la mission). Cette doctrine fait suite aux difficultés rencontrées lors des opérations en ex-Yougoslavie, au Rwanda, en Somalie qui se caractérisèrent par le fait atypique qu’elles se déroulèrent dans le cadre de guerres civiles à caractère international ou devenues des CAI en raison de la reconnaissance d’indépendance de certains mouvements sécessionnistes (Indépendance de la Croatie reconnue par l’Allemagne en 1991 [20]…etc.). Maintes fois mises en œuvre, les opérations de maintien de la paix supposent désormais un consentement des belligérants ce qui, par nature, s’oppose à la qualification d’ingérence qui implique une intervention contre la volonté même des belligérants. En outre, le déploiement sur théâtre de casques bleus a pour finalité première de séparer les belligérants afin de rétablir la paix et non, par suite, de veiller au respect du droit humanitaire dans le déroulé d’un conflit puisqu’il s’agit justement de stopper le conflit : reste le cas des prisonniers et des civils que les casques bleus sont généralement chargés de protégés contre toute violation des règles du droit international humanitaire par l’une des parties au conflit (ce fut pour partie le problème de la définition de la mission Licorne au Rwanda). Une OMP n’est donc pas une ingérence humanitaire même si sa mission peut naturellement comprendre des objectifs humanitaires.
La mission de soutien au Mali (MISMA) décidé par le Conseil de sécurité de l’ONU (résolution 2085) en application du chapitre VII après avoir constaté que la situation de crise constitue une menace pour la paix et la sécurité internationale est intéressante puisque atypique. Atypique, non pas dans son fondement juridique officiel mais dans ses objectifs et sa mise en œuvre. En soi l’objectif principal est ici, ni de s’interposer entre des belligérants sinon ce serait une OMP, ni de s’opposer à l’autorité d’un Etat en raison de violations du droit humanitaire, mais de rétablir, au contraire, l’ordre et l’autorité de l’Etat considéré par la communauté internationale comme légal et légitime et de permettre la transition, via des élections, vers une situation politique pacifiée. Or, notons que la crise malienne est d’abord un problème interne, un CANI, qui se concrétise par le renversement d’un dirigeant (Amadou Toumani Touré) par les militaires suite à l’absence ou à l’insuffisance de décisions politiques en réaction aux avancées rebelles, notamment, les réseaux islamistes du nord. L’objectif est donc la restauration du pouvoir légitime ainsi que la restauration de ce pouvoir sur l’intégralité du territoire malien au nom justement du « ferme attachement (de l’ONU) à la souveraineté, à l’unité et à l’intégrité » des Etats, ce qui en soi est une originalité. En outre, cet objectif implique de lutter contre les mouvements sécessionnistes du Nord composés pour partie par le mouvement salafiste ANSAR DINE dirigé en sous-main ou associé à AQMI, un réseau notoirement terroriste s’intégrant dans la nébuleuse terroriste islamiste, mouvements sécessionnistes qui ne sont naturellement pas reconnus par les Etats membres (en particulier la France, les Etats-Unis… ). Dans ce cadre, la MISMA se réalise sous l’autorité de l’ONU via la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pour autant, la France décide, en raison pour partie d’intérêts vitaux au Niger (Uranium/AREVA) d’engager l’opération SERVAL en janvier 2013 : cette opération qui s’inscrit dans la cadre de la résolution de l’ONU est essentiellement ab initio une opération franco-française à la demande et avec le soutien des dirigeants maliens. Ce n’est ni une opération de maintien de la Paix, ni une mission afin de protéger les populations civiles mais une opération militaire visant à soutenir le pouvoir malien afin de restaurer l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire, restaurer la paix, la démocratie et les droits de l’homme en considération du fait que la guerre civile malienne est susceptible d’évoluer vers un conflit international affectant l’équilibre régional des pays de la zone saharienne… [21]
Le sommet mondial des Nations unies de 2005 a consacré [22], pour sa part, le principe de « responsabilité de protéger (R2P) » qui veut que « Lorsqu’un Etat se révèle incapable ou peu désireux de protéger sa population, et que des crimes contre l’humanité sont perpétrés, la communauté internationale a l’obligation d’intervenir, si nécessaire et en dernier recours, par la force militaire ». Notons en premier lieu que le terme d’« ingérence » ou l’expression d’ « ingérence humanitaire » ne sont pas consacrés et que le principe de non-ingérence reste intègre. Seule l’obligation d’intervention (et non un principe d’intervention) [23] est consacrée au regard d’une situation précise, la preuve (et non une supputation) de crimes contre l’humanité : le choix du mot intervenir n’est pas anodin puisqu’il suppose une action circonstanciée, limitée, motivée par un objectif précis (stopper des crimes contre l’humanité) et autorisé par la communauté internationale, tout en écartant subtilement, avec fragilité, l’idée d’ingérence qui suppose une immixtion politique par les Etats. De jure, l’intervention pour crime, relève de la seule compétence du Conseil de sécurité de l’ONU au risque d’un blocage (véto comme pour la crise en Syrie) qui agit en application du chapitre VII. Ainsi, la résolution décidant de prendre des mesures afin de protection des populations n’est pas à proprement parler une opération de maintien de la paix, pas plus qu’une mission de restauration de l’autorité de l’Etat : il s’agit de décider de mesures variées dont le respect peut aller jusqu’à l’emploi ultime de moyens militaires contre un Etat souverain tout en portant atteinte a minima à sa souveraineté. Le Conseil de sécurité de l’ONU peut prendre différentes décisions ou recommandations d’intensités variables selon la situation qui sont décrites aux articles 40 et suivants de la Charte. L’intervention peut se matérialiser alors par d’une part, des sanctions politiques (embargo, gel des avoirs, interdiction de sortie du territoire de certains dirigeants, saisine de la CPI…) ; d’autre part, des mesures ciblées, attentatoires à la souveraineté territoriale, comme la définition d’une zone de protection ou zone d’exclusion aérienne qui suppose d’être matérialisées via l’emploi limité de moyens militaires par les Etats membres ou des organisations militaires régionales (OTAN) sans que cela soit une opération de maintien de la paix. Ainsi, en Libye, fut engagée une opération à caractère humanitaire avec des moyens militaires (essentiellement franco-britanniques soutenus par la logistique des Etats-Unis et OTAN) dont l’objectif était de protéger les civils menacés d’attaques, tout en excluant le déploiement d’une force d’occupation étrangère (§4 résolution 1973), via la définition d’une zone d’exclusion aérienne sous réserve de l’assistance humanitaires (§7 de la résolution 1973), via l’embargo sur les armes, le gel des avoirs…etc. A ces actions de l’ONU, peuvent s’ajouter des sanctions politiques (mais pas d’ingérence sur site) qui peuvent être le fait d’un Etat, voire, pour certaines mesures, d’une organisation intergouvernementale autre que l’ONU (La ligue Arabe, l’Union Africaine…) lorsqu’elle s’exprime sous la forme de mesures coercitives pacifiques, parfois symboliques, parfois conséquentes : ainsi du rappel des diplomates, de la rupture des relations diplomatiques, le gel des avoirs financiers ou la suspension des relations économiques notamment via l’embargo décrété sur l’achat des produits du pays considéré ou encore le boycott de vente de produits à destination du même pays sous réserve des exceptions humanitaires (denrées et matériels médicaux, résolutions 661, 666, 687, 757, 917) . Dans tous les cas, l’intervention en R2P suppose une décision du seul Conseil de sécurité puis, dans l’affirmative, une action des Etats limitée aux termes de la résolution adoptée sans aucune initiative de leur part…De fait, sous réserve de la Libye, la R2P reste, pour l’heure, une déclaration d’intention puisque c’est une obligation dont l’exécution dépend encore in fine des rapports de force entre grandes puissances qui peuvent mettre leur véto : de ce point de vue, et indépendamment des manœuvres « omnigéopolitiques » souterraines, tant l’affaire de la Syrie que celle de l’Ukraine sont parlantes.
Si le droit de véto des membres permanents du Conseil de sécurité en interdisant toute forme d’ingérence, même limitée à la R2P, peut apparaître comme un archaïsme insupportable, le droit de véto est pourtant aussi un outil extraordinaire au service de la paix : en interdisant l’adoption d’une résolution susceptible de mettre en opposition militaire les grandes puissances, le droit de véto a contribué, quant aux dossiers syrien et ukrainien, à éviter un conflit majeur entre des nations nucléarisées ; quant à la Syrie, on ajoutera que le droit de véto a aussi évité, involontairement, l’installation durable d’un régime islamiste dangereux pour la région du Levant [24]…En outre, quoique l’idée de R2P parte d’un objectif louable (arrêter des crimes contre l’humanité) il n’est pas exclu que la R2P puisse être un prétexte de puissance visant à servir des ambitions géopolitiques : l’ « ingérence impériale » n’est pas un risque nouveau, c’est une réalité ancienne aussi ancienne que les Etats… En « déclinant l’invitation » d’intervenir militairement malgré l’emploi d’armes chimiques par des auteurs non vraiment identifiés, le parlement britannique a sans doute fait plus pour la paix mondiale et l’humanité qu’une aventure militaire motivé par des violations, tout azimut, toujours regrettable, du droit humanitaire. Mieux, le parlement britannique a sans doute évité à la France, qui a ratifié les statuts de Rome de la Cour pénale internationale, une intervention armée sans fin et à risque illimitée susceptible d’être qualifiée, en droit, d’agression armée dès lors qu’elle n’est pas autorisée par l’ONU. La Charte des nations unies prohibe, en effet, le recours à la force, notamment la guerre d’agression qui a été définie par la résolution 3314 (XXIX) comme « (…) l’emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté ou l’indépendance politique d’un autre Etat ou de toute autre manière incompatible avec la CNU ainsi qu’il ressort de la présente définition. ». Or, aujourd’hui, la guerre d’agression est un crime contre la paix mais aussi un crime d’agression au sens légal du terme puisque l’article 8 bis du statut de Rome de la CPI dispose qu’« Aux fins du présent statut, on entend par crime d’agression, la planification, la préparation, le lancement ou l’exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l’action politique ou militaire d’un Etat, d’un acte d’agression qui, par sa nature, sa gravité, son ampleur, constitue une violation manifeste de la charte des nations unies. Aux fins du § 1, on entend par acte d’agression » l’emploi par un Etat de la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un autre Etat, ou de toute autre manière incompétence avec la charte des nations unies. (…) ». De nos jours, les dirigeants des Etats ne peuvent donc plus s’ingérer unilatéralement militairement sur le territoire d’un autre Etat, même pour des raisons humanitaires, sans encourir éventuellement des poursuites pénales. Quant aux dirigeants des Etats violant les normes du droit international humanitaire, quand bien même considéreraient-ils que ces normes ne leur seraient aujourd’hui pas opposables et que la compétence de la CPI ne leur serait pas non plus opposable, ils s’exposent sans aucun doute à une évolution aux effets rétroactifs du droit international concernant l’immunité des chefs d’Etat et aux actions judiciaires, y compris par contumace, de juridictions nationales étrangères éventuellement saisie par les nationaux ayant demandé le droit d’asile, pour des actes considérés comme imprescriptibles [25].
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. En complément, cet ouvrage apporte des éléments à considérer : Jean-Baptiste Jeangène Vilmer et Ryoa Chung (dir.), Ethique des relations internationales, Paris, PUF, 2013.
[1] Cf les 4 conventions de Genève et protocole additionnel II (article 1-1 §1)
[2] Protocole additionnel II art 1-1 §2
[3] Le DIH connait une consécration normative au XIX° siècle avec, d’une part, avec Henry Dunant au regard de ses souvenirs sur la bataille de Solferino (1862) qui donnera naissance à la Croix Rouge et à la première Convention de Genève (1864), avec, d’autre part, Lincoln qui promulguera le code Lieber de 1863 lors de la guerre de sécession afin d‘empêcher les exactions,
[4] « Droit humanitaire » Mario Bettati, éd Points n°415
[5] Op cit p 15
[6] C’est tout le problème de l’affaire récurrente de l’emploi (et non la possession) d’armes chimiques par le régime légal syrien que l’opinion publique observe avec un certain scepticisme en raison des mensonges du gouvernement américain de 2003 concernant l’IRAK et sa possession d’armes de destruction massive.
[7] Etonnamment le début de l’utilisation de ces armes chimiques (au printemps 2013) semble avoir été artisanale puisque ne tuant pas, faisant peu de blessés et se limitant à des diffusions limitées géographiquement. En outre quelques jours après, certains médias se faisaient l’écho de l’emploi de telles armes par des rebelles islamistes… Ce qui est certain, c’est que Bachar al Assad n’a pas besoin d’armes chimiques pour mener une guerre et que l’emploi de telles armes dans de telles conditions présente l’inconvénient de ne lui donner aucun avantage stratégique mais de donner des prétextes à la communauté internationale de vouloir prendre des mesures officielles.
[8] Cf l’article 1 a/VI intitulé « Non-intervention dans les affaires intérieures » de la déclaration finale d’Helsinki.
[9] Ce principe d’égalité est réaffirmé par la CNU à plusieurs reprises (article 1 §2, 2 §1…etc).
[10] Avis consultatif de la CIJ du 28 mai 1951 concernant les réserves à la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide in »Petit manuel de la jurisprudence de la CIJ, ouvrage collectif éd Pédone, mars 84 p 233 et s.) « La cour (CIJ) rejette ainsi comme une application extrême de l’idée de souveraineté le droit de faire n’importe quelle réserve. Elle rejette aussi la règle de l’absolue intégrité de la convention, au motif que cette règle n’a pas acquis l’autorité coutumière nécessaire (…) ».
[11] Un Etat peut tout aussi bien vouloir changer les usages qu’il acceptait jusqu’alors ou souscrire à une norme puis la dénoncer : ainsi du traité TNP ratifié par la Corée du nord puis dénoncer par ce même pays. A cet égard l’Iran pourrait très bien dénoncer le traité TNP ratifié en 1968 (sous le Shah installé par les Etats-Unis) dans le délai de 3 mois (avec une motivation facile à présenter) pour se lancer licitement dans un programme nucléaire militaire.
[12] Avis de la CIJ de 1951 précité.
[13] « Les buts des nations unies sont les suivants :1-Maintenir la paix et la sécurité internationales…(…).2-développer entre les nations des relations amicales (…). ».
[14] la légitime défense individuelle ou collective qui suppose une agression armée (art 51 de la CNU) et « une nécessité urgente irrésistible, ne laissant aucun choix des moyens et aucun délai pour délibérer », l’action de légitime défense devant en outre demeurée limitée et proportionnée (Affaire de la caroline et art 51 de la CNU.) qui se substitue à la notion de représailles armées.
[15] Exemples, opération aéroportée Belgo-américaine de novembre 1964 à Stanleyville, opération israélienne à Entebbe en Ouganda pour libérer les victimes d’un détournement d’avion en juillet 1976…etc.)
[16] Lire le numéro spécial « Les mercenaires, 1960-1980 » d’Historia, n°406 bis 1980, très riche en informations sur le rôle des mercenaires dans l’évolution des régimes politiques africains ou moyen-orientaux.
[17] Hubert Thierry, Jean Combacau, Serge Sur, Charles Vallée, ouvrage collectif « Droit international public », précis domat éd.Montcrestien p 537.
[18] Les OMP peuvent aussi être décidées par l’AG de l’ONU en cas de véto du Conseil de sécurité , ceci, en application de la Résolution 377 (V) dite « Acheson » (ou Union pour la paix) du 3 novembre 1950.
[19] De nombreuses OMP à caractère humanitaire ont été décidées par l’ONU ou validées a postériori par l’ONU depuis 1950. Toutefois, dernière ce vocable se cache différents types d’opérations : des opérations traditionnelles de diplomatie tenant à la prévention des conflits, le rétablissement de la paix via l’envoi d’émissaires, la vérification du respect des accords de cessez-le feu ou encore d’accords de paix ; des opérations complexes multidimensionnelles qui suppose l’envoi de casques bleus en tant que force d’interposition entre deux belligérants appartenant ou non à un même Etat, mais aussi l’envoi de conseillers civils afin d’aider un pays à se reconstruire, à organiser des élections, à créer sa police, son armée, à mettre en place une aide humanitaire…etc.
[20] La question de l’indépendance de la Croatie fit l’objet d’un référendum local positif, reconnu ensuite par les pays du bloc de l’Ouest, qui fut au fondement de sa sécession de la Yougoslavie. C’est ce même processus qu’a connu l’Ukraine avec le référendum sur l’indépendance de la Crimée dont les résultats furent reconnus par le Russie mais non par l’Union européenne, ni ses pays membres, sans que cela soit juridiquement cohérent.
[21] L’Opération « Serval » engagée par la France a permis de repousser les forces islamiques (AQMI), rétablir l’autorité de l’Etat malien et l’organisation d’élections libres en juillet 2013.
[22] Le document final du sommet mondial de l’ONU reprend le concept de « responsabilité de protéger » développé par le rapport de 2001 de la commission internationale de l’intervention et de la souveraineté des Etats (CIISE) créée par le Canada pour répondre à la demande du secrétaire général des Nations.
[23] Il ne faut pas confondre cette obligation d’intervention pour crime avec l’assistance de secours qui vise des situations distinctes : l’assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et de situations d’urgence du même ordre (supra).
[24] Ce qui n’empêche pas la création artificielle d’un califat dans la zone Irako-syrienne, le fameux DAESH, qui menace de déstabiliser et l’Irak et la Syrie, et à moyen terme, la Jordanie, la palestine…
[25] Le cas de l’ancien dictateur chilien A.Pinochet, mis en cause par des juges espagnols pour génocide, torture, terrorisme et enlèvements, puis étudié, au gré d’une demande d’extradition formulée par les mêmes juges, par les plus hautes instances britanniques, enfin mis en cause par les juridictions chiliennes laisse entrevoir une évolution, lente, mais certaine du droit international.
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