Pivot entre l’Afrique et le Proche-Orient, l’Egypte constitue un pôle de stabilité particulièrement rassurant pour les occidentaux, notamment pour les Etats-Unis. Or, la question de la succession de Hosni Moubarak se pose avec d’autant plus d’acuité que de nombreux signes politiques indiquent la fin de règne. Depuis quelques années, Le Président de la République égyptienne et son fils, Gamal Moubarak, préparent la transmission du pourvoir malgré les vives protestations de l’opposition. Si les modalités de la succession laissent entrevoir plusieurs scénarii, deux obstacles majeurs risquent de la compromettre : l’impopularité du dauphin et la montée du mécontentement populaire. Enfin, l’attitude des puissants services de renseignement, qui contrôlent tout le pays, demeure inconnue. Dans ce contexte particulier, le scénario privilégié des Occidentaux, à savoir une transmission dynastique du pouvoir, peut ne pas se dérouler comme prévu.
Mémoire d’optionnel rédigé au Collège interarmées de défense dans le cadre du séminaire « Méditerranée et Proche Orient : Enjeux et perspectives », sous la direction du contre-amiral Jean-François Coustillière.
PAYS charnière entre l’Afrique et le Proche-Orient, l’Egypte occupe une position hautement stratégique dans l’espace méditerranéen. Elle fait preuve d’une étonnante stabilité politique, comparée à ses voisins en proie à l’instabilité régionale. Cette caractéristique s’explique sans doute par son système politique : un régime présidentiel fort. S’il ne permet pas d’échapper aux attentats islamistes [1], il parvient néanmoins à en limiter les conséquences politiques. Cette stabilité politique a permis à l’Egypte de jouer un rôle essentiel de médiateur dans la résolution des crises régionales. Cependant, depuis quelques années, on assiste au déclin de la diplomatie égyptienne au profit de celle de l’Arabie saoudite notamment. En outre, la récente recrudescence de la violence dans les territoires palestiniens pose un véritable problème de sécurité à l’Egypte, avec un probable retour du terrorisme sur son territoire.
Conscient de ces facteurs de déstabilisation, le Président de la République égyptienne, Hosni Moubarak, a engagé depuis quelques années des réformes importantes pour étayer les fondements de la stabilité du pays, notamment dans les domaines politiques, institutionnels, ou encore économiques. Cette dynamique de changement répond à la fois aux aspirations du peuple égyptien et à la pression internationale, principalement américaine. En fait, seules les réformes économiques ont un impact réel sur le pays. Celles qui touchent aux institutions et à la politique permettent davantage au régime de prouver sa volonté de poursuivre le processus de démocratisation. Mais, dans ces domaines, les réformes sont suffisamment ambiguës pour ne pas modifier in fine les prérogatives du régime. En effet, le Président entend préserver son pouvoir afin de garantir la stabilité du pays et demeurer un îlot de stabilité régionale.
Aujourd’hui, le problème de la succession de Moubarak se pose avec d’autant plus d’acuité que le Raïs a récemment eu des ennuis de santé [2]. Surtout, il arrive en fin de règne après 27 ans de pouvoir [3]. En outre, répondant aux demandes occidentales, principalement américaines, Moubarak a accepté la tenue d’élections présidentielles au suffrage universel pour la première fois dans son pays en 2005. Même parées des habits de la démocratie, ces élections ont réaffirmé le poids du Président et du PND. En revanche, ce qui est plus remarquable, c’est la vigueur avec laquelle l’opposition politique s’est exprimée. L’affirmation de ce mouvement semble désormais difficile à enrayer. Le rejet du pouvoir en place s’est confirmé lors des élections législatives de novembre et de décembre 2005, qui ont consacré les Frères musulmans comme première force d’opposition, en obtenant 88 députés [4] sur 454 sièges. La succession revêt donc un caractère exceptionnel tant les interrogations sont nombreuses. Gamal Moubarak sera-t-il le successeur de son père ? Est-il possible qu’un homme émerge du Parti National Démocratique (PND), le parti au pouvoir ayant la main mise sur tout l’appareil politique égyptien ? Quelle sera la réaction du peuple égyptien et de l’opposition en cas d’élection du fils du Président ?
Deux théories s’opposent sur l’analyse de cette hypothèse. Certains ironisent en attribuant l’invention de la démocratie aux Occidentaux alors que le Moyen-Orient invente la transmission monarchique du pouvoir républicain. Ils y voient un moyen de prolonger le pouvoir patriarcal. D’autres envisagent ce type de succession comme un moyen habile pour faire la jonction entre l’ensemble des composantes (la vieille garde, les militaires et la nouvelle génération) de ces régimes autoritaires sans créer une rupture nuisible à la stabilité de leur pays. Cette confrontation cristallise toutes les tensions possibles en cas de succession de Gamal Moubarak. En outre, en dépit des critiques, ce dernier tente de se construire une image de chef depuis 2000 en s’affichant comme un réformateur. Cette ligne de conduite tend à rendre sceptiques les caciques du PND, qui attribuent la montée de l’opposition à Gamal Moubarak.
S’il paraît le mieux placé pour succéder à son père, son accession au pouvoir ne rassure ni l’ancienne génération du PND, ni la partie populaire de la population. Seuls les Occidentaux voient en lui un rempart contre la montée de l’islamisme. Si, comme certains observateurs l’avancent, le scénario paraît déjà écrit, plusieurs éléments indiquent que toutes les conditions pour qu’il se réalise ne sont pas rassemblées. En effet, si une transmission du pouvoir, sous une forme démocratique, semble probable et facile du vivant du Raïs, en revanche en cas de disparition subite de Moubarak, le jeu paraît plus ouvert. Si les conditions intérieures influent directement sur la succession, la situation régionale risque, en cas de forte dégradation, de perturber le scénario préétabli. Ainsi, même si beaucoup d’options sont possibles à court terme, le fils cadet de Moubarak devrait accéder au pouvoir. Mais s’il veut perdurer, il lui faudra consolider rapidement sa position en s’affirmant comme un homme fort, à l’écoute de son peuple.
Pour assurer l’élection de son fils et par voie de conséquence son accession au pouvoir, Hosni Moubarak a entrepris des réformes dans divers domaines. Si elles balisent le parcours de son fils jusqu’au poste de président, elles ne permettent pas d’effacer l’élan démocratique de 2005 qui a vu poindre les prémices de l’émergence d’une véritable opposition. Enfin, les conditions de la succession influeront sur l’identité du nouveau Président égyptien.
Après plus de vingt ans au pouvoir, le Président de la République égyptienne a entrepris une véritable évolution, en acceptant de réformer le système politique, notamment en instituant des élections présidentielles au suffrage universel. A côté de ces évolutions marquantes, d’autres changements ont été amorcés avant les années 2000. Les réformes politiques progressent moins vite que les réformes économiques. En outre, chacun des changements entrepris par le régime est interprété comme un pas supplémentaire dans la préparation de l’accession au pouvoir de fils du Président. Les réformes constitutionnelles participent à alimenter ces hypothèses. L’analyse des amendements de la Constitution tend à démontrer la volonté du régime de contrôler les candidatures possibles à la fonction suprême. On peut y déceler un contrôle strict de la vie politique afin d’éviter toute surprise.
1.1. Le rôle des militaires dans le processus de transition politique
L’histoire de l’Egypte contemporaine est intimement liée à l’armée. Elle constitue en effet, depuis la création de l’Etat moderne égyptien par Méhémet-Ali, l’un des ressorts essentiels de l’évolution sociopolitique du pays. Depuis cette période, l’armée et le pouvoir politique entretiennent une relation complexe, qu’il convient de décrypter pour comprendre l’évolution de la relation entre le pouvoir militaire et le pouvoir politique. En effet, si Gamal Abdel Nasser avait entretenu une relation très étroite avec les militaires, ces deux successeurs se sont efforcés de mettre de la distance entre ces deux pouvoirs. Cela s’est traduit par deux phénomènes, d’une part la professionnalisation de l’armée et d’autre part la démilitarisation de la vie politique. Cependant, il existe encore des ambiguïtés dans le rapport politico-militaire, qu’il convient d’analyser pour comprendre le rôle que peut jouer l’armée dans la succession de Hosni Moubarak.
Historiquement, l’armée a été le pilier du régime. D’abord, il fallait se protéger de l’Empire ottoman. Ensuite, elle a rempli la fonction de catalyseur du nationalisme égyptien pendant le mandat britannique. Enfin, elle est devenue après 1936 une force politique majeure, qui s’est imposée en 1952 en faisant tomber la monarchie. A partir de cette date s’ouvre une nouvelle période pour l’armée égyptienne. Afin de bien comprendre l’enracinement de l’armée dans les instances politiques égyptiennes, il convient d’analyser les transformations contemporaines de la relation civilo-militaire. Ces changements trouvent leur origine en 1936 lorsque les portes de l’Académie militaire, chargée de la formation des officiers supérieurs, s’ouvrent aux Egyptiens de la classe moyenne. Pour la première fois, cette partie de la population accède à des postes de responsabilité. En 1952, le coup d’état par les « Officiers libres [5] » est largement fomenté par des officiers de cette école militaire. L’accession de cadres de la classe moyenne à de hautes responsabilités militaires a permis d’entretenir la volonté de se libérer du joug royal. Depuis qu’ils ont été les artisans du changement révolutionnaire de régime, les militaires n’ont cessé d’occuper l’espace politique. Ainsi, tous les dirigeants de Mohammad Naguib à Hosni Moubarak ont des origines militaires [6]. Cependant, l’empreinte de l’armée au sein de l’appareil politique a évolué au cours de cette période.
Sous le régime de Nasser, tous les centres de pouvoirs (politiques, administratifs et économiques) sont investis par les militaires. Plus du tiers des ministres proviennent de l’armée et occupent les postes clefs de la défense, de l’armement, de l’information et des affaires étrangères. Cette présence massive de militaires dans l’appareil étatique répond à plusieurs problématiques auxquelles le pays fait face. D’abord, le changement de régime impose une stabilisation de la situation intérieure, par la force le cas échéant. Ensuite, l’environnement régional et international justifie la nécessité d’avoir une armée forte et réactive. Et de citer en exemple les tensions autour du canal de Suez ou encore celles avec Israël. Enfin, les officiers supérieurs souhaitent tirer les dividendes du nouveau régime et de leur participation à sa mise en place. Cependant, une première inflexion intervient sous le régime de Sadate. Un processus de démilitarisation du système politique ou de « dépolitisation [7] » des forces armées débute dans les années 1970. Là encore, ces évolutions sont dictées par l’évolution des conditions géopolitiques régionales, en particulier la détente avec Israël. En effet, au lendemain de la guerre d’octobre 1973, les négociations israélo-arabes aboutissent à un accord de désengagement en 1974 sur le Golan et le Sinaï. En outre, les relations entre les militaires et le Président connaissent à cette époque quelques tensions.
Le processus engagé par Sadate se poursuit sous Moubarak. Le nombre de ministres continue à décroître. Certains [8] expliquent cette démilitarisation de l’Etat par la volonté présidentielle d’établir une gestion plus professionnelle et technocratique du pays. Pour compenser cette perte de pouvoir, en apparence du moins, les militaires ont alors investi de nombreuses activités économiques, de l’industrie nationale de l’armement à l’agriculture [9] en passant par le transport. Si l’emprise de l’armée sur le secteur de l’industrie militaire a toujours été une réalité, son influence s’est également étendue au secteur civil. Il est difficile d’estimer les retombées économiques de ces activités. Pour répondre aux critiques, l’armée met en avant le rôle social qu’elle remplit en participant au développement général du pays. S’il est vrai qu’elle réalise bon nombre d’ouvrages utiles à la société égyptienne, il n’en demeure pas moins que ces activités, contrôlées par l’Etat, lui permettent d’assurer le financement de certains de ses matériels. Par conséquent, le régime actuel contrôle l’armée en lui accordant des avantages et en garantissant une certaine porosité entre activités militaires et activités entrepreneuriales.
Ainsi, la professionnalisation de l’armée s’est accompagnée d’une démilitarisation des instances ministérielles. Pour autant, elle joue un rôle important dans la société égyptienne, d’autant plus apprécié que les réformes économiques engagées s’accompagnent d’une paupérisation de la population. A l’inverse de l’armée turque, elle ne défend aucune idéologie particulière et ses interventions dans la vie politique s’avèrent aujourd’hui plutôt discrète. L’armée, mais surtout la puissante agence de renseignement dirigée par Omar Suliman, devrait jouer un rôle dans la succession en veillant à éviter tout vacillement des principes de la République.
1.2 Les signes patents d’un changement de génération
Les mutations économiques se sont accompagnées de réformes politiques. Le président Moubarak les conduit en utilisant diverses stratégies, de l’éviction de caciques peu populaires à une recomposition de l’appareil politique en attribuant des postes à responsabilité à l’ancienne garde au sein du PND. Ce procédé permet d’attribuer aux caciques des fonctions sans pour autant avoir une grande visibilité sur la scène politique. Dans le même temps, le gouvernement a rajeuni avec la nomination de jeunes technocrates, proches de Gamal Moubarak.
Pour accréditer sa volonté de réformer politiquement le pays, Hosni Moubarak n’a pas hésité à envoyer des signaux forts à l’opinion publique. Deux limogeages illustrent cette tendance. Le premier, celui du premier ministre Atef Abeid en 2003, met fin à l’expérience politique d’une personnalité très contestée. Son remplaçant, Ahmed Nadif, ancien ministre des Télécommunications dont le travail et l’intégrité sont reconnus et appréciés du peuple, démontre le souhait présidentiel de renvoyer une image plus intègre de la vie politique égyptienne. Le second remaniement concerne le ministère de l’agriculture avec l’éviction de Youssef Wali, ministre impopulaire et accusé de corruption. Outre ces limogeages médiatiques, d’autres ministres ont été remplacés de manière plus discrète. Ces gesticulations ne doivent pas occulter le fait que les caciques du PND, même s’ils perdent leurs postes au gouvernement, conservent néanmoins une influence considérable auprès des instances du parti et du gouvernement. Par exemple, Safouat al-Charif, ancien ministre de l’Information, occupe désormais le poste de secrétaire général du PND et préside le Comité des partis politiques, seule instance autorisée à décider de la légalisation d’une nouvelle formation politique. Cette tendance a prévalu jusqu’en 2006. Depuis, on constate un retour des caciques dans les principales instances du parti, phénomène qui sera analysé par la suite.
Par ailleurs, le régime égyptien propose une politique mêlant valeurs morales et valeurs religieuses traditionnelles. Ce subtil mélange des genres le conduit parfois à des prises de position paradoxales. En effet, d’un côté il revendique sa volonté de moderniser la société et d’un autre côté il pratique la « surenchère à l’islamiquement correcte en s’appuyant sur l’establishment religieux [10] ». En d’autres termes, le régime brouille son message en oscillant entre laïcité et islam. Profitant de cette ambivalence, l’université Al-Azhar s’est vue renforcer ses prérogatives en matière de censure au point que « n’importe quel citoyen peut engager une procédure contre une œuvre, un intellectuel ou toute autre personne au nom du « respect de la morale islamique » [11]. Cette ambiguïté idéologique traduit les difficultés du PND à appréhender les aspirations du peuple en matière de démocratie et l’islamisation croissante de la société égyptienne.
Enfin, ces réformes politiques, plus symboliques que réelles, ne comprennent aucune remise en question de l’état d’urgence, en vigueur depuis 1981. Le maintien de cet état d’exception limite de facto les libertés publiques (droit de grèves inexistant, manifestations interdites…) et autorise toutes les arrestations arbitraires au nom de la sécurité intérieure. Il confère également une certaine légitimité et une crédibilité à l’autoritarisme du pouvoir. En outre, le renforcement des dispositions législatives sécuritaires suite aux attentats des années 1990, matérialisé en 2003 par le vote d’une loi antiterroriste, laisse présupposer qu’il demeurera encore quelques années. Ceci est d’autant plus vrai que la succession impose une stabilité intérieure.
1.3 Les amendements constitutionnels : une démocratisation de la vie politique ou une adaptation destinée seulement à faciliter la transmission dynastique du pouvoir ?
La Constitution égyptienne, actuellement en vigueur, a été adoptée en 1971 sous le règne du Président Anouar al-Sadate. Révisée une première fois en 1980, elle a connu sous le régime de Hosni Moubarak deux profondes modifications en 2005 et en 2007. À l’origine de ces deux réformes constitutionnelles [12], le président de la République a affirmé que « l’objectif poursuivi était d’approfondir et de renforcer le processus de démocratisation » [13]. Evidemment, l’opposition égyptienne, la presse du Caire ainsi que diverses organisations non gouvernementales (ONG) telles qu’Amnesty International ont dénoncé au contraire une Constitution « taillée sur mesure » pour d’une part renforcer l’autoritarisme, et d’autre part préparer l’accession de son fils à la présidence. Les critiques des partis d’opposition, des Frères musulmans et de la société civile sont en partie fondées. En effet, la procédure d’élaboration et d’adoption des 34 amendements constitutionnels de mars 2007 a suscité une grande polémique. Il a fallu moins de trois semaines pour élaborer le projet de texte et le faire valider par vote référendaire. En outre, le texte définitif des amendements n’a été rendu public sur le site Internet du ministère de l’Information que 48 heures avant le référendum. Dès lors, il apparaît légitime de s’interroger sur les raisons de cette précipitation et sur l’opportunité pour le peuple égyptien d’apprécier les enjeux et les conséquences de ces changements constitutionnels. Si la démarche est contestable, l’analyse des différents amendements montre au contraire toute la subtilité du régime pour assurer une transmission dynastique du pouvoir. En effet, en analysant succinctement les amendements, un constat s’impose. La modification constitutionnelle de 2007 mêle des articles visant à diminuer le caractère présidentialiste du régime en augmentant l’aspect parlementaire, et d’autres venant renforcer le caractère autoritaire du régime. Seuls les amendements pouvant influés sur la succession seront analysés.
D’abord, sous couvert d’une meilleure répartition des pouvoirs, la Constitution renforce les pouvoirs du Premier ministre. L’amendement de l’article 82 dispose qu’en cas d’empêchement provisoire du Président de la République, et si aucun vice-président n’a été nommé ou s’il lui est incapable de le remplacer, le Président du Conseil des ministres (i.e. le Premier ministre) assurera l’intérim. Cette disposition est d’autant plus intéressante qu’elle participe à accréditer l’hypothèse d’une possible nomination de Gamal Moubarak au poste de Premier ministre. Celle-ci sera développée plus longuement dans la troisième partie. Cependant, cet amendement procède d’une autre logique. En effet, elle vise à constitutionnaliser une pratique qui s’est produite lors de l’hospitalisation du Président en Allemagne en 2004.
Par ailleurs, d’autres amendements visent à modifier le processus de supervision des élections et à écarter les Frères musulmans, principale force d’opposition du pays, de la scène politique. Les modifications de l’article 88, relatif à la supervision judiciaire des élections législatives, ont provoqué la colère de l’opposition, qui y voit l’occasion d’accroître les irrégularités et les fraudes dans le processus électoral. Pour comprendre ces craintes, un retour sur le fonctionnement du système électoral égyptien s’impose. En vertu de l’article 88, avant amendement, « le scrutin doit avoir lieu sous le contrôle de membres de corps judiciaires ». Interprétant cette disposition, la Haute Cour constitutionnelle avait décidé en 2000 que, lors de la tenue d’élection législative, le scrutin serait supervisé par un membre d’un corps judiciaire, président du bureau de vote et ceci quelle qu’en soit sa nature [14]. Cette interprétation permettait de mettre fin aux accusations, avérées ou non selon les cas, de fraudes électorales commises par les fonctionnaires chargés de surveiller le bon déroulement de l’élection. Rapidement cette décision s’est heurtée à la réalité géographique et démographique du terrain. En effet, le corps judiciaire comprend 13 000 membres alors que les bureaux de vote sont aux nombres de 50 000 dans tout le pays. Face à cette inadéquation, la solution envisagée a été d’étaler le scrutin sur trois jours en regroupant les gouvernorats [15] par secteurs. A l’évidence, ce système n’était pas satisfaisant. D’autant plus qu’il n’a pas résolu tous les problèmes d’irrégularité. Cependant, de l’avis de nombreux observateurs nationaux et internationaux, les élections législatives de 2000 et de 2005 se révèlent être les plus transparentes de ces dernières décennies. L’amendement de l’article 88 implique un retour à la situation qui prévalait avant 2000. Avec une nuance néanmoins : les comités généraux responsables du décompte des voix sont présidés par un juge. En outre, le vote se déroulera sur une seule journée. En réduisant le rôle du corps judiciaire dans le processus électoral, le Président de la République alimente le conflit qui l’oppose depuis 2005 au Club des juges. Cette association, regroupant des magistrats des tribunaux judiciaires et du parquet général, souhaitait en effet une supervision intégrale du processus ainsi qu’une plus grande indépendance judiciaire. Aussi, pour manifester leur désaccord, ses membres n’ont pas souhaité participer à l’élaboration des amendements constitutionnels et ont appelé au boycott du référendum. Cet amendement tend donc à renforcer le pouvoir en place en limitant le contrôle du législatif sur l’exécutif. Il procède également d’une volonté du régime de limiter la portée politique des Frères musulmans. Les premiers résultats n’ont pas tardé puisqu’en juin 2007 les élections pour renouveler un tiers des membres du Conseil consultatif se sont soldées par aucune victoire de membres de la confrérie. Il est vrai que les attitudes ambiguës des Frères musulmans depuis les élections législatives ont dérouté quelques uns de leurs électeurs modérés.
D’autres amendements semblent davantage viser plus directement la confrérie. En étendant l’interdiction [16] de partis politiques se définissant sur une base religieuse à toute activité politique faisant référence au religieux, le régime affiche clairement sa volonté d’empêcher les Frères musulmans d’institutionnaliser leur parti. La justification officielle de cette modification trouve son origine dans la reconnaissance par le pays du « principe de citoyenneté, d’unité nationale, et l’idée que des partis politiques reposant sur une base religieuse pourraient susciter des conflits au sein de la société [17] ». Argument en parfaite cohérence avec l’article 1 amendé qui dispose que « la République Arabe d’Egypte est un Etat démocratique reposant sur la citoyenneté. Le peuple égyptien fait partie de la nation arabe et œuvre à réaliser son unité ». Le paradoxe provient de l’article 2 de la Constitution qui stipule que l’Egypte est un Etat islamique, dont la principale source de la loi est la shari’a. Comment dans ce cas justifier l’interdiction de partis politiques fondés sur des conceptions religieuses lorsque le pays lui-même revendique son attachement à la religion dans la gestion des affaires. Les Frères musulmans y voient donc une astuce politique pour les mettre hors jeu. Ce type d’amendement contribue à rendre le discours officiel confus et peu crédible. En outre, la confrérie dénonce les dispositions de l’article 62 relatif au mode de scrutin pour les élections de l’Assemblée du peuple et du Conseil consultatif, qui les empêcheraient de participer à ces scrutins. En effet, en vertu de cet article, seuls les partis politiques peuvent présenter des candidats à ces élections. Or, la confrérie n’est pas reconnue en tant que tel. De ce fait, cette disposition l’exclut de facto du jeu politique. Le recours à la candidature indépendante [18], pratique très courante en Egypte, n’est alors plus possible. Les Frères musulmans sont donc contraints de s’associer avec les partis d’opposition [19], qui, comme l’ont prouvé les dernières élections, ne soulèvent pas un grand enthousiasme.
Enfin, les amendements principaux concernent les conditions de candidature aux élections présidentielles. A deux reprises, en 2005 et en 2007, l’article 76 relatif à l’élection du Président de la république a été amendé dans le but de régler dans les moindres détails la procédure. De manière générale, les conditions pour qu’un candidat puisse se présenter à ces élections sont très strictes. Si elles ont évolué à l’encontre des candidats des partis politiques, elles demeurent pratiquement impossibles à satisfaire pour les candidats indépendants. En ce qui concerne la première catégorie, ils doivent appartenir à un parti politique pouvant justifier d’au moins cinq années d’existence consécutives et ayant obtenu au moins 3% des sièges de l’ensemble des assemblées égyptiennes (l’amendement de 2005 prévoyait un chiffre de 5%). Ils sont choisis, en outre, parmi les instances suprêmes de leur parti, précaution pour éviter la nomination d’un candidat de dernière minute. Compte tenu du paysage politique actuel, un système dérogatoire existe. Chaque parti disposant d’un siège à l’une des deux assemblées est autorisé à présenter un candidat. Dérogation nécessaire pour assurer un pluralisme politique. Les candidats indépendants, quant à eux, n’ont pas vu leurs conditions d’accès aux élections présidentielles assouplis par l’amendement de 2007. Les dispositions de 2005 demeurent en vigueur. Concrètement, ils peuvent se présenter à l’élection pourvu qu’ils obtiennent le soutien [20] d’au moins 250 membres élus de l’Assemblée du peuple, du Conseil consultatif et des conseils régionaux des gouvernorats. Si l’on considère les 88 députés des Frères musulmans à la première assemblée, la confrérie peut remplir la première condition. En revanche, les autres sont impossibles à atteindre. Ces dispositions ont été évidemment dénoncées par les Frères musulmans. Il est intéressant de noter l’absence de commentaires des partis d’opposition sur cet article (76) ainsi que sur les deux cités précédemment (5 et 62).
Si certaines modifications constitutionnelles apparaissent discutables voire antinomiques à d’autres, il semble difficile d’affirmer qu’elles ont pour but de faciliter la transmission dynastique du pouvoir. En revanche, elles rendent presque improbable la candidature d’un membre de la confrérie à l’élection présidentielle. Ainsi, le régime s’assure une longévité certaine tant les partis d’opposition sont inexistants. Dans ce contexte de réformes économiques et politiques, Gamal Moubarak s’est progressivement imposé au sein du PND.
Propulsé à la tête du Comité politique du PND lors du congrès de 2003, Gamal Moubarak incarne, ou à tout le moins est censé incarner, au sein du parti au pouvoir la nouvelle génération d’hommes politiques porteuse d’espoirs et de modernisation. Le fils du Président présente un profil de parfait homme d’affaire. En effet, après des études à l’université américaine du Caire, en administration des entreprises, il a occupé notamment des responsabilités dans la division Proche-Orient de la Bank of America à Londres. Il fonda également une société d’investissement, Medinvest, avant de rentrer en Egypte en 1995 pour y créer la Fondation pour les générations futures. D’inspiration libérale, son objectif consiste à favoriser la croissance et la compétitivité du pays en stimulant le secteur privé. A partir de cette époque, il s’entoure de jeunes hommes d’affaires, familièrement appelés les « Gamal boys » [21]. Par l’intermédiaire de cette fondation, le réseau de Gamal Moubarak s’est étendu à toutes les sphères d’influence du pays. Evidemment, le PND n’échappe pas à cette dynamique. En effet, pour accéder au pouvoir, il est absolument nécessaire de contrôler ce parti. Le fils du Président, qui bénéficie du soutien inconditionnel de sa mère Suzanne dans sa quête du pouvoir, conquiert progressivement le PND. Cependant, cette conquête attise les tensions et les lignes de clivage avec les caciques du parti.
2.1 La conquête du PND : une étape indispensable vers le pouvoir
Dans l’histoire politique égyptienne, la pluralité des partis politiques apparaît assez tôt, en réalité dès le début du XXème siècle, par rapport aux autres pays arabes. Mais, le paradigme du parti unique s’impose assez rapidement, avec dans le même temps la coexistence de partis d’opposition, souvent peu puissants. Le pluralisme politique égyptien procède d’une volonté du régime de diviser l’opposition afin de justifier la domination du parti au pouvoir. Pour preuve, les nombreuses modifications de la loi sur les partis de 1977 limitent considérablement les possibilités de créer un nouveau parti politique. Par conséquent, le PND constitue le parti central et hégémonique, qu’il convient de contrôler pour accéder au pouvoir.
Fort de ses deux millions d’adhérents, le PND représente le passage obligé pour accéder à la vie politique. Pour comprendre la main mise du régime sur le parti, il suffit d’évoquer l’arbitrage du Président de la République dans la nomination des candidats aux élections. Pour s’implanter au sein du parti, Gamal Moubarak va profiter de circonstances particulières. En effet, suite aux résultats médiocres des élections législatives de 2000, qui nécessitent la réintégration de 209 députés indépendants pour garantir la majorité à l’Assemblée du peuple, le PND plonge dans une période d’incertitudes. Les réformateurs, à la tête desquels se trouve Gamal Moubarak, réussissent à s’imposer. Il s’ensuit un rajeunissement des cadres. En 2002, le fils du Président prend la direction du Comité des politiques, organe à partir duquel il doit entreprendre la réforme et s’imposer comme l’homme de celle-ci. Cette instance participe directement, en association avec le Premier ministre, à l’élaboration des projets de loi proposés au gouvernement. Sous l’influence de son président, elle est composée d’un certain nombre d’hommes d’affaires et d’hommes politiques de sa génération. Ce fut un premier pas vers la conquête de l’appareil politique égyptien. Dans le même temps, on constate l’accession de jeunes « gamalistes » dans les différentes instances du PND.
Cependant, cette ascension au sein du parti se trouve mise à mal par les résultats des élections législatives de 2005. En effet, beaucoup de proches de Gamal Moubarak perdent leur siège. Plusieurs raisons expliquent cet échec. D’abord, le fils du Président n’est pas très populaire. La société égyptienne le rend responsable de la dégradation de la situation économique et sociale. En outre, elle rejette l’idée d’une transmission dynastique du pouvoir. Le dauphin semble cristalliser tous les maux du pays et subit les conséquences de l’usure du pouvoir en place. Affaibli au sein de l’Assemblée du peuple, en raison de la non réélection de certains de ses proches, il lui faut trouver un nouveau souffle. Hosni Moubarak, en procédant à un remaniement ministériel en décembre 2005, évoqué précédemment, rétablit l’autorité de son fils en intégrant dans son gouvernement des réformateurs, sans limoger ceux déjà en place. En février 2006, le Président procède à un renouvellement des cadres du parti avec la même logique. L’entrée au sein du bureau du secrétariat général, instance toujours dirigé par l’emblématique Safwat al-Charif, de deux proches de Gamal Moubarak conforte sa place d’homme fort. Parallèlement à ces changements, le dauphin se voit octroyer la place de secrétaire général-adjoint du parti. Cette nomination indique parfaitement ses destinées futures tout en ménageant la vieille garde.
La consécration intervient lors du Congrès de 2006. Omniprésent, Gamal Moubarak s’impose comme l’homme incontournable. Conscient des éléments qui lui sont reprochés, il tente de modifier son image de réformiste libéral en se présentant comme le porte parole de tous les Egyptiens, et en particulier ceux touchés par les inégalités sociales et géographiques. A travers les discours prononcés, il apparaît clairement qu’il cherche à se parer des habits de chef d’Etat. Pour preuve, il s’autorise, avec à l’évidence l’assentiment de son père, à prononcer un discours de politique étrangère, domaine réservé du Président en Egypte. Son propos cherche à rassurer ses alliés, notamment les Etats-Unis en réaffirmant les intérêts stratégiques de la relation égypto-américaine, tout en affirmant l’autonomie du régime dans sa capacité décisionnaire. Dans le même temps, il stimule la fibre nationale en annonçant la relance du programme nucléaire civil. Ce congrès marque donc l’avènement de Gamal Moubarak sur la scène politique comme futur chef d’Etat.
Cette ascension au sein de l’appareil politique égyptien suscite quelques tensions au sein du PND. Les caciques apprécient diversement le « parachutage » du fils du Président. D’autant que cette accession aux instances de pouvoir du parti se fait par l’éviction de certains membres de la vieille garde, qui conservent un réseau de clientèle important dans le pays.
2.2 Comment gérer les tensions au sein du PND, entre réformateurs et l’ancienne génération ?
Les tensions entre les réformateurs et les conservateurs remontent à 1999. Le clivage entre les deux courants se creusent jusqu’au moment où les premiers envisagent la création d’un nouveau parti : « Parti du futur » (« Hizb al Mustaqbal »), censé aider Gamal Moubarak à accéder au pouvoir. Une fois l’idée de fonder une nouvelle entité politique dissipée, les tensions semblent se calmer. En réalité, elles deviennent moins perceptibles mais continuent à exister au gré des différents remaniements du gouvernement et du parti. La préservation du régime dépendra de sa capacité à maintenir la cohésion au sein de son parti. En cas d’éclatement, Gamal Moubarak n’est pas sûr d’accéder au pouvoir.
Comme dans tous les partis, le PND est constitué des équipes dirigeantes, de clans et de groupes. Ces entités ne sont pas en réalité aussi séparées, il existe des interactions entre celles-ci. Pour simplifier l’analyse, on distingue la vieille garde (al-haras al-qadim) [22] de la jeune génération. Les premiers contrôlent le parti tandis que les seconds veulent s’en emparer pour engager de profondes réformes. Cette vision mérite d’être élargie. En effet, si les caciques du parti partagent un héritage et une vision communs, la nouvelle vague se scinde en deux composantes. L’une, incarnée par Abdel Moneim Said, regroupe les cinquantenaires se définissant comme libéraux, mais peu pressé de mettre en œuvre les réformes. L’autre, emmenée par Gamal Moubarak, se compose de trentenaires avide de changement. Certains analystes [23] subdivisent davantage la mouvance réformiste. Cette distinction ne doit pas occulter que tous cherchent, sinon le pouvoir, du moins à tirer parti de leur position dans les instances du PND. L’idéologie n’est pas leur seul leitmotiv. Mais même si des divergences existent entre les réformateurs, les caciques ont rapidement pris conscience que la maîtrise de cette tendance s’imposait. Aussi, en réponse à la création du Parti du Futur, le fils du Président a été intégré au secrétariat du PND. Cette nomination s’est accompagnée de la dissolution du nouveau parti.
Cependant, dès le début de l’ascension de Gamal Moubarak, les réticences des caciques se sont fait sentir. Ses pratiques politiques déroutent les pratiques classiques de la vieille garde, qui « se méfie de son aventurisme » [24]. L’adoption en 2003 de la politique de la « nouvelle pensée » (al-fikr al-jadid), prônant les réformes, a suscité de vifs débats au sein du PND. Les caciques ont profité du relatif échec des élections législatives pour critiquer les nouvelles méthodes du parti et militer pour un retour aux pratiques classiques. En réalité, ces tensions s’expliquent par le désir de la vieille garde de conserver l’avantage en s’assurant une large représentation à l’Assemblée du peuple, qui joue un rôle central dans la vie politique égyptienne. Ce fut le cas à la sortie des urnes car nombreux de caciques furent réélus. Si l’on considère que, dans un régime autoritaire, les élections ne servent pas à valider un programme mais à élire des hommes, alors la vieille garde a gagné cette première bataille. Pour illustrer d’une autre manière ces tensions, il suffit de décrire l’ambiance au Congrès de 2006. En effet, dans ses discours, Gamal Moubarak s’est attribué les bons résultats macro-économiques oubliant de citer au passage le travail du Premier ministre Ahmed Nazif. Il est vrai que l’ambiance entre les deux hommes semble délétère. Cette tension était également palpable au niveau des autres caciques, qui ont réservé un accueil plutôt réservé aux propos du dauphin et ont applaudi chaudement celui du Premier ministre.
Hosni Moubarak a entrepris, sous l’impulsion du courant réformiste du PND mené par son fils, un certain nombre de réformes. Les résultats économiques attestent de leur pertinence dans ce domaine. En revanche, les réformes politiques semblent montrer le souci du Raïs de contrôler les futures élections présidentielles afin de favoriser l’accession au pouvoir de son fils. Pour autant, l’ouverture démocratique lors des campagnes électorales de 2005 a favorisé l’émergence d’une opposition particulièrement active et critique, notamment grâce à l’utilisation massive des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
L’organisation de la première élection présidentielle au suffrage universel en septembre 2005 a permis à l’opposition d’occuper l’espace public. L’essor de la contestation a été favorisé par l’ouverture autorisée par le président Moubarak. En effet, soucieux de répondre favorablement aux injonctions américaines de démocratisation [25] le Raïs a accepté de laisser les contestataires du régime s’exprimer. Cette ouverture s’est étendue à la presse ainsi qu’à tous les formes et les lieux d’expression publique. La critique du pouvoir a été virulente et constitue un phénomène sans précédent dans le pays. Cette tolérance du régime a permis aux Frères musulmans de s’affirmer comme la première force d’opposition et à favoriser l’émergence de groupes d’opposition, tel le plus emblématique d’entre eux le mouvement libéral et composite, « Kefaya » (« Assez »). Cette dynamique s’est concrétisée aux élections législatives par une poussée de la confrérie au Parlement. Cependant, le régime égyptien a bien compris le risque que représente une opposition trop libre. Aussi, sur ordre du gouvernement, la répression policière s’est attachée à briser le mouvement des Frères musulmans et à réduire l’espace de liberté de l’opposition. L’espoir issue de la période électorale de 2005 tend à s’estomper, d’autant plus rapidement que l’allié américain diminue la pression sur les régimes arabes depuis son enlisement en Irak. Par conséquent, les forces de l’opposition égyptienne sont profondément affaiblies depuis 2006. En outre, les élections présidentielles égyptiennes au suffrage universel et à candidatures multiples n’ont pas répondu aux attentes populaires. En effet, les conditions requises pour se porter candidat étaient tellement restrictives qu’aucun concurrent crédible de Moubarak ne pouvait prétendre concourir à cette élection.
« Nous voulons l’individu musulman, puis la famille musulmane, la société musulmane, l’état musulman et enfin la nation musulmane. » Célèbre formule de Hassan al-Banna
Mouvement créé en 1928 à Ismaïlia en Egypte par Hassan al-Banna, les Frères musulmans se distinguent des autres groupes islamistes égyptiens tels le Jihad ou la Jamma islamiya par leur profond enracinement dans le pays. En effet, bien intégrés dans la population, forts de leur ancienneté sur la scène politique égyptienne, ils ne visent pas à renverser le pouvoir mais à l’islamiser en douceur en s’appuyant sur la stratégie de la dawa, c’est-à-dire la prédication, dont le but est de parvenir à l’application de la charia par voie légale. En d’autres termes, ils aspirent au pouvoir pour aboutir à l’unité finale du politique et du religieux dans un Etat islamique.
Principale force d’opposition [26], elle est parfaitement structurée [27], ce qui lui permet d’infiltrer de nombreux ministères : en premier celui de l’Education, mais également ceux de la Justice, des Affaires sociales et de l’Information. Les Frères musulmans utilisent leur position pour faire avancer leur cause. Il est un autre domaine dans lequel la confrérie exerce son influence, ce sont les syndicats professionnels, notamment le syndicat des ingénieurs et de manière générale les ordres professionnels. De cette influence, la confrérie tire sa capacité à se régénérer. Le mouvement s’est propagé des classes moyennes urbaines alphabétisées pour se diffuser ensuite dans le monde rural. Ils disposent donc d’une base très solide.
1.1. Un mouvement en pleine résurrection politique ?
Les Frères musulmans tentent en vain de s’implanter dans la vie politique par la voie légale. Mouvement politique interdit constitutionnellement en raison de ses références à la religion, la confrérie utilise tous les subterfuges possibles pour accéder au pouvoir. De ce fait, elle entretient une relation ambiguë avec le régime, qui sait opportunément l’instrumentaliser pour servir le message qu’il veut délivrer. En 2005, les Frères musulmans ont connu la consécration politique en pénétrant en masse à l’Assemblée du peuple grâce à un discours politique rénové. Galvanisée par cette victoire sans précédent, la confrérie a progressivement modifié son discours en le radicalisant, en particulier pour répondre aux diverses tendances qui la composent. Cette dérive s’explique également par la forte répression qu’ils subissent depuis les élections législatives. Le report des élections municipales prévues en 2006 a contribué à motiver la branche radicale, convaincue de l’inanité du jeu démocratique.
1.2 Une relation avec le régime ambiguë
Pour comprendre la relation entre l’Etat et la confrérie, il convient de rappeler un événement fondateur de son histoire. En 1952, les Frères musulmans applaudissent le coup d’Etat des Officiers libres, car il répond à leurs aspirations. Très rapidement, ils déchantent lorsque Gamal Abdel Nasser met en place son projet nationaliste et socialiste qui s’adresse aux mêmes couches sociales que celles courtisées par la confrérie. Cette concurrence politique n’est pas acceptée par le Président. Par conséquent, il décide de pourchasser et d’enfermer dans des camps les Frères musulmans. Cet emprisonnement a deux conséquences majeures. D’abord, au sein de leur cellule, ils échangent leurs idées et aboutissent à l’élaboration d’un discours cohérent. Ensuite, ils prennent conscience de la force de l’Etat, avec lequel l’affrontement direct risque de toujours tourner à leur désavantage. Fort de cette expérience, ils développent une nouvelle stratégie vis-à-vis de l’Etat. Sous Sadate, ils comprennent que celui-ci les instrumentalise pour contrer l’influence de la gauche marxiste et nassérienne, considérée comme principale menace pour le régime. Profitant d’une certaine liberté d’action, ils vont alors investir des pans entiers de la société et étendre leur popularité grâce à des actions sociales. Puis, au lendemain de l’assassinat d’Anouar el-Sadate, le régime Moubarak a établi une règle du jeu implicite : les Frères musulmans sont libres de participer à la vie politique, à charge pour eux de ramener les radicaux à la raison. Avec Hosni Moubarak, on est passé d’une gestion politique du type « Qui n’est pas avec moi » à une formule moins exigeante « Qui n’est pas contre moi est avec moi » [28]. Ces accords tacites avec le régime interviennent alors que les thèses très radicales de Sayyid Qutb [29] sont rejetées officiellement par la confrérie.
1.3 Une justification du pluralisme politique par la tolérance de Frères musulmans
Dès le début de son régime, Moubarak a cherché à intégrer dans le jeu politique le plus grand nombre possible d’acteurs au sein d’importants réseaux clientélistes. Cette intégration constituait une force, il y a encore quelques années. Or, la politique récente de privatisation, économiquement nécessaire et d’ailleurs efficace comme évoqué précédemment, l’a obligé à se défaire de certaines fidélités devenues ou perçues comme trop coûteuses. Cette démarche compromet le soutien des forces corporatistes et par conséquent leur emprise. Ainsi, elles se laissent attirer par de nouveaux discours comme celui des Frères musulmans.
Par ailleurs, la pression occidentale pour démocratiser le régime politique incite Moubarak à accepter qu’ils puissent participer aux élections législatives. Dans un premier temps, cela se traduit par des alliances politiques avec des partis officiels. Et de citer comme exemple l’alliance avec le Wafd en 1984. Puis, les membres de la confrérie se présentent en tant que candidats indépendants. Aux législatives de 1987, ils obtiennent 37 députés. Mais, ils sont également autorisés officieusement à participer aux élections syndicales. Cette ouverture leur permet de s’implanter dans de très nombreux syndicats, notamment ouvriers. Ces sphères d’influence constituent une formidable tribune pour véhiculer leur message. Mais, dans les années 1990, la montée de l’islamisme radical dans l’ensemble du monde offre une opportunité au régime égyptien de durcir sa politique sans s’attirer les foudres occidentales. Face à la répression, le Guide suprême de l’époque, Moustafa Machhour, qui a passé vingt ans en prison sous Nasser, rejette tous les actes de violence afin de préserver les acquis de la confrérie. L’expérience du passé a porté ses fruits et lui permet de prôner au moins officiellement une politique de tolérance.
De ce rapport ambigu avec le régime, les Frères musulmans ont appris à composer avec l’autoritarisme du pouvoir. En adoptant le visage de la victime et en changeant leur discours, ils répondent aux attentes du peuple et placent le régime dans une situation délicate. Mais, cette évolution idéologique n’est pas sans susciter quelques tensions au sein de la confrérie.
1.4 Un nouveau discours politique percutant et répondant aux aspirations populaires
Dès les origines du mouvement, al-Banna s’inspire des penseurs réformistes du XIXème siècle, tels qu’Al-Afghani, Mohammed Abdou, Rachid Rida, pour donner un contenu islamique à la modernité plus que pour opérer un retour aux sources. Selon lui, l’islam est un « système complet et total » [30] qui répond aux exigences d’un Etat moderne. Les frustrations sociales occasionnées par les récentes réformes rendent le discours des Frères musulmans plus audible, tandis que, dans le même temps, le régime annonce des chiffres de croissance considérables. Le décalage de perception entre l’Egyptien de la rue et le discours officiel joue en faveur de la confrérie. Parallèlement, elle utilise tous les moyens de communication moderne, notamment Internet pour véhiculer ses arguments.
En réalité, les prémices d’une évolution idéologique débutent en 1989 [31]. Il s’agit d’un long processus de maturation qui a pour objectif de délivrer un message qui transcende les classes sociales. Pour toucher les quartiers aisés comme les circonscriptions ouvrières, les Frères musulmans ont élaboré et publié en 2004 un document fondateur [32]. Selon Patrick Haenni, son argumentation s’est articulée autour du concept suivant : une « perspective islamique réconciliée avec la notion de citoyenneté et de pluralisme économique ». Cet aggiornamento idéologique vise à réconcilier « l’ordre traduit » (la modernité occidentale) et « l’ordre transcendantal » (l’ordre divin) [33]. Concrètement, les Frères musulmans développent un discours articulé autour d’arguments classiques, dont le but est de dénoncer les dérives de l’autoritarisme, et de propositions nouvelles. Ainsi, ils prônent le respect de la démocratie, pour stigmatiser au passage le comportement répressif du régime à leur égard. Au nom des principes démocratiques, ils condamnent le pouvoir égyptien qui, selon eux, bafoue les Droits de l’Homme. Cette position, déjà adoptée par le passé, se complète par une autre posture plus originale, qui tend à crédibiliser les précédents propos. La déclaration du porte parole de la confrérie, Abd al-Mun’im Abû al-Futûh, est de ce point de vue sans ambiguïté. Il affirme que son mouvement adopte intégralement les principes démocratiques « comme instrument de régulation du pouvoir [34] ». Selon lui, la souveraineté populaire et la religion ne sont par forcément imbriquées. En outre, la confrérie reconnaît désormais le principe de citoyenneté. Cette position marque un changement puisqu’elle implique la reconnaissance des coptes et des femmes dans la société comme citoyen à part entière, par conséquent légitime pour occuper des fonctions au sein des institutions étatiques.
Cette évolution idéologique, aussi spectaculaire soit-elle, mérite d’être nuancée. Ce discours intervient en pleine campagne présidentielle de 2005. Aussi, on ne peut négliger la volonté derrière ces propos de séduire un électorat dérouté par le régime en place. D’ailleurs, l’attitude du leader des Frères musulmans, Muhammad Mahdî Akhif, est assez édifiante. En effet, il a approuvé officieusement ce discours, permettant d’entretenir le flou quand aux positions idéologiques réelles de la confrérie. Cette prudence s’explique également par les fortes tensions présentes au sein du mouvement.
1.5 Un discours qui divise au sein de la confrérie.
Pour comprendre les dissensions au sein des Frères musulmans, il convient de dresser une typologie relativement succincte des tendances existantes. Au nombre de trois, elles se déclinent de la façon suivante :
. les « anciens », des théocrates qui, bien qu’encore majoritaires, voient leur poids au Bureau de Guidance (instance de direction de la confrérie) décliner,
. la génération intermédiaire, issue de l’université des années 1970, composée de professionnels de la politique ainsi que de démocrates,
. les militants ou la base, composés pour l’essentiel de jeunes plutôt radicaux et très motivés ; farouchement hostile au régime en place, ils veulent servir leur religion et leur pays afin d’instaurer le Loi divine telle que décrite selon Qutb.
Evidemment, cette typologie comporte toujours un caractère artificiel. En effet, la séparation entre les groupes n’est pas aussi marquée, des interactions existent entre ces trois entités.
Compte tenu de ces tendances, il paraît clair que le nouveau discours idéologique divise. Dans les faits, cela se traduit par une incapacité pour les Frères musulmans à inspirer une réelle confiance sur plusieurs questions-clés telles l’économie, le statut des minorités et de la femme et surtout la politique étrangère. Ce tiraillement entre ouverture démocratique et repli religieux les conduit à commettre ce qui paraît être des erreurs stratégiques de communication. Deux exemples illustrent cette difficulté à concilier deux postures opposées. Le plus célèbre fut celui du leader des Frères musulmans, Mahdi Akhif, lors d’un entretien dit du « Toz à l’Egypte » [35]. Au cours de celui-ci, il affirme qu’un musulman peut diriger le pays alors qu’un non musulman non. Cette affirmation contredit les positions adoptées en 2004. Le deuxième exemple touche les débats à l’Assemblée du peuple. Les députés de la confrérie ne cessent d’adopter des positions radicales, comme celles prises en 2006 à propos des chanteuses libanaises « dépravés ». Régulièrement, des incidences émaillent les séances de travail de l’Assemblée.
Ces dérapages s’expliquent pour différentes raisons. D’abord, il existe toujours une certaine hostilité à l’encontre de nombreuses valeurs, considérées comme occidentales. Ensuite, depuis 2005, les perspectives électorales ont disparu avec le report des élections municipales [36]. La pression américaine sur le régime s’est considérablement atténuée. Par conséquent, la branche radicale estime qu’il n’est plus nécessaire de poursuivre leur entreprise de séduction des élites intellectuelles égyptiennes. Enfin, la radicalisation du discours entre deux élections vise à mobiliser la base et par là même à contribuer à assurer la cohésion interne.
Les Frères musulmans jouent donc un rôle grandissant dans le paysage politique égyptien depuis les années 2000 en dépit des attentats islamistes qui nuisent à la crédibilité de son discours. La confrérie s’impose par une communication bien étudiée et fondée sur le rejet de l’autoritarisme et la revendication de la démocratie dans un monde islamique. Cette stratégie leur a permis d’atteindre une masse critique [37] en terme de sympathisants.
Cependant, les Frères musulmans restent handicapés par des problèmes de fond qui leur barrent l’accès au pouvoir. D’abord, il y a la question de leur statut : la confrérie est officiellement interdite depuis 1954 mais ses activités sont tolérées tant qu’elles restent dans le cadre fixé par le pouvoir. Dans ce contexte, il est difficile de concrétiser les sympathies politiques. Ensuite, les divisions internes entre la « vieille garde » et la nouvelle génération contribuent à limiter l’action concrète de la confrérie faute de pouvoir élaborer un programme politique crédible.
L’émergence d’une opposition forte aux lendemains de l’élection présidentielle s’est concrétisée au moment des élections législatives. Ne trouvant pas de réponse politique à cette montée en puissance, le régime a d’abord repoussé l’échéance électorale des municipales à une date ultérieure, puis a recouru à des méthodes plus classiques de répression policières. Les premiers touchés par cette reprise en main autoritaire de l’espace public sont les Frères musulmans [38]. Comme cela a été évoqué précédemment, la confrérie a dans le même temps offert au gouvernement de bonnes raisons en multipliant les actes de provocations. Ce comportement répressif ne se limite pas aux islamistes radicaux. Il s’étend en effet à tout individu considéré comme suspect, sous-entendu ayant eu un comportement islamiste. A l’évidence, la subjectivité volontaire des critères répressifs vise à calmer les velléités des opposants, bien décidés de profiter de l’ouverture démocratique de 2005 pour s’imposer dans le débat public.
2.1 Les origines du mouvement « Kefaya » (« Assez »)
Le mouvement « Kefaya » est un mouvement fédérateur et composite, regroupant des individus de toute tendance [39]. A la veille de l’élection présidentielle et à son immédiat lendemain, ce groupe, peu nombreux en réalité, a bénéficié d’une adhésion populaire lui permettant de se développer. Depuis quelques mois, les dissensions au sein du groupe, prévisible compte tenu de sa composition hétéroclite mettent en péril son existence, ou à tout le moins sa capacité à convaincre.
Officiellement créé en 2004, le Mouvement Egyptien pour le changement (Egyptian Movement for Change, EMC), l’autre appellation de Kefaya, trouve son origine dans les années 1970. Contrairement à l’analyse trop rapide et trop étroite des Occidentaux, il ne s’apparente pas à un mouvement de contestation classique du pouvoir. En réalité, sa vision politique [40] se veut plus large, en offrant notamment à l’Egypte un nouveau projet politique. Il vise à transformer la politique égyptienne. Cette démarche procède d’un long processus de rapprochement entre des courants idéologiques et politiques différents, voire opposés. Cette synthèse a été rendue possible par la volonté d’hommes et par les contingences de la vie politique intérieure et extérieure. La singularité de Kefaya constitue à la fois un atout et une faiblesse pour assurer sa longévité et poursuivre son travail.
Les interprétations occidentales pour comprendre l’émergence de ce mouvement s’appuient pour l’essentiel sur les concepts sociologiques relatifs aux groupes contestataires. Aussi, les Américains entrevoient dans cette formation la renaissance d’un groupe de gauche suite à une longue période de répression policière. D’autres y voient une réaction à la montée de l’islamisme et des Frères musulmans avec pour objectif principal de contenir cette expansion. Définir Kefaya passe par une analyse de ses origines et en particulier de ses fondateurs. Cette démarche s’avère essentielle pour comprendre la diversité idéologique du mouvement et comprendre son programme politique.
Les principaux fondateurs du mouvement sont des leaders étudiants des années 1970, provenant à la fois de la gauche nassérienne et marxiste, et de la tendance islamiste. Si les deux groupes s’opposaient dans de nombreux domaines, un les rassemblait, celui de la politique étrangère. A partir de cette base commune, ils ont multiplié les rencontres formelles et informelles pour trouver peu à peu d’autres terrains d’ententes. A l’époque, ils condamnaient la visite de Sadate en Israël, les accords de Camp David et évidemment la normalisation des relations avec le voisin sioniste [41]. En outre, comme souvent en Egypte, le régime sert de catalyseur à l’émergence de nouvelles alliances. Ce fut le cas pour ces tendances. En effet, quelques mois avant son assassinat, Sadate envoya en prison des intellectuels et des activistes toutes tendances confondues. Confinés dans les mêmes cellules, ses opposants ont engagé un dialogue. A partir de leur première rencontre et en dépit des vicissitudes [42], il est parvenu à perdurer au-delà des divisions et des aléas politiques. De manière générale, la montée des Frères musulmans dans les organisations syndicales, chez les mouvements étudiants et dans la vie politique les poussait à un rapprochement avec la gauche, en plein déclin dans les années 1990. Initialement, la confrérie, interdite par la Constitution, devait s’appuyer sur les réseaux politiques de gauche pour concrétiser sa poussée et exister politiquement.
Les difficultés rencontrées par les différentes tendances pour avoir un dialogue constructif ont fait prendre conscience à certains que celles-ci servaient les intérêts étatiques. En effet, face à une opposition divisée, le régime ne pouvait que renforcer sa position et son monopole sur la vie politique. Pour progresser, il fallait partir de points de vue convergents. Dans cette optique, en 1994, le Comité de coordination des associations professionnelles, dominé par les frères musulmans a organisé une conférence regroupant des intellectuels et des activistes de tous horizons pour débattre des problèmes de libertés individuelles et de libertés politiques. Cet échange de point de vue intéressant finalement toute l’opposition a failli déboucher sur l’élaboration d’un texte commun, mais les frictions entre les dirigeants ont eu raison de cet effort. Cette tentative a eu néanmoins le mérite de créer une dynamique, en particulier chez les jeunes. L’idée que seul un rassemblement des forces d’opposition autour de propositions communes pouvait aboutir à provoquer une réforme politique faisait son chemin. Les réticences des vieilles générations devaient s’éclipser pour laisser la place à une vision plus moderne et plus progressiste.
La politique extérieure a permis de dégager un consensus. Ainsi, le Comité de soutien à l’Intifada palestinienne a permis non seulement le dialogue mais également la mise en œuvre d’actions communes, comme par exemple fournir de l’aide aux Palestiniens en réalisant des campagnes de levée de fonds. A travers ce type de collaboration s’est créée entre les différents partis une relation de confiance. Cette collaboration s’est ensuite étendue à d’autres domaines. Par exemple, en 2000, ces opposants ont proposé un projet d’amendements constitutionnels.
Par ailleurs, la détérioration de la situation régionale à partir de septembre 2001 les a conduits à approfondir leur réflexion commune. De celle-ci émerge le consensus suivant : « Plus l’agression étrangère est grave, plus les réformes nationales deviennent essentielles [43] ». A partir de cette base commune, les premiers jalons idéologiques semblaient poser.
2.2 Les fondements idéologiques
Les fondements idéologiques de Kefaya s’inspirent de deux préoccupations majeures liées à la situation régionale. D’abord, le rejet du sionisme et de la politique étrangère américaine constitue deux puissants catalyseurs. Ce mouvement dénonce l’oppression israélienne sur le peuple palestinien et la violation de leur territoire. Ce sentiment d’agression est renforcé par la politique étrangère américaine mise en œuvre depuis 2001 et surtout depuis 2003. Ensuite, l’autoritarisme du régime alimente l’idéologie du mouvement. L’argument phare de celle-ci repose sur la dénonciation d’un régime inféodé aux Américains et aux Israéliens. C’est à partir de cette base idéologique que six membres représentant les principales tendances de l’opposition ont réfléchi et écrit un texte fondateur. Rencontrant un vif engouement, il sert de base pour créer Kefaya.
Si les menaces extérieures décrites ci-dessus continuent de mettre en péril le nationalisme et l’identité égyptienne, le document de référence d’EMC s’étend davantage sur les conséquences désastreuses du despotisme de Moubarak et le refus d’une transmission dynastique du pouvoir. Ces fondateurs arrivent à la conclusion suivante : « les réformes sont nécessaires pour surmonter cette crise de grandeur ampleur [44]. »
2.3 Des modes d’actions audacieux
Conscients des difficultés à fédérer un mouvement composite, les fondateurs de Kefaya exigent que chaque membre intervienne à titre individuel, et non, au nom de son parti d’appartenance. En outre, le mouvement est ouvert aux activistes de la société civile à condition qu’ils ne bénéficient pas de subventions venues de l’étranger, notamment des Etats-Unis. Cette importante restriction participe de la volonté de Kefaya d’assurer sa crédibilité aux yeux de l’opinion publique égyptienne en évitant toute accusation de corruption et toute dépendance vis-à-vis de l’étranger. Or, il semblerait qu’une partie du financement de Kefaya proviennent des États-Unis.
D’un point de vue pratique, son mode d’action montre une conscience particulière de l’importance de la communication, et pas seulement par Internet. En effet, le choix des lieux de rassemblement des manifestations ou des sit-in revêt un caractère stratégique et une symbolique politique. Les membres de Kefaya ont également su profiter de la sympathie qu’ils inspiraient aux médias internationaux pour dénoncer les violences policières dont ils étaient victimes. Cette tactique, valable au cours de la campagne électorale en 2005, se poursuit encore aujourd’hui. Ce mouvement n’a pas hésité à braver de nombreux tabous pour se faire entendre suscitant auprès de la population un véritable courant de sympathie. Cependant, il convient de s’interroger sur le potentiel politique d’une structure aussi composite.
Pour être crédible, il convient également de proposer une alternative viable à travers une vision politique cohérente. Aussi, Kefaya a diffusé sur son site Internet un programme intitulé « Toward a New Sociopolitical Contract » (« Nahwa ‘aqd ijtimai’e syassi jaded »). Partant des dangers et des défis auxquels l’Egypte est confrontée, il propose l’instauration d’un véritable régime démocratique. Ce qui suppose une réduction des prérogatives de l’exécutif, une séparation des pouvoirs, la levée de l’Etat d’urgence ainsi que l’abrogation des lois liberticides. Il s’oppose également avec vigueur à la transmission héréditaire du pouvoir. Ces revendications, bien que populaires, proviennent d’un consensus entre ses différentes composantes. Aucune vision économique ou sociétale crédible n’apparaît dans ce texte. L’analyse d’International Crisis Group [45] (ICG) prouve que les propositions relèvent plus de l’utopie que de la réalité. Si la crédibilité de Kefaya en tant qu’alternative politique paraît très faible, il n’en demeure pas moins que ce mouvement est à l’origine d’une dynamique contestataire sans précédent dans le pays tant dans la forme que dans le fond. Son impact ne peut être négligé, même si depuis cet âge d’or, les difficultés internes pour approfondir le mouvement réduisent sa portée.
2.4 Une presse de plus en plus critique grâce à l’effet Kefaya
Profitant de l’atmosphère de détente démocratique dans la vie politique égyptienne, la presse a en 2005, à l’instar de Kefaya, fait montre d’une certaine audace. En effet, elle s’est risquée à couvrir les manifestations d’opposition et surtout à rendre compte des revendications populaires. Corollaire de cette libération de la parole, de nouveaux journaux indépendants et d’opposition sont apparus. Leur contenu offrait une critique acerbe de la politique gouvernementale. La controverse envahissait l’espace public par le biais de la presse. Pour la première fois, un débat s’engageait sur les réformes politiques. Cette dynamique s’explique également par les relations assez étroites entre le syndicat des journalistes et Kefaya en 2005.
Comme le constatent les intellectuels égyptiens, les forces politiques d’opposition sont incapables ou peu désireuses d’engager un bras de fer et de le remporter. Peut-on croire que cette atonie demeurera une constante ? Un sursaut n’est peut être pas à exclure, même si l’autoritarisme limite la liberté d’action des mouvements d’opposition. Néanmoins, la recrudescence des grèves souligne le malaise social qui règne dans le pays. Dans ce contexte particulier, la transmission héréditaire du pouvoir peut emprunter des chemins très différents.
Il convient à ce stade d’analyser les scénarios les plus probables de la succession de Moubarak. Deux éléments guident la réflexion. D’abord, le Raïs a parfaitement conscience que la transmission dynastique du pouvoir rencontre une forte opposition sur la scène intérieure. A l’extérieur, cette possibilité, décriée il y a encore quelques mois par les Occidentaux, semble la plus acceptable compte tenu de la dégradation de la situation régionale. Pour les Etats-Unis comme pour la France, l’Egypte doit rester un pôle de stabilité avant tout, quitte à sacrifier les principes de la démocratie sur l’autel du pragmatisme politique. Partageant, dans une certaine mesure, les mêmes préoccupations que ces concitoyens, Hosni Moubarak [46] semble, selon certains observateurs, plutôt rétif à toute transmission dynastique car résolument sources de tensions difficilement gérables par la suite. Ensuite, la deuxième réflexion concerne l’absence avérée de relève pour le long terme au sein du PND. Aucun candidat à la prochaine élection ne pourra être issu d’un autre parti tant les précautions constitutionnelles et institutionnelles prises par le Président égyptien pour assurer la succession de son fils sont importantes.
Le mécontentement populaire est patent. Plusieurs sources de frustrations concourent à son développement. Les raisons économiques méritent d’être évoquées. A ces éléments conjoncturels s’ajoutent un repli sur des valeurs identitaires et religieuses, un rejet d’un régime usé et déconsidéré, notamment en raison de la corruption, et l’absence de perspectives à court terme. Il est particulièrement difficile d’évaluer cette contestation, bien souvent rampante, mais la multiplication des grèves ces derniers mois laissent présupposer que le malaise est profond. Cette inconnue est perçue par les autorités égyptiennes. Aussi, pour en minimiser les effets, deux axes politiques sont mis en œuvre : la répression et la négociation. A noter l’absence de mesures économiques fortes et rapidement perceptibles par l’opinion publique.
1.1 Des réformes économiques nécessaires et ambitieuses mais mal perçues par la population
Depuis 1994, le régime égyptien a entrepris des réformes économiques, qui se sont accélérées depuis 2004. Elles s’accompagnent de profonds changements dans le pays, qui entre progressivement dans l’économie mondialisée. Concrètement, les privatisations de la plupart des grandes entreprises du pays ont porté leur fruit. Pour preuve, l’Egypte a connu une croissance de l’ordre de 4% au cours des quatre dernières années. Cependant, les fruits de cette croissance ne sont pas partagés et redistribués équitablement. En effet, si de nombreux experts économiques reconnaissent les résultats de l’économie égyptienne, le peuple égyptien a du mal à en percevoir concrètement les dividendes. Aussi, le discours officiel fondé sur les thèmes du changement et de la réforme perd de son efficacité. Il entretient au contraire la frustration et les ressentiments.
D’un point de vue officiel, les objectifs de ces réformes économiques sont d’une part d’attirer les investissements étrangers [47] et d’autre part de développer les exportations. Pour ce faire, diverses mesures ont été prises par le gouvernement pour les atteindre. Elles concernent, par exemple, la baisse massive et unilatérale des tarifs douaniers, la refonte du système fiscal avec en particulier la diminution des taxes sur les bénéfices commerciaux, la réforme du secteur bancaire (fusion de certaines banques, procédure d’apurement des prêts non performants…), ou encore la signature avec l’Union européenne (UE) d’un accord de partenariat, entré en vigueur en janvier 2004. L’efficacité de ces mesures semble avérer par l’évolution des données macro-économiques du pays. Cependant, ces bons résultats de la réforme cachent une situation sociale en nette dégradation. La suppression ou la diminution des subventions, en particulier pour les biens de première nécessité, combinée à une importante inflation (de l’ordre de 12% en 2007) durcit considérablement les conditions de vie du peuple égyptien. En outre, les services publics sont les plus touchés par les difficultés. Deux domaines souffrent particulièrement. Les secteurs de la santé et de l’éducation font face à de profonds problèmes. Sous Nasser, l’éducation a constitué un facteur de progrès social. Aussi, de nombreux enfants ont eu accès aux bancs de l’école et de l’université, favorisant l’avènement d’une classe moyenne éduquée. La détérioration actuelle du système éducatif affecte la population, qui dénonce la mise en place d’un système à deux vitesses. En effet, les écoles privées fleurissent partout et concurrencent l’école publique.
Par ailleurs, corollaire de la dégradation de la situation sociale, les conditions de vie et le niveau sanitaire se détériorent. Pour preuve, les services de santé constatent une recrudescence de maladies autrefois plus ou moins éradiquées, en particulier celles liées à la malnutrition et à la mauvaise qualité de l’eau. L’Egypte connaît, de surcroît, depuis les années 1990 une épidémie d’hépatite C frappant plus de 10% de la population [48]. Parallèlement à ce phénomène, l’épidémie de grippe aviaire se développe. Les raisons de cette extension sont assez évidentes mais contribuent à alimenter le sentiment d’une société à deux vitesses, d’un côté les riches immunisés, de l’autre les pauvres touchés de plein fouet par les maladies. Si, en Europe, les gouvernements peuvent procéder à l’abattage des troupeaux contaminés en invoquant des motifs de santé publique et en répondant à des raisons politiques, le gouvernement égyptien ne peut appliquer de telles pratiques. En effet, les agriculteurs européens concernés par les mesures de sécurité sanitaires reçoivent des compensations financières, ce qui n’est pas le cas en Egypte. En outre, les politiques publiques mises en place pour endiguer les épidémies sont inadaptées, soit par une mauvaise estimation de la situation soit par un manque de moyens sanitaires. Le régime a commencé à réagir sérieusement non pas en raison de la protestation sociale mais pour satisfaire les exigences des autres pays du Golfe [49]. Il convient de reconnaître que le régime a tardé à reconnaitre l’ampleur de ces deux phénomènes, sans doute pour éviter d’accroître le malaise social et pour ne pas s’exposer aux critiques de l’opposition.
Par ailleurs, l’Egypte connaît un manque cruel de logements. Le marché de l’emploi est également trop étroit pour répondre aux besoins d’une demande très importante. Se pose aussi un autre problème lié au chômage. En effet, au début des années 2000, le droit d’embauche automatique des diplômés a été de nouveau remis en cause. Il avait déjà été dans les années 1970. Ce changement s’inscrit dans « la réorientation des politiques de l’emploi vers une participation croissante du secteur privé à la création d’emploi [50] ». La remise en question de ce droit historique a été plutôt mal perçue par les jeunes, d’ailleurs pour la plupart issus des classes moyennes. Ils ont alors estimé que le gouvernement ne remplissait plus son rôle de créateur d’emploi. Corollaire de ces inadéquations entre l’offre et la demande, la structure sociale évolue considérablement. Les jeunes occupent plusieurs emplois pour assurer leur existence, se marient plus tard en raison de leur impossibilité de se loger. Témoignant du recul du pays en matière de développement, certains rapports d’organisations internationales mettent en relief les handicaps économiques égyptiens liés à la faiblesse de la compétitivité et de la productivité. Cette prise de conscience s’est traduite par la mise en place de mesures pour réduire les inégalités sociales. Cependant, elles demeurent trop cosmétiques et ne répondent pas à l’ampleur de la situation. En outre, le luxe affiché par la classe de riches, minoritaires, contribue à alimenter les frustrations ainsi qu’à décrédibiliser le discours du gouvernement sur les bienfaits de la croissance.
1.2 Les conséquences de ce mécontentement populaire
Ce mécontentement populaire est assez inquiétant. Il encourage une partie de la population, notamment les plus jeunes à encenser des personnes politiques religieuses ou islamistes. Gamal Moubarak, bien que porteur d’un message de renouveau, ne parvient à mobiliser autour de sa personne. En outre, l’aggravation de la situation sociale entraîne une montée de la contestation ouvrière. Face à ce mécontentement, l’action du régime semble peu adaptée. En effet, la solution du recours à la répression, en attendant que les dividendes de la croissance irriguent l’ensemble de la population, apparaît dangereuse. Cependant, l’absence d’une opposition crédible l’autorise à adopter des positions périlleuses.
Confrontés à une situation sociale difficile, les jeunes cherchent de nouveaux idéaux, qu’ils trouvent dans les figures charismatiques de mouvement d’opposition, telles que le Libanais Hassan Nasrallah ou encore le Palestinien Meshal. Cette attirance s’explique également par une opinion publique intérieure exaltée (nationaliste, polarisée et anti-américaine), exaltation entretenue par les médias arabes. C’est dans ce contexte que la question palestinienne est redevenue, depuis quelques mois, un enjeu de politique intérieure et de sécurité nationale que le régime a parfaitement identifié. Aussi, conscient des risques de dérapage lors de l’incursion des Palestiniens de Gaza en Egypte, le régime a été particulièrement prudent et habile dans la gestion de ces événements [51]. Pour autant, la défiance du peuple envers le régime et ses représentants, notamment Gamal Moubarak, tend à s’enraciner, même si cette tendance est contrebalancée par une grande confiance des Egyptiens en certaines institutions (Cour de cassation, l’armée) de leur pays.
Profitant de la défiance du peuple envers le régime, les Frères musulmans continuent à tisser leur réseau local par le biais d’actions sociales, économiques et éducatives. Ils exploitent les faiblesses de l’Etat dans ces domaines pour s’y substituer. En réalité, cette démarche sociale s’inscrit dans une véritable politique d’assistance. En s’investissant dans ce secteur, les Frères musulmans appliquent les deux principes essentiels de leur stratégie, qui sont de mettre constamment en porte à faux le régime et d’être capable à la fois de rassembler sans mécontenter et sans se faire doubler par les salafistes et les radicaux. L’action caritative de la confrérie participe à son renforcement sur la scène nationale, mais l’Etat préfère cette solution à une obligation d’intervention dans tous les pans de la société, d’autant plus qu’il en est incapable.
Par ailleurs, l’accroissement de la précarité s’accompagne d’une recrudescence des grèves. De nombreux secteurs sont touchés sans que l’Etat ne puisse proposer de vraies solutions. Aussi, pour limiter l’ampleur de ces mouvements de contestation, le régime préfère réprimer les mouvements. Pour cela, il s’appuie sur les très puissantes forces de sécurité, qui assurent à la fois la répression politique et le contrôle social. Jouissant d’un grand pouvoir, elles jouent néanmoins un rôle de médiateur social non négligeable. Il n’est pas rare, en effet, de voir ces forces de police négocier avec les grévistes pour éviter une détérioration de la situation. Elles participent activement à la stabilité du pays, au point que certains observateurs estiment que tous les mouvements de contestation ne peuvent pas basculer dans un chaos général. Ainsi, « ni les syndicats, ni les partis politiques dénués de représentativité ne semblent en mesure de coaliser un tel mouvement [social] » [52]. Le régime partage, semble t’il, la même analyse compte tenu de ses réactions face aux mouvements de contestation.
Le mécontentement populaire tend à s’accroître même s’il semble maîtrisé par les forces de sécurité. Il est également vrai que les Egyptiens ne souhaitent pas connaître les périodes de troubles que connaissent leur voisin, conscients que leur situation sociale ne pourra que s’aggraver. Cependant, les difficultés de la société demeurent un élément essentiel à prendre en compte dans les hypothèses de la succession.
En dépit du mécontentement populaire, le mouvement de réformes économiques est acquis [53]. Or, Gamal Moubarak incarne cette dynamique, ce qui explique en partie son impopularité. En outre, son entourage participe également à le rendre impopulaire. Par exemple, beaucoup d’Egyptiens voit en Ahmed Ezz, un homme d’affaire proche du fils du Président, un individu corrompu qui joue sur les tableaux politiques et économiques pour développer son activité. Dans ces conditions, son accession au pouvoir doit être légitimée par le suffrage universel, d’autant plus qu’il ne bénéficie pas de l’aura militaire et de la légitimité des précédents présidents. Hosni Moubarak cherche à compenser ce handicap par une préparation minutieuse des prochaines élections. Cependant, il n’est pas exclu que d’autres scénarii se produisent, en particulier en cas de disparition prématurée du Raïs.
2.1 Une transmission dynastique préparée de longue date
L’hypothèse de la transmission héréditaire du pouvoir semble la plus crédible. En effet, Hosni Moubarak et son fils la préparent depuis une dizaine d’années. Reste néanmoins à déterminer les modalités de la passation, le calendrier et surtout à assurer la légitimé du dauphin afin de couper court à toute tentative de contestation.
D’un point de vue constitutionnel, les amendements de l’article 76, décrits dans la première partie, rendent impossible une candidature autre que celle d’un membre du PND. Pour renforcer ce dispositif, au cours du Congrès de 2007 a été mise en place une Commission suprême de 45 membres, parmi lesquels sera désigné le futur candidat à l’élection présidentielle. Evidemment, Gamal Moubarak y figure. Mais, il est intéressant de noter la présence de plusieurs caciques susceptibles de prétendre à la présidence, tels que Safouat al-Charif. Dans le même temps, Moubarak procède à différentes nominations de caciques à des postes clés dans les instances du parti. Ce retour de la vieille garde, depuis quelques mois, semble indiquer que Moubarak souhaite atténuer le caractère dynastique de la transition. Soucieux d’éviter cet écueil, le Raïs préfère modeler son parti et la constitution pour transmettre le pouvoir à son fils de la manière la plus démocratique possible. En outre, ces postes attribués aux caciques contribuent à apaiser les tensions au sein du PND. Ainsi, à l’exception de la situation économique, tous les éléments sont réunis pour que la transmission s’effectue dans de bonnes conditions. Comme cela a été évoqué ci-dessus, la population égyptienne semble peu encline à se révolter. Par conséquent, comment expliquer les réticences de Moubarak à passer la main alors que toutes les conditions le permettent ?
Plusieurs hypothèses sont probables. D’abord, Hosni Moubarak éprouve peut être des difficultés psychologiques à quitter le pouvoir. Ensuite, il préfère rester en place tant que les fruits de la réforme économique ne se font pas sentir dans la population. Dans ce cas, il occupe son poste de président jusqu’à la prochaine élection présidentielle. Enfin, s’il se retire ou décède, alors le scénario devient plus ouvert. En effet, il n’est pas exclu qu’un cacique se présente à l’élection. Mais, compte tenu de leur âge, son temps au pouvoir sera limité. Cette option devient intéressante si, dans un but de réduire les critiques, notamment celles de l’opposition, il est prévu qu’un des caciques prenne la présidence pendant quelques années avant de céder la place à Gamal Moubarak. Dans ce cas, il n’est plus possible de parler de transition dynastique. Le point faible de cette hypothèse réside dans l’absence de garantie que le cacique élu accepte de se retirer pour organiser une nouvelle élection. Dans ce cas, d’autres réformateurs pourraient être tentés par l’aventure. Il est vrai que seul Gamal Moubarak semble disposer des qualités de chef d’Etat, en particulier pour les Occidentaux.
2.2 Quelle est la position des Occidentaux ?
Après une période de fortes pressions pour démocratiser le pays, les Etats-Unis ont adopté une attitude plus mesurée. Désormais, la rhétorique officielle américaine rejoint les orientations diplomatiques, qui, depuis toujours, ont été plus prudentes. Seule la pression interne demeure problématique. L’inflexion occidentale se vérifie également par les faibles réactions provoquées par le report des élections municipales. Les Etats-Unis ont exprimé leur désapprobation par principe et de manière très laconique. Par conséquent, le régime dispose d’une nouvelle liberté d’action pour orienter ses réformes politiques. Hosni Moubarak l’a bien compris et a entrepris le verrouillage du processus électoral comme cela a été précédemment évoqué. Mais, il convient de noter qu’initialement les modifications constitutionnelles de l’article 76 ont été bien accueillies par les démocraties occidentales. Ce faisant, Moubarak apparaissait comme un réformateur.
Par ailleurs, Gamal Moubarak, un temps peu apprécié par les Etats-Unis, semble avoir retrouvé grâce auprès du Président Bush. Au cours d’une interview dans le Wall Street Journal, ce dernier saluait « en Gamal Moubarak le leader d’un nouveau groupe de réformateurs, qui sont maintenant aux affaires [54] ». Partant, en cas d’élection présidentielle anticipée, le succès du fils de Moubarak sera reconnu par les Américains, même si le scrutin est entaché de quelques irrégularités. Cette reconnaissance est un atout supplémentaire pour Gamal Moubarak compte tenu de la relation stratégique [55] qui lient les deux Etats. Mais d’un autre côté, ce soutien nourrit les critiques de l’opposition et contribue à ternir son image au sein de l’opinion égyptienne. Enfin, l’attitude des pays européens se limite à de l’attentisme.
2.3 Les scénarii alternatifs
La transmission de pouvoir idéal pour le fils du Président passe par une élection présidentielle à candidats multiples afin de gagner en légitimité aux yeux de l’opinion publique. Son accession au pouvoir peut emprunter des chemins plus sinueux au regard de la Constitution.
Certains analystes n’excluent pas la possibilité pour le Président de la République de nommer son fils Premier ministre, afin qu’il accède au pouvoir et se construise une légitimité. Ceci présuppose que les effets bénéfiques de la croissance économique sur la population interviendront avant la fin du mandat présidentiel en 2011. Cette théorie, bien que séduisante, s’avère compliquée. En effet, en vertu des derniers amendements constitutionnels, le Premier ministre assure l’intérim en cas d’incapacité temporaire du Président de la République. En revanche, s’il se retire définitivement de son plein gré ou par la force des choses, alors le Président de l’Assemblée du Peuple assure l’intérim. Il convient de noter que dans le second cas, le Président de l’Assemblée n’a pas le droit de se proclamer président alors que pour le premier cas, aucune restriction de ce genre n’est indiquée. Evidemment, ce type de scénario souligne le caractère dynastique de la transmission, chose que Moubarak semble pour l’instant vouloir éviter.
Hosni Moubarak a préparé la transmission du pouvoir en faveur de son fils cadet, mais il ne souhaite pas apparaître comme un monarque. Aussi, en fin connaisseur de son peuple, il choisira le moment opportun pour passer la main. A ce moment là, Gamal Moubarak disposera de tous les atouts politiques pour s’emparer du pouvoir. Cependant, pour assurer sa longévité à la présidence, il devra envoyer des signaux forts et concrets à la population afin d’obtenir son adhésion.
En conclusion, l’Egypte parvient à une nouvelle phase politique de son existence. Si en 1999, les termes de la succession s’étaient déjà posés, ils n’apparaissaient pas aussi brûlants qu’aujourd’hui. Depuis 2000, le scénario d’une transmission dynastique du pouvoir semble se confirmer. D’abord, le Président de la République a modifié à plusieurs reprises la Constitution afin de supprimer, ou à tout le moins de limiter considérablement la concurrence, et notamment toute candidature surprise susceptible de mettre en péril le parti au pouvoir. Dans le même temps, Moubarak a favorisé l’accession de son fils ainsi que de ses acolytes au sein des instances dirigeantes du PND. En vieux baroudeur de la vie politique égyptienne, le Raïs a, à chaque moment, identifié les points faibles de sa stratégie pour l’adapter en permanence à la réalité. Le renouvellement ces derniers mois des cadres du PND au niveau local, identifié comme un point faible de la stratégique politique du parti, illustre parfaitement le pragmatisme de Moubarak. Ensuite, Gamal Moubarak domine l’échiquier politique même si les caciques maîtrisent encore certains rouages de la vie politique comme les pouvoirs locaux.
Par ailleurs, si les Frères musulmans constituent la première force d’opposition, la répression, qu’ils subissent depuis décembre 2005, les a profondément affaiblis. Encore une fois, Moubarak a su préserver les prérogatives du pouvoir en utilisant la répression. Aujourd’hui, la confrérie tend à se replier comme en témoigne le nombre peu élevé de candidats présentés aux élections municipales. D’un autre côté, Kefaya n’est pas parvenue à créer un véritable parti. Les divisions commencent à émerger condamnant à terme le mouvement tant sa composition est hétéroclite. De manière générale, l’opposition ne joue qu’un rôle de figurant.
Enfin, si plusieurs hypothèses de succession sont envisageables, comme l’ont montré les précédents développements, la plus probable est celle de l’accession au pouvoir de Gamal Moubarak par le biais du suffrage universel. Cependant, le moment de la transmission constitue un élément clé. D’un côté, en cas de transmission du vivant de Hosni Moubarak, les opposants à son fils seront plus prompts à respecter ses volontés. De l’autre, en cas de mort inopinée du Président, l’attitude de l’ensemble des acteurs est plus incertaine. Une chose semble certaine : l’armée sera garante de la République, aussi il est possible d’envisager un scénario qui se rapprocherait de celui qui s’est déroulé en Turquie. Une grande inconnue demeure. Quelle sera l’attitude du charismatique Omar Suliman, directeur de l’agence de renseignement général ? Il est à l’évidence le deuxième homme fort du pays. Par conséquent, Gamal Moubarak devra composer avec lui, pour s’assurer de son soutien et conforter son pouvoir.
Manuscrit clos le 21 mars 2008.
Copyright mars 2008-Penet/diploweb.com-Mise en ligne initiale 12 octobre 2008
Ouvrages en français
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[1] En octobre 2004, des attaques ont été perpétrées contre des installations touristiques à Taba et dans des localités proches faisant 34 morts. En juillet 2005, l’attentat de Charm al-Cheikh causait la mort d’au moins 30 personnes.
[2] Moubarak a été victime d’un malaise lors d’une émission de télévision en novembre 2003. Puis, en 2004, il a effectué un séjour dans une clinique allemande pour se faire soigner officiellement d’une hernie discale.
[3] Article de René Naba : « L’automne des patriarches : le sommet de Damas, un forum de la gérontocratie arabe », mars 2008, sur son blog : http://renenabablog.fr.
[4] Aux élections législatives de 2000, ils avaient obtenu seulement 17 sièges.
[5] Le noyau dur du mouvement des « Officiers libres » comportait 9 militaires sur 11 issus de l’Académie.
[6] CHARTOUNI-DUBARRY M. (Dir.), Armée et nation en Egypte : pouvoir civil et pouvoir militaire, Les notes de l’IFRI, N°31, Paris, 2001, pp10-11.
[7] CHARTOUNI-DUBARRY M. (Dir.), ibid.
[8] ABDALLA AHMAD, « Military-Political Interactions in Egypt : An Historical Perspective », in CHARTOUNI-DUBARRY M. (Dir.), Armée et nation en Egypte : pouvoir civil et pouvoir militaire, Les notes de l’IFRI, N°31, Paris, 2001, pp 52-53.
[9] L’armée d’importantes exploitations dans le Delta du Nil, comme par exemple une ferme agricole employant plus de 3000 militaires, produisant des céréales, élevant bovins, etc. DROZ-VINCENT Philippe, « Armée et pouvoir politique en Egypte : la dimension économique du pourvoir de l’armée », in CHARTOUNI-DUBARRY M. (Dir.), Armée et nation en Egypte : pouvoir civil et pouvoir militaire, Les notes de l’IFRI, N°31, Paris, 2001, p 93.
[10] POMMIER Sophie, « Egypte : la boîte de Pandore », Politique internationale, automne 2005, N°109, p205.
[11] POMMIER Sophie, ibid.
[12] La Constitution comprend 211 articles et un préambule. Elle peut être amendée par l’Assemblée du peuple, de sa propre initiative ou sur proposition du Président de la République.
[13] Extrait du discours du Président de la République égyptienne du 26 décembre 2006 demandant une révision constitutionnelle, celui-ci s’appuie sur l’article 189 de la Constitution.
[14] Deux types de bureau de vote existent en Egypte : les bureaux de vote généraux dans lesquels le dépouillement et le décompte des voix sont effectués, les bureaux de vote auxiliaires dans lesquels la population vote concrètement.
[15] Cf. Annexe 1
[16] Interdiction stipulée dans la loi n°40 de 1977 relative aux partis politiques et réaffirmée dans l’article 5 de la Constitution.
[17] BERNARD-MAUGIRON Nathalie, « nouvelle révision constitutionnelle en Egypte : vers une réforme démocratique ? », Revue française de Droit constitutionnel, octobre 2007, N°72, p855.
[18] Les candidats indépendants regroupent les Frères musulmans, mais aussi les candidats du PND qui n’ont pas été retenus par leur parti. En général, en cas d’élection, ces derniers réintègrent le PND.
[19] Dans les années 1980, les alliances entre la confrérie et les partis d’opposition étaient courantes, notamment avec le Wafd.
[20] De manière plus précise, il doit « comporter au moins 65 membres de l’Assemblée du peuple 25 membres du Conseil consultatif et 10 membres de conseils régionaux au sein de 14 gouvernorats au moins ». BERNARD-MAUGIRON Nathalie, « nouvelle révision constitutionnelle en Egypte : vers une réforme démocratique ? », Revue française de Droit constitutionnel, octobre 2007, N°72, p858.
[21] POMMIER Sophie, « Egypte : le Parti national démocratique au cœur du dispositif de succession », Politique étrangère, janvier 2007, p 68.
[22] COLLOMBIER Virginie, “The Internal Stakes of the 2005 Elections : The Struggle for Influence in Egypt’s National Democratic Party”, The Middle East Journal, N°1, VOL 61, hiver 2007, pp 95-111
[23] Hacham RABIE, analyste du Centre d’études politiques et stratégiques Al-Ahram, propose trois différents groupes : les réformateurs en opposition avec le parti avec comme figure emblématique Osama Ghazaly Harb ; le groupe du centre (al-Wasat) incarné par Gamal Moubarak, et des chercheurs en sciences politiques.
[24] POMMIER Sophie, « Egypte : le Parti national démocratique au cœur du dispositif de succession », Politique étrangère, janvier 2007, p 72
[25] A la suite de la guerre en Irak, le gouvernement américain de Georges W. Bush met la pression sur les régimes arabes pour favoriser l’émergence de la démocratie au Moyen-Orient et pour engager des réformes en profondeurs, dans le cadre du Projet du « Grand Moyen-Orient ».
[26] De 17 députés en 2000, la confrérie est passée à 88 députés en 2005. Le reste de l’opposition obtient dans son ensemble que 16 députés sur les 454 que compte l’Assemblée du peuple (Cf. annexe 2).
[27] Le tanzim est l’organisation officielle structurée de la confrérie, PEIRONE Matteo, Les Frères Musulmans d’Egypte face aux défis de la globalisation, Thèse de politiques comparées, Paris, Institut d’Etudes Politiques, 2006, p. 11.
[28] Analyse de Gilles Kepel en 1983
[29] Lors de son emprisonnement, Sayyid Qutb devient un des principaux théoriciens de l’islamisme au XXème siècle. Dans « Signes de piste », il avance que toute société n’appliquant pas la Shari’a perpétue l’exploitation et les injustices sociales. Elle doit donc être combattue jusqu’au triomphe final de l’islam et l’instauration du règne de la Loi divine.
[30] TERNISIEN Xavier, Les Frères Musulmans, Paris, Fayard, 2005, p 46-50
[31] Date de la parution d’un document intitulé : « Le mouvement islamiste, vision prospective. Documents d’autocritique. », écrit par 14 intellectuels de la mouvance islamiste, HAENNI Patrick, « Division chez les frères musulmans : la nouvelle pensée islamique des déçus de l’expérience militante », La République des idées, Paris, 2004, http://www.repid.com/spip.php?page=articleImprim&id_article=341.
[32] « Notre position vis-à-vis de la femme, de la Shûra et du pluralisme », HAENNI Patrick, ibid.
[33] PEIRONE Matteo, Les Frères Musulmans d’Egypte face aux défis de la globalisation, Thèse de politiques comparées, Paris, Institut d’Etudes Politiques, 2006, p14
[34] HAENNI Patrick, ibid.
[35] Publié par Roz al-Yusuf, le 9 avril 2006.
[36] Prévue en 2006, elles devraient avoir lieu le 8 avril 2008.
[37] Formidable montée en puissance depuis les élections de 2005. Les services de sécurité parlent de 1,5 millions d’adhérents versant des cotisations, soit un triplement en 18 mois.
[38] Un grand nombre de cadres du mouvement ont été arrêtés. Le gouvernement a procédé également au gel d’avoir financier de la confrérie, atténuant de facto leur influence dans le domaine social.
[39] Parmi ses membres, on note la présence de communistes, d’islamistes, des nationalistes arabes, d’ultra-libéraux, de coptes et d’islamistes modérés.
[40] SHORGABY Manar, « The Egyptian Movement for Change-Kefaya : Redefining Politics in Egypt », Public culture, Hiver 2007, Vol 19 N°1, p 175
[41] SHORGABY Manar, « The Egyptian Movement for Change-Kefaya : Redefining Politics in Egypt », Public culture, Hiver 2007, Vol 19 N°1, p 181
[42] Une première rencontre d’importance eut lieu officiellement en 1993 sur l’initiative d’Ahmed Abdallah, ancien leader du syndicat étudiant de gauche début 1980, et Essam Sultan, membre des Frères musulmans et coordinateur du comité jeune de l’association des avocats. La conférence de trois jours qu’ils ont organisée a contribué à l’émergence du dialogue entre tous les partis d’opposition. Sans être personnellement impliqués dans le mouvement Kefaya, ils ont participé à quelques manifestations organisées par EMC. SHORGABY Manar, « The Egyptian Movement for Change-Kefaya : Redefining Politics in Egypt », Public culture, Hiver 2007, Vol 19 N°1, p 182.
[43] « …the graver the foreign aggression is, the more important the national reform becomes.” SHORGABY Manar, « The Egyptian Movement for Change-Kefaya : Redefining Politics in Egypt », Public culture, Hiver 2007, Vol 19 N°1, p 184.
[44] « …the reform necessary to overcome this overwheming crisis », Kefaya founding statement, SHORGABY Manar, « The Egyptian Movement for Change-Kefaya : Redefining Politics in Egypt », Public culture, Hiver 2007, Vol 19 N°1, p 186.
[45] International Crisis Group, Reforming Egypt, www.crisisgroup.org.
[46] L’idée de transmettre le pouvoir à Gamal Moubarak proviendrait de Suzanne Moubarak, sa mère. Celle-ci interviendrait régulièrement auprès de son mari afin qu’il prenne toutes les dispositions nécessaires pour faciliter l’accession au pouvoir de son fils.
[47] Les investissements directs étrangers (IDE) pour les trois premiers trimestres 2007 représentent 9 milliards de dollars, alors que sur l’ensemble de l’année 2006, ils atteignaient 6,1 milliards de dollars. Source : www.oecd.ord/document/6/0,3343,fr_2649_201185_39002374_1_1_1_1,00.html .
[48] RADI Saadia, « Pratiques sociales, politiques de santé publique et nouvelles épidémies en Egypte », Transcontinentales, 2ème semestre 2005, N°5, p 59
[49] Ils n’acceptaient les immigrés égyptiens que s’ils présentaient un certificat médical indiquant qu’ils n’étaient pas porteurs de l’hépatite C, RADI Saadia, ibid. p 61
[50] TOURNE Karine, « Diplômés chômeurs : l’expérience de l’infortune sociale et les nouveaux dispositifs de l’insertion en Egypte », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, N°105-106, p 92
[51] Plastiquage du mur séparant l’Egypte de la bande de Gaza, par le Hamas, afin de contourner le blocus israélien.
[52] FERRIE Jean-Noël, « Egypte : des réformes nécessaires et périlleuses », Questions internationales, septembre-octobre 2005, N°15, pp 99.
[53] Le mouvement de libéralisation a débuté en 1974 ; c’est donc un mouvement historique, validé par les évolutions internationales.
[54] Interview donnée en 2006, POMMIER Sophie, « Egypte : le Parti national démocratique au cœur du processus de succession », Politique étrangère, janvier 2007, pp 74.
[55] Les Etats-Unis donnent deux milliards de dollar au titre de la relation stratégique avec l’Egypte, auxquels s’ajoutent les crédits privilégiée (Foreign Military Loans).
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