Le Brésil occupe une place singulière dans les transformations des équilibres géopolitiques et géoéconomiques de notre planète, même parmi les pays dits « BRIC » (Brésil, Russie, Inde, Chine). Le Brésil a une position spécifique dans la division internationale du travail : intermédiaire entre « Sud » et « Nord ». Pour mieux la cerner, voici trois domaines : les flux aériens, son commerce international et ses exportations de joueurs de football. Des flux de personnes et de marchandises qui révèlent les orientations de ses relations privilégiées. (4 cartes)
QUATRE compagnies aériennes brésiliennes ont des réseaux internationaux, dont le dessin souligne les régions du monde avec lesquelles le Brésil entretient les échanges les plus denses. La compagnie Gol [1] a racheté en 2007 la compagnie brésilienne la plus ancienne et la plus prestigieuse, la Varig, alors secouée par une grave crise, et repris une partie de ses lignes internationales (mais pas la ligne vers Paris). La TAM [2] a un réseau encore embryonnaire mais il se développe et est appelé à le faire plus encore avec sa fusion avec LAN Chile en 201 [3]. Ocean Air, la dernière venue, s’appelle désormais Avianca, a repris le nom de la compagnie colombienne, car elles ont désormais le même propriétaire (brésilien) et accède par elle a son réseau international.
Carte 1 - Destinations internationales des compagnies aériennes brésiliennes
Les quatre compagnies aériennes brésiliennes privilégient nettement trois directions : les pays voisins d’Amérique du Sud, l’Europe et les États-Unis. En des temps plus fastes, la Varig avait des lignes vers le Japon, via la Californie, et vers Bangkok, via l’Afrique du sud, vers l’Angola et le Nigeria mais ces temps de gloire sont désormais révolus et le pragmatisme a amené les compagnies brésiliennes à se concentrer sur les lignes les plus rentables.
Carte 2 - Les passagers vers le Brésil sur les compagnies aériennes brésiliennes et étrangères
Heureusement bon nombre de compagnies aériennes étrangères desservent le Brésil, issues des pays avec lesquels il entretient des relations anciennes (voisins sud-américains, États-Unis, Japon et Europe), mais aussi de ceux avec lesquels ses échanges se sont plus récemment développés, notamment la Chine, les Émirats Arabes Unis et la Turquie. Cette ligne dessert au passage le Sénégal, ce qui atténue un peu le vide africain, les liaisons avec ce continent censé tenir une place-clé dans la diplomatie brésilienne se résumant à une ligne vers l’Angola et une vers l’Afrique du Sud, l’une et l’autre tenue par des compagnies étrangères.
Le commerce extérieur du Brésil montre bien les orientations de ses échanges, leurs évolutions récentes et la place du pays dans le monde d’aujourd’hui.
Carte 3 - Le commerce extérieur du Brésil en 2010
Les partenaires commerciaux principaux du Brésil sont les voisins du Mercosul (principalement l’Argentine), les États-Unis, l’Europe, et de plus en plus la Chine, dont le poids était très limité il y a dix ans. Elle a aujourd’hui largement dépassé le Japon comme principal partenaire asiatique, grâce à ses achats massifs de minerai de fer, de soja, de viande et de sucre, en échange d’une foule de produits manufacturés, des plus banals (textiles de bas de gamme) aux plus sophistiqués (électro-ménager et informatique).
Le solde est néanmoins positif pour le Brésil, comme il l’est avec la Russie, plusieurs pays du Moyen-Orient (le Brésil ayant acquis son auto-suffisance en pétrole) et avec ses voisins d’Amérique du Sud, à l’exception de la Bolivie à qui il achète du gaz sans pouvoir lui vendre beaucoup en échange, en raison de sa faible population et plus encore de son faible pouvoir d’achat. En revanche les soldes sont négatifs avec les États-Unis et l’Europe, qui vendent au Brésil des produits à haute valeur unitaire et lui achètent principalement des minerais et des denrées agricoles, à la notable exception des avions de l’Embraer.
Le Brésil a donc une position spécifique dans la division internationale du travail. Pour la fabrication des produits technologiques il a un solde positif des pays moins développés que lui en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen-Orient, et des soldes négatifs avec les grandes puissances économiques. Cela signifie qu’il occupe une position intermédiaire entre les pays développés du « centre » (auxquels il achète des produits manufacturés, ainsi que des services, qui n’apparaissent pas ici, et vend des produits primaires), et les pays plus périphériques que lui (voisins sud-américains, producteurs de pétrole d’Afrique et du Moyen-Orient), auxquels il vend des biens manufacturés et achète des produits primaires, ce qui reflète sa position intermédiaire entre « Sud » et « Nord ».
En guise de conclusion, on peut noter avec plaisir que dans un domaine au moins la supériorité du Brésil n’est pas contestée, le futebol, comme en témoignent ses cinq victoires à la Coupe du Monde (en 1958, 1962, 1970, 1994 et 2002), et plus encore ses « exportations » de joueurs dans le monde entier.
Carte 4 - Exportations de joueurs brésiliens de futebol
Près d’un millier de footballeurs brésiliens ont rejoint des clubs de 80 pays du monde entier. Le pays qui en a accueilli le plus est le Portugal, pour des raisons linguistiques évidentes. Mais on en a vu aussi partir au Japon, en Corée, et d’autres vers des pays plus exotiques pour des Brésiliens (d’autant que la plupart des joueurs sont d’origine populaire et bien peu préparés à la vie à l’étranger) : Indonésie, Viêt-Nam, Chine, Azerbaïdjan, Finlande, etc. On notera qu’entre 2004 et 2008, alors que leur nombre a diminué dans les pays voisins, en Corée du Sud et au Japon, il a au contraire augmenté particulièrement vite en Afrique du Sud, dans les pays du Golfe et surtout en Europe Orientale, pays dont le rôle international s’est affirmé dans ces années.
Même dans ce domaine ludique (mais qui est aussi et de plus en plus un business) il est clair que la position du Brésil dans la mondialisation du Brésil se renforce. Au total les analyses ci-dessus illustrent bien la position ambiguë du Brésil, pays émergent, situé à la fois dans le peloton de tête des grandes économies mondiales et encore pays sous-développé par bien des aspects. Le Brésil a acquis un poids spécifique considérable, par sa population (plus de 190 millions d’habitants), par la puissance de son agro-industrie et de son appareil industriel, sans équivalent dans l’hémisphère sud, mais il n’a pas encore trouvé sa place : ni dans la cour des grands, où il pèse encore trop peu pour avoir une influence réelle, ni comme leader des petits, qui le trouvent trop gros, ni dans une hypothétique alliance des pays émergents, ou chacun joue son propre jeu.
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Un autre article de H. Théry sur le Diploweb.com, France-Brésil : un pont géopolitique Voir
[1] Qui était au départ une compagnie low cost fondée par une compagnie de transport par autobus.
[2] Qui était à l’origine une compagnie de taxis aériens de Marília, d’où son nom.
[3] Qui mettra le groupe LATAM au premier rang pour l’hémisphère Sud avec 280 avions, 40 000 employés et 115 destinations dans 23 pays. La LAN aura 70% des actions et la TAM 30, les deux compagnies continuant à opérer sous leur marque, comme Air France et la KLM.
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