Après Blaise Compaoré, à qui le tour ?

Par Rodrigue NANA NGASSAM, le 11 novembre 2014  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Doctorant en Etudes Internationales et chercheur associé au Groupe de Recherche sur le Parlementarisme et la Démocratie en Afrique (GREPDA).

Géopolitique de l’Afrique. Après l’éviction de Blaise Compaoré au Burkina Faso, l’auteur dresse ici un panorama de la scène électorale en République démocratique du Congo, Congo, République du Rwanda, Burundi et République du Bénin.

Il serait temps que les Etats africains stabilisent leurs constitutions à travers la mise en place d’institutions fortes et non d’hommes forts qui après des décennies passées au pouvoir laissent derrière eux une population à bout de force et un Etat à la recherche de ses marques. Le départ de Blaise Compaoré doit être pris comme un signe avant-coureur pour les autres présidents dont les limites des mandats ont été atteintes mais aussi, à ceux qui s’accrochent au pouvoir alors que leur âge ne leur permet plus de gouverner avec lucidité.

LA problématique des révisions constitutionnelles occupe une place centrale au sein du constitutionnalisme africain. Nombreux sont les pays africains qui ont été épinglés et mis au ban de la Communauté internationale pour déficit démocratique. Pierre François Gonidec, dressant le bilan de trente années de pratique constitutionnelle sur le continent noir, s’interrogeait déjà en 1988 sur l’utilité même des Constitutions africaines [1], laissant ainsi poindre son scepticisme sur l’évolution du constitutionnalisme africain. Après 50 ans d’indépendance pour certains de ces pays africains, au‐delà de l’enthousiasme, c’est aussi le temps du bilan, surtout de l’introspection de ce qui est advenu de cette accession à la souveraineté internationale. La fièvre constitutionnelle qui a marqué les premières années d’indépendance caractérisée par la sacralisation de la Constitution et le fétichisme constitutionnel, a cédée rapidement la place à une instabilité constitutionnelle diversement justifiée. Quitter le pouvoir comme le prévoit la Constitution ou faire en sorte d’y rester reste un dilemme pour un grand nombre de chefs d’Etats africains. Ceux-ci, peu enclins à rendre leur tablier souhaitent toujours briguer un nouveau mandat au gré de multiples argumentaires avec pour risque de briser le pacte social. Blaise Compaoré, dit le « baobab » et acteur incontournable dans la résolution des crises en Afrique était de ceux-là, comme bon nombre de ses collègues dont l’échéance électorale approche à grand pas et dont la question centrale est : « partira ou partira pas  ? ».

Burkina Faso. Blaise Compaoré : la tentation qui a mal tourné

Le Burkina Faso, est un pays d’Afrique de l’Ouest sans accès à la mer, entouré de quatre pays (Mali, Bénin, Togo, Ghana, Côte-d’Ivoire) qui s’étend sur 274 200 km2 avec une population estimé à 16 241 811 habitants. D’après le rapport sur le développement humain de 2013 du PNUD, le pays a connu une amélioration passant d’un IDH de 0,343 en 2012 à 0,388 en 2013. Malgré cela, il reste un des pays les plus corrompus au monde d’après Transparency international qui le classe 83e mondial dans son classement de 2013. Blaise Compaoré qui était à la tête de cet Etat vient de connaître une déchéance et une issue que personne n’aurait imaginé.

L’opposition s’est structurée, la société civile, plus impliquée que jamais, les étudiants et les syndicats, toujours politisés ont radicalement changé le rapport de force.

Deux ans avant la fin de son mandat, l’homme qui règne depuis vingt huit ans au pays des hommes intègres n’avait pas mesuré l’ampleur de sa décision. Celle de toucher à l’article 37 de la Constitution de la République Burkinabaise limitant le nombre de mandats présidentiels, afin de se représenter en 2015. Malgré des consultations avec les partis politiques de l’opposition et la société civile, le malaise social et le désir d’en finir avec ce long règne l’ont finalement emporté sur l’homme fort du 15 octobre 1987. Depuis 2002, le régime s’était assoupli depuis l’affaire Norbert Zongo, moins de répression, plus de liberté de la presse. Malgré cela, l’opposition ne réussissait pas à s’imposer comme capable d’alternance et de plus, une méfiance globale envers tous les politiciens semblait l’emporter, et confortait la position du chef de l’Etat d’aller au-delà de 2015. Il a fallu attendre les législatives du 2 décembre 2012 pour sortir de cette impasse. L’opposition s’est structurée, la société civile, plus impliquée que jamais, les étudiants et les syndicats, toujours politisés ont radicalement changé le rapport de force.

Dans la perspective de 2015, ces poches de contre-pouvoir qui, jusque-là, ne s’entendaient pas, ont effectué un rapprochement jugé inquiétant par le gouvernement. Par ailleurs, une partie du parti au pouvoir, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), dont Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré, a préféré quitté le navire présidentiel, et a créé le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP). Les revendications se sont concentrées sur le respect de la Constitution, le refus de la modification de l’article 37. Les manifestations se sont multipliées [2], organisées par les partis ou par la société civile, après la naissance du Balai Citoyen [3]. La dernière manifestation, avec "plus de 100 000 manifestants" selon les organisateurs, a eu lieu le 23 août 2014. Ajouté à cela l’avertissement de l’église catholique, très influente au Burkina Faso, qui a dénoncé le 15 juillet 2014 dans une lettre pastorale le danger qui naitrait suite à un changement de la Constitution. Enfin, la Communauté internationale dont la France et les Etats-Unis, y compris les pays voisins ont marqué leur embarras quant à une nouvelle représentation de Blaise Compaoré. Au-delà de toutes ces pressions, c’est finalement celles de la rue qui l’ont emportées le 30 octobre 2014, mettant fin ainsi à 28 ans de règne d’un président mal aimé et mettant en garde les autres chefs d’état africains désireux de se lancer dans cette aventure ambigüe. [NDLR : Le lieutenant-colonel Isaac Zida, chef de l’Etat auto-proclamé du Burkina Fasso a déclaré au quotidien français Le Monde, dimanche 9 novembre 2014 au soir, qu’il effectuerait sa passation de pouvoir avec un civil d’ici à deux semaines. En revanche, dit-il, "je retournerai dans ma caserne en novembre 2015", après les élections. Il se voit assurer un "rôle dans le domaine de la sécurité" jusqu’au scrutin. Source : Le Monde, 11 novembre 2014, p. 4)]

République démocratique du Congo. Joseph Kabila : entre le marteau et l’enclume

Joseph Kabila Kabange est à la tête de la République démocratique du Congo depuis l’assassinat de l’ancien président, son père Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001. Le Congo-Kinshasa comme on l’appelle pour se démarquer de sa voisine de même nom (Congo-Brazzaville) est le quatrième pays le plus peuplé d’Afrique ainsi que le pays francophone le plus peuplé mais aussi, le deuxième plus vaste pays d’Afrique après l’Algérie. Situé en Afrique centrale, le pays compte une population de 77 433 744 habitants et s’étend sur une surface de 2 345 409 km2. Malgré ses multiples et diverses richesses, le pays reste l’un des plus pauvres du monde avec 87,7% de sa population qui vit en dessous du seuil de pauvreté et des inégalités très marquées. L’indice de développement humain de la RDC est extrêmement bas, et il a été classé au dernier rang, 186e, comme le Niger en 2013, par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). De même que pour l’indice de corruption 2013 de Transparency International qui le classe à la 154ème position.

Ira, ira pas ? Joseph Kabila a toujours affirmé qu’il respecterait « l’esprit et la lettre » de la Constitution et ses partisans sont clairs là-dessus. L’article 220 de la Constitution de la RDC interdit au président d’exercer plus de deux mandats d’affilée, mais nombre d’opposants soupçonnent le clan présidentiel de vouloir modifier la Loi fondamentale pour permettre à M. Kabila de se maintenir au pouvoir. Pour Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale et secrétaire général de la majorité présidentielle et Lambert Mendé, porte-parole du gouvernement congolais, « Le président Kabila respectera strictement ce qui est écrit dans la Constitution. Pas plus de deux mandats successifs. En 2016, il y aura un passage de flambeau civilisé entre un président qui sort et un président qui entre ». Mais cela reste rien que des effets d’annonce pour l’opposition qui ne le voit pas quitter son poste au terme de son mandat. Vital Kamerhe, le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC), craint l’influence néfaste des « courtisans » autour de Joseph Kabila - des courtisans qu’il connaît bien, puisqu’il a été le directeur de campagne du candidat Kabila en 2006. « Minaku et Mende promettent qu’il partira, c’est bien, dit-il, mais rappelez-vous que Joseph Kabila a déjà modifié la Constitution en 2011 pour supprimer le second tour de la présidentielle ».

En attendant que l’intéressé se décide, les spéculations vont bon train à Kinshasa. Certains y voient un report technique de la présidentielle au-delà de novembre 2016 à cause du fichier électoral qui fait l’objet d’une polémique depuis 2011. Un recensement administratif de toute la population paraît nécessaire avant le prochain scrutin. Mais est-il faisable avant novembre 2016 ? « Il faudra respecter les délais dans la mesure du possible, répond Minaku, mais s’il y a un cas de force majeure, la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pourra saisir la Cour constitutionnelle, qui pourra elle-même autoriser un report à une date bien déterminée. L’essentiel est de trouver un consensus pouvoir-opposition qui sauvegarde la stabilité et l’unité du pays ». En attendant cet éventuel consensus, Joseph Kabila reste sous les pressions américaine et européenne pour partir. Les États-Unis s’engagent à soutenir les Congolais [...] pour qu’ils travaillent à des décisions crédibles, dans les délais et en accord avec l’actuelle Constitution. Ils donneront 30 millions de dollars supplémentaires pour soutenir des élections transparentes et crédibles de même que des programmes de reconstruction dans l’Est du Congo [4]. Côté européen, tout le monde a en mémoire la présidentielle de 2011 qui a été entachée d’irrégularités et la poignée de main glaciale Hollande-Kabila lors du sommet de la Francophonie d’octobre 2012 à Kinshasa. La tension reste donc vive et le peuple devra rester en éveil, comme au Burkina Faso contre toute tentative visant à "bricoler" la Constitution.

Congo. Dénis Sassou Nguesso : liaison dangereuse avec la Constitution

Le Congo, aussi appelé de manière informelle Congo-Brazzaville ou République du Congo est un pays d’Afrique centrale, ses voisins sont le Gabon, le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo - de laquelle il est séparé, en partie, par le fleuve Congo puis l’Oubangui et le cabinda (Angola). Le pays s’étend sur 342 000 km2 avec une population totale estimé en 2013 à 4 492 689 millions d’habitants. Selon le rapport mondial 2013 sur le développement humain, l’indice de développement humain (IDH) de la République du Congo a connu une légère amélioration. De 1980 à 2012, il est passé de 0,470 à 0,534, soit une augmentation de 14%. Cette amélioration classe le Congo au 142ème rang, sur les 186 pays et occupe le premier rang des pays à IDH faible. Mais la corruption reste un des obstacles majeurs à son développement. Et le classement 2013 de Transparency International le met à une place peu réjouissante, 154e sur un total de 177 pays avec une note de 22 points sur 100. Néanmoins, ce qui préoccupe les congolais reste l’élection Présidentielle de 2016 à laquelle le Président actuel, Dénis Sassou-Nguesso désire se représenter malgré l’obstacle constitutionnel. Et le débat fait rage.

Tout comme son homologue congolais d’en face, il est lui aussi confronté au problème de la fin de mandat qui, d’après la Constitution devrait être le dernier. Sauf si le chef de l’État utilise l’article 186 de la Constitution, qui prévoit qu’un projet de révision soit soumis directement au référendum. Le projet ne passe ni dans l’opinion, ni dans la classe politique qui voit ici une occasion de déblocage d’autant plus que, le contexte international y est favorable. Ses dernières années, face à des mascarades électorales implacables, plusieurs partis d’oppositions ont dû adopter le boycott [5]. Le 24 mai 2014, a été créé le Mouvement citoyen pour le respect de l’ordre constitutionnel (MCROC). Le MCROC a publié un manifeste annonçant la création d’un mouvement regroupant « associations, ONG, société civile, syndicats, partis politiques, individualités » contre « toute modification ou tout changement de la Constitution du 20 janvier 2002 ».

Les élections locales du 28 septembre 2014 n’ont rien apporté à la démocratisation, bien au contraire. Le MCROC a dénoncé la validation « d’un fichier électoral vicié, totalement acquis à la majorité présidentielle » et appelé au boycott. En août 2014, l’Assemblée a modifié la loi électorale sans rien améliorer, et sans modifier le contrôle par le gouvernement de la Commission nationale d’organisation des élections (CONEL). Selon Mathias Dzon [6], la « loi réduit la CONEL, à un simple organe d’enregistrement des décisions du Ministère de l’administration du territoire ». En 2002, le pouvoir s’est donné une Constitution à lui, dans le seul but de pénaliser les autres forces politiques, notamment leurs potentiels candidats aux futures élections présidentielles. Il s’agit : - De l’article 56 qui fixe la limite d’âge à la candidature à l’élection présidentielle à 40 ans minimum et 70 ans maximum ; - De l’article 57 qui limite le nombre de mandats présidentiels à deux seulement ; - Et l’article 185 qui verrouille les possibilités de révision de la Constitution sur le nombre de mandats, le caractère laïc et la forme républicaine de l’Etat. Pour le rendez-vous de 2016, le pouvoir se prépare à nous servir à nouveau un revirement de situation qui pourrait passer par une révision des articles précités. Vu que pour rester, Sassou Nguesso devra en outre supprimer une deuxième barrière de la Constitution, il aura en 2016 73 ans, 3 ans de plus que la limite de 70 ans. La Constitution n’étant pas immuable, Théophile Obenga, conseiller du président de la République, chargé du projet de la construction de l’université Denis Sassou-Ngesso à Kintélé, déclare que : « selon la nécessité de l’histoire, elle peut être changée » [7]. D’ici deux ans donc beaucoup de choses peuvent survenir.

République du Rwanda. Paul Kagamé : le débat reste entier

La République du Rwanda, surnommé le « pays des mille collines », est un pays d’Afrique centrale qui étend ses 26 338 km2 dans la région des Grands Lacs. Il partage des frontières avec, au nord, l’Ouganda, à l’est, la Tanzanie, au sud, le Burundi, et à l’ouest, la république démocratique du Congo. Le pays regroupe deux ethnies majoritaires (Tutsi et Hutu) à côté des Twa et forment une population estimé à 11 055 976 habitants. Il est parmi les rares pays du continent à avoir amélioré son IDH, 0,506 en 2013 et continue d’afficher de bons résultats dans la lutte contre la corruption. Se classant quatrième place parmi les pays moins corrompus en Afrique avec un score de 53 sur 100. Cette situation s’accompagne d’une stabilité et d’une croissance économique tant on sait que le pays sort de plusieurs années de guerre civile et d’un génocide. Le mérite de cette reconstruction pour beaucoup d’observateurs est reconnu à un seul homme, Paul Kagamé.

Tutsi anglophone, Paul Kagamé détient la présidence du Rwanda depuis 2000 mais, dans les faits, il est l’homme fort du pays depuis la fin du génocide en 1994. Va-t-il se représenter - ou non - en 2017 et donc modifier la Constitution ? A cela, le chef de l’Etat rwandais répond que les Rwandais feront leur choix et qu’il faut attendre de voir ce qui va se passer. L’actuel texte, adopté en 2003, limite à deux le nombre de mandats présidentiels et interdit donc en l’état à M. Kagamé, élu en 2003 et 2010, de se représenter une troisième fois. Mais, ses partisans réclament un référendum pour modifier la Constitution et lui permettre de briguer un nouveau mandat. C’est le cas des dirigeants des Parti démocratique idéal (PDI), Parti pour la solidarité et le progrès (PSP) et PS-Imberakuri qui ont prôné l’abolition de cette limitation. Pour le président du Parti démocratique idéal (PDI), Musa Fazil Harerimana, également ministre de l’Intérieur, « la limitation du nombre de mandats (…) n’est pas la démocratie, la démocratie c’est laisser le choix au peuple ». Christine Mukabunani, présidente du PS-Imberakuri qui fût un parti d’opposition avant de rejoindre le parti au pouvoir appelle elle à donner « la parole à la population » afin qu’elle se prononce sur le sujet. Ces formations politiques proches du Front patriotique rwandais (FPR), de Paul Kagamé disent tout haut ce que le FPR pense tout bas, estime l’opposant et ex-président du PS-Imberakuri Bernard Ntaganda, tout juste sorti de quatre ans de prison pour « divisionnisme » et « atteinte à la sûreté de l’Etat ».

Cependant, si la question de la succession de Paul Kagamé est dans toutes les têtes, dans un pays où il incarne personnellement le pouvoir depuis 20 ans, elle est rarement abordée publiquement. A Kigali, seul le petit Parti démocratique vert, tout juste enregistré et dont la voix porte peu dans un pays sans véritable opposition, se dit ouvertement contre la réforme constitutionnelle. « La limitation du nombre de mandats permet le transfert pacifique du pouvoir et d’éviter le scénario d’un président à la vie », dit son président, Frank Habineza. Le reste des membres de l’opposition ont été forcés à l’exil ou sont contraints de se taire quand bien même, ils ne sont pas assassinés ou emprisonnés. Le pouvoir joue actuellement au chat et à la souris pour voir comment l’opinion nationale et internationale réagit. La contestation du régime en externe pourra être sans effet car, il y a longtemps que Kigali a pris ses distances avec ses alliés traditionnels. Même si la menace d’une suspension des aides extérieures dont le pays tire plus de 40 % de son budget plane sauf si la communauté internationale se montre indulgente car il y a des intérêts économiques à défendre qui sont colossaux, principalement autour des minerais. De toute façon, le débat sur une éventuelle reformation de la Constitution se déroule au sein du FPR. Et nulle ne doute que la voie référendaire semble probable si l’on s’en tient au propos du président tenu lors de sa conférence à l’université de Tuft, dans le Massachusetts à l’occasion du vingtième anniversaire du génocide Rwanda en avril 2014 : «  : « je pense qu’à un moment, nous devons laisser les pays et leurs populations décider par eux-mêmes de leurs propres affaires. Cela, c’est la première chose ».

Burundi. Pierre Nkurunziza : entre hésitation et tentation


Le Burundi, est un pays d’Afrique de l’est sans accès à la mer, mais possédant un grand lac (lac Tanganyika) situé dans la région des Grands Lacs et entouré par la République démocratique du Congo à l’ouest, le Rwanda au nord, et la Tanzanie à l’est et au sud et s’étendant sur 27 834 km2. Tout comme le Rwanda, la population est formé principalement de Tutsi et d’Hutu qui forment les 9 863 117 habitants du pays. L’indice de développement humain (IDH) de 2013 de cet Etat qui sort d’une longue décennie de guerre civile (1993-2002) reste faible malgré une nette amélioration contrairement à 2012 (0,355 en 2012 et 0,389 en 2013). Et il reste parmi les pays les plus corrompus au monde, se classant 157ème avec un score de 21 points sur 100 d’après l’ONG Transparency International. Pierre Nkunrunziza est le Président de ce pays, élu en 2005 et réélu en 2010 avec plus de 91 % des voix, il souhaite briguer un troisième mandat.

Au pays de pierre Nkurunziza on ne prononce son nom qu’à voix basse. Question de survie si l’on ne veut pas finir ses jours dans une des prisons du pays. Il faut dire qu’au pays de cet ancien chef des Forces pour la défense de la démocratie (FDD) dont il est à la tête depuis 2001, le moyen le plus sûr de terminer ses jours en prison, est de s’illustrer comme un opposant au pouvoir. Beaucoup d’opposants viennent de l’exprimer. En effet, pour avoir manifesté contre les dérives autocratiques de Nkurunziza une trentaine de jeunes militants issus du Mouvement pour la solidarité et le développement (MSD), un parti d’opposition, ont été jugés et jetés en prison en mars 2014 dont certains, pour le reste de leur vie, à la suite d’un procès expéditif digne de l’Ouganda de Idi Amin Dada. Pierre Nkunrunziza dont le dernier mandat tend à sa fin n’est pas prêt à respecter les termes de la Constitution dont l’article 96 précise que : « le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois ». Sa volonté de s’accrocher au pouvoir en révisant la Constitution vient d’être contrariée par l’Assemblée nationale dominée pourtant par les députés de son propre parti, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD). En effet, il n’a pas réussi à obtenir la majorité qualifiée des membres du parlement pour réviser la Constitution dans le sens de lui permettre de se représenter en 2015.

Pour autant, il ne se décourage pas. Tout comme ses autres pairs, il lui reste un autre stratagème, celui du salut du peuple : le référendum. Pour contourner la leçon qui lui a été infligé par l’Assemblée nationale, il tentera probablement la voie référendaire puisque le contexte lui est favorable. Et plusieurs raisons militent en sa faveur :
. Premièrement au sein de la classe citoyenne, rare sont ceux qui abordent le sujet appelant à voter Non à la modification de la Constitution à l’occasion d’un éventuel référendum.
. Deuxièmement l’absence de culture démocratique des populations burundaises qui sortent de plusieurs décennies de guerre civile et qui ne veulent pas revivre ces évènements.
.Troisièmement, son ethnie, les Hutus y sont majoritaires et il pourrait s’en servir en l’instrumentalisant. A cet effet, la donne ethnique pourrait à cette occasion s’inviter dans le débat politique. Une situation dangereuse qui pourrait remettre en question la stabilité que connaît le pays et le consensus obtenu laborieusement par Nelson Mandela en 2000 à Arusha pour aboutir à cette paix [8]. Ou à défaut comme le disent ses proches, se représenter sans toucher à la constitution, car il n’avait pas été élu au suffrage universel lors de son premier mandat. Cela dit, en attendant juin 2015, date de la prochaine présidentielle, Pierre Nkunrunziza n’a pas encore dit son dernier mot.

République du Bénin. Thomas Boni yayi : le doute est permis

La République du Bénin est un pays d’Afrique occidentale, qui couvre une superficie de 112 622 km2 et s’étend du fleuve Niger au nord à la côte atlantique au sud. Le Bénin compte 9 900 000 habitants en 2013. Le pays fait partie de la CEDEAO. Il a comme voisins le Togo à l’ouest, le Nigeria à l’est, et au nord, le Niger et le Burkina Faso. C’est un pays sous développer qui connait de graves difficultés économiques. L’indice de développement humain en Afrique pour l’année 2013 indique une amélioration avec une moyenne de 0,476 contrairement à l’indice de perception de la corruption de Transparency International, qui montre que le Bénin stagne à la 94ème place comme en 2012 et reste toujours parmi les pays les plus corrompus du monde. L’espoir suscité par l’élection de son Président actuel, Thomas Boni Yayi a fait place au désespoir et à des interrogations qu’entretient ce personnage.

« Thomas Boni Yayi a juré au pape, à François Hollande, à Barack Obama, aux médias et à la terre entière qu’il ne se représenterait pas en 2016 ». L’article 42 de la Constitution ne l’autorise pas à rempiler car la fin de son mandat en mars 2016 marque la limite atteinte, 10 ans de pouvoir (le Président de la République étant élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois). Mais cette parole fut-elle prophétique agace ses opposants, les syndicats et la société civile qui y voient de la poudre aux yeux. Ceux-ci soupçonnent le président de vouloir, par le biais de cette réforme de la Constitution, faire basculer le Bénin dans une nouvelle République, laquelle, en remettant à zéro les compteurs de la limitation des mandats, l’autoriserait à se présenter de nouveau en 2016. Thomas Boni Yayi, n’a pas encore désigné de dauphin or, nombreux [9] sont ceux qui voudraient être copté par le peuple pour le remplacer au soir du 6 avril 2016, date de la passation de pouvoir.

Même si pour le moment nul ne peut convaincre les 9 millions de Béninois que leur président est dénué de toute arrière-pensée coupable, son attitude est considéré comme suspecte. Prudence élémentaire, de la part d’un homme soucieux de garder les mains libres pour les trente mois qui le séparent de la cérémonie des adieux ou d’entretenir le suspens jusqu’au bout du tunnel ? Il est permis de douter au sens cartésien du terme car, au dire de certains observateurs, Docteur Boni Yayi est « un ovni, en quelque sorte, et qui aurait lu, dans la Bible cette sentence pleine de sagesse : Prends soin de ton nom car il te restera plus longtemps que tout l’or du monde ». En attendant, le grand jeu des chaises musicales continue.

La révolution de la jeunesse Burkinabaise doit enfin être vue sous l’angle d’une nouvelle tonalité, afin d’interroger la véritable réalité des pratiques de gouvernance en Afrique, 50 ans après les indépendances.

Au regard de ce qui se passe sur le continent, « A quoi sert le pouvoir politique en Afrique » devient une question essentielle pour le peuple et pour toutes les personnes qui ont pour préoccupation fondamentale l’avènement d’une société ouverte en Afrique [10]. Il est temps d’éviter et d’éloigner les instabilités constitutionnelles qui perdurent car, il est regrettable de parler de valeurs des constitutions africaines alors qu’une Constitution chasse l’autre à un rythme de plus en plus rapide. Il est temps que les Etats africains stabilisent leurs Constitutions à travers la mise en place d’institutions fortes et non d’hommes forts qui après des décennies passées au pouvoir laissent derrière eux une population à bout de force et un Etat à la recherche de ses marques. Le départ de Blaise Compaoré doit être pris comme un signe avant coureur pour les autres présidents dont les limites des mandats ont été atteintes mais aussi, à ceux qui s’accrochent au pouvoir alors que leur âge ne leur permet plus de gouverner avec lucidité et qui sont en décalage des réalités que vivent leur peuple et à ceux qui organisent les élections pour ne pas les perdre au prix de multiples magouilles, de tripatouillages ou de kleptomanies. La révolution de la jeunesse Burkinabaise doit enfin être vue sous l’angle d’une nouvelle tonalité, afin d’interroger la véritable réalité des pratiques de gouvernance en Afrique, 50 ans après les indépendances.

Copyright Novembre 2014- Nana Ngassam/Diploweb.com


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[1GONIDEC (Pierre-François), « A quoi servent les constitutions africaines ? Réflexion sur le constitutionnalisme africain », RJPIC, n° 4, Octobre-décembre, 1988, p. 849.

[2Les manifestations des mois de juin et juillet 2014 ont démontré leur capacité à mobiliser. Celles de 2011, couplées à de nombreuses mutineries, avaient révélé l’ampleur du malaise qui touche aussi bien les soldats du rang que les commerçants, les étudiants ou encore les fonctionnaires.

[3Le Balai citoyen a été formé par les artistes et chanteurs Smockey et Sams’k le jah pour mobiliser les jeunes, s’inspirant de Y’a en marre au Sénégal, organisant des concerts, des manifestations, des actions sanitaires et sociales. Indépendant des partis, ils ont en commun l’objectif de se battre contre la révision de l’article 37 de la constitution

[4Annonce faite par John Kerry, le Secrétaire d’Etat américain lors de sa visite le 04 mai 2014 à Kinshasa. « Washington exhorte Joseph kabila à abandonner le pouvoir en 2016 », Jeune Afrique, 4 mai 2014. jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20140504160324/

[5A la présidentielle de 2009, alors que la candidature d’Ange-Édouard Poungui de l’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (UPADS) étaient rejetée, le Front des partis de l’opposition du Congo (FPOC) appelait au boycott sans retirer ses candidatures, dont celles de Matias Dzon et de Clément Mierassa. Le FPOC a également boycotté les législatives de 2012 qui ont donné une majorité de 89 sièges sur 136 au Parti congolais du travail (PCT) de Sassou Nguesso, lui ouvrant déjà le chemin vers une révision constitutionnelle. Voir à ce sujet, Régis Marzin, « En 2015 et 2016, la limitation du nombre de mandats des présidents africains, un levier pour accélérer la démocratisation ? Afrika Express, 15 octobre 2014.

[6Matias Dzon est le président de l’union patriotique pour le renouveau national (UPRN), également ancien ministre des Finances de 1997 à 2002.

[7Extrait repris par le journal L’œil neuf n° 10 du 03 mars 2014.

[8L’accord de paix d’Arusha marque la fin de la guerre civile burundaise en 2000.

[9Radio-trottoir et radio-couloir, sa consoeur cravatée, bruissent des noms des candidats d’ores et déjà en lice : Abdoulaye Bio-Tchané bien sûr, qui fut en 2011 l’un des principaux concurrents de Boni Yayi ; Pascal Koupaki, son Premier ministre jusqu’au 8 août dernier, qui ne cache gère ses ambitions ; Issifou Kogui N’Douro, géographe passé par l’Organisation internationale de la francophonie, ancien responsable de la Défense lui aussi limogé il y a un mois ; l’actuel ministre des Affaires étrangères, Nassirou Bako, sans oublier Marcel de Souza, le beau-frère. Voir à ce sujet, « Bénin : Docteur Boni & Mister Yayi », jeuneafrique.com/Article/JA2747p030.xml0/

[10Maître Jean Claude Katende, « A quoi sert le pouvoir politique en Afrique ? », audace-afrique.net

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